L. 170.  >
À Charles Spon,
le 2 avril 1649

Monsieur, [a][1]

C’est pour vous assurer que Messieurs nos députés sont enfin arrivés à Paris et qu’ils ont rapporté la paix conclue et arrêtée à Saint-Germain. Ils sont ici arrivés le mardi 30e de mars. Le lendemain mercredi 31e, ils ont fait leur rapport à la Cour, laquelle a remis au lendemain, jeudi absolu, la délibération sur les articles de ladite paix, [2] laquelle a passé et a été publiée et déclarée. [1] Même les feux de joie en ont été commandés d’être faits entre huit et neuf heures du soir en chaque quartier, ce qui a été exécuté avec grande joie et réjouissance de tout le monde, voire même plus grande que je n’eusse pensé. Vous pouvez bien vous imaginer que tout le monde qui est ici, dans une si grande ville, n’est pas de même humeur, les uns prenant intérêt à la paix, les autres à la guerre. Quant à moi, je suis pour la paix, et ne puis goûter l’opinion de ceux qui disent qu’il fallait plutôt crever et faire la guerre éternelle afin de perdre le Mazarin [3] que de s’accorder comme on a fait. Ce n’est pas que je sois pour lui, numquam si quid mihi credis, amavi hunc hominem ; [2] mais puisque nous n’avons pu le chasser par l’opposition que nous en ont faite les deux premiers princes du sang, je me console d’une chose, qu’il n’oserait revenir à Paris, et je pense que je ne l’y verrai jamais, ou bien le temps changera bien. [3] Tout le Parlement et Messieurs les généraux ont tous été unanimement d’accord de la paix que nos députés ont faite, et ne doute point qu’il n’y ait quelque article secret que nous ne saurons qu’avec le temps. [4] Il y a ici horriblement des libelles contre le Mazarin. Quand on ne prendrait que les bonnes pièces, il y en a pour en faire un recueil de cinq ou six tomes in‑4o, à quoi j’apprends que l’on travaille en ôtant et retranchant les mauvaises pièces. Cela est merveilleux et sans exemple qu’on ait tant pu dire de différentes choses contre un homme. [4] Durant toute notre guerre, on a été fort lentement à achever l’édition de M. Riolan ; [5] mais enfin, il n’y a plus que deux feuilles. C’est pourquoi, je vous promets de vous en envoyer, à vous et à M. Gras, [6] notre bon ami, chacun un dans la première balle qui partira d’ici dès que la paix sera bien rétablie, quod utinam fiat cito[5] Je ne vous parle point des conditions de la paix, vu que je n’en sais aucune ; et même, je ne m’en soucie point, pourvu qu’elle dure. Toutefois, j’apprends que l’on en imprime une Déclaration du roi qui a été vérifiée en Parlement, laquelle nous instruira par ci-après de quelques particularités. [6][7] On me vient d’assurer que la paix durera pour Paris et pour le Parlement, mais que le Mazarin n’est pas à la fin de ses maux, qu’il est en aussi grand danger que par ci-devant pour les puissants ennemis qu’il a à la cour, qui sont ceux-mêmes qui l’ont favorisé par ci-devant. Plura alias[7] Je vous baise les mains, et à tous nos bons amis, vous restant de toute mon âme, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur. Nosti manum et animum[8]

De Paris, ce vendredi saint, 2d d’avril 1649.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 2 avril 1649

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(Consulté le 03/10/2024)

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