L. latine 17.  >
À Johann Georg Volckamer,
les 22 et 23 avril 1650

[Collège de France, Ms Montaiglon, page 159 | LAT]

Au très distingué M. Johann Georg Volckamer, docteur en médecine à Nuremberg.

Le vendredi 22e d’avril 1650.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Voici ma réponse à votre lettre qui vient de me parvenir. J’ai reçu la quittance de Mme Laux avec ses bonnes pensées, qui me sont aussi chères qu’ont été pour elle mes dix thalers. [1][2][3][4] Laus sit Deo immortali, qui nobis hæc otia fecit[2][5] Je tiendrai pour sainte et sacrée la mémoire de l’immense M. Caspar Hofmann, je l’honorerai continuellement et tout ce qui, de près ou de loin, a été hofmannien me sera toujours très cher, en particulier ses amis dont MM. Volckamer, médecin de Nuremberg, et Charles Spon, médecin de Lyon, âmes débordantes de candeur, mènent à mes yeux la troupe. [3][6]

Je vous remercie de m’offrir votre Botal, j’en trouverai peut-être enfin un autre exemplaire ici ; gardez le vôtre pour vous, lisez-le et usez-en ; la doctrine de ce livre est saine et excellente, bien que les peuples du Nord bannissent exagérément la fréquente saignée qu’il recommande. [4][7][8][9] Cependant, dirai-je une fois pour toutes, son véritable auteur n’est pas Botal, médecin de la cour vers l’an 1578, mais Michel Marescot, éminent docteur de notre Faculté de Paris, qui mourut ici fort âgé en 1605. [5][10] Ce fut un homme puissant, habile en actes et en paroles, et le premier des médecins de son temps ; il a laissé un fils, qui devint maître des requêtes, et a eu pour gendre un homme tout à fait incomparable et digne de toutes les louanges : Simon Piètre était doté d’une immense intelligence, capable d’embrasser tout ce qu’un esprit humain peut saisir, il mourut le 24e de juin 1618. [6][11][12] Notre ami René Moreau fut jadis précepteur de ses enfants, ce qui lui permit de devenir médecin de Paris. [13] Ce Simon, véritable Sénon et presque divin docteur, [7][14] fut le frère de Nicolas Piètre, [15] son cadet de dix ans, qui mourut le 27e de février 1649, octogénaire et le plus ancien maître de notre Compagnie. [16] Il n’a pourtant pas entièrement disparu car il a laissé derrière lui un fils qui lui ressemble : Jean Piètre, en qui revivent la science et les vastes dons rassemblés des deux grands hommes que furent son oncle Simon et son père Nicolas, est aujourd’hui doyen de notre Faculté pour encore quelque temps [8][17][18] N’en veuillez pas à mon ardeur si cette énumération de grands personnages vous a semblé importune, mais je les honore et vénère du fond du cœur car ce sont des hommes remarquables que le sort a placés au-dessus du commun des mortels ; vous connaissez ces paroles de David : Generatio rectorum benedicetur[9][19][20] Sur Michel Marescot, voyez le très illustre de Thou, aux années 1599 et 1600, où il parle de Marthe Brossier, que des moines ignares et une troupe inculte de prêtres, les pires des vauriens, ont faussement qualifiée de démoniaque. [10][21][22][23][24]

J’avoue être fort en dette envers vous pour les livres que vous m’avez achetés. Dieu fasse que vous en trouviez encore bien d’autres, comme j’espère que cela arrivera enfin. Bien que je ne vous l’aie point demandé, je me réjouis que vous y ayez joint les Observationes medicinales d’Augustin Thoner. [11][25] Je vous les rembourserai tous. Je souhaite pouvoir voir grâce à vous le catalogue de livres qu’a publié Frambotti. [12][26] Je n’ai rien à vous envoyer de M. Riolan car son procès pour le mariage de son fils n’est pas encore terminé. [13][27][28] Je voue les jésuites, ces plus vauriens des bipèdes, à la croix et à la ruine qu’ils ont depuis longtemps méritées pour leurs crimes. [29][30]

Pour les trois exemplaires des Institutiones Medicæ de Caspar Hofmann, soyez assuré que j’en ai réglé le solde avec M. Spon et que je les lui ai payés ; si cet excellent homme les a comptés à votre débit, il l’a sans doute fait en pensant à autre chose ; je lui écrirai donc et d’ici là, n’allez plus vous soucier ni tracasser pour ce malentendu. [14][31] Je vous remercie du cadeau que vous avez destiné à mon Robert et espère le voir rapidement nous arriver. [32] Maintenant que la paix a été rétablie, [33] vous devriez faire publier ces Institutiones Medicæ en Allemagne, en en retirant cette épître dédicatoire à Jacques Cousinot, étant donné qu’il est mort le 25e de juin 1646 ; [15][34] [Ms Montaiglon, Collège de France, page 160 | LAT] le meilleur et le plus savant de tous les livres du très érudit Caspar Hofmann se ferait ainsi connaître et serait mis à la disposition de tous en votre Allemagne. Je suis heureux que vous approuviez le titre de l’opuscule que je possède maintenant de lui ; pourtant, je ne vous en promets pas la publication de sitôt car je manque cruellement de loisir, consacrant presque tout mon temps à visiter des malades ; [35] j’occupe toutes mes heures de reste à écrire des lettres à mes amis, en Hollande, en Allemagne, en Italie, à Lyon et dans de nombreuses autres villes de notre France. En cette saison printanière, qui augmente la masse du sang, votre malade, pour lequel je vous ai précédemment écrit, [16] aura besoin de neuf saignées ; je vous prie de penser à le faire, et ensuite à lui évacuer les intestins, ce qui sera absolument indispensable avant le retour des chaleurs estivales ; mais je peine à croire que l’emploi des topiques, quels qu’ils puissent être, fera jamais aller cet homme flegmatique à la selle, s’il n’est précédé et suivi par la prescription plusieurs fois répétée de deux meilleurs remèdes qui sont la saignée et la purge[17][36][37][38][39] en union avec un régime alimentaire adapté. [40] Puisse Dieu faire réussir notre consultation et que votre patient s’en trouve mieux ; et qu’il en aille de même pour vous, excellent Monsieur, qui le méritez bien. Vale, très distingué Monsieur, je vous salue et vous baise les mains.

Tout à vous et votre entièrement dévoué Guy Patin, docteur en médecine de Paris.

De Paris, le 23e d’avril 1650.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Georg Volckamer, les 22 et 23 avril 1650

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(Consulté le 29/03/2024)

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