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Traité de la Conservation de santé (Guy Patin, 1632) : Pièces liminaires  >

Contre Zoïle [1]

Author ad librum in Zoilum.

I liber, invidiaque crepent licet ilia Momo,
Securus fausto tramite perge viam :
Pessima Tartareæ noceant ne toxica linguæ,
Antidotum nomen qua fucare geris
.

[L’auteur à son livre, contre Zoïle[1][2]

Va, mon livre ! Laisse l’envie crever les entrailles de Momus, [3] poursuis sans crainte ton chemin et va d’un pas heureux : pour que les pires poisons de la langue infernale ne te nuisent, tu portes avec toi un antidote qui en plâtrera les mots].

Épître dédicatoire [4]

Nobilissimo et amplissimo viro D.D. Carolo Guillemeau, Doctori Medico Parisiensi, Christianissimi Regis Ludovici xiii Consilario, et Medico Ordinario. S.P.

Libellum hunc (Vir Clariss.) quem succissivis horis non ita pridem a me factum publicæ concesseram utilitati, iterum in lucem prodire minime tutum fuit, nisi sub tui Nominis auspiciis ; neque sane isti partui ante hac anonymo et quasi spurio Parentis notam præfigere fuissem aggressus, nisi in Tui quasi speciem subornatus, facile ab omnibus hoc pacto fuisset excipiendus : Quamquam enim in eo quam plurima ad cuiusque sanitatem tuendam apprime necessaria coniunxi, verebar tamen ne ad eam quæ omnium animos capit elegantiam, parum exornatus fui fidem minueret, apud eos præsertim qui omnia fuco metiuntur : Et certe licet a multis emunctæ naris hominibus, vulgo saltem non inutilis probaretur, audiebam nihilominus ab iis exagitari qui sordidam et spuriam Arabum doctrinam ab inferis excitant, quique etiam Paracelsicæ pestis afflati contagio, in hominum vitam impune grassantur : Verum debacchentur licet, rumpantur et ilia Codro, tuo nomine tanquam Myrtyli clypeo tectus, infestas eiusmodi tenebriorum legiones difflabit, et omnium, quod in votis habet, serviet utilitati : Neque enim is es qui prædatrici potius quam salvatrici isti Medicinæ patrocineris, cum iamdudum in eam præsertim curam incumbas, ut tot circulatorum ac præstigiatorum agmina, qui Monspeliensium Medicorum aut abutuntur nomine, aut inani et ridiculo Chymicorum vel Empiricorum titulo in hac urbe nostra gloriantur, omnino tandem eliminentur ac proscribantur. Scilicet summa illa qua polles eruditio, ac vulgaris animi solertia, qua velut Hippocrates, ea quæ sanitati conducunt, longe ante prospicis, non sinit veritati diuties imponi, vitæque hominum, alioquin satis ολιγοχρονιο tot insidias parari : Singularem hanc Tuam in rebus medicis prudentiam recte perspexit Rex noster Christianissimus, seque longa bonaque valetudine merito credidit usurum, si Te nihil tale sperantem, nedum cogitantem, in Medicum suum Ordinarium adscisceret ; qui certe honor tuæ non tantum virtutis, sed et excellentis ingenii non obscurum est argumentum : Neque sane tantum Principem fefellit sua illa de Te existimatio, dum ad Montem-Albanum, Pessulanum, Villam-Regiam, Rupellæ, Lugduni, Parisiis, tuæ artis opem sensit, vereque auxiliares manus ; ut Te illi cælitus datum, ipsa quæ suam a Regis salute felicitatem ducit Gallia, iure glorietur ; optetque Te suo Ludovico tam esse charum quam olim Augusto Antonium Musam ; Marco Antonino Galenum ; Ludovico xii Gallorum regi Franciscum Myronem ; Franciscus primo, Gulielmum Copum ; Henrico secundo, popularem meum Fernelium : Carolo nono Io. Mazilium ; Henrico tertio Marcum Myronem ; Henrico quarto, Andream Laurentium, fuisse legimus. Interim vero non parum tibi gratulatur nostra illa, cuius tu decus eximium, Parisiensis Medicorum Schola, quod invictissimo Regi, necnon antiquæ virtutis ac nobilitatis Principibus, eas fraudes quæ tot populis hactenus illuserunt, detegas, doctrinæque Galenicæ ac Hippocraticæ decreta tanto studio apud omnes acerrime vindices atque asseras ; præsertim adversus eos qui duntaxat nomine tenus Medici, reipsa autem infames Bezoardistæ, Zulapistæ et Syrupiastri, magno artis dedecore, ex putida occultarum suarum, si Diis placet, qualitatum doctrina, Chymicisque suis magnalibus et κραης οχειρουργη μαον, meram in vulgus, Medicinæ loco, carnificinam exercent, civiumque nostrorum periculis artem suam discentes, experimenta per mortes agunt. Ego vero si quid ad commune generis humani præsidium affero, id totum acceptum tibi refero, cui nempe tanquam ex Apollinis tripode deprompta hæc et alia quamplurima debeo : fave ergo tuis, et hunc in tuam clientelam libellum accipe, dum parentem eius habebis

Addictissimum tibi
G. Patinum, Do-
ctorem Medicum
Parisiensem
.

