L. 754.  >
À André Falconet,
le 3 juillet 1663

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 3 juillet 1663

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0754

(Consulté le 28/03/2024)

 

Monsieur, [a][1]

J’ai dessein de répondre à celle que je viens de recevoir de vous avec celle que vous avez pris la peine d’écrire à mon second et cher fils Carolus, [2] que je lui porterai demain matin, Dieu aidant. Je ne connais point ce médecin de Nancy [3] nommé M. Perrin, [4] qui se disait autrefois médecin de Mme la duchesse d’Orléans, [5] qui est de Lorraine, [1] en vertu de quoi les Lorrains tâchaient ici de faire fortune, mais ils n’ont pu ; sur quoi, M. Perrin s’en retourna après avoir épousé une fille de Paris dont le père était orfèvre, à qui il avait fait accroire que sa fortune était toute d’or, sed pro thesauro carbones invenit[2] C’est celui que je ne vis jamais. Je sais bien qu’il trouva fort mauvais que je ne lui voulusse point donner heure pour une consultation, [6][7] ayant allégué pour mes raisons que je ne le connaissais point, homo novus, nullius nominis, nullius dignitatis ; [3] que les lois de la Faculté me défendaient de consulter avec des médecins étrangers. [8] Sur quoi, le bon seigneur se mit en colère, et dit que je n’étais qu’un ignorant et que je n’osais pas user d’antimoine. [9] Guénault [10] y fut à ma place, qui était de tous bons accords [4] et qui ne trouvait rien ni de trop chaud, ni de trop froid, voire même qui, par son avarice, de peur de perdre un écu, se trouvait tous les jours avec des charlatans, [11] des chimistes [12] et toutes sortes de coureurs. Voilà où j’en suis avec M. Perrin ; sed sive nobis faveat, sive non, valeat ille, et abeat in bonam rem suam[5]

Le testament du Mazarin [13] est imprimé en Hollande, le factum de M. Fouquet [14] à Paris et les Mémoires de M. de La Rochefoucauld [15] à Bruxelles. [6][16] M. Fouquet a présenté une nouvelle requête, laquelle laisse bien des articles à décider à ses juges, et qui reculeront fort la fin du procès ; même, on dit qu’il a dessein de récuser M. le chancelier [17] et de se déclarer son accusateur. On parle ici de la grande maladie du petit prince d’Espagne. [18] Il y a cinq feuilles d’imprimées sur le livre de M. Lussauld ; [19] quand il sera fait, vous en aurez un. [7]

M. le chevalier [20] m’a bien promis de bien faire. [8] Il va souvent au Parlement et aux audiences. Il retient fort bien, selon qu’il me raconte, les intérêts des parties qui plaident à la Grand’Chambre et qui viennent de tous côtés plaider à Paris. Il m’a dit aujourd’hui fort particulièrement comment de certains chanoines d’Angers [21] avaient perdu leur procès, et même avaient été condamnés à l’amende en une cause qu’ils avaient entreprise contre leur évêque, [22] qui est frère de M. Arnauld, [23] docteur en Sorbonne, [24] qui est si savant et qui est le chef du parti janséniste. [9][25] Feu M. Naudé, [26] qui n’était point médisant, m’a dit autrefois que M. Scharpe, [27] médecin de Montpellier et Écossais, n’était mort à Bologne [28] que de trop boire ; et je sais bien de bonne part, par des gens qui l’ont connu, qu’il était grand ivrogne. Je sais aussi qu’il était fort savant et surtout grand logicien ; et c’est de telles gens, aussi bien que des Hibernais, qu’il faut entendre le beau vers de M. Remy, [29] professeur du roi, lorsqu’il dit de ces gens qui disputent si volontiers et tam logicaliter : Gens ratione furens, et mentem pasta chimæris[10] Ce vers se peut aussi appliquer aux chimistes. [30] Nous avons ici un savant personnage nommé M. Ménage [31] à qui ce vers a plu si fort qu’il a dit plusieurs fois qu’il en voudrait être l’auteur et avoir donné le meilleur de ses bénéfices. Il ne laisserait point de faire bonne chère car il en a beaucoup d’autres. C’est de lui que nous attendons bientôt le beau Diogenes Laertium grec et latin in‑fo, de Londres, avec de beaux commentaires. [11][32] Il n’y a plus que l’épître dédicatoire de M. Ménage à envoyer, mais j’ai peur que cela ne tire de long. La fin des grands livres est toujours accompagnée de quelque empêchement, joint que les libraires nesciunt properare, et eiusmodi finem non intelligunt[12][33] Plutarque [34] a dit quelque part que la dernière pierre qui mit la fin au temple de Diane à Éphèse [35] fut 300 ans à être trouvée, taillée et appliquée à ce grand bâtiment. [13] Je m’enquerrai demain chez M. l’ambassadeur de Danemark [36] si le prince de Danemark [37] ira à Lyon et après, je vous en écrirai. On dit ici que nous allons avoir un grand commerce sur mer et que le roi [38] a acheté des Portugais l’île de Madère. [14][39] Je vous baise les mains et suis de toute mon âme votre, etc.

De Paris, ce 3e de juillet 1663.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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