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I sistemi e la reciproca influenza loro indagati da Vincenzo Malacarne da Saluzzo, chirurgo pensionato di Sua Maesta sarda ...

Padua : Nella stamperia del Seminario. 1803

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Céline Cherici
Chercheur rattaché au laboratoire SPHERE
celine.cherici@live.fr
30/05/2011

Entre 1794 et 1797 (1), Malacarne élabore les traités constitutifs d’une théorie des systèmes dont une première version complète sera publiée en 1803 après avoir été récompensée en 1802 par la Société médicale d’émulation de Paris. Fondée par Bichat en 1798, Malacarne y adhère dès sa création. Publié dans le volume cinq des Mémoires de cette société, ce texte s’intitule Quelles sont les influences sympathiques qu’exercent réciproquement les uns sur les autres les divers systèmes et organes de l’économie vivante ? (2). Cette même année paraît également une version italienne, I sistemi e la reciproca influenza loro (3). En 1804, une polémique éclate: le journal La littérature italienne accuse Malacarne d’avoir négligé ou mal lu les œuvres de Bichat publiées entre 1801 et 1802. Accusation à laquelle il tarde à répondre puisque ce n'est qu'en 1810 (4) qu'il souligne que les premières versions de son texte datent de 1798.

En procédant à l’énumération, à la localisation et à la classification ordonnée de plus de soixante systèmes animaux, il objective la notion de système grâce à la médecine anatomoclinique. En devenant un objet médical, le concept de système permet d’étudier des phénomènes physiologiques invisibles à l’œil de l’anatomiste. Malacarne s’attache, ici, à l’étude de l'autorégulation du milieu corporel intérieur.

En partant de la carence d’une définition concrète et médicale de ce que pourrait être un système en physiologie, Malacarne en objective la présence au sein du corps humain. Cette étude est en liaison étroite avec la médecine : les systèmes sont les outils organiques permettant l’harmonie de l'ensemble des fonctions les unes par rapport aux autres. Le système nerveux et les systèmes encéphaliques tiennent une place privilégiée dans ce paysage organique. Le cerveau est donc non seulement la citadelle physique d’où l’ensemble de l’organisme est dirigé mais il est également pensé en interaction constante avec le monde extérieur et l’individu.

En partant de la nécessité de définir ce qu’est un système au sein d’un organisme vivant, le lien inextricable entre les phénomènes qui en dépendent et l’étude anatomique des organes est clairement défini. Si seuls les effets du système sont visibles, il est primordial de mettre en corrélation les observations cliniques avec celles effectuées sur les connections des organes entre eux. Cette continuité des organes les uns par rapport aux autres est visible par exemple par le biais de la continuité tissulaire. Ainsi, les études topographiques sont des outils indispensables pour localiser les ensembles d’organes dont dépendent les systèmes. Il faut d'ailleurs rappeler que Malacarne est considéré à partir de 1794 comme le fondateur de l’anatomie topographique grâce au traité Ricordi d’anatomia traumatica pubblicati ad uso dei giovani chirurghi militari di terra et di marina (5) . C’est en considérant les aspects purement mécaniques de la physiologie humaine qu'il tente de prouver l’existence de ces systèmes autonomes dans une enquête médicale visant à montrer une autorégulation du corps. Le système animal est conçu comme un lien, une relation unissant les organes dont la force permet l’intégrité d’une fonction. C’est sur le fondement d'un changement d'échelle des études des organes à celles des substances et des tissus qu’est enracinée la notion de système (6). L’ensemble des tissus cérébraux et nerveux va permettre l’expression de systèmes spécifiques liés aux dimensions mentales. La fonction cardiaque, par exemple, ne nécessite pas l’intervention d’une conscience pour être assurée. Cette autonomie visible des fonctions est sous-tendue par la description d’un fonctionnement harmonieux ou disharmonieux. La différence existant entre ces deux états n’est pas qualitative mais quantitative, les altérations fonctionnelles étant souvent causées par une quantité excédentaire ou insuffisante de substances organiques. Il ne faut pas penser que les systèmes n’assurent que les fonctions majeures du corps humain. Certains localisés très précisément dépendent d’organes moindres. L’harmonie ne découle pas de la concordance entre les principaux groupes d’organes mais de celle d’ensembles et de sous-ensembles de systèmes. Ainsi, la conception de Malacarne nécessite pour être complète une classification structurée (7). Le fonctionnement harmonieux de ces ensembles est visible à travers l’étude des pathologies, ceux-ci éclairant les processus physiologiques normaux. Les processus morbides sont considérés comme la synergie négative de ces derniers.

