L. 420.  >
À Charles Spon,
le 19 octobre 1655

Monsieur, [a][1]

Ce 6e d’octobre. Depuis ma dernière, laquelle fut du mardi 5e d’octobre, laquelle vous aura été, comme j’espère, rendue par le frère de M. Moreau mon hôte, je puis vous dire que je viens tout présentement de chez M. Gassendi, [2] lequel se plaint de ne pouvoir trouver dans son lit aucune bonne place pour dormir. Ce pauvre bonhomme me fait peur de tous côtés, adeo est attritæ et afflictæ valetudine[1] Avez-vous jamais vu un gros livre in‑fo intitulé Clavis Clavennæ, n’est-ce pas de re herbaria ? [2] Qu’en dites-vous, quel jugement faites-vous de ce travail, en quelle ville a-t-il été imprimé ? [3]

Le roi [4][5] est à Fontainebleau, [6] malade d’une fièvre continue [7] pour laquelle il a été saigné [8] des bras et du pied. Ce mal a succédé à l’usage des eaux minérales de Forges, [9] desquelles il n’avait point de besoin ; mais c’est que les médecins de cour ne savent que faire pour tâcher de se faire payer de leurs gages. Les princes sont malheureux en médecins et y a longtemps qu’ils le sont. Quidquid delirant Medici, plectuntur Principes[3] O infelices si intelligant sua mala, o infelicissimi si non intelligant, [4] c’est Érasme [10] qui l’a dit quelque part. Voilà de mauvaises nouvelles pour le cardinal Mazarin [11] bien près l’une de l’autre : la levée du siège de Pavie [12] et la dissipation de notre armée ; le convoi qu’il faut envoyer à Saint-Ghislain, [13] qui n’a pu jusqu’ici avancer à cause que le prince de Condé [14] est là auprès qui les empêche (la plupart de ce convoi a passé, le prince de Condé n’a osé les attaquer) ; [5] et la maladie du roi, cui utinam Deus valetudinem certam brevi restituat[6] et qu’on ne lui donne point d’antimoine [15] qui est ici merveilleusement et tout à fait décrié par les meurtres que Guénault, [16] des Fougerais [17] et autres massacreurs publics en ont ici faits.

Il y a eu autrefois à Montpellier [18] un habile homme nommé M. Scharpe. [19] N’est-ce pas celui que l’on avait appelé en Italie et qui est mort à Bologne, [20] n’a-t-on rien imprimé de lui à Lyon, l’avez-vous connu, quantus fuit ? [7] Je l’ai aujourd’hui entendu fort louer.

On dit que le roi d’Espagne [21] et le nôtre pareillement ont reçu tous deux chacun un bref du pape [22] pour les exhorter à une paix générale ; et qu’il fait des assemblées à Rome pour s’opposer à l’assemblée de Genève [23] où sont les députés de tous les princes protestants de l’Europe, qui est une assemblée qui doit épouvanter Rome et faire peur à la Maison d’Autriche. Le roi de Suède [24] continue sa pointe en Pologne d’où le roi [25] s’est sauvé dans les montagnes et y est poursuivi par un général Wurtemberg ; [26] et que la reine sa femme [27] a pris le chemin pour se retirer en Allemagne. [8][28] La reine de Suède, Christine, [29][30] est en chemin de Rome cum multis Hispanis quibus se commisit[9] N’y fera-t-elle pas quelque miracle ? Si elle avait bien de l’argent, les jésuites la feraient passer pour une sainte.

Ce 9e d’octobre. Nous avons aujourd’hui consulté pour M. Gassendi [31][32] et avons trouvé qu’il fallait tout à l’heure le saigner pour le délivrer, [33] ne statim vel proxima nocte suffocare tunc ; [10] ce qui a été fait par l’avis de MM. Riolan, [34] Moreau, [35] et l’abbé Bourdelot [36] qui s’y est rencontré. Le pauvre homme n’ira plus guère loin, j’en suis extrêmement marri, la perte d’un si grand homme me semble inestimable.

