Recherche et observations naturelles sur la production de plusieurs pierres, principalement de celles qui sont de figure de coquille, et de celles qu'on nomme corne d'Ammon, sur la petrification de quelques parties d'animaux. Sur les principes des glossopetres. Sur la pierre estoilée, et sur l'embrasement du Mont Gibel ou Etna arrivé en l'an 1669.
Par M. Boccone, sicilien, qui en a fait à diverses fois le discours et les démonstrations, dans l'Académie de Mr. L'abbé Bourdelot.
A Paris, chez Claude Barbin, au Palais, sur le second perron de la Sainte Chapelle, 1671.

Cet ouvrage est constitué de plusieurs lettres portant sur les sujets décrits dans le titre. La sixième de ces lettres est suivie d'un entretien entre Paolo Boccone et un seigneur de la cour (pp. 82-112). Cet entretien fictif fournit de nombreuses indications sur les conditions du séjour parisien de Paolo Boccone. La transcription qui suit respecte absolument l'orthographe et la ponctuation du document original. La BIUM conserve un exemplaire de cet ouvrage, consultable sous la cote 41466.

S

Qui êtes-vous ?

B

Je suis un sicilien de la ville de Palerme qui m’appelle Boccone

S

Quoy, venir de si loin à Paris ! Pour quelle raison avez-vous entrepris un si long voyage ?

B

C’est le desir et l’inclination que j’ay d’apprendre, et la reputation que le Roy de France a de favoriser les belles lettres, et parce que l’Italie n’estant pas si riche que les autres Païs, elle ne peut pas si facilement récompenser ceux qui donnent tout leur temps et leurs peines à l’estude des belles Sciences. Voilà les raisons pour lesquelles je suis venu à Paris.

S

Je suis satisfait ; mais s’il vous plaît, que faites-vous ? et quelle est votre profession ?

B

Je suis un Herboriste.

S

Depuis quel temps vous estes-vous appliqué à cette aymable science des Simples ?

B

Il y a environ vingt ans

S

Mais que pensez-vous de la science des Simples ? et que dites-vous des grandes merveilles que tous les Autheurs nous en racontent, dites-m'en vostre sentiment ?

B

Je ne peus dire autre chose, sinon que la connoissance des simples est necessaire, et qu’elle est belle et bonne : mais

S

Que veut dire ce mais ?

B

Que cette connoissance est vaste et etenduë, et que tous les gens de lettres qui veulent sçavoir la proprieté des plantes, doivent commencer dès les premiers elements. Et parce que les sçavans en cette science sont ordinairement si jaloux de leurs secrets, que les découvertes qu’ils y ont faites s’ensevelissent pour l’ordinaire avec eux, et que le public perd par ce moyen l’avantage de beaucoup d’experiences tres utiles ; il est important de se servir du secours de ceux qui se sont acquis des lumieres en cette science, soit par leurs propres experiences, soit par les conoissances qu’il ont receuës des Habitans de divers pays qu’ils ont parcouru.

S

Un homme donc intelligent et adroit, pourroit apprendre beaucoup de choses dans ses voyages ?

B

Je n’en doute pas.

S

Le sejour de Paris vous plaist-il ?

B

C’est le plus gay, et le plus commode que puisse choisir un homme de bon sens.

S

Est-il bien vray ? Vous autres Italiens estes trop entestez des beautez de vostre pays et partant je crois que ce que vous en dites est un effet de complaisance et de flatterie ?

B

Je parle comme je pense, et pour vous en donner une pleine assurance, c’est que je cherche les moyens de demeurer à Paris.

S

Quel motif vous porte à souhaiter ce sejour, et quelle chose vous y agrée le plus ?

