À Charles Spon, le 27 août 1658, note 6.
Note [6]

Dans la seconde partie de l’Euphormion de Jean Barclay (v. note [20], lettre 80), Henri iv apparaît sous le pseudonyme de Protagon. Introduit dans le palais (l’Arsenal) de Doromise (Sully), Euphormion assiste au mariage de la jeune et jolie Casina avec Olympio, déguisé en femme (page 141) :

« < il > avait un voile si gentiment replié que les deux bouts se relevaient pour représenter naïvement sur son front deux petites cornes, aussi bien faites que celles que les poètes donnent à Bacchus. Sur son porte-épée était la ceinture conjugale, attachée et nouée de tant de nœuds et si serrés que quelques années se devaient passer sans que l’on pût venir à bout de les détacher. […] Un certain pontife revêtu de blanc les maria avec des clauses véritablement nouvelles […] : “ Que vous, Olympio, ne toucherez point à votre épouse ni ne la baiserez, sinon quand vous irez aux champs et que vous promettrez de ne point revenir que trois semaines ne soient passées. Que vous ne lui toucherez point le sein, ne vous informerez point comme elle passera les nuits et ne viendrez tirer les rideaux de son lit qu’il ne soit au moins neuf heures du matin. Que si cependant les dieux lui font des enfants, vous en ferez état et en aurez autant ou plus de soin que s’ils étaient à vous, trop heureux de voir augmenter votre maison et de vous voir des héritiers qui ne vous ont pas donné beaucoup de peine à mettre au monde et qui ne vous coûteront guère à nourrir. Si vous observez ponctuellement ces conditions, il vous sera loisible de vous dire le mari d’une telle et de courir heureusement par tout le monde en fort bon équipage. ” »

Dans cette satire allégorique, Casina est Jacqueline de Bueil (v. note [4], lettre 579), orpheline de bonne famille. Elle fut plus ou moins vendue (30 000 écus) à Henri iv, à l’âge de 15 ans, par une grand-tante qui lui tenait lieu de tutrice (Charlotte de la Trémoille, princesse de Condé). Quelques semaines après la « négociation », le 5 octobre 1604, le roi donna de la respectabilité à sa nouvelle maîtresse en lui faisant épouser celui que Barclay appelait Olympio : Philippe de Harlay de Champvallon, sieur de Cézy, gentilhomme ruiné ; la belle ne le vit que le jour de son mariage, et le royal amant lui acheta le comté de Moret.

Casina est le titre d’une pièce de Plaute, qu’Édouard Sommer, dans son édition des Comédies de Plaute (Paris, L. Hachette et Cie, 1865, in‑8o), a introduite par cette notice (tome premier, pages 235‑236) :

« Si l’on n’a pas lu Casina, on ne saurait se faire une idée de la licence que comportait le théâtre des Romains. Dans cette pièce, Plaute est le rival d’Aristophane, dont il égale presque les tableaux les plus licencieux, sans s’élever cependant, ou plutôt sans s’abaisser jusqu’à la verve impudente de Lysistrate. {a} Le dénoûment de Casina est sans aucun doute moral et honnête ; mais avant d’y arriver on risque plus d’une fois de se boucher les oreilles et de détourner les yeux.

Un vieillard, amoureux d’une servante de sa femme, veut la faire épouser à son fermier, {b} et promet à ce dernier de l’affranchir s’il lui cède la première nuit ; le fils, amoureux de cette même servante, veut la donner aux mêmes conditions à son écuyer. Les deux esclaves se disputent Casina avec acharnement, et ni l’un ni l’autre ne paraît éprouver aucun scrupule du marché honteux qu’il a conclu. Le fermier l’emporte ; l’autre s’entend, pour se venger, avec la femme du vieillard, et à la nouvelle épousée on substitue pour la nuit un garçon vigoureux, qui bat à outrance le nouveau marié et le vieux libertin. Le fermier s’élance éperdu et presque nu sur la scène, roué de coups, bafoué, honteux, et raconte sa mésaventure dans des termes tels que le manuscrit a été mutilé et lacéré en cet endroit d’une façon presque complète ; le peu qui reste suffit cependant pour nous faire juger du ton du récit. Le vieillard, qu’on s’est bien gardé d’avertir, se présente à son tour au lit de la mariée et revient dans un état aussi piteux, recevoir les reproches et les railleries de sa femme et d’une commère. »


  1. V. note [34] du Borboniana 7 manuscrit.

  2. Dénommé Olympio.

En 1607, la belle Jacqueline mit au monde un bâtard, Antoine de Bourbon, comte de Moret (v. note [32] du Patiniana I‑1), qui fut légitimé l’année suivante. La comtesse réussit à faire annuler son mariage et après des années de vie légère, elle s’adonna à la dévotion. Elle en sortit après la mort de Henri iv et épousa en 1617 René ii du Bec-Crespin, marquis de Vardes. Ils eurent deux fils : l’aîné, François-René, fut le marquis de Vardes (v. note [2], lettre 579), que ses intrigues à la cour de Henriette d’Angleterre ont rendu célèbre ; le cadet, Antoine, comte de Moret, avait été tué au siège de Gravelines le 13 août 1658. La comtesse était morte en octobre 1651.

Tallemant des Réaux a consacré une historiette à Mme de Moret et M. de Cézy (tome i, pages 62‑65).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 27 août 1658, note 6.

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(Consulté le 28/03/2024)

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