L. 717.  >
À Charles Spon,
le 16 décembre 1661

Monsieur, [a][1]

Je reçus hier la vôtre très agréable, datée du 9e de décembre. Vous ne m’avez devancé que d’un ordinaire car j’avais fait dessein de vous écrire aujourd’hui la présente pour vous donner des nouvelles de ma convalescence. Je n’ai plus, Dieu merci, besoin que de forces, mais elles ne reviennent que fort lentement. Je vous remercie bien fort de la bonne affection que vous me témoignez par vos lettres. Mon grand mal [2] n’a duré que six jours, mais ma faiblesse a duré longtemps et même, je m’en sens encore un peu. Cette langueur a été commune à tous les malades de cette année. [1][3] J’ai grand regret de la mort du bon M. Rigaud [4] et en récompense, je suis bien aise que M. Simonet [5] en soit réchappé. J’ai écrit à M. Volckamer, [6] médecin de Nuremberg, [7] je crois qu’il n’est pas maintenant en peine de mes nouvelles. Pour le livret du gendre de M. Horstius in‑4o de fœtu Mussipontano[2][8][9][10][11] je l’ai pareillement reçu comme vous. Les Allemands sont gens à se laisser surprendre à ces nouveautés. Ils ont beau dire, conceptio non fit extra uterum, nec tamen miror aut moror tot nugas ineptientis, novaturientis et pœne morientis sæculi, etc[3] Ce médecin italien nommé Borri [12][13] n’est qu’un charlatan comme beaucoup d’autres, mais il est finet et spirituel comme un Italien. [4] Pour la réputation qui doit venir aux savants écrivains après leur mort, je ne leur envie rien, [14] je suis de l’avis de Martial [15] le poète enjoué, Si post fata venit gloria non propero[5] Je souhaite fort que le Cardan [16] soit fait à Pâques. C’est un petit impôt sur ma bourse, mais il n’importe, le coup vaut la balle. Le public vous aura obligation si vous aidez à la production des quatre traités de ce chirurgien de Marseille, [17] d’autant qu’il me semble fort curieux. [6] Le médecin qui est avec M. le prince de Conti [18] n’est pas ce Maurin [19] le Provençal que pensez, mais un autre Morin [20] qui n’est médecin que depuis quatre ans et qui est gendre de feu M. Allain. [21] Celui-ci est plus savant que le Provençal et n’est pas si fin. Il est natif de Châtillon-sur-Indre qui est en Touraine. [7] J’ai céans des livres à vous envoyer, entre autres deux in‑fo et quelques autres petits livres. Les deux in‑fo sont Campus Elysius quæstionum medicarum ; [22] l’autre sera Astrologia Gallica Morini [23] qui était un fou, natif de Beaujolais, professeur du roi en mathématiques à Paris, etc. De plus, il y aura un Pronostic d’Hippocrate [24] traduit par feu M. Duport, [25] que j’ai connu et qui mourut l’ancien [26] de notre Compagnie l’an 1624. De plus, il y aura trois petits tomes in‑12 de prose chagrine de M. de La Mothe Le Vayer [27] avec un traité de lacrymis[28] qui s’achève et que je n’ai pas encore. [8] Peut-être que j’y pourrai encore ajouter quelque autre chose, mais je n’y mettrai jamais la centième partie de ce que je vous dois, et crois qu’il me faudra partir de ce monde avant que de m’acquitter envers vous et sans payer la dette de tant d’obligations que je vous ai. Carissimam uxorem tuam saluto. Vale et me ama.

Tuus ad omnia paratissimus,

Guido Patin[9]

De Paris, ce vendredi 16e de décembre 1661.

La Chambre de justice [29] a décrété prise de corps contre M. de La Terrière, [30] Lyonnais, jadis intendant de justice, à la requête d’un autre Lyonnais nommé M. Savaron, et a fait mettre dans la Bastille [31] ce matin un nommé Pelissari, [32] etc. [10] Le roi [33] fait de beaux préparatifs pour son voyage d’Alsace le mois d’avril prochain. Quand sera achevé chez M. Borde [34] le livre de signis morborum Roderici Castrensis ? [11][35]



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 16 décembre 1661

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(Consulté le 29/03/2024)

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