L. française reçue 61.  >
De Eberhard Vorst,
le 7 février 1664

Monsieur, [a][1][2]

Je n’eusse manqué à vous faire réponse par le dernier ordinaire sur la lettre que vous avez eu agréable de m’écrire le 25e du mois passé ; [1] mais il me survint une petite affaire qui m’obligea de remettre ce devoir jusqu’à présent. En même temps m’est venue une seconde, laquelle me fut rendue hier sur les quatre heures par M. Rinet, qui m’a été infiniment chère ; mais vous me rendez tout confus de ce que vous m’offrez en échange des choses auxquelles je n’ai jamais songé, et je serais bien marri de prétendre des récompenses pour des choses semblables, comme je vous l’ai déjà témoigné par ma précédente. Je vous prie de croire que ce que vous me mandez est entièrement à vous. Faites-moi seulement la faveur de m’écrire comment je vous les ferai tenir, ou entre les mains de qui vous désirez que je les mette afin que j’aie ce contentement de satisfaire en quelque façon votre curiosité. J’en ai déjà recueilli une partie et je les mettrai tout ensemble. Aussitôt que le catalogue des livres de feu mon père [2][3] sera imprimé, je ne manquerai pas de vous en faire tenir quelques exemplaires. Pour ce qui regarde l’Alcoran manuscrit, [4] je ne vous puis pas bien en mettre le prix, mais il faudrait voir l’offre qu’on en voudra faire. Je vous puis seulement assurer qu’il revint à feu mon père à plus de 900 livres, qui l’a eu d’un ami ; sur quoi vous pourrez prendre vos mesures. Il se trouve aussi parmi les livres un Herbarium in‑fo manuscrit fort curieux, et dans lequel il y a un grand travail, et a été fait par M. François Raphelengh, [3][5] homme docte et fort renommé de son temps. En cas que vous connaissiez quelque curieux (comme il y en a beaucoup à Paris) qui en voudrait payer la valeur, je résoudrais bien à m’en défaire comme n’étant pas de ma spéculation ; et s’il ne se présente personne, je le placerai dans le catalogue pour voir s’il pourra être vendu avec les autres livres. Il y a déjà quelque temps que j’ai donné votre Théophraste[4][6][7] avec ce qui y appartenait, à la veuve de M. Elsevier, [8] laquelle me l’ayant fait demander, et me promit de le mettre aussitôt entre les mains de M. Vander Linden [9] afin qu’elle pût retirer un billet de lui de ce qu’elle s’en serait déchargée. Quant aux nouvelles de deçà, il ne se passe rien maintenant, sinon que l’équipage de la flotte s’avance fort, qui doit aller contre les corsaires d’Alger et de Tunis, et il y aura jusqu’au nombre de 30 vaisseaux de guerre. Il a commencé à geler bien fort et ferme, mais le temps s’est relâché aujourd’hui. Samedi dernier MM. les États ont fait élection d’un nouveau recteur magnifique de cette Académie, qui se nomme M. Hoornbeeck, [5][10] et l’inauguration avec les cérémonies se tiendront demain. On parle ici que MM. les curateurs de cette Académie ont jeté l’œil sur M. Deusing [11] pour suppléer la place vacante du feu mon père. M. Thys fait imprimer ici Aulu-Gelle, sur lequel il a fait des notes. [6][12][13] C’est ce que j’avais à vous mander pour le présent. Quant au reste, je le remets à une autre fois et vous prie de me conserver l’honneur de vos bonnes grâces, vous assurant que je les désire mériter par toutes sortes de services ; et sur ce, je demeure,

Monsieur,

votre très humble et très obligé serviteur,

Everard de Vorst.

De Leyde, [14] ce 7e de février 1664.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – De Eberhard Vorst, le 7 février 1664

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(Consulté le 19/04/2024)

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