L. latine reçue 35.  >
De Reiner von Neuhaus,
le 15 mars 1668

[Neuhaus, Centuria vii, Epistola xv, page 168 | LAT | IMG]

Au très célèbre et brillant M. Guy Patin, médecin de Paris et professeur royal. À Paris.

Très noble et très éminent Monsieur Patin, [a][1][2]

Quand mon fils m’a écrit de France que vous étiez en bonne santé, il m’a plongé dans une telle joie que je peine à trouver les mots pour vous l’exprimer. [1][3] Avant tout et en lui tenant lieu de père, jugez mon fils digne de votre considération et de votre bienveillance, quand bien même il ne serait pas capable d’exprimer l’affection que je vous porte et le très pieux souvenir que je conserve de vous. Tant il est vrai que s’être trouvé un ami est comme une autre forme d’immortalité. Jamais je ne perdrai la brillante mémoire de vos vertus et de vos actions. Je les consignerai soigneusement pour la postérité. Ma nouvelle Thalia s’est fort enrichie sur mon enclume. [2][4] Quand elle verra le jour, je n’oserai guère la présenter à vos Muses. Très souvent le poète à demi rustre que je suis les irrite. Nous espérons de la France qu’elle se mettra en paix avec ses voisins. La guerre contre l’Anglais nous a fort affaiblis. Aux torches et aux flammes, nous préférons les célébrations qui suivent la guerre et les funérailles. [3] Puisse Dieu tout-puissant donner au grand Louis la volonté de fortifier Concordia par toute l’Europe. [5][6][7] Il s’est ordinairement rangé au côté de Prudentia, sans se risquer aux mesures extrêmes. [4] L’issue des entreprises humaines est toujours incertaine. Le roi très-chrétien a remporté d’étonnants succès. J’en écrirais des odes si j’étais français. Aux Hollandais que nous sommes, il ne sera pas agréable que [Neuhaus, Centuria vii, Epistola xv, page 169 | LAT | IMG] nos Camènes se dispersent par-delà le Rhin et l’IJssel. [5] Comme vous savez, j’ai jadis brillamment prouvé le contraire à cet Alcide. [6][8] S’il nous procure la paix, je ne serai pas oublieux de son immense mérite et de ses bonnes actions. Quand mon fils prendra congé de vous, je vous prie de lui imprégner l’esprit du souvenir de votre affection. Faites aussi en sorte que ce jeune homme n’oublie ni votre pays ni sa grandeur. Regardez-le et entendez-moi à travers lui. En toute circonstance et durant sa vie entière, il aura eu le privilège d’avoir vu le grand Patin et de l’avoir salué en personne. [7] Les grands hasards des chemins ne m’autorisent pas à vous en dire plus, je conclus donc en m’exclamant : Vivez, cher Patin ! et vous aussi, grand roi Louis, en donnant la paix aux peuples !

D’Alkmaar, le 15e de mars 1668.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – De Reiner von Neuhaus, le 15 mars 1668

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(Consulté le 28/03/2024)

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