L. 829.  >
À André Falconet,
le 28 juillet 1665

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 28 juillet 1665

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0829

(Consulté le 25/04/2024)

 

Monsieur, [a][1]

Je vous écrivis hier avec une lettre que je joignis pour M. Delorme. [2] Je lui baise les mains et vous prie de l’assurer que j’honorerai toute ma vie son mérite singulier. Je vous prie aussi de m’excuser envers lui pour les simples qualités que je lui donne, je ne me connais pas en compliments et ne les aime pas. Je le considère comme un héros qui n’a pas besoin de titre. Il y en a qui en prennent de leurs qualités et grands offices, auxquels néanmoins ils font déshonneur par leur peu de mérite ; mais M. Delorme n’a besoin de rien emprunter, il trouve tout chez soi. Il ressemble à la Vertu qui est dans Claudien, [3][4] glorieuse de ses propres richesses. [1] Joseph Scaliger [5] a nommé quelque part un certain glorieux pédant qui, par plusieurs artifices, avait trouvé le moyen de changer la couleur noire de son bonnet en rouge, le charlatan de la cour de France ; [2] c’était le cardinal Duperron [6] qu’il entendait, et qui n’a jamais été un terrible compagnon. Mais que dirait aujourd’hui M. Delorme de voir dans le temple de la Fortune [7] tant de gens étourdis de leurs grandes qualités et qui méritent une belle niche dans le titre des Métamorphoses d’Apulée, [8] étant de la confrérie de ces gens que le baron de Fæneste [9] a ingénieusement nommés ânes d’or ? [3]

J’ai autrefois ramassé bien des mémoires pour faire des éloges latins des Français illustres en science, à l’imitation de M. Scévole de Sainte-Marthe, [10] à quoi je pourrai travailler l’hiver prochain pendant les soirées ; mais le nombre des malades me fait peur, c’est ce qui fait que je n’ose le promettre absolument. [4][11] Vous m’obligerez de demander à M. Delorme s’il voudrait bien m’envoyer quelques mémoires de feu Monsieur son père, [5][12] que je sais bien avoir été un grand personnage et duquel je sais quelque chose de bon que j’y mettrai hardiment touchant la maladie de Marie de Médicis, [13] dans laquelle M. Du Laurens [14] désapprouvait la saignée, trompé par un passage d’Hippocrate [15][16] qui dit qu’il ne faut pas saigner pendant le cours de ventre, fluente alvo, venam non secabis ; [6] et au contraire, M. Delorme soutenait et pressait la saignée. [17] Sur cette difficulté la reine fut ramenée à Paris et trois autres des nôtres furent mandés au Louvre, savoir MM. Jean Martin, [18] Jean Haultin [19] et Simon Piètre. [20] Ces gens-là n’étaient ni fourbes, ni ignorants, ils ne jouaient point de finesse ni d’argent ; aussi n’avaient-ils rien acheté. [7] Ces trois Messieurs furent de l’avis de M. Delorme, que M. Martin confirma en disant que ce passage d’Hippocrate mal entendu avait coupé la gorge et coûté la vie à cinquante mille personnes. La reine mère fut saignée et guérie. Elle avait un flux de ventre [21] d’avoir trop mangé d’abricots, [22] elle avait la fièvre et était grosse. [8][23] Si Dieu me fait la grâce d’en venir là, je ferai mes éloges plus beaux, plus curieux et plus historiques que ceux de M. de Sainte-Marthe, auxquels ils ne céderont que pour l’expression. [9] Je n’y mettrai que d’honnêtes gens, et dont le mérite sera la dignité. Devinez si telles gens que Guénault [24] y auront place, avec le fameux et fumeux des Fougerais [25] et ses consorts ! [26] Je suis, etc.

De Paris, ce 28e de juillet 1665.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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