L. 841.  >
À Hugues II de Salins,
le 16 octobre 1665

Monsieur, [a][1]

Je vous remercie de votre bon souvenir et de votre affection. Voici que dans un mois nous allons retrouver le train de nos Écoles. C’est la deuxième année du cours et par conséquent, la meilleure. Je vous promets que nous aurons de bonnes pathologiques et thérapeutiques. [1] On n’imprime rien de M. Merlet [2] sur Hippocrate. Il avait laissé un fils abbé [3] qui est mort depuis trois mois en Normandie, et l’abbaye perdue pour la famille. [2] Nous avons ici depuis peu la description du Jardin du roi [4] en latin, in‑fo, Hortus regius Parisiensis, faite par M. Joncquet ; [5] mais il n’y a rien à apprendre, ce n’est qu’un simple catalogue de plantes ; encore n’est-ce que la première partie, il promet de donner la seconde dans trois ans, et peut-être bien plus tard. [3]

Un vomitoire peut être donné au cas que vous me le proposez, initio paroxysmi[4] si le malade en a bien envie, s’il a été saigné, s’il a des épaules et la poitrine large, et cetera consentiant[5] et qu’il ne soit pas métallique. [6] Une nouvelle édition du Sennertus [6] est tout à fait achevée à Lyon, elle est augmentée d’un tome nouveau d’Épîtres médicales ; [7] peut-être qu’il se vendra à part. Il y a ici quelques arthritiques qui se sont réduits à l’usage du seul lait de vache, [7] sans vin et sans viande ; mais à peine y en a-t-il eu un qui y ait réussi, adeo nimis multæ conditiones requiruntur[8] Le lait d’ânesse [8] y serait plus propre, minus est excrementosum[9] il est plus séreux et facilius permeat ; verum inter usum lactis sunt frequenter repurgandi[10] Ce M. Morin [9] est de notre Faculté. Il est savant, il boit bien et est du parti de Guénault [10] qui l’a mis chez le prince de Conti. [11] Il serait bon garçon s’il n’était du mauvais parti et grand ivrogne. Pour avoir été halené de Guénault, [11] il est devenu coluber mala gramina pastus[12][12]

Miscellanea medica Henrici Smetii [13] est un fort bon livre, je suis bien aise que l’ayez enfin recouvré ; mais il ne faut pas le lire tout entier, c’est assez que vous en choisissiez quelques chapitres à votre gré. Ajoutez-y ce que vous trouverez de Thomas Erastus contre Paracelse[14][15] les Institutions de Gaspard Hofmann, [16] le Gul. Puteanus de Medicamentis purgantibus[17][18] le Botal de Curatione per sanguinis missionem[19][20] les Observations de M. Haultin [21] sur la Pratique de Houllier [22] in‑fo, Sennertus de Febribus[23] la Pathologie de Fernel, [24] l’Anthropographie de M. Riolan, [25] Duret [26] sur les Coaques[27] etc. [13] Voilà d’excellents livres qui méritent d’être lus tous les jours et qui ne doivent bouger de votre table. Pour la Pratique de M. Haultin sur Houllier in‑fo, est thesaurus vere therapeuticus[14] Vous trouverez là-dedans tout ce qui se peut savoir et qu’un bon médecin doit savoir de la bonne pratique. C’est un livre qui se vend ici, tout relié en veau, 10 francs ; si vous ne l’avez, je m’offre de vous l’envoyer. Arétée [28] est un fort bon auteur pour les signes des maladies. La plus belle impression est in‑fo d’Augsbourg, [29] grecque et latine, avec les Notes de Georgius Henischius, l’an 1603. [15][30][31] Notre Petrus Petitus [32] en a commencé une nouvelle édition avec des commentaires, mais je ne sais quand elle sera achevée. [33] Ce que M. Pasquelin [34] a fait est fort bon. Je vous remercie de la bonne affection que vous avez pour ma famille, singuli bene valent[16] Je salue toute la vôtre et suis, Monsieur, totus tuus, Guido Patin[17]

De Paris, ce 16e d’octobre 1665.

Notre roi [35] envoie aux Hollandais 8 000 hommes et leur donne de l’argent pour en soudoyer 6 000 autres afin qu’ils aient de quoi résister à l’évêque de Münster. [18][36] La mort du roi d’Espagne [37] menace les Pays-Bas [38] d’une grande guerre vere proximo. Te et tuam saluto, cum fratre amantissimo et Domino Bachey, collego tuo[19][39][40]


a.

Ms BnF no 9357, fos 361‑362, « À Monsieur/ Monsieur de Salins puîné,/ Docteur en médecine,/ À Beaune ».

1.

Le cycle des études médicales à Paris était bâti sur des périodes de deux ans. Les épreuves du baccalauréat et de la licence se déroulaient au printemps des années paires, avec leur floraison de thèses et de disputes sur les sujets de pathologie et de thérapeutique. Guy Patin annonçait celles de 1666.

2.

Il a été question en 1652 de cet André Merlet, abbé de Saint-Lô, fils de Jean et frère de Roland : v. note [44] des Décrets et assemblées de 1651‑1652 dans les Commentaires de la Faculté de médecine.

3.

Denis Joncquet : {a}

Hortus Regius. Pars prior.

[Le Jardin royal. {b} Première partie]. {c}


  1. Dionysius Ioncquet Doct. Med. Paris. Reg. Ord. et Horti Regi Botanicus Professor [Denis Joncquet (v. note [13], lettre 549), docteur en médecine de Paris et médecin ordinaire du roi, et professeur de botanique du Jardin royal] est auteur de la préface Benevolo Lectori [Au bienveillant lecteur].