Si les fonctions agissent simultanément au sein du corps, il faut que cette action soit ordonnée et régulée afin que dure cette concordance. Cette synergie doit être régie par l’équilibre d’un milieu spécifique assurant à la fois les actions individuelles de chaque système et leur sympathie réciproque. Ce milieu est le milieu interne où est maintenu un équilibre dont les fonctions doivent être hiérarchisées. En utilisant la métaphore d'un pays constitué de régions, Malacarne explique à son lecteur la nécessité pour appréhender cette physiologie des systèmes de les classer, d’en délimiter l’espace organique et d’en souligner les rapports de subordination (8). Chaque système est donc en rapport avec le tout et ses parties en y étant inclus et subordonné. Les images d’autorégulation, de régionalisation et de concordance sont très présentes dans la théorie des systèmes de Malacarne. L’adéquation entre un principe physiologique et un principe métaphysique n’en est pas aux fondements. Au contraire la matière vivante est l’unique terrain de cette sympathie qui se dissout avec elle. Le corps considéré dans sa dimension intérieure y acquière une vie indépendante du sujet en possédant ses lois et ses mécanismes spécifiques. Chaque organe y devient signifiant. Ainsi, le cerveau devient l’organe des mécanismes régissant et permettant à la pensée d’exprimer correctement des idées. La matière cérébelleuse en devenant le milieu intérieur des mécanismes mentaux acquiert une place centrale par rapport au reste du corps avec lequel elle est en constante interaction. Le fonctionnement équilibré et concordant est donc également visible dans la maladie durant laquelle l’influence réciproque des systèmes au lieu de cesser, s’inverse et concoure à la discordance.

Leur organisation et leur hiérarchisation doivent être connue par l’anatomiste et le médecin afin de mieux comprendre les relations existantes entre les organes. Pour rendre visible ces relations mutuelles, la classification proposée par Malacarne est soumise à des critères de subordination : les niveaux supérieurs incluent les niveaux suivants et sont ordonnés du général vers le particulier. Les systèmes universaux, par exemple, découlent de modifications survenues aux systèmes généraux. Cette classification est faite de la mise en corrélation d’ensembles principaux avec des sous-ensembles plus importants et ainsi de suite (9).Un seul et même système peut agir sur des points du corps fort éloignés les uns des autres. Ce rayonnement est visible anatomiquement au niveau de la continuité de certains tissus. Le système cutané en est un exemple privilégié au sein de ce traité. Les recherches anatomiques ayant permis de démontrer que les tissus, pourtant différenciés les uns par rapport aux autres, ne formaient qu’un seul système, le système cutané, sont une étape importante de ces travaux. Non seulement, Malacarne démontre irréfutablement l’existence d’un prolongement organique au sein de toutes les parties du corps humain, mais il montre, en outre, qu'il existe également entre le cerveau, les organes des sens et le corps. Cette continuité assure les liens extérieurs/intérieurs par le biais du tissu cutané qui revêt le corps dans ses deux aspects : de la tête au cerveau, des jambes au foie et donc du cerveau aux jambes.

Les systèmes sont classés en système commun, systèmes généraux, systèmes universaux, systèmes partiels et systèmes encéphaliques parmi lesquels: le système optique, le système myommique ou musculaire des yeux, le système lacrymal, le système nasal, le système auditif, le système gustatif, le système salivaire et le système vocal.

Cette présente des critères mixtes à la fois localisateurs et fonctionnels. Dans le cas du dernier ensemble de systèmes regroupant les systèmes encéphaliques, le critère localisateur indique quels sont les nerfs pouvant être considérés comme le siège du système dont il est question. Ainsi, en plus de la fonction indiquée par la terminologie de mots tels que vocal, auditif, ou nasal, on parle de système errhinique.

La théorie de leur influence permet une nouvelle grille de lecture physiologique d’un corps au sein duquel est révélé un organisme interne. Dans ce paysage, le cerveau, siège des systèmes encéphaliques, est une région qui régule non seulement l’expression des facultés intellectuelles mais exerce également une influence primordiale sur l’ensemble du corps.

