Le
mercredi 24 (après-midi) et le jeudi 25 mars sont
consacrés à un
colloque dont le thème sera
Les sciences de la vie coloniale (XIXe et XXe siècles) : bilan,
enjeux et perspectives.
Argumentaire
L'essor remarquable des post-colonial studies
a permis un renouveau du champ des études coloniales et de
l'histoire de la colonisation. Nées sous l'impact du livre d'Edward
Saïd, L'Orientalisme, L'Orient créée par l'Occident (1980),
ces études reprennent à leur compte l'idée maîtresse du livre de
Saïd, à savoir qu'il n'y a pas eu imposition unidirectionnelle d'un
savoir impérialiste sur un savoir indigène mais co-construction de
différents types de savoirs, circulant dans les sociétés et
cherchant une légitimation, non sans conflits et rapports de forces.
En reconnaissant ce livre comme source immédiate d'inspiration, des
auteurs tels que Gayatri C. Spivak, Homi K. Bhabha et David Arnold
ont contribué au développement d’une approche du post-colonial,
respectivement en étudiant la parole des dominés, en développant une
théorie post-coloniale, en montrant comment la médecine occidentale
avait pu être contestée dans des contextes coloniaux.
Si les post-colonial studies ont fondé
leurs recherches autour de l'analyse des discours, des historiens,
des sociologues et des anthropologues des sciences ont insisté sur
la confrontation de ces discours avec les pratiques. Par exemple,
Warwick Anderson (2002) en reprenant le concept d'« écologie des
savoirs » insiste sur le fait que les études postcoloniales sur la
science sont susceptibles de réintroduire la matérialité de la
pratique scientifique là où les postcolonial studies ont
peut-être trop souvent insisté sur la textualité de la rencontre
coloniale.
On peut donc se demander dans quelle mesure le
croisement des approches des science studies et des postcolonial studies
n’est pas à même de mieux documenter les échanges scientifiques et
la production d’identités (à la fois individuelles et sociales) le
long de réseaux d'échanges qui, davantage que la dichotomie entre
centre et périphérie, viendraient mettre à l’épreuve les agencements
et jeux d’échelle entre le local et le global. Même si leurs
approches diffèrent, post-colonial studies et science
studies permettent peut-être de dépasser la vision réductrice
d'un rapport univoque et dominateur des savoirs coloniaux sur les
savoirs indigènes et ont résolument, chacune à leur manière, ouvert
des pistes de réflexion sur l'histoire de la colonisation et les
sciences coloniales. Qu'en est-il des recherches actuelles sur les
sciences de la vie coloniales ? Dans quelle mesure ont-elles
bénéficié du renouveau apporté par les post-colonial studies
et les science studies? Comment ces études permettent de
(re)penser la question des rapports entre savoirs et pouvoirs (ici
scientifique) sans tomber dans la vision réductrice d'une
manipulation coloniale de tous les savoirs.
Ce congrès se donne pour objectif d'échanger au
niveau de ces nouvelles approches dans le champ des études
coloniales et de mesurer leurs éventuelles influences sur les études
actuelles d'histoire des sciences de la vie (i.e. sciences
biologiques et médicales) coloniales. Différents points d'entrée et
quelques pistes de réflexions s'y rapportant sont proposés
ci-dessous pour susciter et alimenter ces échanges. Il est bien
entendu que la liste des différentes thématiques proposées ici n'est
ni exhaustive, ni exclusive, et encore moins impérative.
1. Acclimatation, conservation de la nature et
expérimentations
A travers les modèles végétaux, animaux (y
compris d'élevage) et humains, proposés dans le cadre d'expériences
d'acclimatation, on cherchera à comprendre dans quelle mesure
l’équivalence supposée entre les trois modèles a pu produire des
effets d’asymétrie. On pourra aussi revenir sur les concepts de
« race » et d’« environnement » et montrer la manière dont ils
se trouvent mêlés, et sur celui de « tropicalité », notion emprunte
d’ambiguïté dans la mesure où elle fait référence à une nature
sauvage qu’il faut préserver et/ou domestiquer sous un ordre
colonial. Enfin, on pourra réfléchir à l'idée que la colonisation
ait pu se présenter comme une expérimentation en plein champ, dans
le sens où les conditions sociopolitiques du régime colonial ont pu
favoriser la mise en œuvre de mesures qui auraient été disqualifiées
en métropole.
