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Contribution à l'étude séméiologique du psittacisme et de ses divers aspects en clinique psychiatrique

Paris : Steinheil. 1909

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Camille Jaccard
PhD, Université de Lausanne (Suisse)
camille.jaccard@unil.ch
03/09/2020

Le psittacisme désigne une manière de parler dénuée de réflexion et de pensée qui rappelle l’aptitude de certains perroquets (psittaci en latin) à imiter la parole humaine. Les occurrences de ce terme sont peu fréquentes dans la littérature psychiatrique qui lui préfère généralement la notion proche d’écholalie. Et pour cause, la carrière de Lucien Cotard (1878-1910), qui consacra sa thèse à ce sujet, fut brève. Le jeune psychiatre décède l’année suivant l’obtention de son doctorat, sans avoir marqué la postérité au même titre que son père, l’aliéniste Jules Cotard.Mais sa Contribution à l’étude sémiologique du psittacisme et de ses divers aspects en clinique psychiatrique aborde de front la problématique des altérations du rapport des mots aux idées et offre ainsi un bon exemple de la façon dont l’étude du langage pathologique, qui s’est imposée au cours du XIXe siècle à mesure que s’enrichissait la symptomatologie de la folie, se développe au XXe siècle. En effet, en marge des travaux de la psychanalyse et du problème de l’interprétation du discours des patients, la sémiologie des modifications de la parole dans les maladies mentales ne cesse de s’approfondir et d’identifier de nouveaux troubles.


Historiquement, l’indépendance de la pensée par rapport au langage oral a été signalée dès les années 1860, dans le cadre des études sur l’aphasie. Quant à l’indépendance des mots par rapport aux idées, elle a été aperçue par les aliénistes qui s’interrogeaient sur la part de la volonté dans certaines altérations langagières. Plus spécifiquement, la contribution de Cotard doit beaucoup à Jules Séglas, auteur Des Troubles du langage chez les aliénés publié en 1892, remarquable synthèse des connaissances cliniques et psychopathologiques accumulées durant le XIXe siècle sur le fonctionnement du langage et les modifications de l’expression dans la folie. En consacrant sa thèse à une partie de ce vaste sujet, Cotard s’inscrit dans la continuité de l’œuvre de son maître à la Salpêtrière. Pourtant avant Cotard, le psittacisme n’était pas associé à la maladie mentale. Comme l’explique le philosophe Ludovic Dugas dans son livre intitulé Le psittacisme et la pensée symbolique : psychologie du nominalisme cité par Cotard, la notion désigne une forme de pensée verbale présente dans les processus psychiques normaux. Seul le psittacisme illogique, c’est-à-dire quand le langage se substitue indûment à la pensée, était considéré comme problématique. Or, Cotard associe cette forme à un trouble de la fonction langage. Dès lors, la notion de « psittacisme » est chargée d’un nouveau sens et entre dans le domaine de compétence de la médecine mentale.


L’ouvrage consacré à ce symptôme est structuré en deux parties : La première précise la définition du psittacisme — parler sans penser — et dresse une typologie de ce langage selon qu’il se manifeste « sans pensée aucune » ou « sans pensée expresse ou distincte ». La seconde partie intitulée Le psittacisme dans les différentes formes cliniques de l’aliénation mentale illustre ces variétés par des observations qui sont généralement des citations de discours de patients recueillis par l’auteur dans le cadre de sa pratique ou repris de la littérature aliéniste. Cotard établit ainsi une classification des variétés de psittacisme qu’il relie aux différentes pathologies mentales (idiotie, états démentiels, états maniaques et états mélancoliques, débilité, états délirants) et décrit les processus psychologiques responsables de ce trouble du langage.


Enfin, si la thèse de Cotard n’a pas réussi à imposer le terme de psittacisme dans le vocabulaire psychiatrique, elle a néanmoins contribué à l’identification et à la description minutieuse de phénomènes langagiers qui seront associés au cours du XXe siècle aux folies discordantes et à la schizophrénie.

Bibliographie :

  • Chaslin, P. (1912). Éléments de sémiologie et clinique mentales. Paris : Asselin, Houzeau. Consultable en ligne : https://www.biusante.parisdescartes.fr/histmed/medica/cote?199743
  • Dugas, L. (1896). Le psittacisme et la pensée symbolique : psychologie du nominalisme. Paris : Alcan. Consultable en ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k74335v
  • Jaccard, C. (2020). Le langage de perroquet comme symptôme: Présentation de la thèse de médecine de Lucien Cotard, Contribution à l’étude sémiologique du psittacisme et de ses divers aspects en clinique psychiatrique, Paris, G. Steinthal, 1908. PSN, 18(2), 51-61. Consultable en ligne : https://www.cairn.info/revue-psn-2020-2-page-51.htm
  • Jaccard, C. (2018). Paroles folles dans la psychiatrie du XIXe siècle et du début du XXe siècle : histoire et épistémologie. [thèse de doctorat, Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Université de Lausanne]
  • Lantéri-Laura, G. (1970). Introduction historique à la pathologie de la communication. Encyclopédie médico-chirurgicale, 37129 A10 : 1–7.
  • Séglas, J. (1892). Des Troubles du langage chez les aliénés. Paris : Rueff. Consultable en ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k767285