[Ms BIU Santé no 2007, fo 250 ro | LAT | IMG]
Ventosités et douleurs gastriques chez une noble dame
[consultation, 1633] [a][1]
Sans voir les malades, il est extrêmement difficile de prescrire les remèdes idoines, et agir ainsi est une tâche emplie de dangers, car leurs forces effectives ne sont ni connues ni évaluées. [2] J’expliquerai néanmoins brièvement ce que je pense personnellement du cas qui m’est soumis. Les symptômes dont se plaint vivement cette noble dame appartiennent à l’estomac et à ses parties voisines. Ce qui les engendre tous est, selon moi, une intempérie chaude et sèche, avec ordure malsaine et crasseuse, figée et incrustée au fond même de l’estomac, dans la concavité du foie [1][3] et dans les autres parties voisines des intestins. Rendue pérenne et persistante par la production d’humeurs et de vents fort gâtés, elle n’a jusqu’ici cédé à aucun remède, bien qu’ils aient été prescrits et proposés avec art et méthode par le très distingué médecin qui dirige sa santé. La cause de cet échec est la δυσκρασια très chaude et presque inextinguible qui, en ébranlant et abattant la vigueur et le tonus des viscères, [2] a remplacé un sang louable et un bon mélange des autres humeurs par de la bile [4] et des vents ; et le trésor qui nourrit la vie l’a été par des charbons incendiaires. C’est donc un désastre qui menace votre noble malade, avec la survenue prochaine soit d’une hydropisie sèche, [5] soit d’une fièvre continue, [6] mortelle en l’espace de quelques jours, soit de quelque autre accident de sinistre présage ; à moins que ne se présente promptement quelque Esculape, [7] pourvu de la science de Machaon Phœbique potentibus herbis, [3][8][9][10] qui lui donnerait le pouvoir de soulager la douleur d’estomac et de chasser la maladie en grande partie. Ces remèdes, pour autant qu’il en existe, consisteront en de fréquents lavements rafraîchissants et émollients. [11] L’âpreté de la maladie y poussant, on pratiquera la saignée, selon les forces du malade : [12] tanquam una eademque fidelia duo parietes dealbabuntur ; [4][13] je veux dire qu’elle n’est seconde à nul autre traitement et remédiera au double mal ; entre autres bienfaits, elle corrigera et châtiera l’intempérie ancienne et fixée, elle relâchera et empêchera la flatulence venteuse, et modérera certainement, en rafraîchissant, la chaleur excessive des viscères qui est l’instigateur des flatuosités. Ayant ainsi dompté l’acrimonie et la férocité de l’humeur morbifique, en y associant le régime alimentaire qui convient, [14] on passera avec bonheur à la purgation douce avec casse [15] et séné, [16] par épicrase fréquente, [17] répétée au moins deux fois la semaine. [18] Pour auxiliaires, à l’heure du coucher, on fera prendre, en nombreuses petites gorgées, une potion de diacode et de décoction de chicorée, [5][19][20][21] et on appliquera de temps en temps, sur l’ensemble de l’abdomen, des épithèmes imprégnés d’oxycrat tiède. [22][23] Nous confions le reste à l’ingénieuse adresse du très expérimenté Bergeron, [6][24] et prions Dieu de répandre sa force sur les remèdes qui rendront une santé prospère à sa noble malade.
Le 30e d’octobre 1633,
Patin.