B

C’est ce concours admirable de personnes intelligentes dans toutes sortes de sciences, et l’estime qu’on y fait des gens curieux, les Conferences qui s’y font chez les Sçavans me plaisent infiniment ; comme aussi les nouvelles experiences que l’on y fait assez frequemment, et les livres qui concernent toutes les professions differentes, et que l’on trouve en quantité dans cette grande Ville. La veüe d’une infinité de choses nouvelles qui s’y passent, la correspondance merveilleuse qu’on y a avec le reste du monde, tout cela ensemble me donne une satisfaction particulière.

S

Est-il vray que vous fassiez aussi des conférences dans vostre maison ?

B

Cela est vray, et j’ay commencé dès le mois d’Avril.

S

De quoy y parle-t’on ?

B

Des plantes, des Animaux des Pierres, des Metaux, des Mineraux et de tout ce que la Nature renferme dans son sein de plus rare et de plus curieux.

S

Quel ordre y tenez-vous ?

B

Je l’ay declaré publiquement dans une Affiche adressée aux personnes d’esprit et aux curieux, et si vous le trouvez bon, je vous en diray le contenu.

S

J’en suis content

B

Si entre tant de doctes Medecins et d’honnestes gens, il s’en trouve qui soient bien aises de conferer, pour eclaircir et verifier les especes les plus douteuses des Plantes et oster la confusion qui se rencontre chez les Autheurs qui en ont écrit ; je m’offre de faire deux fois le mois des Conférences dans ma maison expressement sur ce sujet.

L’entrée en sera libre à tous les curieux et intelligens dans l’étude de la Botanique.

Chacun pourra apporter jusques à demy douzaine de plantes ou fraîches ou seches pour les examiner ; elles doivent estre choisies, des plus curieuses et des plus rares, les communes ne vallant pas la peine de les rechercher.

Et parce que le temps ne permettra pas d’examiner dans une Conference toutes celles qu’on pourroit apporter et que chacun voudroit qu’on examinât les siennes, on tirera au billet pour sçavoir celles qui seront les premieres examinées, puis on viendra au second et au troisieme ensuite, comme marquera le sort du billet. Il y aura huit places pour le cercle, esquelles on conferera et determinera la plume à la main, et ceux qui seront autour ou écoûteront simplement, ou s’occuperont à chercher les passages des livres dont on aura besoin.

J’auray deux livres de papier blanc pour le service de la conférence, dans l’un desquels on écrira toutes les opinions, et tous les noms donnez aux Plantes ; et dans l’autre on mettra la plante mesme dans le naturel , et cela pour pouvoir confronter le nom du premier livre avec la plante du second ; et la peine que nous y prendrons sera utile pour tout le temps de l’Assemblée.

Il s'agit donc plutôt d'un herbier sec que d'un herbier en impression naturelle.

Pour empescher qu’il n’y ait de l’embarras dans la conférence, et éviter la confusion dans les voix de l’Assemblée, il y aura huit plumes, desquelles chacun pourra se servir pour mettre son sentiment par écrit, et quand la chose sera establie et enregistrée, on effacera les écrits particuliers d’un chacun, parce nostre dessein ne tend qu’à éclaircir les Plantes obscures et inconnuës, et non pas à taxer d’ignorance les personnes d’estude qui pourront s’y trouver.

On trouvera dans ma chambre des livres de Botanique, pour confronter la plante avec la figure d’icelle et puis on pourra establir ce qu’il y aura de plus certain, le tout avec honneur respect les uns aux autres, et le plus de modestie que faire se pourra. Si quelque critique dit que nous fassions des conférences et questions de noms, à cela je répons, que nous tâchons de sçavoir le véritable nom de la Plante, pour n’y estre point trompés parce que tous les jours on fait des equivoques prenant l’une pour l’autre. Il me souvient qu’en Sicile ils tiennent comme Article de foy que l’Abrotanum odoratum humile Dodonaei, est l’Absinthuim ponticum officinarum qui est une erreur dont je les ay avertis ; Et si nous considerons ce qui se passe aux autres Pays, nous trouverons qu’on s’abuse souvent en pareilles occasions, et qu’il se faut des qui pro quo parmy ceux qui negligent cette estude.

