Les recueils et ensembles manuscrits de consultations médicales écrites à la BIU Santé

La pratique de la consultation écrite, déjà attestée pendant l’Antiquité, se développa en Italie à la fin du Moyen Age [1] puis à l’époque moderne dans la plupart des pays européens [2], dont la France [3]. En latin puis principalement en langue vernaculaire au XVIIIe siècle, les consultations écrites étaient des textes de quelques pages rédigés par les médecins consultés à distance ou à l’issue d’une rencontre sur des cas particuliers de maladie ou de problème de santé. Ils reprenaient les informations envoyées dans un mémoire, ou collectées pendant la rencontre avec le malade et présentaient généralement une discussion de la maladie avec ses aspects diagnostiques, pronostiques, étiologiques et physiopathologiques, puis les décisions thérapeutiques, comprenant habituellement l’énoncé des « indications » qui dépendaient des causes et des mécanismes incriminés, suivies de la liste des remèdes à prendre, du régime de vie à suivre, ainsi que leurs adaptation en fonction de l’évolution prévisible de l’état du malade. Rédigés d’une manière similaire selon un genre littéraire codifié jusqu’au début du XIXe siècle, et pour certains colligés en recueils qui furent secondairement imprimés, les consilia et consultations écrites fournissent aujourd’hui aux historiens une source de grande valeur, procurant un reflet direct de la pratique médicale et des relations des médecins avec leurs malades et leurs confrères, un reflet particulièrement net dans les cas où les consultations sont conservées ou reproduites avec les mémoires qui avaient été envoyés aux médecins consultants.

Du milieu du XVIe siècle au début du XIXe siècle en France, de nombreux recueils de consilia (latins) puis de consultations (françaises) ont été constitués et sont conservés, sous forme manuscrite ou sous forme imprimée notamment pour des maîtres parisiens ou montpelliérains prestigieux comme Fernel, Baillou, Chirac, Silva, Barthez et Dumas, pour lesquels des recueils furent édités de manière posthume [2].

Les collections de la BIU Santé sont riches de plusieurs recueils manuscrits de consultations des XVIIe et XVIIIe siècles d’origine montpelliéraine (Ms5425 ) ou parisienne (MS5056 , Ms5017 et Ms2075 ), dont deux, particulièrement intéressants, proviennent de la famille Helvétius (Ms5017 et Ms2075 ). Des consultations médicales écrites sont également présentes dans plusieurs correspondances de médecins conservées à la BIU Santé, et notamment celles de Guy Patin et d’Etienne-François Geoffroy [4].

Le Ms 2440, ou plutôt la liasse intitulée « Lettres médicales du XVIIIe s. Lettres de Albaret, Bonnefoy, Dufort, Goulard chirurgien, Maurillon, Mullard, Pagès, Piegon, Pons au Dr Haguenot de Montpellier (1737-1769). Consultations médicales » (cf. infra) présente un intérêt exceptionnel en raison du caractère brut, à peine trié, du contenu, comme s’il avait été extrait d’un tiroir du bureau de l’auteur après sa mort. Le tri minime, rapidement effectué, des lettres et brouillons de consultations d’Henri Haguenot offrent aujourd’hui à l’historien la possibilité presque unique d’approcher la réalité quotidienne de la pratique de la consultation médicale écrite, « l’arrière-scène » de celle-ci et les aspects généralement occultés des recueils imprimés : le processus d’écriture de la consultation, mais aussi les circuits et les réseaux mobilisés autour de celle-ci, les « petits arrangements » entre soignants, et les détails (nombreux) sur l’argent échangé et sa circulation. Ces documents offrent enfin la possibilité de connaitre la « clientèle » les maladies prises en charge et la pratique médicale d’Henri Haguenot, une figure importante de l’Ecole montpelliéraine de médecine du XVIIIe siècle.

Notes et références

[1] J. Agrimi, C. Crisciani, Les consilia médicaux, Turnhout, Brepols, 1994.
[2] G. B. Risse, « Doctor William Cullen, physician Edinburgh’: A consultation practice in the eighteenth century », Bulletin of the History of Medicine 1974, 48, 338-51; W. Wild « Doctor-patient correspondence in eighteenth-century Britain: a change in rhetoric and relationship », Studies in Eighteenth-Century Culture 2000, 29, 47-64; M. Louis-Courvoisier, « Le malade et son médecin : le cadre de la relation thérapeutique dans la deuxième moitié du XVIII siècle », Bulletin canadien d’histoire de la médecine 2001 ; 18 : 277-96 ; S. Pilloud, S. Hächler, V. Barras, « Consulter par lettre au XVIIIe siècle », Gesnerus 2004, 61, 232-53  ; L. Brockliss, « La République des Lettres et les médecins en France à la veille de la Révolution: le cas d’Esprit Calvet », Gesnerus 2004 ; 61 : 254–281.
[3] J. Coste, « La rhétorique des consilia et consultations (France, milieu XVIe siècle – début XIXe siècle) » in J. Coste, D. Jacquart, J. Pigeaud (Eds.), La rhétorique médicale à travers les siècles, Genève, Droz, 2012, p. 229-48 ; et J. Coste, « Les relations entre médecins et malades dans les consultations médicales françaises (milieu XVIe siècle – début XIXe siècle) » in E. Belmas, S. Nonnis (Eds), Les relations médecin-malade de la fin du Moyen Age à l'époque contemporaine (en cours de publication).
[4] L. Brockliss, Consultation by letter in early eighteenth-century Paris: the medical practice of Etienne-François Geoffroy, in A. La Berge, M. Feingold, French Medical Culture in the Nineteenth Century, Amsterdam, Rodopi, 1994, p. 79-117; I. Robin-Romero, « La relation entre médecin et malade dans le cadre des consultations épistolaires: la correspondance de Geoffroy au début du XVIIIe siècle » in E. Belmas, S. Nonnis (Eds), Les relations médecin-malade de la fin du Moyen Age à l'époque contemporaine (en cours de publication).