Depuis ma dernière que je vous envoyai par la voie de M. Falconet, [1] je me suis avisé de faire un mot de réponse à M. Dinckel [2] et de vous l’envoyer pour vous prier de lui faire tenir à Strasbourg. On parle ici de plusieurs signes qui ont été vus au ciel dans toute l’Allemagne, outre la comète ; [3] et de plus, qu’à Leipzig [4] on a trouvé plusieurs tombeaux ouverts, dans lesquels il paraissait du sang. Je ne suis pas d’avis d’en pleurer, il n’est peut-être pas vrai, le peuple sot et crédule prend plaisir à faire de tels contes ; mais quelque chose qui puisse arriver, il s’y faudra résoudre. [5] Je tâcherai de servir cet apothicaire allemand qui m’est venu voir de votre part. Il m’a dit qu’il voudrait bien être ici quelque six mois dans quelque bonne boutique, mais il n’y en a plus guère de bonnes. Dieu merci, les gens de bien et la misère du temps, car ces deux rencontres avec le séné [6] et le Médecin charitable [7] ont ruiné les apothicaires de Paris. [8] Les chirurgiens [9] mériteraient bien pareil traitement pour leur insolence, mais il faut qu’il survienne quelque chose qui réveille encore davantage notre Faculté et qui nous fasse entrer en plus grosse colère. Enfin, la petite Marie, [10] nièce du cardinal Mazarin, [11] a été mariée par procureur avec le prince Colonna [12] et est partie le 13e de ce mois, par ordre du roi, [13] pour aller trouver son mari. [2] Elle emporte d’ici un million d’argent comptant. C’est ainsi que la France nourrit les petits poissons d’Italie. Je suis, etc.
De Paris, ce 18e d’avril 1661.