L. 34.  >
À Claude II Belin,
le 26 mai 1637

Monsieur, [a][1]

Je vous remercie avec toute affection de vos beaux présents, savoir des deux thèses [2] de feu monsieur votre père, [1][3] de l’entrée du roi [4] en votre ville, [2] de la thèse de votre jeune collègue et du poème de Passerat. [5] M. Martin [6] mourut l’an 1609 < sic pour 1601 >, premier médecin de la reine, qui est aujourd’hui reine mère. [7] Le bonhomme Seguin [8] a oublié à marquer sa mort, mais il n’a pas oublié d’appeler Grammaticus [3][9] le plus savant de tous les hommes, Jos. Scaliger ; mais c’est le jésuitisme, quem sectatur acerrime bonus ille vir[4][10] qui lui a fait dire cette injure au plus digne de tous les savants. Ce vieux Seguin est si bigot et si hypocrite qu’il en est tout fou. Scaliger non indiget patrocinio eiusmodi virorum ; fuit Scaliger origine Princeps noblissimus, et vere Princeps litteratorum[5][11] et n’a jamais donné le fouet à < de > pauvres petits enfants écoliers innocents dans la quatrième du Cardinal Lemoine, [6][12] comme a fait ce boiteux de Seguin, qui est plus estropié de l’esprit que du corps, adeo acriter eius animum perculit detestandum virus Cerbereæ Societatis loyoliticæ[7] Scaliger fait à Seguin ce que la lune fait aux chiens, qui ont mal à la tête de la voir :

Et canis allatrat Lunam, nec Luna movetur[8]

Il y a de la doctrine dans le livre de M. Martin, mais vous y trouverez quelque chose à désirer sur l’explication des remèdes d’Hippocrate [13] et sur la façon que l’on doit traiter aujourd’hui ces maladies, lesquelles ne peuvent guérir que par les remèdes qu’il a proposés. Pour le portrait de M. Passerat, je l’ai vu de deçà, en taille-douce, avec ces deux vers au-dessous :

Nil opus est sculptore : tuos quicumque libellos
Viderit, ille tuam noverit effigiem
[9]

Mais je n’ai pu en recouvrer la planche en cuivre ; si vous connaissiez quelqu’un de delà qui l’eût en sa possession, je m’offre ou de l’acheter, ou d’en payer le prêt, en cas qu’on me la veuille prêter pour en faire tirer deux ou trois cents que je ferai mettre dans ses Préfaces ; et vous prie d’y penser. Si vous la recouvrez, à quelque prix que ce soit, pourvu qu’il soit raisonnable, faites-moi la faveur de me l’envoyer par votre premier messager ; j’en paierai tous les frais et donnerai contentement à ceux qui vous la prêteront ; sinon, achetez-la, j’en paierai tel prix qu’en aurez arrêté. Pour les titres des Préfaces de Passerat, je ne vous l’envoie point, vu que le tout et la table même sont imprimés il y a plus de 15 jours ; on n’est plus que sur les préfaces et les premières feuilles, dans lesquelles il y aura près de 50 pages d’éloges, lesquels vous verrez in capite libri[10] et tout le premier celui de M. le président de Thou. [14] J’ai affaire à des imprimeurs qui ne se hâtent guère. [15] J’ai pourtant espérance de vous en envoyer dans dix ou douze jours ; et si vous reconnaissez au dit livre que vous ayez quelque prose de lui digne d’y être insérée, vous me ferez la faveur de me la préparer pour la seconde impression, laquelle, Dieu aidant, sera bientôt. Je n’en parlerai pas à M. Grangier, [16] j’attendrai que vous ayez vu le livre. Le bonhomme Grangier qu’avez connu n’est plus principal de Beauvais : [11][17] il s’est marié à sa servante pour la décharge de sa conscience, de laquelle il avait déjà quelques enfants ; et hæc humanitus contingunt melioribus[12][18] Je vous enverrai par ci-après copie de vos deux thèses, [1] de ma propre main, combien que les originaux seront toujours à vous et à votre service. Je n’ai aucune bonne nouvelle à vous mander, sinon la prise entière des îles de Saint-Honorat et Sainte-Marguerite [19] par les nôtres sur les Espagnols, qui les ont quittées avec plusieurs pièces de canon. [13] Le cardinal de La Valette [20] est en Picardie, vers lequel tendent toutes les troupes de deçà. On dit qu’en Limousin, la Marche, [14][21] l’Auvergne et le Poitou sont élevées plusieurs troupes de gens, sous le nom de croquants, [22] lesquelles font une guerre aux partisans, et qu’on parle de deçà d’envoyer vers eux pour les apaiser. [15] Nous n’avons plus rien en la Valteline, [23] faute qu’on n’a envoyé de l’argent à M. de Rohan ; [24] si bien que, faute de 27 000 écus, nous avons perdu en un jour ce qui a coûté 40 millions de livres au roi depuis l’an 1618. [16] Le sieur Dupleix [25] est ici, qui fait imprimer en deux volumes in‑fo l’Histoire romaine, de même ordre et même style que sa française. [17] Elle commence à la fondation de Rome et finit après la bataille de Pharsale, [26] laquelle fit Jules César [27] premier empereur. [18] On a ici parlé de la mort du pape, [28][29] on ne parle plus que de sa maladie. [19] Le roi, Son Éminence et toute la cour sont à Rueil [30] et à Saint-Germain. [31] Je vous baise très humblement les mains et à madame votre femme, avec désir d’être à jamais, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Patin.

