XXXVe congrès - Cos, 2 au 8 septembre 1996

par Roger MAYER

La Société internationale d’histoire de la médecine (SIHM) organise tous les deux ans un important congrès.

Ces dernières années, il s’est tenu successivement à Paris (1982), au Caire (1984), à Düsseldorf (1986), à Bologne (1988), à Anvers (1990), à Grenade (1992) et à Glasgow (1994).

Rappelons qu’il y a trente-six ans, la SIHM avait déjà choisi Cos pour son XVlle Congrès, qui eut lieu en septembre 1960, sous la présidence du Pr Spyridion Oeconomos.

Les fouilles du site archéologique, commencées en 1838 furent achevées en 1935.

Le musée renferme exclusivement des pièces en provenance du site sacré de Delphes, parmi lesquelles l’Omphalos de la Terre, le Sphinx des Naxiens, et la très fameuse statue en bronze de l’Aurige.

La SIHM fut en effet fondée — en 1921 — par le grand-père du Dr Jean-Pierre Tricot, le Pr Jean-Joseph Tricot-Royer (1875-1951), soutenu par de nombreux amis, dont le Dr Paul Delaunay et le Pr Maxime Laignel-Lavastine.

On sait qu’ lgnace de Loyola (1491-1556), alors jeune officier de la milice de Guipuzcoa, fut grièvement blessé lors du siège de Pampelune (1521). La jambe droite fracassée par un boulet, il reçoit tout d’abord des soins d’urgence. Le résultat de cette première intervention fut médiocre, laissant un fort raccourcissement avec angulation. Il fallut alors procéder à une réintervention, avec ostéotomie et extension continue, que l’auteur relate dans le détail, en précisant que cette technique ne faisait que reprendre l’enseignement d’Hippocrate ! C’est à la suite de cette blessure qu’lgnace de Loyola se convertit et fit retraite à Montserrat puis à Manresa, où il connut l’expérience mystique. C’est alors le début d’une nouvelle vie, qui allait le conduire à la création de la Compagnie de Jésus, dont il fut élu Préposé général en 1541.

Augusta Klumpke (1859-1927), américaine de San Francisco, arrive à l’âge de 11 ans en Europe avec sa mère et ses cinq frères et soeurs. Après des séjours en Allemagne et en Suisse, elle se fixe à Paris en 1877, où elle entreprend des études de médecine. Elle fut la première femme à être nommée interne titulaire des Hôpitaux de Paris au concours de 1886 et elle épousa, en 1888, le neurologue Jules Déjerine (1849-1917) avec lequel elle publia de nombreux travaux.

Ce bel exposé relate l’histoire du "mal des Ardents", lié aux famines de l’An mil, qui conduisit le peuple à consommer du pain de seigle ergoté. En l’absence d’explication rationnelle, ce fléau avait comme seul remède le recours aux saints, tout particulièrement à Saint-Antoine le Grand, ermite de la Thébaide (251-356). Ses ossements ayant été ramenés de Constantinople en Dauphiné, c’est en 1095 que fut fondé l’ordre hospitalier des Antonins, dont l’Abbaye-mère était à Vienne près de Lyon. Cet exposé se termine par l’évocation des recherches de Stoll et Hoffmann (de Sandoz), allant du tartrate d’ergotamine à la bromocryptine.

Le "Platane d’Hippocrate" se trouve sur la Place Platanou de Cos. Son tronc mesure 12 mètres de circonférence et ses branches latérales —d’une très grande envergure — doivent actuellement être soutenues par une armature métallique. Cet arbre, vieux de plusieurs siècles, n’est vraisemblablement pas — quoi qu’en dise la légende — de l’époque d’Hippocrate.

Troisième du Dodécanèse par sa superficie (290 km2), l’île de Cos est bordée d’un littoral long de 113 km. Elle bénéficie d’un climat doux, et abonde en sources thermales jaillissant d’un sol fertile sur lequel poussent oliveraies, vignes et vergers. Elle compte environ 20 000 habitants, dont un bon nombre s’occupe de pêche et d’agriculture, d’artisanat et de navigation, alors que d’autres se vouent au tourisme qui a vécu, ces dernières décennies, un spectaculaire essor.

C’est en Grèce — et plus précisément dans l’île de Cas — que s’est tenue, cette année, la 356 réunion, organisée par le Pr. Spyros G. Marketos (Athènes) et la Fondation internationale hippocratique de Cos, du 2 au 8 septembre dernier et qui a réuni près de 380 membres appartenant à 40 nations1.

Les participants étaient tout d’abord conviés — à partir de l’étape d’Athènes - à deux excursions d’une journée, à Delphes d’abord, puis à Athènes même. A Delphes, la visite du célèbre site archéologique2 et du sanctuaire d’Apollon, sur le massif du Kirphis, fut suivie de la découverte du musée archéologique3 puis, l’après-midi, du monastère byzantin d’Ossios Loukos, célèbre pour ses superbes mosaïques. Le lendemain, consacré à Athènes, permit la visite de l’Acropole et du Parthénon, mais aussi de découvrir le stade olympique de 1896, le monument de Lysicrate et le temple d’Héphaistos.

A Cos, trois jours avant le Congrès, avaient lieu — du 31 août au 2 septembre — la première Olympiade internationale de la médecine, ainsi que la célébration du 606 anniversaire de la Société médicale hellénique de New York.

