L. 682.  >
À André Falconet,
le 15 mars 1661

Monsieur, [a][1]

L’évêque d’Évreux [2] est mort ici asthmatique [3] avec le vin émétique [4][5] de Guénault [6] et des Fougerais. [7] Le jour avant sa mort, comme on le saignait de peur qu’il n’étouffât, [8] il sortit avec le sang un ver [9] gros comme une plume et long d’un quartier. [1] Le cardinal Mazarin [10] a touché avant que de mourir 500 000 livres d’argent comptant pour la charge de chancelier de la reine, qu’il a vendue à M. de Fieubet, [11] maître des requêtes[2] De plus, il s’est fait payer de ses gages pour l’an 1661 des places et gouvernements qu’il avait, et a demandé à M. Tubeuf [12] une somme de 26 francs qu’il lui devait de reste d’un certain jour qu’ils avaient joué ensemble, n’était-ce pas être bon ménager ? On dit qu’il n’a rien fait en mourant que ce qu’il avait fait durant sa vie. Il pria M. Joly, [13] curé de Saint-Nicolas, [14] de lui parler de Dieu jusqu’au dernier soupir de sa vie, et que pour lui témoigner qu’il l’entendait, il promit de lui serrer la main : c’est un métier qu’il a toujours fait et qu’il a fort exercé à son profit. [3] Le roi [15] a défendu dans le Louvre que personne n’eût à dire du mal de Mazarin. Il n’en faut donc point parler, ni en mal, de peur de déplaire au roi, ni en bien, de peur de mentir. On commence à débiter ici des épitaphes contre lui. Quand il y en aura quelques bons, nous vous en ferons part ; ils ne se disent encore qu’à l’oreille. Je suis, etc.

De Paris, ce 15e de mars 1661.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 15 mars 1661

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(Consulté le 10/12/2024)

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