Une des plus anciennes pharmacopées d’Europe à la BIU Santé

Une acquisition exceptionnelle vient enrichir les collections patrimoniales du Pôle pharmacie de la BIU Santé : la Concordi[a]e pharmacopolarum Barcinonensium, ou « Pharmacopée de Barcelone », dans son édition de 1535, est l’une des plus anciennes pharmacopées imprimées d’Europe après celle de Florence publiée en 1499. Cette acquisition a été réalisée avec le soutien de CollEx-Persée, infrastructure de recherche chargée par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche de favoriser l’accès aux chercheurs des gisements documentaires.

Le professeur Olivier Lafont, président de la Société d’histoire de la pharmacie, nous en dit plus sur cet ouvrage qui rejoindra très prochainement la bibliothèque numérique de la BIU Santé Medic@ :

Incipit, fol. 1r

« Seuls deux autres exemplaires de cette seconde édition de la pharmacopée de Barcelone sont répertoriés, encore n’y en avait-il aucun en France (on ne connaît qu’un seul exemplaire de la première édition de 1511). Le mot latin Concordia signifie : concorde, entente, harmonie. Il symbolise ici le fait que les apothicaires de Barcelone étaient tombés d’accord pour publier, en bonne entente avec les médecins de la ville, un formulaire destiné à servir de référence pour leur communauté. L’état matériel du livre est excellent, si ce n’est que la première page est absente et qu’un feuillet a été partiellement arraché. L’ouvrage relié en parchemin, totalement rédigé en latin et imprimé en caractères gothiques, se divise en plusieurs sections.

La première, la plus développée, ne comporte pas de titre, mais débute par un électuaire dont le nom « Electuarium de aromatibus », composé en caractères gras, en tient lieu. Elle traite à la fois des électuaires, des confections, des hières et des antidotes, tout en comportant accessoirement quelques poudres, une série de loochs, des sucres, quelques mellites, ainsi que des décoctions. La seconde partie est titrée : « De Syrupis », mais n’aborde pas exclusivement les sirops, puisqu’elle regroupe des formes apparentées, miels, mellites , oxymels et « oxisacchara » (ou oxycrat). Vient ensuite une très courte rubrique intitulée : « De collyris ». La section suivante, « De Trochiscis » est suivie de la partie intitulée « De pilulis » Cette association ne manque pas de logique, puisque trochisques et pilules sont des formes galéniques apparentées. Les médicaments externes ne se trouvent pas négligés, puisqu’une rubrique intitulée : « De Unguentis et Cerotis » regroupe onguents et cérats, et se trouve suivie d’une autre, « De Emplastris », qui aborde les emplâtres. La dernière thématique envisagée est celle des huiles médicinales, « De Oleis ». Le dernier feuillet se termine, en outre, par le colophon qui précise la date d’impression : 22 septembre MDXXXV. La table alphabétique des matières n’occupe pas moins de treize pages.

Colophon, fol. 90v

Les formules regroupées dans cette pharmacopée comportent généralement une mention du nom de leur auteur, avec parfois la précision de l’ouvrage dont elles sont tirées. L’auteur le plus souvent cité est incontestablement Mesue – ou plus exactement Pseudo Mesue. Le nom de Nicolas (en principe de Salerne) se trouve également très souvent cité, Platearius, l’auteur du Liber Iste et du Circa Instans, est peu mentionné, alors que Rhazès, comme Avicenne, font l’objet de plusieurs citations. Parmi les auteurs plus récents, se distinguent « Gilabertus Anglicus », Gilbert l’Anglais, auteur au XIIIe siècle d’un Compendium Medicinae, ou le célèbre Arnauld de Villeneuve désigné par son seul prénom « secundum Arnaldum », ou encore Guy de Chauliac qu’évoque la mention « secundum Guidonem ». Petrus Hispanus plus connu sous son nom de Pape Jean XXI est également cité.

Pierre de Argileta, Barthélémy de Montagnana, auteur d’un ouvrage intitulé : « Concilia Medica » en 1475, Pierre d’Abano, auteur du Conciliator en 1310 et quelques médecins locaux font l’objet de rares, voire uniques, citations.

On rencontre également des mentions faisant allusion non à un auteur particulier, mais à un usage répandu, comme : « secundum usum » ou à une pratique nouvellement apparue : « secundum usum modernorum », ou encore la formule plus personnelle : « ex inventione nostra ».

