Traité de chirurgie plastique, de Jobert de Lamballe, 1849

présenté par le Pr. Marcel Guivarc’h

Antoine Joseph Jobert de Lamballe (1799-1867) , breton d’origine très pauvre, doit à un mécène de pouvoir « monter » à Paris en 1819 pour faire ses études de médecine. Son ascension y est remarquable : interne des Hôpitaux de Paris en 1821, élève de Richerand et de Jules Cloquet , prosecteur, il devient chirurgien des Hôpitaux en 1829, puis professeur agrégé d’anatomie en 1831. Il exerce à Saint-Louis de 1831 à 1848, puis à l’Hôtel-Dieu de 1849 à 1865.

Chirurgien consultant du roi Louis-Philippe, chirurgien ordinaire de Napoléon III, il a une grosse activité à l’hôpital et une riche clientèle de ville ; sa réputation est internationale. Il est élu membre de l’Académie de médecine en 1841, et membre de l’Institut en 1856. Il doit à une fin tragique une dernière célébrité : la paralysie générale syphilitique conduit à l’interner dans la clinique d’aliénés du Docteur Blanche, où il meurt le 19 avril 1867.

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Jobert de Lamballe Richerand Cloquet
Son œuvre scientifique est féconde. Ses travaux expérimentaux et cliniques portent sur tous les domaines de la chirurgie et sur trois points essentiels : les sutures intestinales par adossement et invagination dès son internat en 1823 ; la chirurgie plastique, notamment la cure par lambeau de glissement de fistules vésico-vaginales ; l’anesthésie générale, qu’il est le premier en France à introduire, à Saint-Louis, le 16 décembre 1846. Mais il a aussi publié des livres sur les Plaies d’armes à feu en 1833, le Système nerveux en 1838, et il a écrit beaucoup de publications académiques.

Quand le Traité de chirurgie plastique paraît en 1849, Jobert est à l’apogée de ses qualités chirurgicales. Il vient d’être nommé chef de service à l’Hôtel-Dieu après vint ans passés à Saint-Louis, et il est redevenu Agrégé libre d’anatomie et de médecine opératoire.

Le livre comporte deux volumes et un superbe atlas illustré de dix-huit planches en couleur, dont neuf concernent la vascularisation pelvienne et la cure des fistules vésico et recto vaginales, par son procédé du lambeau de glissement et avec ses instruments. Dans les deux tomes, il rapporte en détail ses observations, dont la première réussie en 1836. En 1860, il en aura opéré cent trente-sept avec 60% de guérison dans une infirmité réputée, avant lui, incurable. L’anesthésie générale depuis 1846 et, surtout, sa dextérité et sa rapidité opératoires facilitent ces bons résultats, et lui valent une notoriété et une clientèle internationales, d’autant plus que beaucoup de malades avaient déjà subi sans succès une ou plusieurs opérations.

Jobert décrit aussi dans cet ouvrage ses procédés et ses observations dans la cure des brides cicatricielles des doigts et de l’aisselle ; la couverture du thorax par lambeau de glissement après ablation de volumineux cancers du sein ; des fistules du périnée ou de la verge par lambeau scrotal. Les plasties faites pour fermer des fistules stercorales (anus contre nature), celles de l’intestin par un fragment d’épiploon sont aujourd’hui moins convaincantes. De même, le terme de hernioplastie pour l’introduction d’un tampon dans le trajet herniaire, procédé redécouvert après 1980 (pflug).

L’ingéniosité de ses techniques, l’analyse de ses observations, de ses échecs, de ses réinterventions font de Jobert de Lamballe le père de la chirurgie plastique moderne, et la lecture de cet ouvrage, vieux de cent cinquante ans, demeure un vrai plaisir.