Comme dont plusieurs Plantes ont esté fort mal nommées, ou negligées, ou encore fort mal décrites, et que quantité d’autres ne l’ont point esté du tout ; ajoutez que la culture et la diversité des Climats les rend tout-à-fait méconnoissables ; j’estime que leur examen fait par plusieurs personnes, sera fort utile.

Un homme quelque versé qu’il puisse estre dans cette profession, fait mille fautes, s’il ne communique avec les autres, parce que six personnes ont fait plus de voyages et plus vû de plantes qu’un seul.

Les plantes communes que l’on reconnoit aisément, seront aussi-tost determinées, et on passera à d’autres.

S’il arrivoit que quelqu’un presentât quelque plante nouvelle, ou d’un pays éloigné comme des Indes, en ce cas on proposera le nom le plus approchant, on en remarquera la difference, et on consultera soigneusement les livres qui traitent des Plantes de ce pays là comme Christophe a Costa , Hernandes , Tulpius, Piso , Margrave etc que s’il veut la description de ces plantes nouvelles pour sa satistaction et son estude particuliere, il pourra faire voir son travail dans la conférence ;

Christophe A Costa : C. 1515-1580. Jésuite, auteur d'une histoire des plantes aromatiques des Indes Orientales.

Hernandes : Francisco Hernández, médecin du roi Philippe II d'Espagne dans la seconde moitié du XVIe siècle et responsable d'une expédition au Mexique entre 1570 et 1577.

Piso : Sans doute Guillaume Piso, auteur d'un Tractatus de arundine saccharigera, Cliuis, 1660.

Mais pour n’empescher pas les exercices ordinaires, on choisira une ou deux personnes pour examiner cette description, avec le pouvoir de corriger et ajoûter les remarques qu’on y auroit obmise, et le tout se fera hors la conférence.

Avant que d’en sortir, chacun doit prendre une liste des Plantes qui y auront esté examinees et determinees, et on donne la liberté de proposer ses doutes là-dessus dans la suivante conférence.

Si les estudians en Medecine, et les jeunes Apoticaires desirent de luy une repetition particulière sur le sujet des plantes pourveu qu’ils en apportent avec eux une ou plusieurs, il leur dira le nom de la Plante, et l’Autheur qui en a parlé, et leur fera confronter la description dans les livres, et il leur montrera ce qu’il sçait ; il pourront commencer dès à present , et on leur apprendra autant de plantes qu’ils en apporteront avec eux.

J’avertis icy que pour parvenir à une connoissance mediocre des plantes, il faut voyager, chercher, feuilleter quantité de livres de botanique, et faire des conférences, et à chacune de ces choses, il faut assigner quelque heure particulière dans le jour, et ce faisant, on apprendra en deux mois, ce qu’on n’auroit pû autrement apprendre en un an.

Cette profession est si agreable, si curieuse et si divertissante, que les Damoiselles mesmes ne font point de difficulté de s’y adonner comme on dit qu’en Angleterre, elles y sont tres affectionnées, et je croy que la France ne cede rien en cela à la curiosite des Dames d’Angleterre. A Lyon j’ay enseigne deux Dames de condition, l’une appellée Mademoiselle Riou, et l'autre Mademoiselle de Montceaux, lesquelles en trois mois de temps, connurent presque toutes les plantes qui naissent dans cette contrée.

En Italie j’ay enseigne quelques gentils-hommes de premiere qualité. Voilà ce que je vous peus montrer selon ma capacite, tant dans la connoissance particulière des Plantes, que dans l’étude des choses naturelles.

