Ses ancêtres avaient dû naître dans la très illustre ville de Wesalia ou de Faesula sur Clèves. Les armoiries familiales portent trois belettes et les habitants des provinces belgiques appellent ce genre d’animal wesel (« belette »). De là vient qu’il écrivit d’abord son nom Wesalius ou Wessalius, et que Guinter l’appelle aussi par ce nom quand il fait son éloge dans les Institutions anatomiques, aussi bien dans la première édition de 1536 que dans celle produite à Metz en 1539[12]. Issu d’une telle souche, né de tels parents, il veilla à ne pas dégénérer des qualités de ses ancêtres, et il s’efforça avec la plus grande énergie d’accroître leur renommée par ses qualités personnelles. Ses parents avaient pris soin que l’enfant fût imprégné des humanités et de l’enseignement d’Aristote dans le collège du Château à Louvain. L’amour qu’il avait gardé depuis sa tendre enfance pour les sciences naturelles y brilla aussitôt. Il y apprit le latin si bien que, par la suite, sa manière de s’exprimer, en même temps pure, châtiée et fleurie, suscitait l’admiration du lecteur. Il était rompu dans les lettres grecques au point d’en avoir la parfaite maîtrise. Tel est le style qu’on observe dans sa grande œuvre, au point que Riolan, qui le dénigre en tout lieu, non sans une suspicion d’envie, pense que Vésale, incapable d’avoir écrit cet ouvrage lui-même, a utilisé la main obligeante d’un quelconque grand érudit, et que d’autres supposent que ce fut Joannes Oporinus, professeur de grec à Bâle, qui se chargea de cette mission, ceci sans la moindre velléité de vérité. Il est absurde de croire cela. Qui donc, même en connaissant le latin, tenterait d’écrire une histoire naturelle du corps humain, d’après une description faite par quelqu’un d’autre, si lui-même ignore l’anatomie ! Cet imprudent malmènerait la vérité des faits et le sens propre des mots plus de mille fois ! En fait Vésale a usé de la même manière d’écrire dans ses notes au Commentaire de Guinter, dans l’Epitome et dans la Lettre sur la saignée. Mais ensuite, après avoir vécu longtemps à la cour, loin de tout commerce avec les Muses, ayant peu à peu perdu l’élégance qu’il avait montrée auparavant, il s’en est quelque peu écarté. Nous sommes cependant surpris des critiques de Riolan[13]à l’égard de Vésale : [il lui reproche] une écriture ampoulée, des sentences tirées en longueur, une description de la réalité peu intelligible, alors qu’il emploie une manière de dire si simple, beaucoup plus claire et moins abrupte que Riolan ! Mais c’est ainsi : qui est très indulgent pour soi-même est souvent un censeur trop sévère des mérites d’un autre!
On peut connaître les progrès de Vésale en grec du fait qu’il avait « dévoré », selon l’expression de Falloppio, les textes grecs de Galien dans un Musée[14], quand il était jeune et disciple de Galien. Bien plus, il consigna un grand nombre d’annotations sur les œuvres de Galien en grec rassemblées en un seul volume. Il débarrassa le Galien publié en Italie et dans l’Empire des fautes faites par les traducteurs. Il corrigea partout des erreurs en grand nombre, des mots traduits du grec en latin par des hommes qui ignoraient l’anatomie ; il rétablit d’autres passages, en très grand nombre, chez le même Galien. Il avait préparé des notes sur les ouvrages anatomiques de Galien, avec d’autres ouvrages du même auteur qu’il avait déjà beaucoup amendés auparavant, dans le but de les publier. Bref, sa connaissance des auteurs grecs était si réputée qu’Alde Giunta, le plus illustre imprimeur de Venise, lui demanda à titre exceptionnel s’il voulait corriger le texte grec de Galien et sa traduction latine,