N°29 - Printemps-Eté 2006

Sommaire

ÉDITORIAL « L’historien et les collectifs », par D. Becquemont, J.-P. Bouilloud, D. Ottavi, M.-F. Piguet

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I. TEXTES

Recherches et réflexions

Bref panorama historique des débats d’ethnogénèse dans l’anthro-pologie et l’archéologie au Japon (19e–20e siecles) A. Nanta 7
Figures de l’exil : Darwin et Melville aux Iles Galapagos D. Becquemont 28
Les mots des sciences de l’homme    
Journée d’étude : « De la pratique à l’explicitation des enjeux. Les savoirs et les mots : enjeux d’une enquête sur l’histoire des mots dans l’histoire des sciences de l’homme »   41
Psychiatrie A. Fauvel 43
Ergonomie-Ergologie F. Vatin 52
Psychose E. Delille 63

Notes de lecture

Coup de cœur : Histoire de la psychologie en France, XIXe-XXe siècles, de J. Carroy, A. Ohayon et R. Plas D. Ottavi 73
Coup de cœur : Cesare Lombroso, de D. Frigessi J.-C. Coffin 76
L’Univers du Préhistorien : science, foi et politique dans l’œuvre et la vie d’Edouard Desor (1811-1882), de M.-A. Kaeser N. Pizanias 78
Women and Common Life, Love, Marriage and Feminism, de C. Lasch D. Ottavi 81
Coup de cœur : Encyclopedia of Disability, de G. Albrecht J.-C. Coffin 86
Keynes et ses combats, de G. Dostaler F. Vatin 87
L’État à l’épreuve des sciences sociales. La fonction recherche dans les administrations sous la Ve République, de P. Bezes, J. Chevallier, N. Demontricjher et F. Ocqueteau F. Vatin 88
L’ammazzabambini. Legge e scienza in un processo di fine Ottocento, de P. Guarnieri J.-C. Coffin 90
The Post-Revolutionary Self-Politics and Psyche in France, 1750-1850, de J. Golstein J. Carroy 92

Résumés de HDR

Des secrets de l’art au silence éloquent : les stratégies discursives dans les Œuvres d’Ambroise Paré G. Pineau 95
La fin de l’asile d’aliénés dans le Rhône et l’Isère (1930-1955) S. Odier 104
La Manche au XVIIIe siècle. La construction d’une frontière franco-anglaise) R. Morieux 111
Témoins aliénés et « Bastilles modernes ». Une histoire politique, sociale et culturelle des asiles en France. (1800-1914) A. Fauvel 120
Jeux et curiosités   125

II. BIBLIOGRAPHIE

Publications de membres de la SFHSH   129
Articles   131
Ouvrages, ouvrages collectifs, rééditions, classiques et anthologies   132
Revues spécialisées et numéros spéciaux de revues   134

III. INFORMATIONS

Activités de la SFHSH   139
Appels à contributions   141
Colloques récents et à venir   143
La SFHSH   151
Editorial : L'Historien et les collectifs

La traduction récente en français, bien après celle en anglais, de l’œuvre de Ludwik Fleck, Genèse et développement d’un fait scientifique, nous interroge sur la pratique de l’histoire des sciences. Bien avant Holton et Kuhn, qu’il va largement inspirer, Fleck insiste sur l’inscription sociale de la pratique scientifique, le « conditionnement social de tout acte cognitif » : un fait scientifique n’est pas découvert par une personne, mais il est la résultante d’un effort continu de nombreux individus. Le travail scientifique est donc historique, contingent, inscrit dans son contexte, la découverte est un « événement social » : dès lors, « toute théorie de la connaissance qui ne pratique pas l’analyse historique comparative n’est qu’un vain jeu de mots, une epistemologia imaginabilis ».

Pour analyser les sciences, Fleck définit ce qu’il appelle des « collectifs de pensée », des « communautés de personnes qui échangent des idées ou qui interagissent intellectuellement ». Pour lui, chacun appartient à plusieurs collectifs, « en tant que chercheur, (…), en tant que membre d’un parti, d’une classe sociale, d’un pays, d’une race, etc., il fait aussi partie d’autres collectifs. » Ces collectifs se superposent, tissent leurs influences, quelquefois s’opposent, car à chaque collectif correspond un « style de pensée » particulier, une manière de penser, un système de valeurs qui s’impose aux membres du collectif, définit les méthodes acceptables comme les résultats considérés comme acquis.

L’historien des sciences, plus qu’un autre peut-être, est amené dans ses recherches à définir les contours de ces multiples collectifs, à en expliciter les « styles ». Pour montrer la nécessité d’aborder l’histoire des sciences par l’analyse des collectifs, Fleck a une métaphore d’actualité en ces temps « mondialistiques » : « Que l’on me permette une comparaison quelque peu triviale : l’individu peut être comparé à un joueur de football pris isolément, le collectif de pensée au travail objectif d’une équipe de football bien entraînée, l’acte cognitif au déroulement du jeu. Est-il possible d’analyser ce déroulement du point de vue de joueurs pris individuellement ? Le doit-on même ? Tout le sens du jeu serait alors perdu !» L’historien lui-même, ou le sociologue des sciences, comme tout chercheur, appartient à différents collectifs : nos lecteurs par exemple participent de celui de la SFHSH. Est-ce à dire qu’il y a un « style de pensée » propre à la SFHSH ? Ce sera aux historiens du futur de le dire.

Daniel BECQUEMONT
Jean-Philippe BOUILLOUD
Dominique OTTAVI
Marie-France PIGUET