  2. V. note [4], lettre 60.

  3. Paris, Dionysius Langlois, 1665, in‑fo illustré de 188 pages : liste alphabétique des quelque quatre mille plantes cultivées dans le Jardin, dédiée au roi par son premier médecin, François Vallot (v. note [28], lettre 223), administrateur du Jardin.

    La seconde partie n’a pas été publiée, mais Jonquet l’a ainsi annoncée à la fin de son avis au lecteur :

    Donec exactissima sedulitate, evolvat Pars posterior, reliquas Floræ et Hesperidum opes, Bacchi et Pomonæ fructus varios, novasque explorationes Naturæ vegetantis, quales promittunt Exteri, aut a novis utriusque Indiæ Coloniis expectamus, quas armis, consilio et instructissima navigatione Potentissimus Imperantium constituit.

    [Ensuite, en y mettant le plus soigneux empressement, la deuxième partie déploiera les richesses de Flore et des Hespérides, les divers fruits de Bacchus et de Pomone, {i} et les nouvelles découvertes de la Nature végétale que promettent les pays étrangers, ou que nous attendons des nouvelles colonies des deux Indes, {ii} établies par les armes, la prudence politique et la marine parfaitement pourvue du plus puissant des monarques].

    1. La Nymphe Pomone est la divinité des fruits. V. notes [5], lettre 859, pour sa sœur Flore, [54], notule {b}, du Patiniana I‑4 pour les Hespérides et leur jardin, et [23], lettre 260, pour Bacchus, dieu de la vigne et du vin.

    2. Orientales et Occidentales.

4.

« au début du paroxysme ».

5.

« et si le reste convient ».

6.

Si le médicament vomitif n’est pas d’origine métallique : comprendre qu’il ne doit pas s’agir d’antimoine.

7.

Opera de Daniel Sennert (édition de Lyon, 1666) : v. notes [3], lettre 819, et [6], lettre 827.

8.

« tant il y faut de préparations. »

9.

« il produit moins d’excrément ».

10.

« et pénètre plus facilement ; mais de fréquentes purges doivent entrecouper les administrations de lait. »

11.

Halener : « terme de vénerie, sentir le gibier ; depuis que ce chien a halené la bête, il ne la quitte plus. On le dit figurément des hommes : dès qu’un filou a halené un provincial riche et qui joue, il ne le quitte point qu’il ne l’ait entièrement plumé » (Furetière).

12.

« un serpent repu d’herbes maléfiques » (Virgile, v. note [30], lettre 516).

13.

Les dernières éditions des dix ouvrages cités ici étaient alors :

14.

« c’est vraiment un trésor thérapeutique ».

15.

αρεταιου καππαδοκος ιατρικα. Ætiologica, Simeiotica et Therapeutica Morborum acutorum et duiturnorum Aretæi Cappadocis. Græce et Latine conjunctim edita tribus mss. codicibus Veneto, Bavarico, Augustano collatis. Cum commentario, quo obscura doctrina de nominibus et parte affecta morborum singulorum cum suis signis perspicua methodo illustratur, Autore Georgio Henischio B. medico Augustano.

[Étiologie, Sémiologie {a} et Thérapeutique des Maladies aiguës et chroniques, d’Arétée de Cappadoce. {b} Édition grecque et latine juxtalinéaire, établie à partir des trois manuscrits de Venise, de Bavière et d’Augsbourg. Georgius Henischius, médecin B., {b} les a éclairés d’un commentaire dont la méthode transparente explique les obscurités de leur doctrine sur les noms des maladies, la partie qu’elles affectent et leurs signes]. {c}


  1. Études respectives des causes et des signes des maladies.

  2. Le titre grec signifie « Médecine d’Arétée de Cappadoce » (v. note [3], lettre 407).

  3. Georg Henisch (Bartfelden, Hongrie 1549-1618) est plus connu comme mathématicien que comme médecin, on lui doit le premier dictionnaire raisonné et complet de la langue germanique (Z. in Panckoucke). « B. » signifie probablement « Bavarois ».

  4. Augsbourg, G. Willer, 1603, in‑fo ; v. note [2], lettre latine 64, pour la première édition complète en grec, Paris, 1554.

V. note [3], lettre 731, pour l’édition d’Arétée que préparait Pierre Petit.

16.

« tous s’y portent bien. »

17.

« vôtre tout entier, Guy Patin. »

18.

La Gazette, ordinaire no 132 du 7 novembre 1665 (page 1089) :

« De Mézières, le 3 novembre 1665. Les troupes destinées pour le secours des États généraux des Provinces-Unies, composées de 2 000 chevaux et de 4 000 fantassins, sous le commandement du sieur de Pradelle {a} qui a pour maréchaux de camp les sieurs d’Espance et de Saint-Lieu, ayant achevé hier de passer ici la Meuse, sont aujourd’hui décampées à la pointe du jour pour aller coucher à Rochefort et continuer leur marche vers Maastricht. »


  1. V. note [9], lettre 909.

19.

« le printemps prochain. Je vous salue, avec votre épouse, ainsi que votre très aimable frère [Jean-Baptiste de Salins] et M. [Claude] Bachey, votre collègue. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Hugues II de Salins, le 16 octobre 1665

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(Consulté le 07/05/2024)

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