Ce 10e d’octobre. Le bonhomme a mieux dormi la nuit passée qu’il n’a fait par ci-devant. Unicæ venæ sectioni salutem suam adscribit[11] mais il reconnaît bien que le soulagement qu’il en a ne peut pas durer longtemps propter vitium partis quod superest indelebile, et nullo artis nostræ præsidio emendabile[12] Comme aujourd’hui il est arrivé à propos que l’on a parlé de la mort in genere[13] et non pas de la sienne, il m’a dit : Omnia præcepi, atque animo mecum ante peregi ; [14][37] aussi a-t-il fait en bon chrétien, vacavit pietati, sacrisque peractis, vitæ quodcumque superest habet in patientia, nec tamen fortassis mortem in desiderio[15][38] Saint Augustin [39] a dit quelque part, Nemo vult decipi, nemo vult perturbari, nemo vult mori. Ant. Musa Brasavolus [40] libellum conscripsit, Quod nemini mors placeat[16]

Ce 12e d’octobre. L’on parle ici de la mort du prince Thomas, [41] ou au moins d’une grande maladie, pour laquelle la princesse de Carignan [42][43] est partie tout à l’heure. [17] On dit que le duc de Modène [44] viendra ici cet hiver pour se consoler de tant de pertes qu’il a faites depuis six mois. Le pape a dit aux jésuites que leur cabale et leurs artifices étaient cause de la perte de la Pologne où l’on dit que le mal est bien grand, et qu’ils se mêlaient de trop d’affaires.

La reine [45] a refusé à Vallot [46] la permission de faire venir des médecins pour traiter avec lui le roi et consulter pour lui à Fontainebleau. [47] Il lui avait nommé D’Aquin [48] et Vézou. [18][49] Elle lui répondit en colère Je me doutais bien du choix que vous feriez : voilà de beaux médecins pour le roi, je m’en rapporte bien à vous ; je veux avoir Guénault qui l’a déjà traité autrefois en sa petite vérole[19][50] Guénault y a donc été mandé et y est de présent. Il en est revenu le 15e d’octobre. [20] On tient Vallot en danger d’être chassé, combien qu’il n’ait pas encore touché l’argent, depuis trois ans, qu’il avait avancé pour y entrer ; au moins en est-il en grand danger si le cardinal ne le maintient, et ne le remet aux bonnes grâces du roi et de la reine avec lesquels il est fort mal. Martial [51] fait mention d’un certain barbier qui fit grande fortune à Rome, lequel s’appelait Cinnamus, etc. : Cinname quid facies, Cinname tonsor eris[21] Ainsi, que sera Vallot ? Avant son élévation et assomption à l’apostolat, il n’était qu’un charlatan ; [52] quand il en sera déchu, il retournera et reviendra au même état. Sic Fortuna tibi ludos facis : ex rhetoribus consules, ex consulibus rhetores[22][53][54] Le Mazarin est arrivé le mardi 12e d’octobre au Bois de Vincennes, [55] où il a couché ; et dès le lendemain matin, il est allé à Fontainebleau pour y voir le roi qui y est malade d’une double-tierce [56] et aliis aliquot symptomatis, puta involuntario seminis profluvio, etc[23]

Ce 13e d’octobre. Le pape a envoyé trois brefs, l’un au roi, l’autre à la reine, le troisième au cardinal Mazarin, pour les exhorter à une bonne paix pour sauver la religion catholique et pour résister aux étrangers qui la veulent détruire. Il entend Cromwell [57] et le roi de Suède. Il en a envoyé autant en Espagne. Sur la fin des brefs, il les menace s’ils n’y condescendent et dit qu’il se servira, en cas de refus, de l’autorité qu’il a et des censures ecclésiastiques. Ad populum phaleras : [24][58] toutes ces excommunications [59] sont des marchandises éventées et de bas aloi.

Ce 16e d’octobre. On dit que le roi se porte mieux et qu’il sera ici dans huit jours. Je pense qu’ils lui feront passer le reste du beau temps dans le Bois de Vincennes. On dit que la maladie du prince Thomas est une double-quarte, [60] c’est assez pour faire bien du mal à un pauvre homme. En quelque occasion qui s’est présentée, le jeune archevêque de Rouen [61][62][63] a soutenu la cause du cardinal de Retz [64] contre le Mazarin touchant le gouvernement et l’administration de l’archevêché de Paris, contre quatre évêques de Normandie qui se tiennent du côté de la cour. [25] Cela ayant été su, on lui a envoyé une lettre de cachet [65] par laquelle on lui fait commandement de venir dans huitaine à la cour y rendre compte de son opinion. On dit que s’il sort de Rouen pour venir ici, il trouvera en chemin un autre billet de commandement de se retirer dans Avignon. [66] Nec mirum moribus istis vivitur[26] le plus fort l’emporte : Tollitur e medio sapientia, vi geritur res ; [27][67] il y a longtemps que la Fortune gouverne le monde.