2. Circulation et négociations des savoirs
Différents concepts, outils, métaphores et
modèles ont contribué à la diffusion des savoirs coloniaux
(métaphores de la guerre et de l'invasion, modèle de l'îlot, mais
aussi du commensalisme et de relations pacifiées entre l’homme et
son environnement) et, pour certains, sont devenus une composante de
la pensée biologique et médicale. On pourra aussi documenter la
double logique de contestation/validation des savoirs, notamment
autour de ce que certains appellent la rencontre coloniale et les
zones de contact.
3. Représentation des Tropiques
Jardins d’acclimatation, expositions coloniales,
zoos humains, collections muséographiques, films de propagande
médicale, autant de lieux et d'objets qui nous permettront de nous
interroger sur les modes de représentations des colonies et des
colonisés.
4. La professionnalisation des sciences de la
vie et de la médecine
Souvent réduites au statut d’objets de science,
les populations colonisées n’en sont pas moins devenues aussi des
sujets de la science en train de se faire. On pourra ainsi revenir
sur les logiques de l’institutionnalisation et de la
professionnalisation des sciences de la vie et de la médecine à
travers la création de facultés et d’instituts de recherche, de
revues et de l’inscription de ces chercheurs dans des réseaux
internationaux.
Programme du Colloque
Sciences de la vie coloniale (XIXe-XXe
siècle) : bilans, enjeux et perspectives
24-25 mars 2010 -
Hospices civils, Institut d'anatomie pathologique, salle 19
Mercredi 24
mars 2010 |
14h00-14h30 |
Introduction/Présentation
|
(Matthieu Fintz, Marion Thomas) |
1. Sciences
de la vie coloniale et naturalisation des «Tropiques» Président de séance :
Christian Bonah |
14h30-15h00 |
Colonial, racial,
déterministe, climatique, progressiste: les adjectifs du
débat scientifique et médical sous les tropiques (fin XIXe-début
XXe
siècles) |
Annick
Opinel
|
15h00-15h30 |
Un
essai colonial de naturalisation de l’histoire :
l’ethnographie médicale d’Ernest Gobert en Tunisie
(1906-1950) |
Anne-Marie Moulin |
15h30-16h00
|
pause |
|
16h00-16h30 |
Anthropologie raciale et pratiques coloniales |
Carole
Reynaud-Paligot |
16h30-17h15 |
Mise en scène de la
science et des tropiques dans le cinéma colonial accompagné
par la projection du film Tropique de la Science (circa
1940-1950) |
Joël
Danet |
17h15-17h45 |
Discussion générale |
|
18h30 |
projection
du film, Jean Rostand, le solitaire de Ville-d’Avray, de
Jean-Claude Bringuier (1973) – au Jardin des Sciences |
|
Jeudi 25
mars 2010 |
2.
Circulation et négociation des savoirs biomédicaux dans les
espaces coloniaux Présidente de séance : Odile
Goerg |
09h00-09h30 |
L’acupuncture et le
moxa en Europe : de l’expérience pratique à la domination
orientaliste (17e
– 19e siècles) |
Ronald
Guilloux |
09h30-10h00 |
Femmes
et professions médicales dans l’Algérie coloniale |
Claire
Fredj |
10h00-10h30 |
L'émergence de la médecine coloniale (XVIIe-XVIIIe
siècle) et les "maladies des nègres" |
Elsa
Dorlin |
10h30-11h00
|
pause |
|
11h00-11h30 |
Histoires croisées
de la médecine coloniale. Sociabilités médicales et
échanges inter-imperiaux en Afrique |
Guillaume Lachenal |
11h30-12h00 |
La
surveillance de la grippe aviaire à Hong Kong : situation
coloniale et postcoloniale |
Frédéric Keck |
12h00-12h30 |
Discussion générale |
|
12h30-14h00 |
Déjeuner au Cerf d'Or |
|
3.
