Les pionniers de la Dermatologie

par le Docteur Daniel Wallach
président de la Société Française d'Histoire de la Dermatologie
dwallach@noos.fr

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Livres de dermatologie édités en ligne dans leur intégralité

Deux livres pionniers en iconographie de la dermatologie

En dermatologie plus que dans d’autres spécialités, l’iconographie, on pourrait dire aujourd’hui l’imagerie, joue un rôle de premier plan. Tous les modes d’illustration ont été mis à profit pour reproduire les lésions cutanées dans un but pédagogique et scientifique. Il est important cependant de garder à l’esprit que malgré la visibilité immédiate des lésions qui différencie la pathologie cutanée de la pathologie des organes internes, l’illustration ne saurait suffire à la description ni à l’enseignement. On pourrait même probablement soutenir que l’illustration fait partie de la pensée dermatologique et la représente : les auteurs attentifs à la description des lésions élémentaires, selon la méthode inventée par Robert Willan, feront reproduire de petits fragments de lésions ; ceux qui privilégient une vision interniste de la maladie cutanée, comme Alibert et son élève Hardy que nous présentons ici, illustreront leur doctrine et leurs propos de représentations de personnes malades dans leur globalité.

La représentation d’une maladie de peau met en scène trois personnes : (1) le malade, personne souffrante d’une maladie handicapante et affichante pour laquelle, à l’époque dont nous parlons, la thérapeutique était modeste ou inexistante. (2) le médecin, et il s’agit ici des plus brillants, de ceux qui ont fait progresser les connaissances de façon décisive (3) l’artiste, dessinateur, peintre, photographe, ou mouleur, qui met son art au service du vrai plus que du beau, puisqu’évidemment une maladie de peau ne saurait être un objet d’admiration.

Nous avons choisi de présenter ici deux ouvrages qui ont marqué l’histoire de la dermatologie française :

ALIBERT, Jean-Louis. -  Clinique de l'hôpital Saint-Louis ou traité complet des maladies de la peau Paris : Cormon et Blanc, 1833. Cote BIUM : 02221

La « Clinique de l’hôpital Saint-Louis » est un des deux ouvrages majeurs de Jean-Louis Alibert (1768-1837), le fondateur de l’Ecole de dermatologie de l’hôpital Saint-Louis. Il s’agit d’un grand in-folio édité en 1833.

Alibert avait exercé à l’hôpital Saint-Louis de 1801 à 1815, et cette période très brillante avait été marquée par la publication d’un premier grand in-folio, « Description des maladies de la peau observées à l'Hôpital Saint-Louis », illustré de 53 gravures en couleurs, dont la plupart seront reprises dans la « Clinique ». La classification utilisée dans la « Description » est héritée des auteurs anciens, avec en premier les maladies de la tête, teignes et pliques, puis les maladies du reste du corps. De 1815 à 1829, Alibert, médecin des rois Louis XVIII et Charles X, laissera son service à l’hôpital Saint-Louis aux mains de son élève Laurent-Théodore Biett.

Au cours des années suivantes, Biett développera un enseignement moins brillant que celui d’Alibert mais plus efficace, basé sur une classification des maladies de peau à partir de leurs lésions élémentaires, selon la méthode développée par les britanniques Robert Willan et Thomas Bateman. Alibert qui concevait la dermatologie différemment passera plusieurs années dans un relatif secret à élaborer sa pensée, qu’il exposera dans la « Clinique », et illustrera avec le célèbrissime « Arbre des Dermatoses », dont une magnifique version figure sur le frontispice de l’édition numérique. Bien que la classification d’Alibert et nombre de ses conceptions aient été, dès leur exposé, très discutées, son oeuvre reste une des plus brillantes de la dermatologie française.

HARDY, Alfred Louis Philippe / MONTMEJA, A (de). -  Clinique photographique de l'hôpital Saint-Louis Paris : Chamerot et Lauwereyns, 1868. Cote BIUM : 37462

Alfred Hardy (1811-1893), Professeur de pathologie interne, médecin de l’hôpital Saint-Louis de 1851 à 1873, était particulièrement intéressé par les progrès et les innovations. En 1866, il eut connaissance des premières applications à la dermatologie de la technique photographique (invention datant de 1839) par Alexander John Balmanno Squire à Londres.