La conférence se fera le Jeudy a un heure apres midy, tous les quinze jours une fois. Je demeure On attendrait une localisation après ce verbe: elle ne figure pas dans l'édition imprimée de 1671. Mais l'organisation du discours conduit à penser que tout le texte qui précède doit être interprétée comme la lecture du placard publicitaire de Paolo Boccone.
S

Dites-moy qu’avez vous montré à ceux qui sont allés chez vous ?

B

Dans les premieres conférences j’ay parlé de plusieurs choses, et entre les autres, j’ay montré.

La feüille et le fruit du Musa Serapionis qui vient en Egypte.

Le Bois appellé Aspalatus Caesalpini.

Ebur Fossile, ou Unicornu Minerale.

Le Besoard mineral trouvé en Sicile.

Le Papyrus de Sicile qui est une espece de l’ancien papyrus d’Egypte. La forme tout à fait affirmative du propos ne doit pas faire oublier que la question du papyrus des anciens et de son assimilation au papyrus sicilien est l'un des problèmes botaniques les plus célèbres de la seconde moitié du XVIe siècle. Sur ce point, Melchior Wieland, J. C. Scaliger et Ulisse Aldrovandi se sont abondamment expliqués.
Une espece de Bol trouvé en Sicile.

Piper Canarium Frag. Lugd. Linscot

Tethye Ulyssi Aldrovandi .

Aldrovandi : Botaniste de Bologne (1522-1605).

Et dans les dernieres

Le Thymum Capitatum, Verum Creticum

Le lapis Dendrites

Plusieurs morceaux de Crystal pour en examiner la nature

Stella Marina de trois especes, décrites par Rondeletius et Fabius Columma.

Rondelet, médecin de Montpellier.

Penna Marina, de deux especes.

Le squelette d’un enfant, et une grande main bien conservée.

Palma Marina,sive Manus Marina, sur une coquille.

Une vertebre petrifiée.

Un morceau de bois petrifié.

Rosa Hiericontina.

Lapis spongiae, siue spongitis.

Vesicaria Marina, dicta Favago Aristotelis.

Lapis coruuli piscis.

Plusieurs especes de Alcyonum de Dioscoride.

Lapis lyncis sive Belemnites.

La semence de l’Arachidna décrite par Bodaeus a Stapel laquelle est renfermée dans une gousse, attachée à une des fibres de la racine, contre l’ordinaire des autres plantes.

Une Pierre trouvée à Malthe que semble estre un ramas d’œufs de poisson petrifiez.

Semence du Ricinus Americanus dans sa coque .

La Pierre appellee Amiantos dont on fait le linin combustible.

La semence de Laserpitium Gallicum.

Le veritable Amios, qui entre dans la composition de la Theriaque.

Le veritable Epithymus, tiré sur le thym de Crete.

On y a exposé les vertus de la Plante appellee Sophia Chirurgorum, pour voir si on avoit quelque experience certaine à son sujet.

Une comparaison faite de langues de serpens de Malthe, avec celles des dents du Poisson dit Carcharias, ou chien de mer.

Et parce que ce sont des choses inconnuës pour la plus part aux Estudians en Medecine, je leur donne l’occasion d’examiner les choses dans la nature, et cet exercice n’a pas déplu à quantité d’honnestes gens

S

Si les choses se font avec ordre, vostre conférence mérite bien d’estre frequentée de toutes sortes de personnes, et sur tout des jeunes gens, qui ont dessein d’embrasser une profession, à la quelle la connoissance des choses naturelles est necessaire.

B

Ceux qui y ont assisté en peuvent rendre témoignage.

S

Qu’avez-vous apporté de curieux de Scicile ?

B

J’ay apporté beaucoup de plantes pour les presenter à sa Majesté Très-Chrestienne pour embellir par leur rareté le Jardin Royal, et je croy que celles que j’ay apportée sont les plus rares et les plus curieuses qu’on puisse trouver dans l’Italie et la Sicile que j’ay parcourües exprés pour en avoir.

