1  

L’homme Fauchard

On a vu les appréciations très différentes et contradictoires portées sur Fauchard tant par ses contemporains que par la postérité. Les apports fondamentaux du Chirurgien Dentiste à l’odontologie sont universellement reconnus. Mais le ton de l’ouvrage, comme le remarque à juste titre Guy Didier, est souvent polémique. Et la constante affirmation de l’auteur de sa supériorité sur les grands chirurgiens comme sur les empiriques n’échappe à personne. Dans un Paris qui ne comptait que quelques experts pour les dents, les empiriques étaient cependant bien utiles pour soulager tant bien que mal la douleur des pauvres gens.

On ne peut que brièvement évoquer son attitude critique à l’égard de Bunon ou son acharnement envers Garengeot à qui il consacre presque exclusivement le dernier chapitre de son deuxième volume. Ses raisons sont sans doute autant personnelles que professionnelles. Garengeot (1688-1759), breton comme lui est fils d’un chirurgien de Vitré. Pauvre, il bénéficie lors de sa venue à Paris en 1711 de quelques soutiens de chirurgiens. Il est reçu en 1725, Maître Chirurgien de Saint Côme, puis Démonstrateur Royal, membre de l’Académie royale de chirurgie, etc. Pierre Fauchard démantèle systématiquement le chapitre sur les dents et les instruments de son Nouveau Traité des Instruments de Chirurgie les plus utiles … paru d’abord en 1725 à La Haye, puis en 1727 à Paris. Certes Garengeot parle "d’arracheurs de dents" et Pierre Fauchard tenant à promouvoir sa profession au rang d’une spécialité ne peut tolérer qu’un chirurgien écrive un énième chapitre adressé à ceux-ci. De caractère probablement difficile, on pourrait se demander pourquoi, avec son indéniable compétence, il n’a jamais eu une nomination officielle à la cour comme Capperon, Bunon ou Bourdet ? Enfin, bien d’autres interrogations se posent au vu ces déclarations : "Le sieur Pierre Fauchard, auteur du livre intitulé : "Le Chirurgien Dentiste" avertit le public qu’il continue de travailler sur les dents et à tout ce qui concerne leur embellissement, leur conservation, leurs maladies et celles des gencives et que le bruit qui s’est répandu qu’il a quitté la profession est sans fondement, etc." (Mercure de France, septembre 1741). Et à la fin de sa deuxième édition : "On a répandu le bruit que j’avais quitté la profession, ce qui ne peut avoir été inventé que par des gens qui, sacrifiant leur honneur à l’intérêt, voudraient usurper mon nom pour s’attirer plus facilement les personnes qui m’honorent de leur confiance, etc.".

En 2011, bien des questions sur l’homme Fauchard sont encore sans réponse.