Trois coffrets de dentisterie
du 19e siècle par Blanc à Paris

Nous ne savons pas grand chose de Blanc, coutelier, fabricant d'instruments de chirurgie, qui exerçait 22 rue de l'Ecole de médecine, au coin de celle du Paon, comme l'indique l'étiquette marque de fabrique de certains de ses coffrets :

(cliquer sur les vignettes pour les agrandir)

On sait simplement qu'il était le successeur, et probablement l'élève d'Henry, célèbre fabricant d'instruments chirurgicaux installé au 28 rue de l'Ecole de médecine. Une étude à son sujet mériterait d'être faite. Examinons trois de ses coffrets de dentisterie.

COFFRET DE CHARLES CASABON

Un collectionneur parisien, correspondant de l'ASPAD, possède un important coffret en palissandre avec filets et coins en laiton dont la plaque à poignée escamotable du couvercle porte gravée le nom de son propriétaire Charles Casabon.

Coffret de Charles Casabon par Blanc.

A l'intérieur du coffret est gravé " Blanc à Paris " sur la plaque de serrure. A l'ouverture on est surpris par le grand effet que donnent des instruments en acier poli et manches ivoire remarquablement bien disposés. Il est garni de velours rouge Bordeaux, avec deux plateaux superposés et latéralement une petite pharmacie de quatre flacons.

Le plateau supérieur comporte douze instruments à nettoyer, spatule et fouloirs en acier poli avec de gros manches en ivoire, ainsi qu'un porte fraise manuel avec son manche moins important permettant plus facilement la rotation. Un miroir de bouche, une clef de Garengeot, une langue de carpe, ainsi qu'un magnifique porte-foret à vis d'Archimède, tous à manches ivoire d'éléphant marqués Blanc, complètent ce plateau.

Quatre petits boutons d'ivoire permettent l'ouverture des compartiments de l'écrin pour y ranger les différentes fraises, forets et pannetons de la clef de Garangeot. Une élégante sonde double de Ricci en acier poli est située sur le côté.

Détails d'instruments dont le porte-foret de type vis d'Archimède.

Il est facile d'imaginer les quatre instruments manquants de ce plateau : Comme très souvent une paire fine de ciseaux et probablement un bistouri scalpel pliable dans l'espace libre à coté de la sonde. Manque aussi le corps de seringue en métal argenté comme en témoignent les embouts restants. Les brûlures noires du tissu de l'écrin nous signalent que devait se trouver un porte " pierre infernale " ou crayon au nitrate d'argent pour cautériser les gencives.

Le plateau inférieur comporte une douzaine de daviers en acier poli avec certaines pièces en acier bleui. Le porte-foret de type vis d'Archimède est peut être de la maison Charrière, voisin direct de Blanc. On retrouve exactement ce même instrument, sous le marquage Charrière dans d'autres ensembles. De même dans la collection de l'ancien musée Fauchard dans une série d'instruments marqués Charrière on trouve une petite scie marquée Blanc. Probablement pour certains instruments il devait y avoir une collaboration entre confrères.

Ce prestigieux coffret doit dater des années 1850-1860. C'est manifestement un travail de très grande qualité alliant l'éclat de la finition du poli de l'acier rendu très brillant au reflet des manches en ivoire sur le fond rouge de l'écrin.

LE COFFRET DE F. ACHARD

Ce coffret et le suivant appartiennent à un membre de l'ASPAD.

Il s'agit d'un coffret en palissandre à filets de laiton et plaque à poignée escamotable incrustés dans l'ébénisterie du couvercle. Sur la plaque est gravé : F. Achard.

Le coffret de F. Achard par Blanc.

A l'ouverture on est étonné de découvrir des instruments dorés avec de beaux manches ivoire sur le fond du velours bleu soutenu de l'écrin. Le coffret est constitué de deux niveaux. Le plateau supérieur est garni de dix instruments à nettoyer, scalpel et spatule, d'un miroir de bouche grossissant orientable, d'une paire de ciseaux, d'une importante sonde double de Ricci, d'un beau porte-fraise manuel avec réserve de fraises dans le manche en ivoire marqué Blanc.