S

Il faut que vous montriez toutes ces choses curieuses à M. Vallot, qui cherche continuellement, et avec empressement les plantes étrangeres qui sont de valeur, afin de rendre le jardin du Roy le plus magnifique qu’il pourra. Faites en sorte de luy donner cette satisfaction, et en la luy donnant vous n’en recevrez pas une moindre.

B

Je luy ay déjà fait offre des Semences, mais il ne les voulut pas accepter dans la croyance qu’elles étoient vieilles, et par ainsi qu’elles ne pourroient pas prendre racine, se persuadant par cette raison que ce seroit une peine inutile de les semer dans le jardin Royal.

S

Et vous que répondîtes-vous au refus qu’il en fit ?

B

Je luy dis que je ne demandois aucune satisfaction de celles qui ne viendroient pas, mais seulement de celles qui prendroient racine et croîtroient.

S

C’est fort bien dit, mais neanmoins ne laissez pas de le voir encore une fois : Car je vous diray, qu’il est fort affectionné au service de sa majesté, et fait son possible pour correspondre aux bonnes intentions du Roy dans sa charge ; et comme c’est une personne tres entendüe dans la connoissances des simples aussi bien que dans toutes autres, il les recevra sans doute, et vous demeurera mesme obligé.

B

Je suis tout prest à luy proposer encores une fois ; et même pour contenter M. Vallot, j’ay semé de mes semences, la plus grande partie des quelles sont fort bien venuës , et les ay montrées à des personnes tres experimentées en cette connoissance, qui m’ont dit qu’elles estoient fort rares en France. Parmi celles qui sont sorties, il y a quelques espéces de Iacea, Limonium, Gallam ferens, Kali lignosum floridum, Heliochrysum, Abrotani foeminae foliis etc, toutes estrangeres, et outre les susdites Plantes, j’ay esté assez heureux pour voir naistre chez moy à Paris la Plante appellée par Imperatus Struthium, sive herba lanaria, laquelle si nous en croyons Bauhin dans le Pinax, n’a esté trouvée que d’Imperatus, et il est à remarquer qu’à Florence, et mesme à Padoüe, ou il y a quantité de curieux, ils n’ont pas jusqu’à présent pu avoir toutes celles que j’ay apportées à Paris.

Imperatus Struthium : Ferrante Imperato, médecin et botaniste italien.
S

Ne vous impatientez pas, prenez courage, et j’espere que vous viendrez à bout de vostre dessein : car quand Mr le premier Medecin du Roy verra que vous aurez tant avancé, endubitablement il vous sera favorable.

B

Monsieur, je vous remercie de vos bons avis, et demeure votre tres-affectionné serviteur et je vous diray en passant que par tout où j’ay esté, je n’ay point trouvé des personnes de qualité plus disposées à apprendre les sciences et à les favoriser, que dans le Royaume de France.

S

Dites-moy, je vous prie avez-vous quelque connoissance en cette ville ?

B

Oüy, Monsieur, et j’ay apporté beaucoup de lettres de recommandation à Paris, et entre autres, j’en ay apporté une de monseigneur de Valencé, grand prieur de France à Malthe, et une autre de Monsieur Gornia, aujourd’hui premier Medecin de Monseigneur le Grand Duc de Florence : Comme aussi de Monsieur Viviani grand Mathematicien, de Monsieur Carlo Dati et de Monsieur Migliarini, aussi Medecin à Florence.

S

Dites-moy, s’il vous plaît , à quelles personnes s’adressoient ces lettres ?

B

Il y en avoit une à M. Tevenot, à M Cassini, à M. Pequet, à M. Migliarini, à M. Vallot, à M. L’abbé Ménage et à M. Calcavi.

S

Monsieur, vous avez esté recommandé à de tres habiles gens, et qui passent pour des veritables sçavans ? Vous estes-vous fait connoître de quelques personnes à Paris ?

