L. 440.  >
À Hugues II de Salins,
le 14 juillet 1656

Monsieur, [a][1]

Je vous remercie de votre dernière. Je n’ai rien à vous envoyer de mes conférences, vous savez bien que je n’en écris rien, mais je vous enverrai mes leçons [2] que quelqu’un m’a promises, et j’espère que ce sera bientôt. Pour le lait d’ânesse, [3] optimum est illi superdormire, quod si nonnullis adversari vel nocere videatur iste somnus, ipsi purgatione indigent, eaque sæpius repetita. Pueri colostrati dicuntur in genere, [1][4] qui tètent du mauvais lait ; [5] in specie, qui statim a partu lac sugunt a mammis maternis adhuc impurum, et nondum defæcatum[2] ou bien qui ont été nourris du lait d’une femme grosse. Mauritani medici sont les Arabes, [3][6] qui ont été de grands conteurs de fables et qui ont promis la dignotion de la grossesse par des urines verjutées, [4] quasi fuissent omphacio multo dilutæ, quod est falsissimum. Pleuritis sinistra deterioris est ominis, quia tunc materia purulenta assidet cordi, et fere obsidet[5][7][8] C’est un pur abus que vos poudres digestives, est merum figmentum in rem pharmacopolarum excogitatum : qui laborant imbecillitate ventriculi ab intemperie præfervida, quod fere fit, ac ut plurimum contingit, illi statim a pastu debent haurire aquam frigidam ; est præceptum Corn. Celsi[6][9] Un verre d’eau, à cause de la chaleur de leurs entrailles, leur vaut cent fois mieux que toutes leurs poudres digestives : cela et une serviette blanche vaut mieux que tout le cotignac d’Orléans. [7][10][11]

Stylo novo[8] au bas des lettres qui viennent des pays huguenots, [12] tels que sont ceux d’Angleterre, Écosse, Hibernie, Norvège, Danemark, Suède, Pologne, Hollande, Allemagne, Suisse, sont des catholiques qui ont reçu la réformation du calendrier de l’an 1582 auquel le pape Grégoire xiii[13] ad melius esse[9] régla toute l’affaire en retranchant dix jours de chaque année ; qui est une règle, quam soli παπομανουντες acceperunt ; [10] les protestants ne l’ont point voulu admettre et quand ils écrivent, ut solent, stylo veteri[11] le 20e de juillet, à eux, n’est que le 10e à nous. Præclara fuit isthæc emendatio, quam viri boni admodum probavunt, etiam extra partium odium positi : vide Thuanum, Illustrissimum ac Eximium Historicum, ad annum 1582[12][14] ou Dupleix, [15] sous Henri iii[16] en cette même année 1582. [17] Nos gens pressent fort Valenciennes, [18] on dit que son dies decretorius [13] sera dans huit jours. MM. les ducs de Modène [19] et de Mercœur [20] ont assiégé Valence [21] dans le Milanais, mais nous y avons perdu un excellent colonel, le comte de Broglio, [22] qu’un paysan y a tué d’un coup de mousquet dans la tête et qui nous fera besoin au siège de cette ville. [14] D.D. patrem, fratrem, uxorem ex animo saluto[15] Je suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin

De Paris, ce 14e de juillet 1656.

Les Espagnols ont si fortement assiégé nos lignes qu’ils les ont forcées et nous ont obligés de lever le siège ; M. le maréchal de La Ferté-Senneterre [23] y a été fort blessé et arrêté prisonnier, et emmené dans Valenciennes ; cela est arrivé le 16e et 17e de juillet. [16] Le roi et le Mazarin sont à La Fère. [24] Ceux de Boulogne [25] en Picardie ont maltraité un gabelou ; [17][26] ils lui ont coupé le nez, les oreilles, l’ont traîné par les rues, l’ont pendu et puis l’ont brûlé. La peste [27] est grande à Naples [28] et à Rome, la reine de Suède [29] en est partie ; [18] elle passe par la France, puis s’en retournera en Suède où l’on dit qu’elle se refera luthérienne. [30][31][32] J’ai reçu le cahier de mes leçons que je vous enverrai quand il vous plaira : adressez-moi quelqu’un à qui je le puisse confier qui aille vers vous. [33] Vale et me ama[19]



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Hugues II de Salins, le 14 juillet 1656

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(Consulté le 18/04/2024)

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