M. Gassendi non stat in vestigio firmiter[28] Il a été quelques jours mieux, mais cela n’a pas continué. Il lui a pris un méchant flux de ventre [68] qui ne le soulage point, il ne fait que l’affaiblir et lui empêche l’expectoration facile et libre, cuius beneficio hactenus morbum superavit et quoquomodo vixit[29] Si ce flux de ventre continue, il l’affaiblira extrêmement et cela le disposera à mourir dans les premiers froids du mois prochain, qui est un cruel événement et qui me fâche fort ; utinam sim vanus aruspex[30][69] Il me semble que ses forces diminuent tous les jours, non pas seulement du côté de la fièvre, qui est lente, [70] mais aussi du côté du poumon et de la respiration, laquelle s’affaiblit merveilleusement et à vue d’œil. [31]

Nous avons eu ici depuis quelques mois un médecin agrégé à votre Collège de Lyon, [71] nommé M. Sauvageon. [72] Ne pouvant demeurer en son pays de Nivernais ni dans Paris, à ce qu’il dit, l’envie lui a pris d’aller faire un tour à Lyon pour tâcher de s’y accommoder. Il est vieux et usé, et n’a point d’arrêt, [32] ni du corps, ni de l’esprit. Il ne sait s’il se veut remettre à la médecine ou bien à traiter avec M. Ravaud [73] pour faire réimprimer quelques livres dont il a le privilège, comme la Chirurgie de Hier. Fabricius d’Aquapendente. [74] Il est fort inquiet de l’esprit et admodum impatiens loci[33] Je ne sais ce qu’il fera, mais je crois qu’il a une tête qui fera bien de la peine à ses pieds, [34] si la mort ne l’arrête. Il est aujourd’hui parti de Paris et crois qu’il arrivera à Lyon environ en même temps que la présente. Il m’a promis de vous aller visiter : ne faites pas semblant que je vous aie rien du tout écrit de lui, ni de rien de ce que dessus. J’ai pitié du pauvre homme qui tota vita peregrinatus est [35] et qui, en l’âge auquel il est parvenu, nullam adhuc habet stationem fixam[36] Il vous parlera infailliblement de moi, ne lui dites point que je vous en aie rien écrit. J’ai pitié de ce pauvre homme, tant il est mélancolique. [75]

Ce 16e d’octobre[37] J’ai rencontré ce matin M. Sorbière chez M. Gassendi, qui m’a fait entretien de son voyage d’Italie. On dit qu’il arriva hier au soir un courrier à la cour qui apporta la nouvelle de la mort du prince Thomas : le voilà bien récompensé des prouesses qu’il a faites devant Pavie et du massacre qu’il a fait faire de ces pauvres gens dans les vallées de Savoie. [38][76][77] Un honnête homme nommé M. Daillé, [78] qui est un des ministres de Charenton, [79] a dit à M. Du Prat, [80] notre ami, qu’il ramasse ici de tous côtés des épîtres latines de feu M. de Saumaise [81] tant qu’il s’en peut trouver afin de les faire imprimer en Hollande ; qu’il y a d’honnêtes gens en Hollande qui travaillent à même dessein de leur côté et qu’ils en ont déjà beaucoup. Le fils de feu M. de Sarrau [82][83] en a lui tout seul plus d’un cent de fort belles qu’il donne. J’ai fort bonne opinion de ce recueil, je voudrais qu’il fût déjà imprimé. [39] On nous a ici tout nouvellement envoyé de Rouen un in‑8o intitulé Le Monde dans la Lune, divisé en deux livres : le premier prouvant que la Lune peut être un Monde, le second, que la Terre peut être une Planète, etc. 1655[40][84]

Messieurs les chancelier[85] garde des sceaux [86] et procureur général [87] partent demain pour aller à Fontainebleau, afin d’y tenir conseil touchant l’affaire que le pape leur a proposée de la paix générale. Le nonce [88] presse d’une réponse, c’est sur la qualité d’icelle que l’on va délibérer. [41] Le pape offre à ce dessein Bologne la Grasse afin que les deux rois y envoient leurs députés, et lui-même promet de s’y rendre ; mais les dernières lettres de Rome portent que ce pape est malade, qu’il est fort blême, tout délabré et qu’il ne vivra pas longtemps.

