Congrès 2017
XXIIIe journées annuelles
Strasbourg, 20-21 avril 2017
Les prochaines journées annuelles de la Société
d'histoire et d'épistémologie des sciences de la vie
(SHESVIE) se tiendront les jeudi 20 et vendredi 21
avril 2017 à Strasbourg.
Ces journées sont organisées dans le cadre du
congrès de la SFHST qui se tiendra du 19 au 21 avril
2017.
Elles se dérouleront à l’Université de Strasbourg.
La première journée du jeudi 20 avril 2017 sera
consacrée à un colloque interdisciplinaire dont le
thème est le suivant : Écologie, homme,
environnement en histoire des sciences.
L'argumentaire et le programme définitif (ainsi que
les résumés associés) de ce colloque se trouvent
ci-dessous. Cette journée sera suivie d'une
Assemblée générale et d'un Conseil d'administration.
La seconde journée, le vendredi 21 avril 2017, sera
l'occasion du congrès annuel de la SHESVIE,
donnant lieu à des communications libres. Le
programme définitif (et les résumés associés) de ce
congrès se trouve ci-dessous.
Jeudi 20 avril 2017
Colloque : « Écologie, homme, environnement en
histoire des sciences »
Lieu : Université de Strasbourg, Faculté de médecine, bâtiment Forum,
salle F301
Argumentaire
La société d’histoire et d’épistémologie des
sciences de la vie propose deux demi-journées de
symposium autour de l’histoire et de l’épistémologie
de l’écologie. Les communications devront lier
l’histoire de l’écologie (19è-20è siècles) si
possible à l’épistémologie, mais surtout à des
domaines touchant l’histoire des sociétés et les
problématiques d’environnement. En effet, divers
signaux d’alarme au niveau mondial (notamment la COP
21) ont présenté l’actualité dramatique de la
dégradation de l’environnement et les solutions
technologiques, économiques et humaines à mettre en
place pour y remédier. Or, la question du rapport
entre l’étude et le développement de l’écologie
depuis le XIXe siècle (à partir des sciences comme
la botanique et la zoologie) d’une part, les
questions d’environnement et de société d’autre
part, ont une histoire, notamment en occident. Dès
1896, Svante Arrhénius s’était préoccupé du
réchauffement de la température terrestre en
fonction de l’augmentation du gaz carbonique
atmosphérique, avec des outils scientifiques
relativement performants pour l’époque. Ce fut la
première modélisation de l’effet de serre. Il y eut
une controverse scientifique sur le sujet dans les
premières années du 20e siècle.
Ce symposium pourra donc accueillir :
-
des communications sur la constitution de
l’écologie comme science de l’oikos, donc de
l’habitat, de l’environnement, et sur l’histoire de
l’approche des écosystèmes.
-
des communications en histoire de l’écologie qui
puissent ouvrir à des dimensions sociétales et
environnementales.
-
des communications sur les controverses
scientifiques autour de l’environnement.
Programme définitif
09h00-09h30 |
Bernard Feltz |
La science, les rapports
homme-nature et la crise écologique |
09h30-10h00 |
Loïc Péton |
L’abîme marin, traits
anthropomorphiques et crises |
10h00-10h30 |
Victor Lefèvre |
Un épisode décisif de la
constitution de l’écologie des écosystèmes : l’organicisme
clementsien |
|
|
Pause |
11h00-11h30 |
Antoine C. Dussault |
L’arrière-plan théorique du
programme de recherche sur la santé écosystémique |
11h30-12h00 |
Jean-Pierre Llored |
Écologie et Chimie : Étude
historique et épistémologique de quelques influences mutuelles |
|
|
Déjeuner |
16h00-17h00 |
|
Assemblées générales ordinaire et
extraordinaire de la Shesvie |
17h00-17h30 |
|
Conseil d’Administration de la
Shesvie |
Résumés associés
Bernard Feltz |
La science, les rapports homme-nature et la
crise écologique |
Dès le 17ème siècle, la physique galiléenne
institue un nouveau rapport à la nature que Descartes va thématiser
en termes de dynamique mécaniste. Ce rapport va s’imposer à la
culture moderne jusque la fin du vingtième siècle. Le concept
d’écosystème (Tansley, 1935) va conduire à une analyse des cycles de
divers éléments (Odum 1959) et à des procédures de modélisation
mathématique qui vont mettre en évidence le caractère fini des
stocks aussi bien énergétiques que de matières premières. Ainsi, à
partir des années 1970, l’écologie scientifique impose un nouveau
rapport à la nature où l’espèce humaine est un élément de
l’écosystème. Les théories de l’évolution biologique rejoignent
l’écologie scientifique pour conduire à une conception de l’humain
comme élément de l’écosystème. Ce deuxième rapport à la nature ouvre
au concept de développement durable. Cependant l’écologie
scientifique reste dans un rapport fonctionnel à la nature. Celle-ci
n’est respectable que dans la mesure où elle sert l’humain. C’est
pourquoi l’écologie radicale prétend aller plus loin que l’écologie
scientifique, pour dénoncer la primauté de l’humain sur la nature.