Lettrine historiée représentant la Résurrection, fol. 1r

L’ouvrage ne comporte pas d’illustration mais la page qui ouvre le texte présente un encadrement de bordures constituées d’une succession d’anges sur trois côtés et d’un décor Renaissance avec des sphinges sur l’autre. Une lettrine de grande taille mêle plusieurs étapes de la Résurrection. Cette scène évangélique s’avère bien adaptée à un électuaire d’aromates, en raison de la présence de Marie-Madeleine portant son pot. Dans la suite du texte, des lettrines plus petites et plus modestement ornées viennent égayer l’impression.

L’ensemble de cette pharmacopée n’est pas sans évoquer, par le fond comme par la forme, le Nuovo Receptario publié en 1498, lui-aussi imprimé en caractères gothiques, à Florence. »

Le calendrier des Dievx d’août : hipster ou triton ?

Le calendrier d’août met à l’honneur un hispster-sirène triton. À cette occasion, et dans le cadre de notre série de collaborations avec de jeunes chercheurs, nous avons souhaité laisser la tribune à Clarisse Evrard, agrégée de lettres classiques et doctorante en histoire de l’art moderne (université Lille 3 / École du Louvre). Elle travaille sur la représentation de l’univers chevaleresque dans la majolique italienne du Cinquecento et porte également un intérêt particulier aux figures de l’animalité et aux monstres dans les arts décoratifs de la Renaissance.

La rentrée verra aussi la publication de son article «La mise en dialogue de l’image dans la majolique italienne du Cinquecento, de la surface peinte à l’objet signifiant» dans le n° 23 de la revue de l’AHAI.

Monstres et Renaissance

Télécharger le calendrier d’août 2017.

Dans le Prologue de Gargantua (1534), Rabelais évoque la «tératologie ornementale» qui envahit les arts décoratifs de la Renaissance en décrivant les «petites boîtes, comme celles que nous voyons à présent dans les boutiques des apothicaires, sur lesquelles étaient peintes des figures drôles et frivoles : harpies, satyres, oisons bridés, lièvres cornus, canes bâtées, boucs volants, cerfs attelés, et autres figures contrefaites à plaisir», posant d’emblée la relation complexe entre imaginaire littéraire et source scientifique dans la création artistique du monstrueux. Et, en effet, quand on imagine les arts décoratifs du début du XVIe siècle1, l’on pense aux grotesques2, mascarons, termes et caryatides, autant de figures hybrides omniprésentes dans les réalisations du Pinturicchio, de Giovanni da Udine et de Raphaël pour l’Italie et dans les décors bellifontains ou les gravures de Jacques Ier Androuet du Cerceau pour la France.

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Société d’histoire de la pharmacie : séance du 22/03/17

SHPCe mercredi 22 mars 2017 s’est tenue la séance de la Société d’histoire de la pharmacie dans la Salle des Actes de la Faculté de pharmacie de Paris. Si vous n’avez pas eu l’occasion d’y assister, en voici un bref résumé.

Après l’annonce des informations relatives à l’actualité de la SHP et de l’histoire de la pharmacie par le secrétaire général Bruno Bonnemain, quatre interventions se sont succédé durant cette séance présidée par le professeur Olivier Lafont, président de la SHP.

The Bolduc House Museum, Sainte Genevieve, Missouri
The Bolduc House Museum, Sainte Genevieve, Missouri

Bruno Bonnemain a fait le récit d’un séjour de plusieurs mois effectué en Amérique du Nord, à la découverte des monuments historiques et musées consacrés à l’histoire de la pharmacie. Parmi les lieux remarquables qu’il a eu la chance de visiter, on citera la Maison Bolduc à Sainte Geneviève dans le Missouri, le Musée des Hospitalières de l’Hôtel-Dieu de Montréal ou encore le Monastère des Augustines à Québec.

Remy Bellenger : Le Laboratoire Dausse, une histoire de familles, 1824-1929

Couv-DausseRemy Bellenger a retracé l’histoire d’une entreprise familiale florissante, le Laboratoire Dausse, à l’occasion de la parution de son ouvrage Le Laboratoire Dausse : une histoire de familles (1824-1929) publié aux éditions L’Hexaèdre. À partir de ses archives familiales et de nombreuses sources historiques, il a pu reconstituer le parcours de son ancêtre Amans Dausse, pharmacien de métier. Propriétaire d’une officine située au 10, rue de Lancry à Paris, Amans Dausse rencontre un certain succès dans la fabrication et la vente de remèdes et médicaments. En 1834, il fonde le Laboratoire Dausse, spécialisé dans la fabrication de médicaments à base de plantes.

