Médecine vétérinaire

Présentation par le Pr. Chr. DEGUEURCE
École vétérinaire de Maisons-Alfort
cdegueurce@vet-alfort.fr

 Liste des ouvrages numérisés

L’École Nationale Vétérinaire d’Alfort est la plus ancienne école vétérinaire à être restée sur son site d’origine. Elle fut créée en 1766 par Claude Bourgelat, deux années après l’ouverture à Lyon du tout premier établissement d’enseignement vétérinaire. Son histoire témoigne de celle de la médecine vétérinaire.

Elle est implantée à Maisons-Alfort (Val-de-Marne) dans un vaste parc arboré, et constitue un bel ensemble architectural. Ses collections sont, pour l’essentiel, présentées au sein du musée Fragonard, qui recèle une vaste collection de moulages anatomiques, de monstres animaux, de spécimens de pathologie, et surtout les célèbres écorchés de Fragonard (dissections animales et humaines réalisées entre 1766 et 1771).

L’École Vétérinaire d’Alfort a également constitué, au cours de ses deux siècles et demi d’existence, un fonds de livres précieux. L’ensemble de ce fonds représente 7 000 volumes traitant essentiellement de médecine vétérinaire, d’équitation et d’élevage.

Ces ouvrages étant difficilement accessibles, l’ENVA et la BIU Santé ont décidé de travailler en partenariat pour diffuser ce patrimoine sous forme électronique.

Présentation des ouvrages par François Vallat

DELHÉRAUD DE BORMES, Jean-Louis. -  Mémoire pour Jean-Louis Delhéraud, écuyer, baron de Bormes, et ci-devant commandant pour le roi à Bormes et au Lavandon, en Provence
Contenant un mémoire sur la vente du Château d'Alfort au Roi
A Paris, de l'imprimerie de Prault, 1790
73 pages

La première école vétérinaire au monde, l'Ecole de Lyon, a été fondé en 1762. Bourgelat, souhaitant déplacer son école à Paris, informa le ministre Bertin de sa volonté de gagner la capitale. Il écrivit en mars 1764 : « L’Ecole de Lyon ne pourra pas se maintenir longtemps en mon absence et je persiste à vous représenter la nécessité d’en ordonner la translation à Paris ». Le ministre refusa la suppression de l’Ecole de Lyon. Il répondit à Bourgelat dans une lettre du 16 mars 1765:

« Je n’ai point l’intention de transporter à Paris l’école vétérinaire de Lyon, mais d’en former une auprès de la capitale, où les secours de toute espèce aideront à former les élèves d’un ordre peut être supérieur et qui pourront devenir chefs dans les écoles de provinces, que le Roy a ordonnées qui y soient établies 

J’attendrai donc votre arrivée à Paris pour concerter avec vous les moyens d’établir cette nouvelle école, et c’est un des premiers objets dont je compte m’occuper. Pour cet effet, il vous faut jeter les yeux sur ceux de vos élèves que vous destinerez, comme déjà formés à vos principes, et surtout à votre discipline, à faire le premier fonds de ceux qui composeront la nouvelle école»

Bourgelat fit le nécessaire pour que cette école vit rapidement le jour. L'Ecole de Paris débuta son activité à l'automne 1765 et durant tout l’hiver, Honoré Fragonard s’employa avec ses élèves à faire des préparations anatomiques tandis que Bourgelat s’occupait activement de trouver un emplacement adéquat pour l’établissement définitif de l’Ecole. Il ne tarda pas à porter ses vues sur le château d'Alfort, appartenant au baron de Bormes. Ce dernier était dans une situation financière difficile et Bourgelat en abusa de façon outrancière.

Le présent mémoire a été conçu pour soutenir les plaintes que le Baron de Bormes ne cessa de formuler après cette session. Le mémoire consacré à la vente du château d'Alfort au Roi, placé en deuxième partie de l'opuscule, révèle les conditions de cette transaction.

