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À André Falconet,
le 5 juillet 1661

Monsieur, [a][1]

Je vous dépêchai hier deux pages de nos chétives nouvelles. [1] Aujourd’hui, j’apprends qu’il y a dans le Châtelet [2] prisonnier un prêtre [3] de 35 ans accusé et convaincu d’avoir débauché une jeune femme veuve, et lui avoir fait trois enfants qui sont morts, [4] mais elle est grosse du quatrième. [2] Il était son confesseur et directeur de conscience, ce qui aggrave fort le fait. Elle est aussi prisonnière dans un monastère, d’où elle a aussi été menée au Châtelet pour lui être confrontée. Elle niait tout mais elle a enfin tout avoué, voyant que le galant avait tout confessé. Voilà des fruits du célibat [5] et de la faculté générative des prêtres. On dit qu’ils avaient délibéré de s’en aller tous deux à Genève [6] et de s’y faire huguenots, [7] après qu’elle aurait accouché et qu’elle aurait vendu tout son bien. Voilà comment ce bizarre et fantasque animal qu’on appelle homme se joue de la religion et s’en sert à son plaisir ou à son profit. Vous savez ce que dit là-dessus Virgile, [8] Sua cuique deus sit dira libido ? [3] M. l’archevêque de Sens [9][10] est fort bien en cour, il est venu voir le roi [11] qui l’a fort bien reçu et quoiqu’il ait été jusqu’ici mal avec les jésuites, ils ne laissent pas de le servir ; [4] mais vous les connaissez, il ne faut pas trop s’y fier. Je suis, etc.

De Paris, ce 5e de juillet 1661.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 5 juillet 1661

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(Consulté le 17/04/2024)

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