À Claude II Belin, le 4 novembre 1631, note 7.
Note [7]

« mais ce ne fut qu’un homme, et nous ne devons pas croire que rien de ce qui concerne l’homme ne lui fut étranger, notamment dans ses défauts de conformation, qu’il a voulu privilégier. Il considérait comme des plus importants les remèdes qui agissent par qualités occultes, qui pourtant sont vains et sans effet. Dans ces passages, il s’expose très manifestement à la critique de Galien ; en même temps qu’il ne présente rien d’autre que paroles inconnues ou qualités secrètes à quiconque lui demande une explication. Plût aux dieux qu’un tel homme se fût trompé moins légèrement en cela, et de là n’eût fourni prétexte à tant de souffleurs enragés contre le peuple, issus du troupeau du frénétique Paracelse qui, au nom d’un si grand poison, protègent et défendent honteusement leur ignorance crasse. »

Paracelse est le pseudonyme de Philippus Theophrastus Aureolus Bombastus von Hohenheim (Einsiedeln, près de Zurich, 1493 ou 1494-Salzbourg 1541). Ce nom de Paracelse a été interprété comme une adaptation latine de Hohenheim (haut se dit höhe en allemand et celsus en latin, mais cela explique mal para), ou comme une provocation purement latine, pour dire égal de Celse, le fameux encyclopédiste médical latin (v. note [13], lettre 99). Son père, qui était médecin, initia de bonne heure Philippus aux mystères de l’alchimie, de l’astrologie et de la médecine. Quelques ecclésiastiques prirent aussi part à son éducation. Il fréquenta les universités d’Allemagne, d’Italie et de France, mais il n’aimait, disait-il lui-même, ni les livres, ni les langues. Immense voyageur, il sillonna toute l’Europe pour glaner les savoirs les plus éclectiques dans les sciences autant que dans les superstitions. En 1526, il obtint une chaire à l’Université de Bâle. Sa manière nouvelle d’exposer la théorie et la pratique de l’art, non pas en latin mais en langue vulgaire, attira une foule d’élèves à ses leçons. L’auto-da-fé qu’il fit des livres d’Avicenne et de Galien, et la haine que ses idées iconoclastes avaient inspirée à tous les médecins contribuèrent plus encore que son ivrognerie et sa vie ordurière à le rabaisser dans l’esprit public. Un procès scandaleux qu’il perdit contre un de ses malades l’obligea à quitter Bâle en toute diligence. Il se rendit d’abord à Colmar, où il recommença à mener la vie d’un théosophe ambulant. Après avoir parcouru une partie de l’Allemagne, la Moravie, la Hongrie et la Carinthie, il s’arrêta enfin à Salzbourg, où il mourut (v. note [9], lettre 996, pour son épitaphe commentée par Charles Patin).

Derrière un fatras à peu près inextricable de mysticisme, de magie et d’astrologie, la doctrine de Paracelse ne recèle rien moins que la Renaissance de la médecine. La maladie est principalement une réponse stéréotypée du corps à des influences externes. Elle n’est plus seulement un déséquilibre interne des quatre humeurs qui composent l’individu (v. note [4], lettre de Jean de Nully, datée du 21 janvier 1656). En conséquence, les remèdes à employer doivent être propres à la maladie, et non plus à la personne malade. C’est aujourd’hui une évidence, mais c’était une totale hérésie par rapport à la conception de la médecine qu’Hippocrate et Galien avaient léguée au monde savant (v. note [4], lettre 98). Les Anciens, bien sûr, n’avaient pas eu entièrement tort, mais il manquait à leur système la pièce majeure que Paracelse mettait en pleine lumière. Très inspiré par les influences cosmiques dans la genèse et l’évolution des maladies, Paracelse inventa la médecine chimique : jusque-là cantonnée aux substances végétales et animales, la pharmacopée s’enrichit de remèdes minéraux ; en particulier, il mit en vogue l’antimoine (v. note [8], lettre 54) et introduisit l’emploi du mercure dans le traitement de la syphilis (v. note [9], lettre 122).

Les ouvrages de Paracelse n’ont été publiés qu’après sa mort, traduits en latin à partir de 1560. L’édition latine la plus complète de ses abondants écrits a pour titre : Opera omnia medico-chymico-chirurgica [Œuvre complète médicale, chimique et chirurgicale] (Genève, 1658, 3 volumes in‑fo).

Révolutionnaire en bien des domaines, aussi bien qu’occultiste des plus échevelés, Paracelse ne pouvait qu’inspirer du mépris, et même de la haine, au gardien du temple médical que fut Guy Patin, tenant acharné et aveugle des dogmes les plus opposés. Tant qu’il a pu, Patin a maudit Paracelse, qui représentait véritablement pour lui le diable. Sans s’interroger sur la différence qui l’opposait radicalement aux novateurs, dont les moyens étaient encore dérisoires, il était facile à Patin de brocarder leurs méthodes, comme on lit dans le chapitre ii de son Traité de la Conservation de santé, où il n’hésite pas à accabler les paracelsistes de la plus horrible barbarie.

Conçue dans son principe dès le xviie s., entre autres par Samuel Sorbière et Claude Tardy, la transfusion sanguine (v. note [5], lettre latine 452) n’a pu commencer à sauver des vies qu’au xxe s., avec la découverte des groupes sanguins par Karl Landsteiner.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 4 novembre 1631, note 7.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0007&cln=7

(Consulté le 28/03/2024)

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