LAFOSSE, Philippe Étienne. -  Mémoire sur l'Ecole Royale Vétérinaire d'Alfort
De l'imprimerie L. Potier de Lille, 1789
15 pages

L’ouverture des Etats Généraux eut lieu le 5 Mai 1789. Le 17 Juin, ils prirent le titre d’Assemblée Nationale, auquel on ajouta le terme de Constituante le 9 Juillet. C’est le Comité d’Agriculture et des Arts qui prit dans ses attributions les écoles vétérinaires. Mais en raison de son endettement considérable, l’Ecole d’Alfort vit les questions qui la concernaient renvoyées au Comité des Finances.

Un certain Chaussart qui, avec d’autres, contestait fortement la valeur de l’enseignement attaqua violemment l'Ecole. Il conclut que l’Ecole Vétérinaire d’Alfort devait être fermée, transportée à Paris et réorganisée. Chaussart ne fut d’ailleurs pas le seul à vouloir réunir l’Enseignement Vétérinaire à diverses écoles, en particulier à celle de Médecine.

Lafosse fils, dont l’inimitié contre Alfort ne s’était pas éteinte à la mort de Bourgelat, souhaita également ce transfert et produisit le présent mémoire. Au point de vue de l’instruction, il exprimait des principes fort rationnels : chaque professeur devait enseigner un ordre de matières bien déterminé (ce qui n’était pas le cas) "c’est ainsi qu’il deviendra supérieur dans sa partie, car son rôle n’est pas seulement de transmettre aux élèves les connaissances acquises. Il a le devoir d’étendre le champ de ces connaissances". Mais il suggérait de singuliers moyens pour l’application de ses principes. Pour stimuler le zèle des professeurs, il les rendait amovibles, les soumettant tous les deux ans à des examens publics "devant les représentants des Communes", qui décideraient s’il y avait lieu ou non de les révoquer !

On supprimait également l’Ecole de Lyon, la jugeant inutile. C’est par la plume de son Directeur Louis Bredin que sa défense se fit tandis que J-B Huzard, vétérinaire à Paris, tentait de sauver Alfort.

VICQ D'AZYR, Félix. -  Exposé des moyens curatifs et préservatifs qui peuvent être employés contre les maladies pestilentielles des bêtes à cornes
Chez Merigot l'aîné, libraire, quai des Augustins, 1776

Notice par François VALLAT

Cet exemplaire est un 3e prix donné par le Ministre de l'Intérieur le 15 Germinal an XII, à Louis Cremerel, de Claye (Seine et Marne)

