L. 631.  >
À Claude II Belin,
le 25 août 1660

Monsieur, [a][1]

Je dois réponse à deux des vôtres, dont la seconde me fut hier rendue par monsieur votre fils. Cet avocat de Rouen est un fou, dignus vinculis Hippocratis[1] Je ne sais rien du Rabelais, [2] pas même s’il est commencé, car je n’en apprends rien ; on m’en avait autrefois assuré, mais je n’en vois point d’effet. [2] Je n’apprends rien de la Vie de M. Naudé, [3] je pense qu’elle ne s’imprimera point car elle n’est point achevée. Pour le traité de Serpentibus, de Gesner, [3][4] je n’en puis traiter si je n’ai quelqu’un qui aille à Francfort, [5] mais nos libraires n’y trafiquent point ; peut-être que dorénavant il en viendra quelqu’un de deçà.

Il est mort un honnête homme de libraire à Lyon nommé M. Devenet. [6] Le public y fait une grande perte, il s’en allait imprimer toutes les œuvres d’Érasme [7] en sept volumes in‑fo que nous eussions eus à bon compte. On a imprimé à Amsterdam [8] depuis peu toutes les œuvres de Io. Wierus [9] in‑4o, et un Commentaire d’un certain malheureux chimiste nommé William Davidson [10] in Ideam philosophicam medicinæ Petri Severini, Dani, etc[4][11] Tout cela ne vaut rien, il se disait autrefois ici docteur en médecine de la Faculté d’Aberdeen en Écosse, se vantait d’avoir des secrets contre la vérole. [12] Vautier [13] lui promettait quelque chose, mais néanmoins, de peur de mourir ici de faim, il s’en alla en Pologne, et fit bien. Sa femme était assez belle et gagnait plus que lui. Theses Sedanenses de P. Du Moulin [14] et autres ministres sont achevées à Genève, nous en attendons ici. [5] Le P. Vavasseur, [15] jésuite, s’en va faire imprimer in‑fo un commentaire sur Job[6][16] et le P. Briet, [17] son Asie[7] Nous avons une histoire de la ville d’Autun in‑4o[8][18] J’attends bientôt le S. Georgius Cappadox, miles cataphractus du P. Théophile Raynaud, [19] de Lyon, et l’Histoire de Savoie de M. de Guichenon. [9][20] M. de Launoy [21] fait ici réimprimer son livre contre la Madeleine de Provence, [22] qui sera fort augmenté, et un autre livre contre les prétendus privilèges des moines pour s’exempter de l’autorité des évêques. [10] Le troisième tome des œuvres de feu M. Rivet, [23] qui est des Controverses, est achevé en Hollande. [11] Vale et me ama.

Tuus ex animo, Guido Patin[12]

De Paris, ce mercredi 25e [d’août 1660].


a.

Ms BnF no 9358, fo 186, « À Monsieur/ Monsieur Belin, le père,/ Docteur en médecine,/ À Troyes » ; Reveillé-Parise, no cl (tome i, pages 253‑254).

1.

« digne des entraves d’Hippocrate [v. note [51], lettre 99] ».

2.

V. note [4], lettre 574, pour les éditions hollandaises des Œuvres de François Rabelais parues en 1663.

3.

Le 5e et dernier livre de l’Historia animalium [Histoire naturelle des animaux] de Conrad Gesner, publiée de 1551 à 1587 à Zurich, et de 1603 à 1621 à Francfort (v. note [7], lettre 9), traite « des serpents ». Ce traité devait manquer à la bibliothèque de Guy Patin. Depuis le printemps 1654, il a parlé d’une Vie de Gabriel Naudé écrite par René Moreau, mais le travail n’avançait guère et n’a jamais abouti à un texte imprimé.

4.

Commentariorum in sublimis Philosophi et incomparabilis Viri Petri Severini Dani Ideam Medicinæ philosophicæ, propediem proditurorum Prodromus. In quo Platonicæ doctrinæ explicantur fundamenta, super quæ Hippocrates, Paracelsus et Severinus : necnon ex antithesi Aristoteles et Galenus sua stabilivere Dogmata. Sub finem Authoris doctrina, febrium exemplo, in praxim reducitur. Hisce selectiorum Chemicorum remediorum, omnibus a Capite ad Calcem affectibus appropriatorum, 40 annorum usu probatorum, sine fuco et jactantia descriptorum, manipulus adjicitur. Opera et studio Willielmi Davissoni, Nobilis Scoti ; Christianissimi Galliarum et Navarræ Regis Consilarii et Medici, domus hortique plantarum Medicinalium, qui Parisiis in suburbio S. Victoris est, olim Præfecti : nunc autem S Regiæ Majestatis Poloniæ et Sueciæ Senioris Archiatri et Chemici : S. Reginalis itidem Majestatis in vulgari Medicina Personæ Medici.