De Paris, ce 26e de mai 1637.


a.

Ms BnF no 9358, fo 40 ; Triaire no xxxiv (pages 117‑121) ; Reveillé-Parise, no xxvi (tome i, pages 44‑46).

1.

Le catalogue de Baron répertorie deux thèses que Claude i Belin disputa à la Faculté de médecine de Paris en 1594 : une quodlibétaire, An melior concoctio fit somno quam vigilia ? [Digère-t-on mieux en dormant qu’en restant éveillé ?] (président Jean Le Pêcheur, non disponible dans Medica) et une cardinale, Estne febris frigidis et humidis oppugnanda ? [Ne doit-on pas combattre la fièvre par les remèdes froids et humides ?] (Nicolas Milot, 5 mai 1594).

2.

La triomphante entrée du roi [Louis xiii] dans sa ville de Troyes. Ensemble la description des tableaux et magnificences dressés pour icelle, par I.S.T. (Paris, Jacques Dugast, 1629, in‑8o de 14 pages).

3.

« grammairien ».

Guy Patin déplorait ici ce que Pierre i Seguin, Primarius Regiæ Medicus [premier médecin de la reine] avait écrit à la page e ij de son Elogium M. Ioan. Martini archiatri [Éloge de M. Jean Martin, archiatre], placé en tête des Prælectiones in librum Hippocratis… (v. note [3], lettre 31) : {a}

Tunc igitur aureum Coï senis de capitiis pertusionibus librum accurate et eleganter enarravit atque Josephi Scaligeri in Hippocratis explicatione σφαλματα notavit ac correxit, unde tanti Grammatici odium et invidiam incurrit conviciorumque plaustrum patientissime tullit vir modestissimus.

[Alors donc, il {b} a commenté avec précision et distinction le livre en or du vieillard de Cos {c} sur les plaies de la tête, et il a dénoncé et corrigé les bévues de Joseph Scaliger dans son explication d’Hippocrate ; à cause de quoi cet homme très doux a encouru la haine et l’hostilité du grammairien, et supporté avec immense patience une pleine charretée d’insultes].


  1. La notule {a‑v} de cette même note plaide fermement pour la mort de Martin en 1601, et non en 1609. Il fut premier médecin (archiatre) de Marie de Médicis pendant quelques mois de 1601.

  2. Martin.

  3. Hippocrate.

L’ouvrage attaqué par Seguin était le :

Hippocratis Coi de capitis vulneribus liber, latinitate donatus a Francisco Vertuniano, doctore medico Pictaviensi. Eiusdem Fr. Vertuniani Commentarius in eundem. Eiusdem Hippocratis textus Græcus a Iosepho Scaligero Iul. Cæ. F. castigatus cum ipsius Scaligeri castigationum suarum explicatione.

[Livre d’Hippocrate de Cos sur les plaies de la tête, traduit en latin par François de Saint-Vertunien, médecin poitevin ; {a} avec le commentaire du même Fr. de Saint-Vertunien sur ce livre, et le texte grec du même Hippocrate, corrigé par Joseph Scaliger, fils de Jules-César, {b} et l’explication de ses corrections]. {c}


  1. V. note [5] du Patiniana I‑4.

  2. V. infra note [5].

  3. Paris, Mamert Patisson, 1578, in‑8o, grec et latin juxtalinéaires ; dédié à Laurent Joubert, chancelier de l’Université de Montpellier (v. note [8], lettre 137).

