Traité des maladies mentales considérées sous le rapport médical, hygiénique et médico-légal, d’Étienne Esquirol, 1838

présenté par le Pr. Jacques Postel

Highslide JS

Avec le Traité de la manie de son maître Pinel, le Traité des maladies mentales considérées sous le rapport médical, hygiénique et médico-légal d’Étienne Esquirol est certainement le plus grand classique des ouvrages de psychiatrie de la première moitié du XIXe siècle. Edités par J.-B. Baillière en 1838, ces deux gros volumes représentent le couronnement de la carrière de l’auteur qui est alors médecin-chef de la Maison royale de Charenton, et l’initiateur de la fameuse Loi sur l’internement des malades mentaux, qui vient d’être signée par le roi Louis-Philippe, le 30 juin de cette même année. Il est aussi le promoteur de la reconstruction de Charenton dont les plans, tracés sous sa directive, serviront de modèle à tous les constructeurs d’asiles jusqu’au début du XXe siècle.


Esquirol (1er en haut à gauche)
Les deux tomes de l’ouvrages (678 et 864 pages), enrichis d’un atlas de 27 planches finement gravées par A. Tardieu représentant différents types d’aliénés, réunissent en fait tous les articles antérieurs d’Esquirol et, en particulier ceux qu’il avait rédigés pour le grand Dictionnaire des sciences médicales édité par Panckoucke entre 1821 et 1826. Il les a, pour la plupart, actualiés et complétés, mais sans en avoir modifié l’essntiel.

On y retrouve la classification de son maître Pinel , légèrement modifiée. En particulier, la différence entre ce qui de l’ordre de l’insuffisance de développement mental (idiotie, crétinisme, imbécillité) et ce qui est de celui de l’affaiblissement psychique (démence) y est mieux tranchée. Au passage, il a remplacé le terme d’idiotisme (qui avait une signification linguistique) par celui d’idiotie. C’est aussi la mélancolie qui représentait pour Pinel tout délire partiel (pas forcément accompagné de tristesse) qu’Esquirol fait disparaître, en le remplaçant d’un côté par la lypémanie ou délire triste (avec une forme conduisant au suicide) et de l’autre par les fameuses « monomanies », délires limités à une seule, ou à un petit nombre d’idées délirantes. C’est certainement la contribution la plus originale de l’œuvre clinique d’Esquirol. C’est aussi celle qui sera la plus discutée, en particulier certaines formes comme la monomanie homicide qui sera l’objet de violentes discussions entre les juristes et les aliénistes.


Highslide JS
Pinel
Mais c’est aussi sur le traitement moral, les maisons de soins pour les malades mentaux, l’administration et la police de ces établissements, que l’ouvrage comporte des chapitres vraiment novateurs. C’est donc l’illustration, à la fois clinique et thérapeutique, d’une œuvre considérable qui aura profondément marqué le destin de toute la psychiatrie occidentale.