Les sièges des systèmes des sens sont localisés et délimités à la matière cérébrale où ils sont en connexion constante avec le système nerveux central. L’utilisation d’un vocabulaire lié à l’idée d’une activité vitale du corps animal est récurrente et rend compte des mécanismes du vivant. Plus un système est composé d’unités et plus il s’enfonce dans la matière cérébrale, plus son rôle est étendu. A partir de considérations anatomiques, il est possible de penser l’influence majeure du système nerveux sur l’ensemble du corps. Les effets du système nerveux sur la santé et la maladie des êtres vivants sont dus au caractère particulier d’un système intimement lié à la structure du cerveau. Ses points d'enracinement principaux sont, selon Malacarne, les hémisphères cérébraux, le cervelet, la moelle allongée, la moelle épinière, les ganglions et les expansions nerveuses.

Les nombreuses études de neuro-anatomie menées par Malacarne sont ici finalisées et participent à l’édification d’un discours plus large sur la physiologie nerveuse en corrélation avec le corps, l’intellect et l’organe cérébral. L’harmonie des systèmes encéphaliques est liée à la proximité de l’origine des différents nerfs qui y sont en action. L’organe cérébral joue un rôle majeur dans leur fonctionnement. Une anatomie des passions en rapport avec l’entreprise de naturalisation et de matérialisation de l’âme est ébauchée. Le regard n’est pas seulement décrit comme le miroir de l’âme, mais comme celui de l’harmonie régnant dans et entre les systèmes encéphaliques. Sans revenir sur la corrélation existante entre les nerfs et l’expression des émotions, il faut noter que ces phénomènes rendent visibles le fonctionnement sympathique (10).

Les considérations sur les nerfs sont en étroite relation avec une psychologie des comportements. On peut même parler d’une physiologie des comportements, les systèmes encéphaliques rendant harmonieuse l’influence réciproque du corps avec le traitement des impressions reçues par les sens (11). D’importants troubles du comportement découlent de l'altération de ces systèmes. Les rapports du physique avec le moral peuvent être observés par la médecine (12)

En conclusion, plusieurs points de cette théorie des systèmes doivent être mis en relief :

  • Le système est un concept, un mécanisme invisible rendu visible par ses actions assurant la liaison des fonctions des organes, les unes par rapport aux autres, ainsi qu’un lien mutuel des systèmes entre eux. Ce niveau garanti la régulation du milieu interne.

  • Leur étude au sein du corps humain doit passer par l’étude anatomique précise des tissus, des unités et des structures organiques et nerveuses les matérialisant. Il existe un lien important entre l’unité des structures organiques et l’unité de leurs propriétés.

  • L’harmonie intérieure maintenue grâce à leur hiérarchisation et à leur interaction garantit l’ordre de l’activité des organes.

  • Il faut relever l’importance du thème de l’influence réciproque des systèmes les uns sur les autres, permettant de stabiliser un fonctionnement par sympathie des organes.

(1) Malacarne Vicenzo : Divisione generale de’sistemi, e meravigliosa estensione del sistema cutaneo, extraits de Brera, Luigi Valeriano : I Commentari medici, Pavia, Callazzi, 1798, 3 volumes, tome 2, p 77-115 ; Dell’esistenza di diversi altri sistemi nell’economia animale, dedotte specialmente da nuove osservazioni patologiche, extrait de Brera, Luigi Valeriano : I commentari medici, 3 volumes, tome 3, Pavia, Callazzi, 1799, pp 71-102.

(2) Idem: Quelles sont les influences sympathiques qu’exercent réciproquement les uns sur les autres les divers systèmes et organes de l’économie vivante ?, Mémoire de la Société Médicale d'Émulation de Paris, tome 5, Veuve Richard, Paris, 1803.

(3) Idem : Della esistenza di molti sistemi e della influenza loro nella economia animale, Padova, Stampa nel Seminario, 1803.

(4) Idem : Riposta ad un articolo del Giornale dell’italiana letteratura di Padova, relativo ad una censura che ivi inopportunamente si è fatta del libro dei Sistemi, Giornale della letteratura medico-chirurgica, Padova, 1810.

(5) Idem : Ricordi d’anatomia traumatica pubblicati ad uso dei giovani chirurghi militari di terra et di marina, Venise, G.A. Pezzana, 1794.

(6) Idem : Della esistenza di molti sistemi e della influenza loro nella economia animale, Padova, Stampa nel Seminario, 1803, p 13.

(7) Idem : idem, p 40.

(8) Idem: idem, p 60.

(9) Idem : idem, p 17.

(10) Idem : I sistemi, p 80.

(11) Idem: idem, pp 91-92

(12) Idem : idem, p 117