Environnement & écologie : de l’acclimatation à la
conservation de la nature Présidente de séance : Anne
Rasmussen |
14h00-14h30 |
Indies
beyond the Alps: acclimatization and Empire in Napoleonic
Italy |
Joseph
Horan |
14h30-15h00 |
Réalisme
économique et eugénisme dans le modèle colonial de
protection de la Nature d'Abel Gruvel (1870-1941) |
Josquin
Debaz |
15h00-15h30 |
De la
protection de la nature à la conservation des ressources
naturelles : une histoire de l’IUCN en contexte colonial et
postcolonial de la fin du 19ème siècle à 1980 |
Yannick
Mahrane |
15h30-16h00 |
pause |
|
16h00-16h30 |
Probing
the seven seas. Towards an oceanic and postcolonial concept
of tropicality (1950-1970) |
Franziska Torma |
16h30-17h30 |
Discussion générale de la session 3 et synthèses |
(Christian Bonah, Odile Goerg et Anne Rasmussen) |
Le vendredi 26 mars sera consacré au
congrès annuel de la Shesvie.
Dans ce cadre une session spéciale de quatre
communications est prévue. Celle-ci portera sur la question du
déterminisme du sexe en biologie. Elle est organisée en
partenariat avec le projet BIOSEX (Thierry Hoquet, Université
Paris Ouest).
Programme du Congrès
Seizièmes journées annuelles –
Strasbourg 2010
Vendredi 26 mars 2010 - Hospices
Civils de Strasbourg, Institut d’anatomie
pathologique, salle 19.
Avec le soutien et la
participation de l’Institut de Recherches
Interdisciplinaires sur les Sciences et la Technologie (IRIST).
Première partie |
09h00 |
Ouverture de la
journée |
Jean-Louis Fischer (président
de la Shesvie) |
09h15
|
Le botaniste Désiré
Cauvet et l’enseignement des théories transformistes
pendant le dernier quart du XIXe siècle |
Christian Bange
(Université Lyon 1) |
09h45 |
La vie d'une pratique
scientifique : le séquençage ARN |
Jérôme Pierrel
(Laboratoire Epistémé, EA 2971, Université de
Bordeaux) |
10h15 |
La Connaissance du
monde vivant chez le savant Al-Jâhiz (776-868) |
Meyssa Ben Saad
(CNRS-Sphere-Chspam,
Université Paris 7) |
10h45 |
Pause |
|
11h15 |
Biological Modularity:
The Rise of a Notion |
Silvia
Caianiello (Istituto per la storia del pensiero
filosofico e scientifico moderno, Consiglio
Nazionale delle Ricerche, Napoli) |
11h45 |
Le mutualisme
biologique : une histoire des premiers modèles
mathématiques |
Olivier Perru
(E.A. 4148, LEPS-LIRDHIST, Université Lyon 1)
|
12h15 |
Pause déjeuner |
|
Deuxième
partie |
14h00 |
Génétique et médecine
: un mariage de raison ? |
Laurence Perbal
(Chargé de
Recherches du F.R.S-FNRS - Université libre de
Bruxelles, Columbia University) |
14h30 |
Session Biosex : Histoire de
quelques conceptions relatives à la biologie de la
sexualité Présentation
générale :
Thierry
Hoquet |
14h40 |
Evolution ou origine
du sexe ? La tentation métaphysique de Geddes et
Thomson (1889) |
Thierry Hoquet
(Université de Nanterre Paris-Ouest) |
15h10 |
L'école
strasbourgeoise de l'intersexualité des années 1930 |
Jean-Louis Fischer
(CNRS, Centre Koyré) |
15h40 |
Pause |
|
16h10 |
La reproduction
asexuelle, la régénération animale et les théories
de l’hérédité non-Weismannienne : le cas de C.M.
Child et W. E. Ritter |
Maurizio Esposito (University
of Leeds, UK)> |
16h40 |
La sexualité des
protozoaires, son déterminisme, et la question de
l’immortalité des unicellulaires (1880-1930) |
Laurent Loison
(Centre François-Viète, Université de Nantes) |
17h10 |
Assemblée générale et
Conseil d’administration de la Société |