En son temps, cette parution avait soulevé un tollé dans la Faculté de médecine (Nisard, Joseph Scaliger, chapitre v, pages 196‑197) :

« Un grammairien oser commenter Hippocrate ! oser y découvrir des choses que les bons médecins n’y ont pas vues, même en rêve ? Par Minerve, c’est le monde renversé. Assurément cet homme est fou, ou pour le moins perturbateur du repos public. Qu’on l’enferme et qu’on le saigne à blanc ! »

À en croire Érasme (L’Éloge de la Folie, xlix), les humanistes accablaient les grammairiens de la pire des réputations :

Ad eos accingar, qui sapientiæ speciem inter mortales tenent, et aureum illum ramum, ut aiunt, aucupantur, inter quos Grammatici primas tenent, genus hominum profecto, quo nihil calamitosius, nihil afflictius, nihil æque Diis invisum foret, nisi ego miserrimæ professionis incommoda dulci quodam insaniæ genere mitigarem. Neque enim pente καταραις, id est, quinque tantum diris obnoxii sunt isti, quemadmodum indicat epigramma Græcum, verum sexcentis, ut qui semper famelici, sordidique in ludis illis suis, in ludis dixi, imo in φροντιστηριοις vel pistrinis potius, ac carnificinis inter puerorum greges, consenescant laboribus, obsurdescant clamoribus, fœtore pædoreque contabescant, tamen meo beneficio fit, ut sibi primi mortalium esse videantur. Adeo sibi placent, dum pavidam turbam, minaci vultu voceque territant : dum ferulis, virgis, lorisque conscindunt miseros, dumque modis omnibus suo arbitratu sæviunt, asinum illum Cumanum imitantes. Interim sordes illæ, meræ munditiæ videntur, pædor amaricinum olet, miserrima illa servitus regnum esse putatur, ut tyrannidem suam nolint cum Phalaridis aut Dionysii imperio commutare. Sed longe etiam feliciores sunt, nova quadam doctrinæ persuasione. Siquidem cum mera deliramenta pueris inculcent, tamen, Dii boni, quem non illi Palæmonem, quem non Donatum prae sese contemnunt ? idque nescio quibus præstigiis mire efficiunt, ut stultis materculis et idiotis patribus tales videantur, quales ipsi se faciunt. Iam adde et hoc voluptatis genus, quoties istorum aliquis Anchisæ matrem, aut voculam vulgo incognitam, in putri quapiam charta deprehenderit, puta bubsequam, bovinatorem aut manticulatorem, aut si quis vetusti saxi fragmentum, mutilis notatum litteris, alicubi effoderit : O Iupiter, quæ tum exsultatio, qui triumphi, quæ encomia, perinde quasi vel Africam devicerint, vel Babylonas ceperint. Quid autem cum frigidissimos et insulsissimos versiculos suos passim ostentant, neque desunt qui mirentur, iam plane Maronis animam in suum pectus demigrasse credunt. At nihil omnium suavius, quam cum ipsi inter sese mutua talione laudant ac mirantur, vicissimque scabunt. Quod si quis alius verbulo lapsus sit, idque forte fortuna hic oculatior deprehenderit, Ηρακλεις, quæ protinus tragœdiæ, quæ digladiationes, quæ convitia, quæ invectivæ ? Male propitios habeam omneis Grammaticos, si quid mentior. Novi quemdam πολυεχνοτατον, græcum, latinum, mathematicum, philosophum, medicum, και ταυτα βασιλικον, iam sexagenarium, qui cæteris rebus omissis, annis plus viginti se torquet ac discrutiat in Grammatica, prorsus felicem se fore ratus, si tam diu liceat vivere, donec certo statuat, quomodo distinguendæ sint octo partes orationis, quod hactenus nemo Græcorum aut Latinorum ad plenum praestare valuit. Perinde quasi res sit bello quoque vindicanda, si quis coniunctionem facit dictionem ad adverbiorum ius pertinentem. Et hac gratia, cum totidem sint grammaticæ quot grammatici, imo plures : quandoquidem Aldus meus unus, plus quinquies grammaticam dedit, hic nullam omnino quantum vis barbare aut moleste scriptam prætermittit, quam non evolvat, excutiatque : nemini non invidens, si quid quantumlibet inepte moliatur in hoc genere, misere timens, ne quis forte gloriam hanc præripiat, et pereant tot annorum labores. Utrum insaniam hanc vocare mavultis, an stultitiam ? Nam mea quidem haud magni refert, modo fateamini meo beneficio fieri, ut animal omnium alioqui longe miserrimum, eo felicitatis evehatur, ut sortem suam neque cum Persarum regibus cupiat permutare.