[Préambule des commentaires, à paraître bientôt, sur l’Idée de la médecine philosophique de l’incomparable Danois et sublime philosophe Petrus Severinus. {a} Où sont expliqués les fondements de la doctrine platonicienne, sur laquelle Hippocrate, Paracelse et Severinus ont construit leurs théories ; tout comme sur laquelle, par antithèse, Aristote et Galien ont consolidé leurs propres dogmes. À la fin de l’ouvrage, à partir de l’exemple des fièvres, la doctrine de l’auteur est ramenée à la pratique. À tout cela est ajoutée une gerbe de remèdes chimiques bien choisis, adaptés à toutes les affections, de la tête au pied, éprouvés par 40 années d’expérience, décrits sans fard ni jactance. Par les soins et l’étude de William Davidson, noble Écossais, {b} conseiller médecin du roi très-chrétien de France et de Navarrre, jadis intendant de la Maison et Jardin des plantes médicinales, qui se trouve à Paris dans le faubourg Saint-Victor ; mais maintenant premier archiatre et chimiste de Sa Majesté la reine de Pologne et de Suède, {c} et aussi médecin de la personne de Sa Majesté royale pour la médecine ordinaire]. {d}


  1. Petrus Severinus (1540-1602), médecin paracelsiste danois, est l’auteur d’un traité intitulé Idea medicinæ philosophicæ, fundamenta continens totius doctrinæ Paraselsicæ, Hippocraticæ et Galenicæ [Idée de la médecine philosophique, qui contient les fondements de toute la doctrine paracelsiste, hippocratique et galénique] (Bâle, 1571, in‑4o, pour la première édition).

  2. V. note [1], lettre 275.

  3. Louise Marie de Mantoue, la princesse Marie, v. note [11], lettre 18.

  4. La Haye, Adriaan Vlacq, 1660, in‑4o.

V. note [4], lettre 574, pour les Œuvres complètes de Johann Wier.

5.

V. note [11][14], lettre 541, pour les thèses protestantes de Sedan (Genève, 1661).

6.

Jobus brevi Commentario et Metaphrasi poetica illustratus. Scripsit Franciscus Vavassor societ. Jesu.

[Job, {a} agrémenté d’un bref commentaire et d’une métaphrase poétique. Écrit par François Vavasseur {b} de la Compagnie de Jésus]. {c}


  1. V. note [38] du Grotiana 1.

  2. Mort en 1681, v. note [17], lettre 195.

  3. Je n’en ai trouvé qu’une édition beaucoup plus tardive : Paris, Gabriel Martinus, 1679, in‑4o de 319 pages.

    Le P. Vavasseur avait précédemment publié : Iobus, carmen heroicum [Job, poème hexamètre] (Paris, Jean Camusat, 1638, in‑12 de 181 pages).


7.

Toujours la vaine attente de l’Asie du P. Philippe Briet, v. note [6], lettre 148.

8.

Recherches et mémoires servant à l’histoire de l’ancienne ville et cité d’Autun. Par feu M. Jean Munier, {a} conseiller et avocat du roi au bailliage d’Autun. Revus et donnés au public par M. Claude Thiroux, conseiller du roi, vierg {b} de ladite ville et cité d’Autun, et élu des états de Bourgogne. {c}


  1. Jean Munier (Autun 1557-ibid 1637) eut beaucoup à souffrir de sa fidélité au roi durant les guerres de la Ligue. Il a publié plusieurs ouvrages consacrés à l’histoire de sa ville (renseignements fournis par l’introduction aux Deux Lettres inédites de Jean Munier, Autun, Michel Dejussieu, 1864, in‑8o de 26 pages).

  2. Dénomination réservée au premier magistrat (maire) de la ville d’Autun.

  3. Dijon, Philibert Chavance, 1660, in‑4o
  4. illustré en 3 parties de 79, 136 et 160 pages.

9.

V. notes [16], lettre 605, pour le « Saint Georges de Cappadoce, soldat armé » du P. Théophile Raynaud (Lyon, 1661), et [26], lettre de Charles Spon datée du 28 août 1657, pour de l’Histoire de Savoie de Samuel Guichenon (Lyon, 1660).

10.

11.

Parution du troisième et dernier tome des :

Andreæ Riveti Pictavi Sammaxentini, SS. Theologiæ Doctoris, et sacrorum Litterarum in Celebrrima Lugdunensi Batavorum Academia Professoris, Operum Theologicorum quæ Latine edidit,

[Œuvres théologiques qu’André Rivert, {a} natif de Saint-Maixent en Poitou, docteur en théologie sacrée et professeur de Saintes écritures en la très célèbre Université de Leyde, a publiées en latin},

12.

« Vale et aimez-moi. Vôtre de tout cœur, Guy Patin. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 25 août 1660

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(Consulté le 04/05/2024)

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