L. 133.  >
À Claude II Belin,
le 12 mars 1646

Monsieur, [a][1]

Ne vous incommodez ni ne vous pressez de rien pour moi touchant l’argent de monsieur votre fils. [2] Le livre de M. Rivière [3] est sur la presse, mais c’est un malheureux livre, il n’y a point de doctrine ni observation qui vaille jusqu’à présent. Tout ce que j’y ai vu jusqu’à cette heure est charlatanesque, empirique ou arabesque. [4][5][6] Son dessein est de quitter Montpellier, [7] lieu malsain pour lui, et d’aller demeurer à Grenoble où il voudrait bien faire fonder une chaire. [1] Je suis en peine quand monsieur votre fils [8] reviendra, [2] il me semble qu’il y a longtemps qu’il est à Montpellier, prenez garde qu’il n’y perde son temps ; cela y est commun à la plupart des écoliers, et delà et deçà aussi. Néanmoins, s’il était ici, il pourrait y voir tous les jours quelques malades ; au moins, avertissez-le bien qu’il ne s’y débauche point, s’il ne fait mieux. Il a couru ici un bruit que M. de Saumaise [9] est mort en Hollande ; mais ce qui nous fait croire que le bruit en est faux, c’est que personne n’en a ici reçu des lettres et que la nouvelle en vient de Lyon. J’attends tous les jours son livre que mon frère [10] me doit envoyer ; je ne manquerai point de vous l’envoyer tôt après. [3] Ne vous mettez pas en peine des harangues de M. d’Aligre, [11][12] je les verrai de deçà. [4] Enfin, on a donné un gouverneur au roi, qui est M. le marquis de Villeroy, [13] gouverneur de Lyon et petit-fils de feu M. de Villeroy, [14] secrétaire d’État[5] C’est celui duquel le fils [15] âgé de 18 ans mourut ici l’an passé entre les mains de M. Vautier [16] et de votre M. Le Fèvre, [17] duquel on ne parle plus ici. Est-il à Troyes ? [18] qu’y fait-il ? La petite vérole [19] de l’hôtel de Villeroy a été plus fine et plus forte que tous ses secrets. Un capucin [20] fait ici imprimer un Tertullien [21][22] avec force commentaires. On dit qu’il en veut fort à M. Rigault. [23] J’ai bien envie de voir cela, il sera en trois volumes in‑fo et nous n’aurons le premier tome que dans six mois. [6] On imprime ici un livre du cardinal de Richelieu [24] intitulé Du Devoir du chrétien ; je pense que les parents de ce [tyran] prétendent faire croire à la postérité que cet [auteur] était quelque grand homme de bien. [7] Le général des jacobins [25][26] a traité avec des libraires de Lyon pour réimprimer toutes les œuvres d’Albert le Grand. [27] On dit qu’il y aura en cet œuvre 24 volumes, le premier desquels est sur la presse. [8][28] Le Clergé, qui est encore ici assemblé, [29] a ordonné qu’on réimprimerait de nouveau Petrus Aurelius ; [30] ce qu’on a fait et sera achevé dans huit jours. [9] On m’a dit qu’il n’y aurait rien de nouveau en cette dernière édition, sinon un éloge du propre auteur qui y serait mis par M. Godeau, [31] évêque de Grasse. [10][32][33] Un jésuite de Bourges, nommé le P. Labbe [34] (je ne dis pas Labbé, [35] qui est à Lyon), fait ici imprimer une Géographie royale in‑fo qui sera belle, il n’y aura qu’environ 50 feuilles d’impression. [11] On apprête vers le Languedoc une armée navale, laquelle sera conduite par le duc de Brézé, [36] mais on ne sait point pour quel lieu elle est destinée ; les uns disent que c’est pour Majorque, d’autres pour Taragone, etc. [12] Je vous baise les mains, à Mme Belin, à Messieurs vos frères, et à MM. Camusat et Allen, et suis de toute mon affection, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Patin.

De Paris, ce 12e de mars 1646.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 12 mars 1646

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(Consulté le 25/04/2024)

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