La vie fulgurante d'un génie par le Dr Nicolas DOBO

Thoirette, petit village du Jura situé au pied des montagnes, à 40 km de Nantua.

Le 14 Novembre 1771 naissait Marie-François Xavier BICHAT. Le petit Xavier a de qui tenir. Son père, Jean-Baptiste, médecin, a obtenu l'un des premiers en France, le double doctorat de médecine et de chirurgie institué par la Faculté de médecine de Montpellier. Il s'installe bientôt à Poncin, bourgade de l'Ain où il succède à un oncle dans la profession. En 1770, il réussit à épouser sa cousine grâce à une dispense papale. C'est chez ses propres parents à THOIRETTE (Jura) que la jeune mariée accouche de son premier-né, Xavier.

 

La maison natale 
de Bichat à Thoirette

(clichés Martine Clerc)

A l'âge de six ans, il manque de mourir de la variole. Il suit l'enseignement primaire à Poncin jusqu'à l'âge de onze ans, puis chez les Joséphistes au collège de NANTUA, où il supporte stoïquement le régime rigoureux de cet ordre et où le surprendra la Révolution.

Nantua : Petite ville du Jura, à 40 km de Bourg en Bresse. Dans une cluse qui traverse le Jura. Eglise romane du XIIe siècle, ancienne abbatiale d'un monastère fondé au VIIIe siècle. Lac de Nantua à 2 km.

La Chapelle du 
Collège de Nantua
(cliché Martine Clerc)

En 1790, Xavier quitte Nantua pour LYON ; il entre au Séminaire Saint-Irénée où les Sulpiciens, en charge de l'établissement, acceptent des jeunes gens qui ne se destinent pas obligatoirement à la prêtrise mais désirent étudier la philosophie.

Pendant les vacances scolaires, Xavier accompagne son père chez les malades et tire parti de son enseignement d'anatomie au point qu'il dissèque, la nuit, les chats tués au lance-pierre.

Pendant l'hiver 1790-91, le nouveau maire de Lyon exige que les professeurs de Saint-Irénée prêtent le serment demandé par le nouveau régime ; s'ils refusent, des nouveaux sont nommés, d'où d'interminables chahuts organisés par nombre d'élèves.

M. BICHAT père juge prudent de retirer son fils qui entre bientôt comme interne à l'Hôtel-Dieu, Xavier y rencontre un maître, Marc-Antoine PETIT , chirurgien de vingt cinq ans seulement, qui multiplie les "audaces" médicales, opère les cancers, les anévrismes, etc.

L'Hôtel-Dieu

Avec un tel maître, le jeune Xavier progresse rapidement mais les évènements se précipitent. Tout en poursuivant de jour son activité à l'hôpital, il assure , la nuit, un poste de garde national et participe activement à la bataille de l'Hôtel de Ville du 10 août 1792. Il sera nommé chirurgien surnuméraire à Saint-Irénée, transformé en hôpital complémentaire.

BICHAT

Mais en septembre 1793 un décret pris par la municipalité ordonne aux non-lyonnais de quitter la ville. Le jeune BICHAT retourne chez son père à Poncin. A vingt-deux ans, il s'engage dans l'Armée des Alpes et se retrouve nommé chirurgien surnuméraire à l'Hôpital de Bourg-en-Bresse. Il n' y reste pas longtemps. Bientôt mis en disponibilité, il part tenter sa chance à Paris. Elle va lui sourire sous les traits d'un nouveau maître, le prestigieux chirurgien Pierre DESAULT qui officie à l'Hôtel-Dieu de la capitale.

Bourg-en-Bresse : Petite ville de l'Ain, à A 44 km de Lyon. Sur la rive de la Reyssouse. Eglise Notre-Dame des XVIe et XVIIe siècles, Eglise de Brou.

DESAULT

DESAULT et BICHAT

 

C'est alors une sorte d'immense et immonde mouroir : 2.400 malades s'y partagent, parfois à 6, quelque 1.620 lits dans des conditions d'insalubrité alarmantes encore aggravées par les événements. C'est là qu'échoue finalement le jeune BICHAT, vite remarqué par le grand DESAULT, qui en fait son élève, son adjoint, qui le loge sous son toit et le considère comme son fils spirituel. Chez les DESAULT, Xavier rencontre le gotha médical de l'époque : PINEL , l'homme qui libère les fous et les soigne comme des malades, CABANIS , toxicologue distingué, CORVISART , futur médecin de l'Empereur...

CABANIS PINEL

Sommité médicale, DESAULT est désigné par la Convention pour soigner l'enfant du Temple, Louis XVII, que d'aucuns prétendent avoir été remplacé par un imposteur. Est-ce pour cela ? Mais DESAULT qui a touché du doigt la fameuse "énigme du Temple", meurt brusquement, décès qui ressemble fort à une liquidation politique.

 

BICHAT

Bichat prend le relais à l'Hôtel-Dieu et fonde, rue des Grès (actuellement rue Cujas) un cours privé d'anatomie. BROUSSAIS , LAENNEC , DUPUYTREN sont ses élèves fidèles et enthousiastes. BICHAT s'emploie la nuit, à récupérer dans les cimetières de la capitale, les cadavres qui lui sont cédés par les gardiens, contre quelques sous. Expéditions qui manquent mal tourner la nuit où le professeur et ses deux adjoints sont arrêtés par la maréchaussée, en possession de six cadavres !

LAENNEC

BROUSSAIS

DUPUYTREN

Heureusement, BICHAT est devenu une célébrité du monde médical. Dès 1796, avec quelques autres jeunes médecins dont Dominique LARREY , qui prônent comme lui l'observation directe de la maladie, il fonde une "SOCIETE D'EMULATION" bientôt rejointe par PINEL, FOURCROY et CORVISART.

FOURCROY CORVISART

Le 22 Septembre 1798, vu le nombre important des élèves (300), BICHAT loue, 16 rue des Carmes, un immeuble de quatre étages à la place de la rue des Grès où il enseigne l'anatomie, et la physiologie basée sur la vivisection.

Le 1er juillet 1799, BICHAT est admis à la Société de médecine de Paris qui correspond aujourd'hui à notre Académie de médecine et il publie le "Traité des membranes".

En 1801 l'infatigable savant publie ses "Recherches physiologiques sur la vie et la mort", où il lance l'axiome sur lequel discuteront des générations de médecins et de philosophes dont SCHOPPENHAUER : "la vie est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort" . Puis, il entreprend la rédaction de l'"Anatomie appliquée à la physiologie et à la médecine" en quatre volumes. Deux seront terminés, les deux autres seront rédigés par le Pr ROUX et son cousin BUISSON .

ROUX

Exténué, surmené, BICHAT meurt brusquement d'une méningite tuberculeuse le 22 Juillet 1802. Il n'a que trente-et-un ans. Il repose aujourd'hui au cimetière du Père-Lachaise. Son effigie figure sur le fronton du Panthéon. En annonçant son décès à BONAPARTE, CORVISART écrivit : "il a agrandi la science médicale ; nul à son âge n'a fait autant de choses et aussi bien". Pour Flaubert plus tard, "la médecine moderne est sortie du tablier de BICHAT".

Louis HERSENT. - Bichat mourant
(entouré de ses amis les Drs. Esparron et Roux)

La Maison mortuaire
14 rue Chanoinesse à Paris
(cliché Martine Clerc)

La tombe de Bichat au cimetière du Père-Lachaise
(clichés Martine Clerc)

 

(d'après "Bichat la vie fulgurante d'un génie" Dr Nicolas Dobo, Dr André Role.- Ed. Perrin, 1989)