La Deep Ecology (A. Naess, A. Leopold) de même que les tenants de
l’Hypothèse Gaia (J. Lovelock) s’inscrivent dans un refus de
l’anthropocentrisme. Une quatrième position vise à modifier
profondément le rapport à la nature, à respecter la nature pour
elle-même, tout en maintenant le primat de la subjectivité : ce
rapport s’inscrit dans une prise en compte des apports de l’écologie
scientifique tout en intégrant les dimensions esthétique et
symbolique de la nature. Mon exposé vise à une explicitation du rôle
de la science dans chacun des quatre rapports humain-nature évoqués
ci-dessus. Une analyse finale abordera la question du lien de la
crise écologique avec la crise de la modernité. |
Loïc Péton |
L’abîme marin, traits anthropomorphiques et
crises |
L’intérêt des savants occidentaux pour
l’étude de la mer et de ses profondeurs prit de l’ampleur au cours
du XIXe siècle. Cette période fut marquée par la théorie de
l’influent naturaliste britannique Edward Forbes (1815-1854) qui
découpa en zones le fond marin et exposa que la vie marine habitait
seulement les couches superficielles de l’océan. L’abîme était perçu
comme trop hostile, cela malgré des mentions d’existence de vie
profonde par d’autres auteurs. Puis, dans les années 1860, l’idée
d’une vie présente en tous lieux s’imposa en Occident en étant
amplement diffusée. Mais le discours soulignant abondamment
l’existence de « vie partout » refléterait aussi un idéal de «
progrès » humain alors érigé lors des expositions universelles : les
capacités, exposées, des êtres marins feraient alors écho aux
possibilités humaines sublimées par la technologie. Ainsi, ma
présentation met en avant certaines facettes de l’approche des
abîmes marins, notamment des théories et des représentations qui
servent à les décrire et les définir. Dans un volet philosophique,
nous interrogerons les traits anthropomorphiques de celles-ci et
nous ferons un rapprochement avec le contexte actuel de « crise » de
la biosphère et de la biodiversité propre à l’Anthropocène,
notamment en abordant la question suivante : l’Homme, qui perçoit à
juste titre un environnement en crise, n’est-il pas avant tout « en
crise » avec lui-même ? Que peut nous apprendre sa façon de
percevoir la vie marine ? |
Victor Lefèvre |
Un épisode décisif de la constitution de
l’écologie des écosystèmes : l’organicisme clementsien |
Selon la plupart des historiens de
l’écologie, la science écologique aurait des racines darwino-linnéennes
sur lesquelles se seraient greffés à partir des années 1930 des
apports de la cybernétique, de la systémique, et de la
thermodynamique pour donner naissance à l’écologie des écosystèmes.
Cette historiographie classique néglige souvent un épisode décisif
de l’histoire de la discipline, la théorie de la succession
écologique élaborée au début du XXe siècle par Frederic Clements
(1904, 1905, 1916). En accord avec Eliot (2011), nous montrerons que
le travail de Clements d’une part fut en rupture avec l’histoire
naturelle et d’autre part participa à la constitution d’un nouveau
paradigme disciplinaire, l’écologie des écosystèmes. En introduisant
le concept de biome, entité fonctionnellement intégrée préfigurant
l’écosystème, Clements incita les écologues à changer d’objet
d’étude et à se consacrer à des problèmes nouveaux : explication de
la succession écologique et de la stabilité des entités écologiques
ainsi que détermination de leurs normes de bon fonctionnement. Dans
la mesure où l’écologie des écosystèmes conserve ces problèmes, son
développement ultérieur, entrepris notamment par Arthur Tansley
(1935), Raymond Lindeman (1942), Georges Hutchinson (1948), et
Eugene Odum (1953) aux moyens des outils de la cybernétique et de la
thermodynamique, doit davantage s’interpréter comme un raffinement
conceptuel au sein du paradigme initié par Clements plutôt que comme
un rejet de celui-ci. Nous montrerons en revanche que la manière
organiste d’aborder ces problèmes propre à Clements et son école a
eu une postérité contrastée au sein de l’écologie des écosystèmes.
