L. 831.  >
À André Falconet,
le 18 août 1665

Monsieur, [a][1]

Je vous envoie la réponse que j’ai faite pour M. Delorme, [2] auquel je vous prie de la faire rendre avec mes très humbles recommandations et offre de services. On dit que la reine mère [3] empire fort et qu’elle a fait son testament, que le roi [4] même a signé. [1] On dit qu’autour de ses mamelles, il y a force glandules douloureuses. Scrophulæ sunt Hispanæ genti familiares ; ex quibus olim circa annum 1612 obiisse dicitur eius mater, regina Hispaniæ[2][5][6] Les maladies de tels princes me semblent être fort remarquables. Philippe ii[7] son aïeul, mourut pediculari morbo[3][8] voyez ce qu’en a dit le président de Thou [9] dans son Histoire, l’an 1598. [4] Hérode [10] mourut de ce même mal, c’est pourquoi il a été nommé dans les Actes des Apôtres Σκωληκοβρωτος, a vermibus erosus et iugulatus, phthiriasi consumptus[5][11] Dominicus Baudius [12] a dit que c’était la maladie des tyrans ; au moins est-ce une marque d’une horrible corruption d’humeurs. Comme le premier ne convient pas à la reine mère et qu’elle a toujours été trop bonne, on peut dire qu’elle meurt du second car elle mangeait trop et se purgeait [13] trop peu. Voilà les deux causes de son grand mal, dont on dit à la cour qu’elle mourra bientôt. [6] Elle a le visage fort exténué. Comme Vallot [14] parlait contre Gendron, [15] M. le duc d’Orléans [16] se mit en colère et dit de rudes paroles à cet archiatre, eique dixit verba prætextata[7] Le roi même en a témoigné du mécontentement. La reine mère a une nouvelle tumeur dans son épaule gauche, qui est le côté du cancer. [17] Tous ces symptômes sont appelés dans Hippocrate [18] βλαστηματα των ενεοντων κακως εχοντων. [8] On fit hier au Louvre [19] une consultation [20] des rabbins [21] de la cour sur les offres que faisait un paysan pour la guérison de la reine, mais il fut refusé. Il s’y présenta pareillement un moine, [22] qui fut aussi rejeté. On dit aussi que la reine mère a une pustule [23] maligne à la jambe gauche. Le roi a dit que si la reine mère mourait, il sortirait de Paris et ferait un voyage jusqu’aux frontières de son royaume. Je viens de parler au curé de Saint-Germain<-l’Auxerrois > qui a vu la reine mère ce matin, il dit qu’elle se porte mieux et qu’elle n’est pas si mal que disent ceux qui ne l’ont pas vue, faxit[9]

On dit que M. de Vendôme [24] se meurt. Mon fils aîné [25] vient de partir pour Bourbon [26] avec une malade de qualité. S’il peut s’en échapper pour quelques jours, il ira à Lyon pour vous y saluer, avec M. Delorme et nos autres bons amis. On tient pour certain que les trésoriers de France [27] seront supprimés et on me vient de dire plaisamment que M. Colbert [28] le veut devenir, mais qu’il veut l’être tout seul. Fiat, fiat[10] il ne tiendra qu’au roi qui en est le maître. Je vous baise très humblement les mains et suis de toute mon âme votre, etc.

De Paris, ce 18e d’août 1665.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 18 août 1665

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(Consulté le 25/04/2024)

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