Ce 17e d’octobre. Je viens d’une consultation [89] avec MM. Riolan et Moreau où j’ai appris que Vallot est fort mal en cour, que la reine l’a rudement traité et presque chassé, que le roi l’a menacé et qu’il ne tient plus qu’à un filet. Le Mazarin semble le maintenir, mais si la colère du roi continue, sans doute qu’il sera obligé de l’abandonner. Le roi l’a appelé ignorant et charlatan. Dès devant que le roi fût malade, on lui avait refusé un bénéfice qu’avait un sien fils qu’il voulait donner à un autre sien fils, d’autant que l’autre était mort ; ce refus est une marque qu’il n’y avait guère de crédit. Guénault a été renvoyé prestement, sive quod minus placeret[42] soit à cause du prince de Condé, duquel il est créature. Il y en a d’autres sur le bureau, sed nullus assumetur nisi vacante Comitiva Archiatrωn[43] Je ne sais pas si ce bénéfice sera rendu à Vallot pour un autre fils, mais je sais bien de bonne part qu’il lui en a coûté 10 000 écus, outre les 70 000 livres pour avoir la comitive, qui furent données dès l’an 1652 et 1653 en deux paiements (et ille numeraverit quod pauci facierit, quia ne vestigia trecente), [44] dont je sais les tenants et aboutissants, et les particularités du marché.

On parle ici d’une grande défaite dans la Pologne : on dit que le roi de Suède y a perdu une grande bataille, qu’il y a été blessé et qu’il est demeuré prisonnier ; que son général Königsmarck [90] y a été tué et que voilà le roi de Pologne fort triomphant. Les moines [91] ne manqueront pas de dire que ce combat a réussi par leurs prières et que cela est arrivé en suite des 400 000 écus que le pape a envoyés au roi de Pologne pour lui aider à résister à ces étrangers et infidèles : voilà comment on les appellera à Rome. Cette nouvelle étonnera bien fort Cromwell et rabattra l’orgueil de ses entreprises. On le croit ici par des lettres venues de Dantzig, [92] de Stettin [93] et de Hollande ; mais tout cela vient d’un même moule, [94] on en attend des lettres par un courrier exprès ou par l’ordinaire mercredi prochain, qui sera le 20e de ce mois. [45] Mars apud Homerum vocatur αλλοπροσαλλος : [46][95] il est tantôt pour l’un et tantôt pour l’autre, tantôt suédois, tantôt impérial.

Ce 18e d’octobre. M. Gassendi est mal à cause de son flux de ventre qui continue et qui le débilite fort ; outre quoi, il a encore une méchante oppression de poitrine cum summa imbecillitate virium, unde metus lethi gravissimus tam ægro quam Medico. Luctus ubique, pavor, et plurima mortis imago[47][96] Je l’ai trouvé en un si mauvais état hier et aujourd’hui qu’il ne peut plus guère durer sans une assistance particulière ; et peut-être qu’il sera mort avant que vous ne receviez la présente, quod omen Deus avertat[48][97]

Je vous ai ci-devant écrit d’un certain Ioan. Henricus Hottingerus Tigurinus[98] faites-moi la faveur, s’il vous plaît, de m’acheter de lui, s’ils se trouvent à Lyon, les deux livres suivants : Thesaurus philologicus seu Clavis Scripturæ, etc., in‑4o, Tiguri, 1649 et Historia orientalis, ibid., in‑4o, 1651 ; avec la quatrième partie de son Histoire ecclésiastique en latin in‑8o, car j’ai les trois autres ; ce quatrième tome doit être tout nouveau et achevé depuis deux ans, voire même moins. [49] Pardonnez, s’il vous plaît, à ma curiosité qui vous fait tant de peine.