|
Antoine C. Dussault |
L’arrière-plan théorique du programme de
recherche sur la santé écosystémique |
Mon objectif sera de présenter le programme
de recherche sur la notion de santé écosystémique qui s’est
cristallisé durant les années 1990 dans les travaux des
écologues-économistes David Rapport et Robert Costanza et à
expliciter son arrière-plan théorique. Je débuterai par une brève
chronologie des origines de ce programme de recherche et de sa
réception en éthique de l’environnement comme idée autour de
laquelle pourrait s’articuler de manière prometteuse le projet de
réaliser d’une forme de symbiose mutualiste entre les activités
humaines et le fonctionnement des écosystèmes. J’enchainerai avec la
présentation de « l’indice VOR » élaboré par Robert Costanza
caractérisant la santé écosystémique comme le produit mathématique
de la vigueur (V), l’organisation (O) et la résilience (R) d’un
écosystème. Ma contribution originale consistera à montrer l’ancrage
de cet indice dans le travail théorique de l’écologue des
écosystèmes Robert Ulanowicz sur la notion d’ascendance. Ce travail
théorique, qui prolonge celui d’Eugene Odum sur les tendances
caractérisant le développement normal des écosystèmes, infère de la
tendance que semblent typiquement avoir les réseaux d’interactions
écologiques à susciter des boucles auto-catalytiques, l’idée selon
laquelle les écosystèmes formés par ces réseaux seraient
caractérisés par une forme d’orientation téléologique dirigée vers
l’augmentation de leur vigueur et de leur niveau d’organisation. Je
terminerai en identifiant deux défis théoriques auxquels la notion
santé écosystémique se révèle faire face compte tenu de son ancrage
dans les travaux d’Ulanowicz : 1) L’objection de la contingence et
de l’historicité, qui met en doute la possibilité de lois générales
décrivant la dynamique des écosystèmes ; et 2) L’objection de la
téléologie hérétique, qui rappelle l’incompatibilité de l’idée d’une
téléologie se déployant à un niveau supra-organismique
d’organisation avec la biologie darwinienne orthodoxe. |
Jean-Pierre Llored |
Écologie et Chimie : Étude historique et
épistémologique de quelques influences mutuelles |
La chimie a influencé le développement de
l’écologie par le biais d’instrumentations, de savoirs et de
savoir-faire permettant de quantifier et de modéliser les impacts
sanitaires et environnementaux liés aux activités humaines.
L’écologie, en retour, influence l’évolution des innovations et des
réglementations chimiques. Une première partie de la conférence vise
à mettre en évidence ces influences mutuelles entre l’histoire de
l’écologie et l’histoire de la chimie.
Il s’agira ensuite d’étudier, avec un regard d’historien et
d’épistémologue, comment se mettent en place, depuis les années 90,
des travaux mobilisant, à la fois, un nouveau domaine de la chimie
appelé ” chimie verte ”, la toxicologie, la biologie cellulaire, les
biotechnologies, l’écologie, la physique, la médecine,
l’informatique et les sciences de l’ingénieur ? Ce faisant, nous
étudierons comment, au sein de ces projets pluridisciplinaires,
circulent et se transforment, graduellement, la signification et
l’utilisation pratique de méthodes et concepts comme l’analyse du
cycle de vie, la méthodologie QSAR, l’éco-conception et les essais
in silico.