Hardy confia alors à un de ses élèves, A. de Montmeja, le projet d’étudier ce nouveau procédé d’iconographie. Montmeja deviendra chef de clinique en ophtalmologie et à ce titre était particulièrement intéressé par le prolongement de la vision humaine que représentait la technique nouvelle de la photographie.

Montmeja devint donc le photographe de Hardy, et dirigea l’atelier où furent réalisées les premiers clichés photographiques, clichés en noir et blanc ensuite coloriés, par des « mains habiles, (...) sous mes yeux, avec la sanction de M.Hardy».

Les photographies portent toutes la signature de A. de Montméja, avec la mention : Ad naturam phot. et pinx. : photographié et peint d’après nature, ce qui signifie probablement que la retouche coloriée, au pinceau et à l’aquarelle, était ajoutée « d’après nature », en présence du malade.

Le résultat du travail de Hardy et Montmeja, appelé Clinique photographique de l’hôpital Saint-Louis fut publié en 14 fascicules entre 1867 et 1868. La collection complète de 50 photographies d’excellente qualité, fut regroupée en un volume (cote 37462 de la BIUM).

Beaucoup plus proches de la réalité que les dessins et gravures, et aussi beaucoup moins coûteuses, les photographies allaient s'imposer comme le moyen idéal de communication et d’enseignement de la

Autres ouvrages numérisés en intégralité

KAPOSI, Moritz. -  Leçons sur les maladies de la peau / vol. 1
Paris : Masson, 1881. traduction française de Ernest Besnier et Adrien Doyon
Cote BIUM : 44049x01

KAPOSI, Moritz. -  Leçons sur les maladies de la peau / vol. 2
Paris : Masson, 1881. traduction française de Ernest Besnier et Adrien Doyon
Cote BIUM : 44049x02

Pendant la seconde moitié du dix-neuvième siècle, la renommée de l’Ecole de Paris déclina au profit des Universités allemandes. En dermatologie, l’Ecole fondée à Vienne par Ferdinand von Hebra (1816-1880) et reprise par son successeur et gendre Moriz Kaposi (1837-1902) attirait le plus grand nombre d’étudiants et de médecins étrangers.

La rivalité entre la France et les pays germaniques, qui culmina avec la guerre de 1870, était très vive sur le plan universitaire.

La traduction en français des leçons de Moriz Kaposi fut un évènement important car elle contribua à faire connaître aux français les conceptions de l’Ecole germanique, différente à bien des points de vue de celles des auteurs français. Elle est l’oeuvre d’Adrien Doyon (1827-1907), germaniste accompli, fondateur des Annales de Dermatologie, et d’Ernest Besnier (1831-1809) , médecin de l’hôpital Saint-Louis, leader de la dermatologie française qui devait diriger en 1900 la rédaction de « La Pratique dermatologique », ouvrage collectif encyclopédique. Comme on verra, Doyon et Besnier ne se sont pas contentés de traduire Kaposi. Ils ont longuement commenté son texte, introduisant en quelque sorte un second ouvrage dans celui qu’ils traduisaient, et exposant les points pour lesquels ils étaient en désaccord avec le Maître viennois.

ROSEMBAUM, Julius. -  Histoire et critique des doctrines des maladies de la peau considérées particulièrement sous le rapport de la genèse des formes élémentaires Paris, 1845. traduction de Charles Daremberg. In Annales des maladies de la peau et de la syphilis, vol. II, 1845. Cote BIUM : 90959x97x03

La question des doctrines et des classifications est récurrente en histoire de la dermatologie. Cet exposé de 1844 par Julius Rosembaum, traduit par Charles Daremberg et publié dans le périodique d’Alphée Cazenave, permet d’avoir une vision relativement moderne des doctrines anciennes.