M. Chasles [99] n’a plus guère de temps à vivre. Il est hydropique [100] confirmé et mourra dans le mois prochain pour avoir autrefois trop fait la débauche avec M. Le Clerc, [101] chef de la bande joyeuse, et autres ivrognes. M. Allain [102] in dies contabescit[50] il est tantôt maigre comme bois, l’hiver prochain l’emportera. Pour M. Des Gorris, [103] il se porte mieux, ce qu’il a de reste est un flux de ventre et près de 80 ans, c’est toujours beaucoup : morbus frequens et multorum annorum decursus inemendabilem siccitatem tandem adferunt hominibus[51]

J’ai aujourd’hui rencontré chez M. Gassendi avec M. de Montmor, [104] son hôte, un homme de votre ville de Lyon nommé M. de Monconys, [52][105] frère de votre lieutenant criminel. [106] Il m’a parlé de M. Guillemin [107] et moi je lui ai parlé de vous : je lui ai dit que vous étiez mon bon ami et que je vous écrivais souvent des nouvelles de deçà ; que j’avais eu l’honneur de voir ici l’an 1653, M. de Liergues [108] son frère, et même qu’il m’avait fait l’honneur de me venir voir céans ; que je lui avais prêté six médailles qu’il avait fait contre-tirer ; il m’a dit qu’il voulait venir voir mes livres, etc. Pour mes médailles, je ne les ai plus, je les ai données à mon Carolus [109] qui est mon deuxième, qui est curieux, qui s’y connaît et qui en a plusieurs autres fort belles, et curieuses et rares. [53]

Je vous prie de faire mes très humbles recommandations à MM. Gras, Garnier, Guillemin et Falconet qui recevront bientôt le livre de M. Riolan, et vous prie de me faire la faveur de me conserver en leurs bonnes grâces.

On imprime ici un petit livre in‑4o de M. Merlet [110] contre les bailleurs d’antimoine, lequel sera intitulé Parænesis ad medicos antimoniales[54][111] dont je vous enverrai, et à Messieurs vos collègues, quelques copies quand il sera achevé. M. Blondel [112] a un livre tout entier contre l’antimoine, tout prêt, qu’il mettra sous la presse l’hiver prochain, auquel il mettra son nom et dans lequel il parlera hardiment à Guénault et à ses sectaires. Celui de M. Guillemeau [113] ne viendra pas si tôt, il lui faut encore du temps. On dit que Saint-Jacques [114] écrit pour l’antimoine (ce que je ne crois pas qu’il ose entreprendre par plusieurs raisons) ; mais s’il en vient là, il y en a plusieurs qui l’attendent au guet. Ce saint péteur n’est pas assez habile homme pour bien faire en tel cas ; [55] joint même qu’un habile homme, et tout autrement plus savant que lui, ne saurait rien faire de bien pour ce vénéneux médicament qu’ils ont eux-mêmes tant malheureusement décrié. Il n’est pas jusqu’à Guénault qui l’a décrédité plus que pas un par le massacre qu’il en a fait en sa famille, de son neveu [115] et sa femme, [116] de sa fille Gamare [117] et de son gendre l’avocat Guérin, [118] pour la mort duquel tout le Palais a détesté l’antimoine [119] et les empoisonnements de son beau-père, qui est un hardi et résolu massacreur de chrétiens. [56]

Notre M. Rigaud [120] a été ici, à peine l’ai-je vu. Il lui est survenu une affaire qui l’a obligé de s’en retourner en hâte à Lyon, on dit que c’est un homme qui a lâché le pied, [57] qui lui doit cinq ou six mille livres. Il m’a seulement dit qu’il veut imprimer le manuscrit de feu M. Hofmannus, [121] mais il n’a pas eu le loisir de me dire quand il commencera, peut-être qu’il vous en parlera. Je me recommande à vos bonnes grâces et suis de toute mon âme, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce mardi 19e d’octobre 1655.

On dit que le roi achèvera le beau temps à Fontainebleau et qu’il ne reviendra que vers la fin du mois pour passer la fête au Bois de Vincennes, qu’il est de présent en bonne santé. Vallot n’est pas bien, mais il n’y en a pas encore d’autre de retenu ; il faudra du temps pour cela car peu de gens y sont propres, et peut-être que l’autre, inter illas moras[58] aura loisir et trouvera le moyen de refaire sa paix. Le prince Thomas n’est pas mort, la nouvelle de sa mort n’est pas vraie. [38]



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 19 octobre 1655

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(Consulté le 28/03/2024)

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