Le don. Genèse

 

Il est des rencontres et des choses curieuses qu'il est intéressant de raconter.

Professeur de pharmacognosie à la faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry (Université Paris Sud), il me fut apporté un herbier datant de la fin du 19e siècle, constitué d’environ 3500 échantillons de plantes, avec le plus souvent la date et le lieu de récolte. Je décidais de le conserver le plus précieusement possible.

En 2012, s’est posée la question de la pérennité de cet herbier. Je l'ai proposé en don à la Bibliothèque interuniversitaire de pharmacie (Université Paris Descartes). Mais la déception fut grande après l'ouverture des cartons : beaucoup d'échantillons se trouvaient en effet en très mauvais état de conservation. Tout espoir de laisser cet herbier à la disposition des étudiants et des chercheurs se révéla complètement irréaliste. Le rêve de garder cette mémoire de plantes s'envola. Jusqu'au jour où …

… Un projet de valorisation artistique de l'herbier fut envisagé entre la bibliothèque et le peintre et sculpteur Pierre Zanzucchi. Il proposa un travail à partir des traces laissées sur le papier par différentes parties de plantes donnant ainsi une seconde vie à cet herbier en voie de disparition.

Agréablement surpris, j'ai éprouvé une grande joie à l'annonce de ce qui pouvait passer pour une renaissance. Ce travail d'artiste s'est finalement avéré pas très éloigné des nombreuses recherches scientifiques effectuées à partir justement des traces et empreintes végétales. Et de citer par exemple les études des traces de drogues aromatiques laissées sur le fameux linceul de Turin, celles très actuelles des fossiles de plantes vieilles de 400 millions d’années pour tenter de trouver des caractéristiques propres à infirmer ou confirmer les données de l’évolution des végétaux. En effet, les traces de vie végétale peuvent être des empreintes, des compressions ou des structures imprégnées par des minéraux comme les bois silicifiés (Travaux de paléobotanique comme ceux de Christine Strullu-Derrien).

A partir de la nature, les artistes ont pu, de leur côté, laisser la place à l'imaginaire, tel l'herbier imaginaire bien connu d'Aimé Césaire. Dans le cas présent, ressusciter le "souvenir disparu de parties de plantes", suivre leur trace, créer des lignes, des formes, c'est sans nul doute un beau programme et une magnifique réalisation. Merci à Pierre Zanzucchi, devenu ainsi l'auteur du "testament des herbes disparues".

Michel Paris
membre de l'Académie nationale de pharmacie