L. 221.  >
À André Falconet,
le 18 mars 1650

Monsieur, [a][1]

Je vous remercie du livre de M. Meyssonnier. [2] Il est attrayant et d’un sujet fort curieux, je le lirai tout entier à mon premier loisir. [1] Je suis bien aise que vous ayez abandonné votre prétendu procès, [2] il ne vaut pas la peine que vous vous en fussiez donnée. Nous n’avons de bien que celui que le repos de notre vie nous donne. Bene vivere et lætari me semblent être les deux meilleurs mots de toute la Sagesse de Charron, [3][3] avec cet autre, Vanitas vanitatum et omnia vanitas[4][4] Le meilleur traité de Sénèque [5] est de Tranquillitate animi[5] Alstedius [6] a été un très savant homme et son Encyclopédie contient de fort bonnes choses, mais il s’égare trop aux choses qui ne sont point de son fait. Vous en verrez un exemple bien clair dans le 3e tome, page 556, où il parle de l’aloès, [7] de la térébenthine, [8] du bézoard, [9] de la thériaque, [10] du rossolis [11] et telles autres forfanteries[6]

On dit que ceux de Bellegarde [12] sont si forts qu’ils sont imprenables ; joint que la mauvaise saison empêche qu’on y mette le siège à présent et qu’ils ont des vivres pour plus de deux ans. [7] Notre nouveau garde des sceaux, M. de Châteauneuf, [13] a envoyé quérir les partisans et leur a dit qu’ils devaient fournir de l’argent en grande somme à la reine [14] dans une très urgente nécessité de l’État, ou qu’autrement on s’en allait faire une Chambre de justice [15] contre eux. Si cela arrive, je ne doute point qu’il n’y ait enfin beaucoup de pendus de ces voleurs publics qui solverent in cute quod non possent in ære[8] n’ayant plus d’argent et ayant tout friponné par leurs débauches. Male parta male dilabuntur[9][16][17]

Je vous remercie très humblement de la bonne volonté que vous avez eue de m’envoyer l’Encyclopédie d’Alstedius. Je ne vous suis que trop obligé, je cherche l’occasion de m’en dégager. On dit ici que les ennemis nous attaqueront ce printemps par trois endroits, Picardie, Champagne et Bourgogne, sous l’ordre de l’Archiduc Léopold, [18] du duc de Lorraine [19] et du maréchal de Turenne. [10][20] La paix d’Allemagne s’exécute, [21] ceux qui auront de l’argent prêt y trouveront des soldats de reste. [11] On nous promet ici que le livre du P. Caussin [22] sera achevé bientôt après Pâques, [12] bien qu’il n’y ait rien de si incertain que les promesses de nos libraires à cause de leur pauvreté ; mais je ne veux pas abuser plus longtemps de votre patience, je vous baise les mains et suis de tout mon cœur votre, etc.

De Paris, ce 18e de mars 1650.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 18 mars 1650

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(Consulté le 19/04/2024)

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