Vous pouvez découvrir la suite de cette saga industrielle et familiale en vous procurant l’ouvrage de Remy Bellenger ici.

Bruno Bonnemain : Le Journal de pharmacie et de chimie en 1917

Bruno Bonnemain, Secrétaire général de la SHP, a analysé la publication du Journal de pharmacie et de chimie au cours de l’année 1917, à travers le prisme de la Grande Guerre. Les nouvelles du front et le contexte politique et idéologique de l’époque influent sur le contenu d’une publication spécialisée, à travers des articles portant sur des sujets d’ordre technique (rôle des vêtements dans l’infection des blessures de guerre, accès à l’eau potable sur le front…) ou plus général (l’industrie pharmaceutique en Russie, la production des alcaloïdes en temps de guerre…). En parallèle à l’événement, le Journal de pharmacie et de chimie maintient une politique éditoriale plus classique en abordant des thèmes connexes tels que la chimie alimentaire avec la polémique autour du lait écrémé par exemple, ou encore l’histoire de la pharmacie.

Sophie Jacqueline : Étude pharmaco-archéologique des baumes de momification en Égypte ancienne

Bec d'ibis momifié, collection privée
Bec d’ibis momifié, collection privée

Sophie Jacqueline, lauréate du prix de thèse de la Société française d’histoire de la médecine, nous a présenté l’étude pharmaco-archéologique qu’elle a réalisée dans le cadre de sa thèse d’exercice sur les baumes de momification en Égypte ancienne. De nouvelles méthodes d’analyse permettent de mieux connaître les méthodes de momifications, ainsi que la composition des baumes et des substances participant à la conservation des corps. Cette étude a été conduite selon un cadre méthodologique très strict, composé successivement d’un examen macroscopique, d’un examen scannographique, d’un examen à loupe binoculaire, d’une analyse élémentaire et enfin d’une analyse chromatographique. L’examen d’artefacts et de crânes de momies datant de l’Égypte ancienne permet d’affiner et d’approfondir les connaissances historiques et scientifiques relatives aux techniques d’embaumement. Sophie Jacqueline poursuit actuellement ses études dans le cadre d’un doctorat à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines sur l’apport des techniques médico-légales dans l’art premier.

Pour en savoir plus : Jacqueline, Sophie. « Les produits d’embaumement égyptiens : nouvelles données pharmacologiques ». Histoire des sciences médicales, 2016, Vol. 50 (1), pp. 43-52.

Olivier Lafont : Masséot Abaquesne en vente publique à Paris, durant le dernier quart du XXe siècle

Vase bi-ansé préempté par le Musée de la Renaissance, vente Ricqlès Drouot, 20 octobre 1996
Vase bi-ansé préempté par le Musée de la Renaissance, vente Ricqlès Drouot, 20 octobre 1996

Olivier Lafont a reconstitué le parcours de pots de pharmacie décorés par le célèbre faïencier du XVIe siècle Masséot Abaquesne dans une série de ventes publiques qui se sont tenues à Paris durant le dernier quart du XXe siècle. Ces pots, dont certains peuvent être identifiés avec exactitude grâce à la signature du maître, se caractérisent par l’emploi de motifs en rinceaux et de figures de profil, typiques de l’école de faïencerie rouennaise de la Renaissance. Leur cote marchande a varié au cours des décennies en fonction de leur originalité, de leur rareté et de leur état, ainsi que de la fiabilité de leur attribution à Abaquesne. Ces pots ont circulé de collections privées en collections privées, réapparaissant occasionnellement lors de ventes publiques au cours des dernières décennies, jusqu’à rejoindre les collections publiques de musée pour certains d’entre eux. À travers l’histoire de ces objets se dessine en filigrane l’histoire du marché de l’art à la fin du XXe siècle.

Pour ceux d’entre vous qui souhaitent admirer de plus près les œuvres de Masséot Abaquesne, une exposition intitulée « Masséot Abaquesne, l’éclat de la faïence à la Renaissance » se tient actuellement et jusqu’au 23 avril prochain au Musée de la Céramique de Rouen.

La prochaine séance de la Société d’histoire de la pharmacie se tiendra le mercredi 7 juin 2017.

Catherine Blum