Pour finir, nous montrerons comment cet échange fortifié entre
l’écologie, la chimie verte, et les autres domaines de pratiques
scientifiques et technologiques qu’il mobilise, participe à la
fabrication, renouvelée, de l’écologie comme science de l’oikos et
de la chimie comme science-industrie de la transformation des
matières. Nous soulignerons comment l’écologie et la chimie ne
cessent, depuis longtemps, et encore davantage de nos jours, de
mettre en évidence le haut degré relationnel des corps produits par
les sciences et les techniques, des êtres vivants, et de leurs
propriétés. |
Vendredi 21 avril 2017
Congrès de la Société d'épistémologie et d'histoire
des sciences de la vie
Lieu : Université de Strasbourg, Faculté de
médecine, bâtiment Forum, salle F113
Argumentaire
Chaque année, la SHESVIE propose une journée de
congrès, consacrée aux communications libres des
membres de la société. La Société d’Histoire et
d’Épistémologie des Sciences de la Vie se veut un
lieu de discussion, d’études et d’ innovation pour
les personnes intéressées par les sciences de la
vie, enseignants, chercheurs, étudiants, soucieuses
d’envisager les divers aspects de leur développement
historique qu’ils soient scientifiques, sociaux ou
philosophiques.
En 2017, la SHESVIE s’associe au congrès de la SFHST
et propose, dans ce cadre, deux demi-journées
’symposium SHESVIE’. Comme nous proposons déjà deux
demi-journées axées sur l’histoire de l’écologie et
de l’environnement, où pourront trouver place les
disciplines qui ont donné naissance à l’écologie,
comme la botanique et la zoologie, nous suggérons
que, dans ce symposium SHESVIE, ouvert à tous, les
communications libres des membres et sympathisants
de notre société se limitent aux domaines suivants :
-
Histoire et épistémologie de la physiologie
animale; histoire du cerveau et des neurosciences.
-
Histoire de la médecine.
-
Histoire et épistémologie de la biologie
cellulaire et moléculaire.
-
Histoire et épistémologie de la génétique.
-
Histoire de la microbiologie ; histoire et
épistémologie de l’immunologie.
Nous associerons volontiers à ces domaines
biologiques des communications en histoire de la
paléontologie, de la paléobotanique, de la
paléoanthropologie. Il est également suggéré aux
auteurs de centrer leurs propositions sur la période
qui va de la fin du XVIIIe siècle à la fin du XXe
siècle. Nous espérons que cette proposition large
permettra aux historiens des sciences de la vie qui
le souhaitent de communiquer des aspects originaux
et novateurs de leurs recherches. Programme
définitif
09h00-09h30 |
Charles Galpérin |
La génétique du développement des
membres chez les vertébrés au tournant du XXIe siècle |
09h30-10h00 |
Olivier Perru |
L’idée de métamorphose au 19e
siècle, un obstacle épistémologique à l’évolution biologique ? |
10h00-10h30 |
Nicola Bertoldi |
Existe-t-il une main invisible de
l’évolution ? Les fondements individuels des phénomènes biologiques
collectifs |
|
|
Pause |
11h00-11h30 |
Mathilde Lequin |
Lucy : de la bipédie aux bipédies
dans la lignée humaine |
11h30-12h00 |
Dominique Vidal |
La découverte du rôle de la puce
comme vecteur de la peste par Paul-Louis Simond (1858-1947) médecin
des troupes coloniales et pasteurien : une découverte qui dérange |
12h00-12h30 |
Mathieu Arminjon |
La « redécouverte » des
déterminants sociaux des maladies (1950-1970). Éléments pour une
histoire épistémologique et politique de l’épidémiologie sociale |
|
|
Déjeuner |
14h00-14h30 |
Jennifer Bernard |
Lynn Margulis, architecte de la
théorie endosymbiotique |
14h30-15h00 |
Jean-François
Thurloy |
1710, Pourfour du Petit et la mise
en évidence du faisceau pyramidal |
15h00-15h30 |
Céline Cherici |
La stimulation cérébrale profonde:
une nouvelle frontière dans le champ de la psychiatrie ? |
Résumés associés
Charles Galperin |
La génétique du développement des membres chez
les vertébrés au tournant du XXIe siècle |
Nous nous proposons tout d’abord de
distinguer le mode développement de la drosophile et celui des
vertébrés. Chez ces derniers, le développement se déroule
essentiellement selon l’axe antérieur-postérieur ou proximal-distal,
dans des séquences qui dépendent du temps. Les structures se
construisent dans un ordre successif : par exemple l’humérus avant
les doigts. Nous suivrons le rôle joué par la famille des gènes HOX.