[Profondes salutations au très illustre et éminent M. Charles Guillemeau, [5] docteur en médecine de Paris, conseiller médecin ordinaire du roi très-chrétien Louis xiii.

Très distingué Monsieur,

Il n’y a pas si longtemps, j’avais livré au profit du public cet opuscule, écrit à mes heures perdues. Entreprendre de le rééditer eût été fort imprudent, sauf à le placer sous la protection de votre nom : je l’avais naguère mis au jour anonymement, sous un nom d’emprunt, [2] mais je n’aurais pas eu le front de le faire aujourd’hui précéder d’un avertissement de l’auteur [3] si je n’avais bénéficié de votre égide, qui le fera favorablement accueillir de tous. Bien que j’y aie réuni quantité de choses extrêmement nécessaires pour préserver la santé de chacun, je l’ai peu garni de cette élégance qui charme les esprits de tous ; je crains que mon crédit ne s’en trouve affaibli auprès du public, principalement des gens qui mesurent tout à l’aune de la duperie. Sans doute beaucoup d’hommes au nez creux jugeront-ils que mon livre n’est du moins pas dénué d’utilité pour le commun des mortels ; j’admettrai néanmoins d’être tourmenté par ceux qui placent par-dessus tout la doctrine ignoble et frelatée des Arabes, [6] et aussi par ceux qui, enflés par la contagion de la peste paracelsiste, [7] mettent impunément la vie des gens en péril. Même s’ils se livrent à de furieux transports et crèvent les entrailles de Codrus, [4][8] votre nom me protégera, tel le bouclier de Myrtile ; [5][9][10] il dispersera bel et bien aux quatre vents les légions hostiles de ces ténébreux individus et me préservera pour le profit de tous, puisque tel est mon dessein. Vous êtes celui qui nous garantit contre cette médecine rapace plutôt que salvatrice puisque, depuis longtemps, vous vous appliquez tout particulièrement à chasser et éloigner de notre bonne ville tout le troupeau de ces charlatans [11] et imposteurs qui soit abusent du nom de médecins de Montpellier, [12] soit se glorifient du titre stupide et ridicule de chimistes [13] ou d’empiriques. [14] C’est que l’immense érudition, qui vous place en haute estime, et votre subtilité ordinaire d’esprit, par laquelle, tel Hippocrate, [15] vous prévoyez longtemps à l’avance ce qui mène à la bonne santé, ne permettent pas que tant d’entraves soient plus longtemps imposées à la vérité et à la survie des hommes, ou du moins demandent-elles qu’on les délie promptement. [6] Notre roi très-chrétien [16] a justement reconnu votre exceptionnelle compétence médicale, et il a jugé avec raison la mettre au service de sa bonne et durable santé en vous prenant pour médecin ordinaire, quand vous n’espériez rien de tel et n’y aviez pas même songé. Plutôt qu’un témoignage de considération pour votre vertu, c’est bien là surtout une preuve évidente de votre remarquable talent. Cette estime qu’un si grand prince vous a portée ne l’a vraiment pas trompé : il a éprouvé la richesse de votre art et les authentiques bienfaits de vos soins à Montauban, à Montpellier, à La Rochelle, à Lyon, à Paris ; [7] à tel point que la France, elle qui tire sa félicité de la conservation du roi, vous glorifie à juste titre de vous être voué à lui par don du ciel ; et elle aimerait que vous fussiez aussi précieux pour son Louis que l’ont, lit-on, jadis été Antonius Musa pour Auguste, [17][18] Galien pour Marc-Aurèle, [19][20] Gabriel Miron pour Louis xii, roi des Français, [21][22] Guillaume Cop pour François ier[23][24] mon compatriote Fernel pour Henri ii[25][26] Jean Maziles pour Charles ix[27][28][29] Marc Miron pour Henri iii[30][31] ou André Du Laurens pour Henri iv[8][32][33] Aujourd’hui notre École de médecine de Paris, [34] dont vous êtes l’éminente gloire, ne vous est pas suffisamment reconnaissante de dénoncer à notre invincible roi, ainsi qu’aux princes de très hautes noblesse et vertu, ces fraudes qui se sont jouées jusqu’à ce jour de tout le peuple, et de défendre et revendiquer auprès de tous, avec zèle et très grande ardeur, les décrets de la doctrine galénique [35] et hippocratique. Et ce surtout contre ceux qui n’ont de médecins que le nom, mais sont réellement d’infâmes donneurs de bézoard, [36] de juleps, [37] et de mauvais sirops. [9][38] À la grande honte du métier, à partir de la doctrine puante (les dieux me pardonnent !) de leurs qualités occultes, [39] de leurs merveilles chimiques et de leurs tours de passe-passe, [10] en lieu de médecine, ils n’exercent dans le public d’autre office que celui de bourreaux et, apprenant leur métier sur le dos de nos citoyens, ils expérimentent en tuant. En vérité, si je contribue en quelque façon à la protection commune du genre humain, je ne fais que vous restituer tout ce que vous m’avez donné, vous à qui je dois cela et bien d’autres choses que j’ai comme prises sur le trépied d’Apollon. [11][40] Prenez donc bien soin de vous et acceptez de patronner ce petit livre avec autant de vigueur que son auteur se considère comme votre entièrement dévoué,

