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Au très distingué M. Georg Friedrich Lorenz, docteur en médecine à Lübeck.
Très distingué Monsieur, [a][1]
Votre lettre datée de Lübeck, [2] le 9e de juin 1665, m’est enfin parvenue, sept mois plus tard, avec un paquet de vos thèses. [3] Ne doutez pas, je vous prie, que l’une et l’autre m’ont été très agréables ; il m’a même été plus plaisant encore de reconnaître dans votre lettre la constance de votre affection et votre bienveillance à mon égard, tout comme de trouver et de découvrir dans le paquet ces thèses médicales parfaitement choisies et savantes. Je vous remercie de tout cœur pour tout cela ; mais ce qui à soi seul augmente et accroît ma joie est votre promesse d’autres disputations de ce genre. Courage, très distingué Monsieur ! continuez donc à bien mériter ma gratitude. J’embrasserai et choierai tout ce que vous me ferez parvenir ; en échange de quoi, je vous donnerai tout ce que vous me demanderez, qu’il s’agisse d’argent, de livres ou de ce que vous pourrez désirer. Pensez-y donc et indiquez-moi ce dont vous avez besoin venant de moi, de sorte que je vous montre ma gratitude, aussi avide de rendre et rembourser que de recevoir. Je ne vous propose aucun livre particulier, choisissez ceux que vous voulez, médicaux, chirurgicaux, historiques, français ou latins. Si vous m’en écrivez, j’exaucerai aussitôt votre souhait et ferai tout mon possible pour vous satisfaire. Je n’ai jamais vu l’opuscule d’Elias Bonvinius de Theriaca, [4] mais souhaite bien le découvrir grâce à vous ; [1][5] j’ai quelquefois songé à employer la thériaque et ses pouvoirs dans le traitement des maladies, mais elle est peu à mon goût ; Pline l’a appelée compositio luxuriæ, [2][6] et ce avec pertinence. Certains, qu’ils soient ignorants ou empiriques, [7] la recommandent comme étant le plus précieux antidote contre la peste, [8] mais cela est [Ms BIU Santé no 2007, fo 205 ro | LAT | IMG] risible et improbable. Si Dieu me le permet et exauce mes vœux, quand viendra mon tour, suivant la coutume observée dans nos Écoles, je présiderai une thèse publique qui se conclura ainsi : Non ergo pestilenti febri Theriaca ; [3][9][10][11] ce que je ferai très volontiers au service de la vérité, avec ardeur et grande application, si par ma mort le destin ne fait pas obstacle à de si beaux desseins, ce dont Dieu veuille me préserver. Vos manuscrits, dont vous m’écrivez, me mettent l’eau à la bouche, en particulier ceux qui traitent de Morbis complicatis et de desideratis Medicis. [4] Ce Pierre Borel n’a pas séjourné longtemps ici ; pour ne pas y mourir de faim, il est rapidement retourné dans son pays, à Castres en Languedoc. [5][12][13] Absolument inculte et ignorant dans le traitement des maladies, il s’évertuait à passer pour habile en chimie ; [14] mais les fraudes et impostures de tels vauriens sont depuis longtemps dénoncées par les soins et le zèle des médecins de notre Faculté de médecine, qui compte 115 docteurs, dont presque tous (si vous m’en exceptez) sont des hommes remarquables. Manus nostræ sunt oculatæ, credunt quod vident ; ad populum phaleras ! [6][15][16][17] Vous voyez ce que je veux dire. Je n’ai pas encore vu les Observationes de Pietro de Marchetti, mais je m’occuperai de me les faire envoyer. [7][18][19] Aucun recueil d’Observationes medicæ n’a ici paru ; mais j’apprends qu’un médecin de Genève songe à publier quelque chose sur notre Baillou, [20] dont il existe plusieurs traités ; les connaissez-vous tous ? [8][21] Je n’ai jamais vu les Observationes de cet Espagnol nommé Cyprianus, éditées à Valladolid ; [9][22] Les Consilia de Cesare Mocca sont ordinaires et communi cudunt carmen triviale moneta. [10][23][24] Je ne connais pas d’observations meilleures que celles de Fernel, [25] ni mieux adaptées à l’usage des médecins. J’ai ici la nouvelle édition, quelque peu augmentée, de celles de Schenck, qu’on m’a récemment envoyée de Francfort. [26] Sed priusquam tollam manum de tabula, [11] dites-moi, je vous prie, qui est ce Melchior Polisius, an aura vescitur ætheria, nec adhuc vitalibus occubat umbris. [12][27][28] Thomas Bartholin est un Danois qui est fort mon ami, [29] comme sont MM. Simon Paulli [30] et Heinrich Meibomius, professeur à Helmstedt. [31] De temps en temps se trouvent ici quelques nouveautés, je vous les enverrai toutes les fois que vous en voudrez. Tels sont l’Hortus regius Parisiensis, in‑fo, [32][33] qui est un répertoire de quatre milliers de plantes, et la Dissertatio de cancri curatione de François Blondel, médecin de Paris, [34] contre un empirique de Lorraine qui avait promis de guérir Anne d’Autriche ; elle n’en est pas moins morte. [13][35][36] J’en finis, très distingué Monsieur, vale, encore et encore, et continuez de m’aimer comme vous faites.
De Paris, le 18e de février 1666.
Vôtre, etc.
Envoyez, je vous prie, tout ce que vous me destinerez, lettre ou thèses, à Hambourg, à M. {Louis Héron, Parisien} [37] Augustin Henri, le Jeune, pour faire tenir à MM. de Bobière et Le Preux, [38][39] marchands de Paris, pour être rendu à M. Guy Patin, docteur en médecine et professeur du roi à Paris. [14] Il vous remboursera argent comptant ce que vous aurez dépensé pour moi et ne manquera pas au devoir de vous satisfaire ; et moi, je lui rendrai son dû à Paris.