À Charles Spon, le 20 mars 1649, note 30.
Note [30]

Condé avait pris Lagny, sur la Marne (v. note [8], lettre 27), et y avait installé le marquis de Persan. L’expédition de Corbeil fut un fiasco pour les assiégés de Paris.

  • Mme de Motteville (Mémoires, page 241) :

    « Le duc de Beaufort, à la tête de cinq ou six mille hommes, fit dessein d’aller attaquer Corbeil. Il était ce jour-là {a} monté sur un cheval blanc. Il mit quantité de plumes blanches à son chapeau et dans cet état, ayant attiré par sa bonne mine l’admiration du peuple, il en reçut de grandes bénédictions. Le prince de Conti alla le conduire jusqu’à la porte de la ville. Le coadjuteur, aussi grand guerrier que bon prédicateur, était de la partie, {b} et le duc de Brissac, son parent et ami, qui était aussi du parti de Paris, fut de cette entreprise. Le lendemain, cette armée parisienne revint sans coup férir : ces badauds quittèrent leur général à trois pas des portes de la ville et leur poltronnerie fut cause que ce prince, {c} malgré sa valeur et le désir qu’il avait de se venger, n’osa jamais attaquer Corbeil, car le prince de Condé, qui faisait la guerre dans les formes, y avait mis douze cents hommes pour le garder. Toute la bravoure des badauds ne s’occupa qu’à prendre quelques bœufs et quelques vaches, qu’ils amenèrent dans Paris pour réjouir le peuple. Leurs exploits guerriers se terminaient toujours à cette conquête, dont M. le Prince se raillait fortement et en faisait de bons contes à la reine. Mais après tout, il n’y avait pas tant de quoi se moquer car ils faisaient ce qu’ils voulaient faire, donnant des vivres aux Parisiens et faisant languir l’entreprise du roi. Elle recevait encore beaucoup de retardement par les hotteurs {d} et paysans qui, toute la nuit, s’échappaient des quartiers du roi pour apporter vendre leurs denrées à Paris, où ils les vendaient mieux et plus chèrement. »


    1. Le 24 janvier.

    2. Ce que Retz ne dit pas dans ses Mémoires.

    3. Le duc de Beaufort.

    4. Porteurs de hotte : « panier d’osier, étroit par en bas et large par en haut, qu’on attache sur les épaules avec des bretelles pour transporter plusieurs choses » (Furetière).

  • Montglat (Mémoires, page 206) :

    « Le coadjuteur de Paris, {a} résolu de se venger du cardinal, {b} fit un régiment de cavalerie qu’on nomma de Corinthe, à cause qu’il portait le titre d’archevêque {c} de cette ville ; et on appelait les cavaliers, par moquerie, les Corinthiens. Il ne se contentait pas de se servir de son argent et de ses amis, mais aussi de ses prédications, par lesquelles il exhortait le peuple à s’armer pour la liberté publique et pour chasser l’ennemi commun, voulant dire le Mazarin, duquel on parlait avec les plus grands outrages dont on pouvait s’imaginer ; et quand on soupçonnait quelqu’un d’être du parti de la cour, on l’appelait mazarin, comme par injure. La populace n’épargnait pas même la reine, de laquelle on faisait mille contes injurieux, ne l’appelant par mépris que dame Anne. Et pour faire voir que ce parti n’armait que pour tirer le roi des mains du Mazarin, pour le ramener dans Paris, il prit pour sa devise dans les drapeaux : Regem nostrum quærimus. » {d}


    1. Retz.

    2. Mazarin.

    3. Retz était alors archevêque de Corinthe in partibus infidelium (v. note [1], lettre 473).

    4. « Nous cherchons notre roi ».

  • Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, pages 641‑642) :

    « Le lundi 25 janvier, j’appris que nos troupes étaient revenues de Corbeil, et que les chefs l’ayant trouvé plein de troupes s’en étaient revenus et qu’ils n’avaient pas passé Juvisy. Le peuple croyait que Corbeil était pris et que les troupes qui revenaient le disaient. Cette mauvaise démarche abattait bien le courage des plus zélés. J’ai su qu’il était sorti sept à huit mille hommes de pied et deux mille chevaux et cinq pièces de canon. Toute l’infanterie était prise dans les compagnies de bourgeois et conduite par les colonels ; ils avaient couché à Juvisy et s’en étaient revenus sans aucun ordre. Je vis Mme de Fourcy à qui on avait signifié sa taxe de 2 300 livres par mois pour l’entretien ; elle était décidée de bailler ses meubles à vendre plutôt que de payer. »

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 20 mars 1649, note 30.

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(Consulté le 19/04/2024)

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