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Petri Johannis Fabri,... Operum voluminibus duobus exhibitorum, volumen prius in quo I Panchymicum... II Sapientia universalis... Opera reliqua, volumine hoc posteriore comprehensa...

Francofurti : sumptibus Johannis Beyeri. 1656

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Bernard Joly
pour le projet ANR Philomed
Professeur émérite de philosophie et d’histoire des sciences à l’Université de Lille 3
bernard.joly@univ-lille3.fr
15/11/2012

Pierre Jean Fabre (1588-1658) est sans doute l’un des alchimistes français les plus prolixes du XVIIe siècle. Originaire de Castelnaudary, il obtint son doctorat de médecine à Montpellier en 1614, non sans mal puisqu’une première version de ses thèses fut refusée pour cause de paracelsisme et d’empirisme, avec injonction de suivre la doctrine d’Hippocrate et de Galien. De retour dans sa ville natale, il y exerça cependant la médecine selon les principes spagyriques, c'est-à-dire alchimiques, inspirés de l’œuvre de Paracelse. Ses premiers ouvrages rendent compte de cette activité médicale et justifient, théoriquement aussi bien que pratiquement, cette volonté d’offrir à la médecine des bases plus sûres que celles de la tradition galénique en la fondant sur l’alchimie, qui n’était rien d’autre que la chimie de l’époque. C’est ainsi qu’après avoir publié le Palladium spagyricum (Toulouse, 1624), énergique défense des théories alchimiques, il fait paraître la Chirurgica spagyrica (Toulouse, 1626), suivie d’un traité de pharmacologie chimique, le Myrothecium spagyricum, publié avec un recueil de ses guérisons les plus spectaculaires, Insignes curationes (Toulouse, 1627), et enfin un Traicté de la peste selon la doctrine des médecins spagyriques (Toulouse, 1629). Il complètera cette série par un ouvrage sur les cures thermales, l’Hydrographum spagyricum (Toulouse, 1639). Par la suite, son œuvre s’oriente vers une défense argumentée de la « philosophie chimique », qu’il considère comme étant la seule et véritable philosophie naturelle. Il confère ainsi à l’alchimie une dimension universelle, en faisant la clé qui permet de décrypter aussi bien les mystères de la religion (Alchymista christianus, Toulouse, 1632) que les allégories de la mythologie antique (Hercules piochymicus, Toulouse, 1634). Après la publication d’un ouvrage de synthèse en français, l’Abrégé des secrets chymiques (Paris, 1636), puis d’un « Rempart de l’alchimie » (Propugnaculum alchymiae adversus quosdam misochymicos, Toulouse, 1645), son œuvre culmine avec la publication d’un vaste ouvrage encyclopédique, Panchymici, seu, Anatomia totius Universi Opus (Toulouse, 1646), qui eut à l’époque un certain succès puisqu’il fut réédité à Francfort en 1651 et qu’il faisait partie des lectures alchimiques de Newton. La doctrine de Fabre est récapitulée et complétée dans le Manuscriptum ad Fridericum rédigé en 1653 mais qui ne fut publié qu’en 1692 dans les Miscelanea curiosa de Nuremberg.

La Sapientia universalis, qui parut à Toulouse en 1648, puis en 1654, était alors présentée dans son titre même comme le dernier tome du Panchymici Opus publié en 1646. Il ne comportait ni colophon ni mention de privilège royal. L’édition de 1656 à Francfort ne mentionne pas cette inscription de l’ouvrage dans l’entreprise encyclopédique de Fabre. Mais elle indique dès la page de titre les quatre livres qui le constituent. Le premier, sur la sagesse et les moyens d’y parvenir, présente successivement les principales opérations alchimiques en général, puis les substances d’origine animale, végétale et minérale, reprenant ainsi de manière abrégée le contenu et la structure du Palladium spagyricum de 1624. Ce rappel de la théorie chimique constitue le préambule sur lequel s’appuie le second livre de l’ouvrage, consacré à l’analyse de la nature et des qualités essentielles de l’âme, de l’esprit et du corps humains selon la doctrine chimique. Quoique pure lumière, simple intellect et immortelle, l’âme relève de considérations chimiques, dans la mesure où elle relève de la partie la plus éthérée de la matière, tout en se distinguant de l’esprit, principe de vie qui assure l’union entre l’âme et l’esprit. Ces longs développements débouchent sur une présentation de l’élixir de longue vie et se terminent par un exposé sur le « purum naturale », cette partie la plus pure de toute substance naturelle qui porte en elle la semence de toute chose et se trouve donc à l’origine de leur production, qu’il s’agisse d’un être vivant ou d’un métal. On arrive alors au troisième livre, sur les maladies, leur diagnostic et la thérapeutique. S’en prenant avec vigueur aux disciples d’Hippocrate et de Galien, Fabre entreprend d’analyser au fil de quatre-vingt-dix-huit chapitres, toutes sortes de maladies de la tête, du thorax, du ventre, des divers organes, sans oublier bien sûr la peste — dont il était un spécialiste —, la lèpre, les maladies vénériennes et les diverses sortes de fièvres. Ce sont bien sûr les principes chimiques, et notamment l’Archée, auxquels il se réfère en proposant notamment des médicaments à base d’antimoine, de divers sels et de mercure. Le quatrième et dernier livre présente les recettes de cent douze arcanes, c'est-à-dire de préparations chimiques concernant principalement les diverses approches de la transmutation métallique. Ces 112 Chymical Arcana of Peter Faber furent publiés en anglais en 1672 par William Salmon dans ses Polygraphice. La Sapientia universalis, au-delà de son apparence décousue, montre clairement comment les concepts fondamentaux de l’alchimie, tels qu’ils sont compris par Fabre, permettent de construire l’image d’un homme qui concerne directement la médecine, mais aussi, d’une manière plus générale, la philosophie toute entière.

Bibliographie

Allen Debus, The chemical philosophy. Paracelsian science and medicine in the sixteenth and seventeenth centuries, New-York, Science History Publication, 1977, 2 vol.

Bernard Joly, La rationalité de l’alchimie au XVIIe siècle, avec le texte latin, la traduction et le commentaire du Manuscriptum ad Fridericum de Pierre-Jean Fabre, Paris, Vrin, 1992 ; seconde édition revue et corrigée, Paris, Vrin, 2013.

Bernard Joly, « L'ambiguïté des paracelsiens face à la médecine galénique », in Armelle Debru (éd.) Galen on pharmacology. Philosophy, history and medicine, Leyde, Brill, 1997, pp. 301-322.

Bernard Joly, « Profession médicale et savoir alchimique : luttes et enjeux du moyen âge au XVIIe siècle », Spirale,  Revue de recherches en Education, n° 13, 1994, pp. 17-42, http://spirale-edu-revue.fr/IMG/pdf/2_JOLY_SPI13_Fr.pdf

Didier Kahn, Alchimie et paracelsisme en France (1567-1625), Genève, Droz, 2007.