G. Patin, docteur en médecine de Paris].

Eidem clarissimo
Viro D.D. C. Guillemeau,
Consiliario et Medico Re-
gis Ordinario.

Τετραστιχον.

O cui Francorum curæ sunt fata, precamur,
Sollicita Augustum mente tuere Caput.
Isto crede mihi libro non est opus, Illo
Incolumi, nostra est cui bene iuncta salus
.

Guido Patinus, Bellova-
cus, Doctor Medicus
Parisiensis.

[Au même très distingué M. C. Guillemeau, conseiller et médecin ordinaire du roi.

Tétrastiche.

Nous supplions celui qui a pour souci le destin des Français de protéger avec sollicitude leur auguste chef. Pour Lui conserver la bonne santé dont dépend intimement notre conservation, il n’a pas besoin, croyez-moi, de ce livre. [12]

Guy Patin, natif du Beauvaisis, docteur en médecine de Paris].

Préface au lecteur [41]

De toutes les parties de la médecine, celle qui traite de la conservation de la santé, qu’on nomme hygiène ou diététique, [13][42][43][44] semble être la plus belle, la plus recommandable et la plus nécessaire, aussi bien qu’elle est la plus difficile pour la grande quantité de choses qui sont traitées en icelle. Et tout ainsi qu’il est beaucoup plus doux de se conserver en un état de santé louable par un usage modéré d’un air bien sain, de bons aliments, et des autres pièces diététiques qui croissent ici avec nous et qui dépendent de notre arbitre, que d’user d’un tas de remèdes étrangers qui nous échauffent, qui nous purgent avec véhémence [45] et qui coûtent beaucoup ; outre que souvent ils nous déplaisent fort et nous dégoûtent, desquels néanmoins nous sommes contraints d’user en la guérison de nos maladies. Ainsi est plus belle, par-dessus les autres, cette partie de la médecine qui nous en enseigne le vrai usage et qui, par un doux et aisé régime, nous entretient en une bonne disposition et en un embonpoint agréable. Mais d’autant que vouloir décrire tout ce qui appartient à ce sujet fort amplement serait entreprendre un grand volume, je me contenterai d’en tracer ici seulement un petit abrégé, lequel servira à un chacun qui, ayant soin de conserver sa santé par une bonne conduite, trouvera en ce livret une grande partie de ce qu’il pourra désirer sur cette matière. Que si quelqu’un désire des remèdes pour se purger ou avoir quelque autre soulagement en ses maladies, je le prie d’avoir recours aux œuvres du Médecin charitable, de la dernière impression, vu qu’il n’était pas à propos d’en donner aucun ici ; [2][46] et qu’il en a amplement et familièrement traité pour l’utilité publique. Reçois donc, ami lecteur, ce petit traité qui te pourra servir diversement : soit en cas de nécessité pour vivre sainement et longuement ; soit pour te désennuyer en le lisant, par le moyen de plusieurs choses curieuses que tu y rencontreras ; et en sache gré à celui qui ne l’a fait que pour ton profit. Adieu, ami lecteur.

Congratulation de René Moreau [47]

Amicus ad auctorem.

Prodeat ergo liber, manibusque teratur amicis ;
Infensis quidni, cum sit utrique salus ?
Zoilus et pereat si vera ediscere nolit ;
Hæc modo profuerint munera parva bonis :
Tuque arte et penna morbos generose fatiges,
Officio debet nulla vacare dies.

R.M.

[Un ami à l’auteur.

Parais donc petit livre, et te fais caresser par des mains amies ; mais pourquoi pas aussi par des mains hostiles, puisque tu apportes la santé aux unes comme aux autres ? Et que Zoïle passe son chemin s’il ne sait discerner la vérité : ces petits trésors n’auront été utiles qu’aux honnêtes gens ; et par ton art et par ta plume, tu persécuteras noblement les maladies. Nul jour ne doit être exempt de cette tâche.

R.M.] [14][48]

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits. Traité de la Conservation de santé (Guy Patin, 1632) : Pièces liminaires

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(Consulté le 19/04/2024)

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