B

De plusieurs, et principalement des gens de lettres, comme de Messieurs Gamar, Jonquet, Gavois, Cousinot, Laubly, l’abbé Montreuil, Denys, Rohault, Maury, Justel, l’abbé Bourdelot, l’abbé Talemant, de Monseigneur le premier President et de Monseigneur le Prince.

S

Vous avez fort bien fait. Revenons maintenant à nostre discours sur la Physique : J’ay dessein d’amasser, et former un Cabinet curieux, afin que les gens d’estudes puissent examiner diligemment toutes les choses naturelles, qui peuvent servir, tant à la physique qu’à la Medecine.

B

Monseigneur, vous vous acquerrez en cela une reputation digne de vous, en travaillant aussi pour le bien public, et je m’asseure que tout le monde fera des vœux pour vostre prosperité.

S

Monsieur, vous qui avez quelque connoissance en ces choses, je vous prie de me donner un moyen pour y bien reussir, et me dites de quelle manière vous vous comporteriez s’il vous falloit faire de mesme ?

B

Monseigneur, pour vous obeir, je vous diray que cela seroit difficile à toutes autres personnes qu’à sa Majesté, parce qu’elle a des Ministres et sujets de grande conduite, et bien entendus, où à quelque personne de la première qualité comme vous, Monsieur, je vous assure que si vous aviez entrepris ce dessein vous en viendriez facilement à bout : Car si des personnes privees comme Imperatus et Calceolarius ont fait un assez beau recueil de ces choses exquises, à plus forte raison vous, Monseigneur, à Paris où la politesse et l’abondance de toutes ces choses rares et curieuses règnent depuis si long temps.

Francesco Calzolari, pharmacien de Vérone dans la seconde moitié du XVIe siècle. On lui doit en particulier un compte-rendu d'une expédition botanique menée sur le Monte Baldo, dans la région de Vérone.
S

Descendons au particulier, et voyons comment vous vous y comporteriez.

B Premierement, Monseigneur, je ferois chercher par toute la France, vers la marine, dans la campagne, dans les lieux où il y a des cabinets curieux, comme celuy de Monsieur Dhuisseau à Saumur, et de Monsieur Grabusat à Lyon , pour faire venir tout à Paris, et non seulement des terres, des coquilles, des animaux, des petrifications ;
mais encore ces monstres, et d’autres curiositez dignes d’être examinées selon ce qui se lit dans huit livres de Dioscoride, Pareus , Aldrovandus , Calceolarius, Caesalpinus , Gesnerus , Rondeletius, Bellonius , Imperatus, Wormius, Caesius, et autres semblables.

Ambroise Paré

Ulisse Aldrovandi (cf. supra). Les œuvres botaniques d'Aldrovandi sont pour l'essentiel restées inédites. Seule la Dendrologie a été publiée au XVIIe siècle par les soins de l'un de ses élèves.

Cesalpino, auteur d'un De plantis publié en 1583 dans lequel l'auteur décrit de façon systématique la morphologie des plantes.

Conrad Gesner (1516-1565), naturaliste zurichois

Pierre Belon du Mans (1517-1564).

On ne peut bien perfectionner l’estude des choses de la Nature, qu’en les examinant dans le naturel, et dans l’original par des experiences frequentes ; Ainsi vous avez fort bien fait de penser à ramasser tous les materiaux ; il faudra employer des gens sçavans et adroits, pour voyages, tant dedans que dehors le Royaume, et par ce moyen on découvrira diverses choses rares et curieuses.

Pour faire voir la necessité de cette recherche, on doit considerer, qu’il y a plusieurs années qu’on ne sçavoit point, qu’il y eust en France des Mines d’Ametiste, et d’autres pierres dures, et cependant on en a découvert quantité. Apres cela, le commerce que la France a dans l’Inde peut rendre cette recherche plus etenduë et plus utile.

S

Vous m’avez satisfait, et je me souviendray de vous à la première occasion.