Les domaines d’expression de ces gènes doivent obéir à une
coordination parfaite et ce grâce à une propriété unique : « les
gènes sont organisés le long du chromosome dans une suite qui
reflète le temps et le lieu de leur activation au cours du
développement ». Grâce à quels mécanismes ? Comment le groupement
des gènes peut-il coordonner les activités de transcription ? Nous
suivrons les données expérimentales et la réflexion conceptuelle qui
aboutiront en 2003 au concept de régulation globale ou de paysage
régulateur. |
Olivier Perru |
L’idée de métamorphose au 19e siècle, un
obstacle épistémologique à l’évolution biologique ? |
Très présente dans la littérature
gréco-latine, l’idée de métamorphose se retrouve au 19e siècle dans
la poésie de Lautréamont, dans Ainsi parla Zarathoustra de
Nietzsche, et en 1912, dans La métamorphose, de Kafka. La
métamorphose en littérature ou en philosophie caractérise la volonté
de transformation de l’humain ; un anthropocentrisme de la figure
animale de la métamorphose la situe dans la ligne d’un mouvement
volontaire ou psychologique, ce qu’elle n’est pas dans la nature.
Par contre, la rapidité est attribuée à juste titre à la
métamorphose - sauf si on observe la néoténie.
En sciences, la généralisation de l’idée de métamorphose au 19e
siècle (Cf. La Métamorphose des Plantes, de Goethe) conduit à
relativiser la réalité diverse des transformations biologiques, tout
étant ramené au même phénomène et à une même origine. A partir de
Von Baer et surtout avec Haeckel, l’évolution du vivant se
structurera autour de la métamorphose. C’est Haeckel qui formulera
le plus nettement la « loi » de récapitulation de la phylogenèse par
l’ontogenèse, laquelle s’avère fausse, en particulier chez
l’axolotl. L’idée générale de métamorphose souligne son caractère
individuel avec la possibilité de conservation d’un caractère «
ancestral », mais elle véhicule parfois la possibilité de
transformations universelles. Or contrairement à la position
d’Haeckel, la métamorphose ne récapitule pas la transition évolutive
vers la diversité des animaux terrestres. Elle canalise plus qu’elle
ne diversifie et détermine certaines transformations. Le
développement est plus semblable entre les amniotes et les
gymnophiones qu’avec les autres amphibiens, la métamorphose des
amphibiens ne dit rien de l’évolution biologique. |
Nicola Bertoldi |
Existe-t-il une main invisible de l’évolution ?
Les fondements individuels des phénomènes biologiques collectifs
|
Forgée par Adam Smith (1759) et donc
étroitement associée au cadre théorique de l’économie classique et
néoclassique, la métaphore de la « main invisible » incarne un
véritable topos de l’histoire des idées, à savoir la conviction que
toute forme d’ordre social devrait être considérée comme le résultat
d’interactions entre des individus qui poursuivent leurs propres
intérêts. Une telle idée semble constituer également le présupposé
fondamental de la théorie de l’évolution telle qu’elle a été
formulée par Charles Darwin (1859). Selon Darwin, en effet,
l’apparition de nouvelles espèces biologiques est causée par
l’accumulation progressive, au cours de plusieurs générations, de
mutations individuelles spontanées qui s’avèrent être plus adaptées
que d’autres aux changements des conditions environnementales. Bien
qu’une telle analogie puisse paraître justifiée à la lumière des
sources dont Darwin s’est explicitement inspiré (Bowler 1983), sa
pertinence reste à démontrer : dans quelle mesure un concept qui a
été développé afin d’expliquer les conséquences inattendues des
actions volontaires des hommes en société pourrait-il s’appliquer à
des phénomènes naturels ? Afin de répondre à cette question, ma
contribution tâchera d’identifier des critères qui permettent de
tracer un parallèle entre l’histoire de la pensée économique et
celle de la biologie de l’évolution. Dans ce but, elle se
concentrera sur deux tentatives majeures de reformuler la théorie de
Darwin, qui visent à expliquer l’émergence de phénomènes collectifs
(le comportement social et la spéciation) à partir de
caractéristiques individuelles, à savoir la socio-biologie de E. O.
Wilson (1975) et la théorie des équilibres ponctués de Stephen J.
