Xavier Bichat

par le Pr. Marie-José IMBAULT-HUART

Xavier Bichat dont nous commémorons en 2002 le bicentenaire de la mort est plus célèbre que connu.

Le passant qui longe l'ancienne Faculté de Médecine de Paris, aperçoit au fond de la cour la statue de Bichat réalisée par David D'Angers, et en déduit qu'il s'agit sans doute d'un professeur que la Faculté a voulu honorer. Or cette très belle statue est celle d'un jeune médecin provincial, arrivé à Paris en 1794 et qui ne fut "que" chirurgien à l'Hôtel-Dieu jusqu'à sa mort en 1802, car il n'obtint jamais de chaire. C'est à partir de cette activité qu'il s'oriente vers la recherche et qu'il construit en sept ans une oeuvre prodigieuse qui non seulement révolutionne la connaissance du corps humain et de son fonctionnement, mais ouvre un champ de recherche qui est encore celui de la médecine moderne. Bichat fonde une nouvelle anatomie, une nouvelle physiologie et une nouvelle vision de la pathologie.

Une nouvelle anatomie

Bichat publie en 1799, un "Traité des membranes en général..." qui donne une nouvelle vision de la structure du corps humain : "Tous les animaux sont un assemblage de divers organes qui en exécutant chacun une fonction concourent... à la conservation du tout . Or ils sont formés de différents tissus de natures très différentes et qui forment les éléments de ces organes".

A partir de cette découverte des "tissus", Bichat invente le mot et les groupe en vingt et une variétés, en établissant une corrélation entre leurs structures, leur rôle et les maladies qui leur sont propres. Il distingue le système cellulaire, le système séreux et le système synovial.

Pour la première fois, Bichat introduisait le concept anatomo-fonctionnel du système tissulaire, exemple récent : les maladies du collagène.

Une nouvelle physiologie

A partir de cette nouvelle anatomie, Bichat distingue dans les tissus des propriétés physiques fixes, invariables, susceptibles d'être soumises au calcul, l'élasticité, l'extensibilité et des propriétés vitales, la sensibilité et la contractibilité. La vie de l'organisme est la somme de ces vies tissulaires et organiques partielles.

Il découvre le balancement entre l'anabolisme et le catabolisme en ouvrant ainsi les recherches ultérieures sur le métabolisme.

Une nouvelle vision de la pathologie

De même il entrevoit très clairement l'existence de mécanismes physiologiques compensateurs destinés à pallier les perturbations de l'équilibre normal provoquées par des facteurs divers. C'est ce que le physiologiste canadien Hans Selye (1907-1989) conceptualisera sous le nom de "syndrome général d'adaptation" réaction contre l'agression qu'il appellera "stress".

"La vie", déclare Bichat "est la somme totale des fonctions qui résistent à la mort". Bichat peut être aussi considéré comme un précurseur de la chirurgie de la douleur selon René LERICHE. En effet sous l'impulsion de Bichat, la recherche sur la douleur s'oriente sur la lésion du tissu plutôt que sur l'organe affecté.

Il cherchait à établir des distinctions selon que la douleur affectait tel ou tel tissu et en en faisant ensuite un signe puissant de diagnostic "la section de certains nerfs ne pourrait-il pas être un moyen de guérison de plusieurs maladies. Par exemple celles qui sont très douloureuses et où le malade refuse l'amputation ?".

L'oeuvre de Bichat est un "prodige presque unique. Elle constitue une pierre angulaire puissante parmi celles qui ont permis d'édifier la médecine moderne" dit Henri Mondor.

Ce qui fait dire à Gustave Flaubert que "la grande école médicale française est sortie du tablier de Bichat".