L. 41.  >
À Claude II Belin,
le 5 mai 1638

Monsieur, [a][1]

Je vous remercie de la vôtre datée du 2d de mai. Je savais bien comment vous aviez chassé les loyolistes, [1][2] M. de Blampignon, [3] que j’avais rencontré par hasard chez M. Bobé, me l’avait conté. Mais je suis bien aise qu’avez ainsi traité le galant Bompain, [4] de quo optime coniecisti : ille ipse est quem novisti baccalaureum in medicina[2] J’ai ici une de ses thèses, [5] en laquelle il se nomme Ioannes Bompain Constantinas. C’est la ville de Coutances [6] au pays de Sapience, vulgo [3] Normandie. C’est pourquoi vous ne devez pas vous étonner s’il est impudent, hoc enim est de patria ; [4] ils sont effrontés comme gueux qui veulent loger et qui pensent que tout est dû à leur prétendu mérite, et fallaci fucatæque suæ sanctitati, qua rudioribus imponunt[5] Vous ferez fort bien si a cervicibus vestris loyoloticum hocce iugum procul depuleritis[6][7] Valère Maxime [8] raconte que la police de la ville de Marseille [9] était autrefois si bonne qu’ils n’y laissaient jamais entrer aucun bouffon ni baladin : Nullum aditum in scenam mimis dando, etc., omnibus autem qui per aliquam religionis simulationem alimenta inertiæ quærunt, clausas portas habet, et mendacem et fucosam superstitionem, submovendam esse existimans[7] Ne voilà pas les moines [10] bien dépeints, aussi bien que par ce vers de Virgile : [11]

Immunis residens aliena ad pabula fucus ? [8]

Mandez-moi si vous avez la Iesuistographia, qui commence par Opulentas civitates, ubi sunt commoditates, semper quærunt isti patres, etc., [9] car si ne l’avez, je vous en ferai faire une copie et vous l’enverrai. Je l’ai céans imprimée dans un livre in‑fo. Faites virilement tous vos efforts contre ces gens-là car ils sont dangereux jusqu’au bout.

Sunt antica bovis, muli postica timenda ;
Ex omni monachus parte timendus homo est
[10]

Je pense que savez bien la mort du prince d’Éthiopie [12] et son épitaphe, sinon, je vous l’enverrai. [11] Il y a ici la peste [13] chez M. le chancelier[14] trois hommes en ont été emportés. Un nommé Le Roy, [15] Manceau, chirurgien de Son Éminence, [16] et ei dilectissimus[12] est ici mort de plaies qu’il reçut il y a environ 15 jours, dans le bois de Boulogne, par des voleurs. M. Bourdelot, [13][17] qui a travaillé sur le Lucien [18][19] et le Pétrone, [14][20] est mort aussi. Et ce matin est mort M. d’Espeisses, [21] conseiller d’État, par ci-devant maître des requêtes et ambassadeur en Hollande ; c’est dommage de lui, il était fort savant. [15] Il se fiait à un barbier qui le pansait d’un érysipèle [22] au bras, [16] auquel s’est mise une gangrène [23] qui l’a emporté. [17] Je ne sais rien qui vaille de la guerre. Les gens de bien ont bonne espérance de la grossesse de la reine. [24] Plura alias[18] Je vous baise très humblement les mains, à mademoiselle votre femme et à monsieur votre frère, avec dessein de demeurer toute ma vie, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur.

Patin.

De Paris, ce 5e de mai 1638.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 5 mai 1638

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(Consulté le 28/04/2024)

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