Gould (2007). |
Mathilde Lequin |
Lucy : de la bipédie aux bipédies dans la
lignée humaine |
En 1974, la découverte du squelette fossile
A.L. 288-1, plus connu sous le nom de Lucy, ouvre une nouvelle page
de l’histoire de la paléoanthropologie. Avec ce spécimen, attribué
en 1978 à la nouvelle espèce Australopithecus afarensis, l’évolution
locomotrice s’impose comme un objet de débat majeur dans cette
discipline. Le critère de la bipédie conquiert alors son
indépendance par rapport à celui de l’outil, tandis qu’il en était
auparavant perçu comme la condition de possibilité (voir par exemple
la description d’Homo habilis en 1964). En portant sur les modalités
de la bipédie pratiquée par Lucy (bipédie semblable à la nôtre ou
différente et conjuguée à un comportement arboricole), le débat très
vif suscité par cette découverte substitue à la question de la
bipédie celle des bipédies. Il fait ainsi émerger l’hypothèse d’une
diversité locomotrice dans la lignée humaine, toujours discutée
actuellement. Dans cette communication, nous dresserons un bilan
critique des interprétations conflictuelles de ce squelette fossile.
En dépit des découvertes fossiles majeures qui se sont succédées en
paléoanthropologie depuis lors, impliquant de mettre en perspective
la découverte de 1974, nous montrerons que le débat sur Lucy est
fondateur dans la mise en place du cadre interprétatif qui continue
à être utilisé pour la locomotion des homininés. Nous dégagerons les
enjeux épistémologiques inhérents à ce débat, en mettant en évidence
leur persistance dans le cadre actuel. |
Dominique Vidal |
La découverte du rôle de la puce comme vecteur
de la peste par Paul-Louis Simond (1858-1947) médecin des troupes
coloniales et pasteurien : une découverte qui dérange |
La peste, une maladie mythique, a ravagé le
monde antique puis l’Europe du Moyen-âge, et elle a inspiré nombre
d’écrivains, de Boccace à Camus. Les découvertes de Louis Pasteur et
Robert Koch sur les maladies infectieuses ont conduit à une rupture
technologique majeure dans la lutte contre les maladies
transmissibles. Elle s’est accompagnée d’une concurrence
scientifique acharnée entre les chercheurs, allemands et français,
mais aussi japonais et britanniques ; ce sont les pastoriens qui ont
gagné la bataille de la peste en découvrant, coup sur coup, l’agent
de la peste avec Yersin en 1894, et la transmission par la puce du
rat avec Simond en 1898. Ce dernier naquit dans un petit village de
la Drôme. Après son engagement comme médecin de marine, il passera
par l’Institut Pasteur, et c’est dans le corps des médecins des
troupes coloniales qu’il fit sa découverte ; d’abord moquée et mise
en doute cette avancée scientifique dérange. Elle fut pourtant une
ouverture majeure pour la compréhension de la transmission des
maladies infectieuses par des arthropodes et pour les mesures de
prévention et d’hygiène pour lutter contre la peste. Elle ne fut
reconnue par la communauté scientifique internationale que plusieurs
années après sa publication. |
Mathieu Arminjon |
La « redécouverte » des déterminants sociaux
des maladies (1950-1970). Éléments pour une histoire épistémologique
et politique de l’épidémiologie sociale |
Les récents développements touchant aux
déterminants sociaux des maladies ne manquent pas de diviser le
champ des humanités médicales. Pour certains, toute approche visant
à mesurer l’impact de l’environnement physique et social sur la
santé ne constituerait, au final, qu’une forme plus ou moins
renouvelée de stratégie biopolitique. Parallèlement, le retour de la
question des déterminants sociaux de la santé coïncide avec
l’émergence d’une critique du modèle biopolitique visant à
promouvoir des « politiques de la vie » alternatives ; à prendre en
compte la réflexivité des acteurs dans le développement des sciences
; voire à conceptualiser les modalités d’une « résistance biologique
». Je me propose d’aborder ce débat à partir du cas de
l’épidémiologie sociale définie comme l’étude de « la distribution
sociale et des déterminants sociaux de la santé ». Ma communication
montrera que les origines, les objets épistémiques et la visée
normative de l’épidémiologie sociale semblent effectivement en faire
le prototype même du « biopouvoir ». Je me propose d’esquisser une
analyse épistémologique et politique des développements de
l’épidémiologie sociale en France, aux États-Unis ainsi qu’en
Angleterre. Celle-ci me permettra de montrer que l’épidémiologie
sociale est étroitement liée à l’apparition, au tournant des 1970,
d’une pratique sociale de la preuve scientifique en rupture avec le
régime de politisation des sciences de la vie qui caractérisait la
médecine sociale du XIXe siècle. Cette analyse historique me mènera
finalement à préciser les enjeux épistémologiques, critiques et
politiques liés à la mise au jour des déterminants sociaux des
maladies. |
Jennifer Bernard |
Lynn Margulis, architecte de la théorie
endosymbiotique |
Lynn Margulis est présentée comme la
chercheuse ayant reformulé et porté la théorie endosymbiotique, à la
fin des années soixante, de son dénigrement à son acceptation par la
communauté scientifique dans les années quatre-vingt. Pourtant, la
contribution de Margulis n’est ni nouvelle, ni décisive en termes
d’expérimentation concluante. La controverse qui eut lieu dans les
années soixante-dix fut close en grande partie grâce à un nouveau
champ de la biologie auquel elle adressait de vives critiques, la
phylogénie moléculaire. Plus encore, les spécificités de sa version
de la théorie n’ont pas été étayées en cinquante ans de recherches.