Lorsque Félix VICQ d’AZYR (1748-1794) publie, en 1776, son Exposé des moyens curatifs et préservatifs qui peuvent être employés contre les maladies pestilentielles des bêtes à cornes, il vient de passer deux années en tant qu’émissaire du Gouvernement dans la lutte contre la Peste bovine du sud-ouest de la France. Cette région, éloignée du foyer principal de Flandre et des Pays-Bas, a connu, à partir de 1774, une mortalité du bétail d’une gravité inouïe. Dans ce pays où l’on n’utilise pas le cheval de culture, les bovins représentent une source de viande et de fromage, mais surtout l’unique force de traction agricole. Les labours devenus impossibles, l’épizootie conduit tout droit à la disette. Louis XVI, qui vient d’accéder au trône en mai, a confié le Contrôle général à Turgot, homme de progrès gagné aux idées des Physiocrates et qui regarde l’agriculture comme le fondement de la richesse des nations. Les conditions, on le voit, sont réunies pour que l’État s’implique totalement dans la lutte contre l’épizootie et, de fait, cet épisode restera longtemps exemplaire, car il faudra attendre le dernier tiers du XIXe siècle pour que soient prises, en matière de contagion animale, des décisions aussi radicales. Turgot se tourne aussitôt vers l’Académie des Sciences afin qu’elle envoie sur place un de ses membres. Le choix se porte sur Félix Vicq d’Azyr, brillant médecin anatomiste de 26 ans, dont la jeunesse promet sans doute plus de fougue, de résistance aux fatigues et de mobilité sur le terrain. Le premier soin du nouvel académicien est de lire tout ce qui a été écrit sur le sujet, en particulier par ses grands prédécesseurs italiens, Fracastor, Giovanni Mario Lancisi et Bernardino Ramazzini. Par la suite, il se livrera à des expériences d’inoculation, qui, malgré l’ingéniosité de certains procédés d’atténuation de la matière virulente, n’aboutiront à rien de positif (p. 94 à 109). C’est donc sur la police sanitaire que Félix Vicq d’Azyr porte ses efforts, pleinement soutenu, à Versailles, par Turgot. Il lui faut malheureusement faire face à une contagion déjà bien installée. Dans ces conditions, les mesures d’abattage partiel, l’interdiction de déplacer le bétail et autres séquestrations ne se soldent que par des succès éphémères. Le Contrôle général ne retire pas pour autant sa confiance à son envoyé. L’insuffisance des résultats est autant attribuable, selon lui, au mauvais vouloir des populations qu’à la défection des responsables locaux. On commence donc, à partir de janvier 1775, par indemniser en partie les propriétaires d’animaux abattus, dans l’espoir de favoriser la déclaration précoce des nouveaux cas. Mais, devant l’aggravation du mal, c’est à la troupe que vont incomber, à compter du 1er novembre, les opérations de police sanitaire. La relative brutalité de ces mesures correspond parfaitement à la façon de gouverner de Turgot, lequel, animé des meilleures intentions mais dirigiste à l’excès, frôle parfois la maladresse. L’épizootie finit enfin par s’éteindre. Cette crise, cependant, a eu pour effet de convaincre le pouvoir de la nécessité d’un organisme expert en matière de contagion, humaine ou animale. Vicq d’Azyr et de Lassone, premier Médecin de Louis XVI, forment dans cette intention une commission qui deviendra, avec l’aide de Necker, en 1776, la Société Royale de Médecine (actuelle Académie de Médecine).

Vicq d’Azyr, lorsqu’il traite des maladies des animaux, reste avant tout médecin : en fait de contagion animale, il fonde son raisonnement sur la Peste humaine à laquelle il consacre d’emblée plus de 60 pages (p. 11 à 74). Notons qu’il ne nomme jamais la Peste bovine, à laquelle il peine à accorder une réelle spécificité, autrement que l’épizootie ou la maladie pestilentielle des bêtes à cornes. Suivent les lettres et les notes écrites par l’auteur, de 1774 à 1776, pendant sa mission (p. 75 à 121), puis une revue bibliographique détaillée des épizooties des bovins (p. 122 à 232), les remèdes « conseillés contre l’épizootie actuelle » (p. 234 à 477) et enfin différents éléments de diagnostic (p. 478 à 507). La seconde partie (p. 508 à 596) concerne les Moyens préservatifs, c’est-à-dire prophylactiques. On y trouve nombre d’avis imprimés, publiés par Vicq d’Azyr lorsqu’il combattait la contagion dans le sud-ouest du pays. La troisième et dernière partie contient les ordres émanés du Gouvernement et permet de suivre, chronologiquement, le travail réglementaire, certainement inspiré par l’auteur lui-même. Pour terminer, les pages 679 à 707 concernent l’épizootie ailleurs qu’en Languedoc, particulièrement en Flandres.

On mesure l’importance du présent ouvrage, résumé exhaustif, en cette fin de l’Ancien Régime, des connaissances sur les épizooties ; fruit d’une expérience vécue ; témoin de la médecine des Lumières en action ; comptable, enfin, des tâtonnements d’une administration désemparée à la recherche d’une réglementation efficace et encore très hypothétique.

École vétérinaire de Maisons-Alfort
http://www.vet-alfort.fr
Musée Fragonard

http://musee.vet-alfort.fr/