Plateau supérieur du coffret.

Le niveau inférieur laisse voir deux élévateurs " langue de carpe " et une très belle clef de Garengeot avec trois manches ivoire différents. Sont présents aussi trois daviers à manches guillochés, dorés, frappés Blanc. Quatre porte-empreintes dorés garnissent le reste de ce niveau.

Niveau inférieur

Cet ensemble tout or et ivoire a beaucoup d'allure. Ce coffret était incontestablement destiné à une certaine patientèle. Les praticiens de l'époque semblaient savoir déjà très bien communiquer. On peut essayer de dater ce coffret vers 1870.

Détails d'instruments dont le porte-fraise manuel. Clef et langues de carpe. Les porte-empreintes.

Comment était obtenue la dorure sur les instruments en acier ?
A cette époque pas moins de cinq procédés étaient employés :

  • Dorure au mercure par application d'un amalgame d'or avec évaporation du mercure par chauffe.
  • Dorure à froid et " au pouce " avec de la poudre d'or.
  • Dorure au feu avec de l'or en feuille et brunissage.
  • Dorure par immersion ou au trempé en plongeant le métal dans un bain de chlorure d'or et bicarbonate alcalin.
  • Dorure galvanique (dès 1840) par électrodéposition dans un bain de cyanure de potassium et cyanure d'or.

Blanc devait bien connaître la dorure car Henry, son prédécesseur, produisait déjà des instruments dorés ou avec des éléments en vermeil. Pour les instruments de ce coffret la qualité, la finesse et la régularité de la dorure nous incite à penser qu'il a été pratiqué une dorure galvanique sur des aciers bien polis.

UN TROISIèME COFFRET DE BLANC

Le troisième ensemble n'a malheureusement plus son coffret d'ébénisterie.

L'ensemble des instruments par Blanc.

C'est un ensemble très homogène qui nous est parvenu directement des praticiens utilisateurs dans une boîte en fer complètement rouillée, ce qui explique la coloration des manches en ivoire. Les instruments ont été beaucoup utilisés.

Il est constitué de onze instruments à nettoyer, fouloirs, spatule, curette en acier avec manches en ivoire et viroles métal argenté. S'y ajoutent un magnifique Pélican manche en ivoire rotatif pour réglage de l'écartement avec sa virole en argent, une clef et un élévateur manches en ivoire, un tiretoire modulable à trois branches en acier, tous frappés Blanc.

Les instruments d'extraction Le tiretoire modulable

Quatre porte-équarrissoirs à manche d'ivoire pour aléser les logements de tenons radiculaires et cinq daviers à manches guillochés en acier nickelé font aussi partie de cet ensemble.

Les porte-équarrissoirs Les daviers nickelés

Les manches en ivoire des instruments et les daviers (non marqués Blanc et nickelés au lieu d'être dorés) sont identiques à ceux du coffret de F.Achard.

La présence des daviers nickelés, à moins qu'ils aient été rajoutés plus tardivement, nous oblige à dater cet ensemble après 1870. En effet le procédé du nickelage industriel a été mis au point par Isaac Adam, à Boston en 1869, et ses applications introduites en France par L.A.Gaiffe quelques temps plus tard. Proposons 1875 car le nickelage n'est pas de bonne qualité et le tiretoire en acier n'a lui pas été nickelé.

Nous avons examiné trois coffrets manifestement d'un excellent facteur, mais qui malheureusement est très mal connu et non répertorié dans les différentes études sur les couteliers de cette période. L'exceptionnelle qualité du coffret de Charles Casabon est comparable à celle de Charrière à la même époque. L'examen des deux autres ensembles nous a permis de nous intéresser à la dorure et au nickelage.

Photos du coffret de Charles Casabon par son collectionneur, avec sa très aimable autorisation. Photos des deux autres ensembles par l'ASPAD.

 
     

 

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