Je montrerai que malgré ces critiques, l’apport original de Margulis
réside dans la contextualisation de l’origine des mitochondries et
des chloroplastes dans un scénario de l’évolution de la vie sur
Terre, qui, en convoquant toutes les disciplines biologiques, fit
émerger cet épisode de l’histoire du vivant comme sujet transversal
étudié et débattu au niveau international, dont les résultats
multidisciplinaires contribuèrent, en retour, à l’étayage de la
théorie. |
Jean-François Thurloy |
1710, Pourfour du Petit et la mise en évidence
du faisceau pyramidal |
En 1710, parait à Namur, une lettre, signée
François Pourfour du Petit, chirurgien des armées, dans laquelle, il
rapporte le cas de plusieurs soldats qui blessés à l’orbite oculaire
par des coups d’épée ou ayant reçu des coups à la tête présentent
une paralysie du côté opposé de la blessure. Partant d’une idée
simple selon laquelle toutes commotions sont accompagnées
d’épanchements de sang, dû à la rupture des vaisseaux sanguins,
d’inflammations, il recherche ces signes dans le cadavre. Mais force
est de constater que le cerveau du côté de la blessure ne présente
aucune altération. En revanche, du côté opposé, il remarque parfois
des abcès, des inflammations. Il émet donc l’hypothèse que c’est du
côté opposé de la blessure qu’il faut rechercher les causes de la
paralysie. Fin anatomiste, aidé par son scalpel, mêlant observations
et expériences, il n’aura de cesse d’interroger les cerveaux.
Reproduisant expérimentalement chez le chien, les mêmes altérations
cérébrales, qu’il a observé chez l’homme, il aboutit à l’idée selon
laquelle, les fibres médullaires, constituant toute la partie
corticale cérébrale, s’inversent au niveau des corps pyramidaux de
sorte qu’une blessure au côté gauche produira une paralysie au côté
droit et une blessure du côté gauche produira une paralysie du côté
droit. La mise en évidence du faisceau pyramidal sanctionne la
volonté d’un homme de faire progresser les connaissances anatomiques
de son époque en adoptant la démarche d’une médecine expérimentale.
|
Céline Cherici |
La stimulation cérébrale profonde: une nouvelle
frontière dans le champ de la psychiatrie ? |
La stimulation cérébrale profonde agit sur
le cerveau par le biais d’impulsions électriques, prenant ainsi en
charge un certains nombre de symptômes de type parkinsonien. Or
depuis peu, cette technique est également appliquée à certains
troubles psychiatriques et comportementaux tels que les troubles
obsessionnels compulsifs. Ceci nous pousse à nous poser certaines
questions : notre cerveau est-il une machine électrique au sein de
laquelle nous pouvons moduler le comportement pathologique? Cette
question semble recevoir une réponse positive dans certaines
pratiques contemporaines. Ceci, à son tour, soulève la question
suivante: est-il encore logique de faire la différence entre la
psychiatrie et la neurologie?
Nous nous appliquerons à retracer l’historicité de cette
problématique. |
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