Le mardi 3 septembre, en fin d’après-midi, la cérémonie d’ouverture du Congrès débuta par un exposé magistral du Dr J.-P. Tricot (Belgique), secrétaire général de la SIHM, relatant l’histoire de la Société, qui fête cette année son 756 anniversaire4. Ce discours d’introduction fut suivi de divers exposés, dont nous citerons D’Hippocrate à la médecine prédictive (J-C. Sournia, France) ainsi que Hippocratic medicine as an important key for holistic and integrative medicine at the turn of the 2nd millenium (K. Otsuka, Japon).

Du mercredi 4 au vendredi 6 septembre, c’est dans trois salles simultanément qu’étaient présentées les diverses communications, groupées en quatre grands thèmes:

• origines et influences de la médecine hippocratique.

• Histoire des hôpitaux.

• Les femmes dans l’histoire de la santé.

• Quelques types de médecine dans les anciennes civilisations.

Il est évidemment impossible dans le cadre d’un bref article de donner un reflet complet de toutes ces communications. Nous n’en présenterons donc ici qu’un aperçu, sous la forme d’un bref survol.

Sur le thème Origines et influences de la médecine hippocratique, nous avons retenu les exposés suivants: lconographic analysis of Hippocrates image in the l4th century byzantine codex (A.A. et A.H. Diamandopoulou, Grèce), What has Darwin done for Hippocrate ? (P.J. James, Grande-Bretagne), The influence of galenic and hippocratic medicine on arabic islamic medicine (K. El Hadidy, Egypte), et Translation de l’oeuvre d’Hippocrate du grec à l’arabe : principaux traducteurs et commentateurs(S. Ammar, Tunisie). Par ailleurs, les présentations suivantes méritent aussi d’être mentionnées : Le culte d’Asclépios dans les anciennes monnaies des antiques cités anatoliennes (I. Uzel, Turquie), Les prémices de l’endoscopie spéculaire ou canulaire dans le Corpus hippocraticum (A. Segal et col)., France), Hippocratic basis of Kneipp’s order therapy (J. Moerchel, Allemagne), Traitement hippocratique d’une blessure de guerre au XVIe siècle : l’exemple d’lgnace de Loyola (C.F. Roques, France)5.

Sur le thème Histoire des hôpitaux, on notera l’intérêt particulier de : Les hôpitaux d’enfants à Bordeaux (J. Battin, France), de L’hôpital Saint-Louis à Paris: un hôpital de spécialités au XIXe siècle (G. Tilles, France), ainsi que de Hospitals in Tunisia in the XIXe Century (R. Mabrouk, M. Zitouna, Tunisie), et The hospital of Rhodes during the sovereignty of the knights of St John’s order (P. Emmanouil, Grèce).

Sur le thème Les femmes dans l’histoire de la santé, on trouvait - entre autres - au programme: E. Bacunina :Russian sister of mercy at the Crimean war (T.S. Sorokina, Russie), Feminisation of the medical profession in Poland (H. Hanczarek, Pologne), Femmes dans la discipline psychiatrique en France avant 1939 (F. Jacob, France), Augusta Klumpke Dejerine et la description de la para-ostéo-arthropathie (C.F. Roques, France) 6 et The woman’s course in medicine: from witch to doctor (F. Koumoura, Grèce).

Enfin, sur le sujet Quelques types de médecine dans les anciennes civilisations, nous citerons plus particulièrement: Genital diseases and sexual diseases in Gallo-roman folkmedicine according to Marcellus empiricus (R.A. Bernabeo, O. Galeazzi, Italie), A post-traumatic syndrome of Alexander the great(J. Lascaratos, Grèce), Cardiology in ancient Egypt (E. Boisaubin, USA), et Du feu de Saint-Antoine épidémique et des Antonins à l’ergotisme iatrogène sporadique (J. Battin, France) 7.

Sous le titre de Varia s’ajoutaient encore à ces grands thèmes une soixantaine d’exposés, dont nombre étaient de qualité, et que nous ne pouvons citer ici dans le détail, ainsi que la présentation d’une vingtaine de posters.

Signalons aussi qu’un riche programme culturel était offert en option aux congressistes, comprenant plusieurs excursions. Nous en citerons ici deux. Tout d’abord une journée qui fut consacrée à la visite de l’île de Cos : la ville elle-même, son château médiéval, son musée archéologique et — "monument incontournable" — le fameux platane d’Hippocrate, relique vénérable et vénérée8, ainsi qu’un parcours dans toute la longueur de l’île, avec une halte aux charmants villages de Pili et de Terminons ce récit en disant que ce fut une semaine Zia ainsi qu’à la ville antique d’Astypalia 9. Ensuite, une deuxième journée d’excursion, sous forme d’un périple en bateau, emmenant les visiteurs sur les îles de Psérimos et de Kalimnos, cette dernière célèbre par ses pêcheurs d’éponges, avec, au retour, le passage du golfe de Cos, face à la ville d’Halicarnasse, patrie d’Hérodote. Terminons ce récit en disant que ce fut une semaine en tout point réussie, où chacun put alterner science historique et détente, dans un lieu de rêve, très symbolique des origines de la médecine. Précisons enfin que le prochain congrès de la SIHM se tiendra en Tunisie — à Hammamet — en septembre 1998.