L. 454.  >
À Charles Spon,
le 28 novembre 1656

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 28 novembre 1656

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0454

(Consulté le 23/04/2024)

 

Monsieur, [a][1]

Je vous envoyai le mardi 22e de novembre une lettre de deux pages avec deux autres incluses, l’une pour M. Falconet, l’autre pour M. Guillemin. Depuis ce temps-là, je vous dirai que l’on ne parle ici que de deux choses, savoir du changement que l’on s’en va faire dans la direction des finances en ôtant la charge de surintendant à MM. de Servien [2] et Fouquet, [3] le Mazarin [4] s’attribuant et retenant ladite charge avec tous les émoluments qui sont très grands, ayant au-dessous de soi six intendants et deux principaux commis. On dit que M. Fouquet, qui est l’ami du cœur, demeurera pour le Conseil et sera toujours procureur général au Parlement ; et pour M. Servien, que l’on l’enverra en ambassade pour la paix, combien qu’il y ait bien de l’apparence que les uns ni les autres n’en veuillent point. [1] L’autre affaire est du mariage prétendu du prince Eugène, [5] deuxième fils du prince Thomas, [6] avec la Mancini, [7][8] nièce de Son Éminence. [2]

Celui qui a imprimé Institutiones Lazari Riverii [9] promet une centurie de nouvelles Observations du même auteur. [3] En aurons-nous bientôt, sont-elles sur la presse ? Enfin, le sieur de La Peyrère, [10] gentilhomme gascon et prétendu réformé (s’il n’est pas juif[11] car plusieurs l’en soupçonnent) qui a fait le livre des Préadamites[12] dans lequel il a tâché de prouver qu’Adam n’a pas été le premier homme du monde, est hors de prison du château d’Anvers. [13] Le prince de Condé [14] l’a fait mettre en liberté. Il est ici gai, gaillard et sain, fort passionné pour son opinion et je trouve de la gentillesse dans ses preuves. On dit qu’il s’en va à Rome pour y voir le pape [15] qui a témoigné qu’il désirait de le voir. [4]

Ce 26e de novembre. Un honnête homme de Lyon nommé M. Vau, de la connaissance duquel j’ai l’obligation à M. le prieur Jugeact, [5][16][17] s’en retournant à Lyon, m’a promis de vous rendre la présente. Nous avons lui et moi fort parlé de vous, il m’a bien témoigné qu’il a l’honneur de vous connaître, mais afin d’en augmenter la connaissance, je vous ai adressé par son moyen la présente pour vous dire que je suis en peine de vous et de vos lettres. Au moins, faites-moi savoir par quelque moyen que vous êtes en bonne santé, j’en suis en peine. Diu est quod nihil a te habui literarum : vis dicam quid maius ? quia totus amore langueo[6] Je vous supplie de faire mes très humbles recommandations à MM. Gras, Guillemin, Falconet, Garnier, et même à Mlle Spon, comme aussi à MM. les deux Huguetan frères. M. Vau m’a promis de vous rendre lui-même la présente et de faire amitié avec vous. Permettez-moi aussi que je vous prie de faire mes recommandations à M. le prieur Jugeact, comme aussi à M. Devenet [18] le libraire et de lui dire que je le prie d’avoir soin de m’envoyer, le plus tôt et le plus sûrement qu’il pourra, un petit paquet de livres que MM. de Tournes de Genève [19] lui doivent bientôt envoyer pour moi. Bon Dieu, que je vous ai d’obligations ! et néanmoins je ne me saurais empêcher de vous donner de nouvelles peines ; mais tant plus je vous serai à charge, prenez-vous-en à votre courtoisie, à votre bonté et à la patience que vous avez eue par ci-devant pour mes importunités. Vous savez bien ce qu’a dit Martial [20] en pareil rencontre :

Omnis inhumanos habet officiosus amicos[7]

Ce 27e de novembre. Le fils de M. Moreau [21] n’a pu encore se résoudre sur le testament de feu Monsieur son père, [22] savoir s’il doit garder sa bibliothèque [23] ou non, en la prenant pour 15 000 livres ou bien l’abandonnant à la communauté, et se contentant de la part et portion qui lui en pourront venir. On dit que le mariage du prince Eugène est différé, à la prière de la mère, [8][24] jusqu’à l’an prochain. Messieurs du Parlement devaient aujourd’hui commencer leurs harangues, séances et audiences, mais ils ont encore remis à huitaine, et pour huit jours après, la mercuriale, [25] après quoi l’on travaillera tout de bon[9] On dit qu’ils attendent quelque nouvelle de la cour, et même que le roi doit aller bientôt au Parlement ; on parle aussi de faire un nouveau parlement à Nîmes. [26] La princesse de Condé [27] est accouchée d’une fille à Malines. [28] Les Polonais ont attrapé un des lieutenants généraux du roi de Suède [29] avec quelques vaisseaux près de Dantzig. [10][30][31] Je suis de toute mon âme, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce mardi 28e de novembre 1656.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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