[J’arrive {a} à ceux qui se donnent, parmi les mortels, l’extérieur de la sagesse et convoitent, comme ils disent, le rameau d’or. Au premier rang sont les grammairiens, race d’hommes qui serait la plus calamiteuse, la plus affligée et la plus accablée par les dieux, si je ne venais atténuer les disgrâces de leur malheureuse profession par une sorte de douce folie. Ils ne sont pas seulement cinq fois maudits, c’est-à-dire exposés à cinq graves périls, comme dit une épigramme grecque ; ce sont mille malédictions qui pèsent sur eux. On les voit toujours faméliques et sordides dans leur école ; je dis leur école, je devrais dire leur séjour de tristesse, ou mieux encore leur galère ou leur chambre de tortures. Parmi leur troupeau d’écoliers, ils vieillissent dans le surmenage, assourdis de cris, empoisonnés de puanteur et de malpropreté, et cependant je leur procure l’illusion de se croire les premiers des hommes. Ah ! qu’ils sont contents d’eux lorsqu’ils terrifient du regard et de la voix une classe tremblante, lorsqu’ils meurtrissent les malheureux enfants avec la férule, les verges et le fouet, lorsque, pareils à cet âne de Cumes, {b} ils s’abandonnent à toutes les formes de la colère ! Cependant, la saleté où ils vivent leur semble être du meilleur goût et leur puanteur exhaler la marjolaine. Leur malheureuse servitude leur apparaît comme une royauté et ils n’échangeraient pas leur tyrannie contre le sceptre de Phalaris {c} ou de Denys. {d} Mais leur plus grande félicité vient du continuel orgueil de leur savoir. Eux qui bourrent le cerveau des enfants de pures extravagances, comme ils se croient supérieurs, bons dieux ! à Palémon et à Donat ! {e} Et je ne sais par quel sortilège ils se font accepter comme ils se jugent par les folles mamans et les pères idiots. Ils prennent aussi d’extrêmes plaisirs à découvrir sur des parchemins pourris, soit le nom de la mère d’Anchise, {f} soit quelque expression inusitée comme busequa, bovinator, manticulator, {g} ou encore à déterrer un fragment d’inscription sur un morceau de vieille pierre. Ô Jupiter ! quelle exaltation ! quel triomphe ! Auraient-ils vaincu l’Afrique ou pris Babylone ? Leurs versiculets les plus froids et les plus sots, ils les colportent, leur trouvent des admirateurs et se persuadent que l’âme de Virgile a passé en eux. Rien ne les enchante davantage que de distribuer entre eux les admirations et les louanges, et d’échanger des congratulations. Mais que l’un d’eux laisse échapper un lapsus et que, par hasard, un plus avisé s’en aperçoive, par Hercule ! quelle tragédie ! quelle levée de boucliers ! quelles injures et quelles invectives ! Que j’aie contre moi tous les grammairiens, si j’exagère ! J’ai connu un savant aux connaissances très variées, tout à fait un maître en grec, latin, mathématiques, philosophie et médecine, et presque sexagénaire, qui a tout quitté depuis plus de vingt ans pour se torturer à étudier la grammaire. Il se dirait heureux s’il pouvait vivre assez pour définir à fond les huit parties du discours, ce que personne jusqu’ici, ni chez les Grecs ni chez les Latins, n’a pu faire à la perfection. Comme si c’était motif de guerre d’enlever une conjonction au domaine des adverbes ! On sait qu’il y a autant de grammaires que de grammairiens, et même davantage, puisque mon ami Alde, {h} à lui seul, en a imprimé plus de cinq. Il n’en est pas de si barbare et de si pénible que notre homme consente à négliger ; il les feuillette et les manie sans cesse ; il épie les moindres sots qui débitent quelques niaiseries sur la matière, craignant toujours d’être volé de sa gloire et de perdre son travail de tant d’années. Appelez cela, à votre choix, insanité ou folie, ce m’est indifférent, pourvu que vous m’accordiez que c’est par mes bienfaits que l’animal, de beaucoup le plus malheureux de tous, s’élève à une telle félicité qu’il refuserait de troquer son sort contre celui du roi de Perse]. {i}


  1. C’est la Folie qui parle.

  2. Référence à Lucien (Le Pêcheur), qu’Érasme a citée dans son adage Induitis me leonis evuxium [Vous me revêtez de la peau du lion] (no 266) :

    À Cumes, {i} un âne, las de sa captivité, avait cassé son licou et s’était enfui dans la forêt. Là, ayant par hasard trouvé une peau de lion, il s’en recouvrit le corps. Et il se comportait ainsi comme un lion, terrifiant hommes et bêtes de sa voix et de sa queue. C’est que les habitants de Cumes ne connaissent pas le lion. Cet âne déguisé régna donc ainsi quelque temps, pris pour un lion monstrueux et craint comme tel. Jusqu’à ce qu’arrive à Cumes un étranger qui avait souvent vu des lions et des ânes (et il lui était facile de les distinguer d’après l’indice des oreilles qui dépassaient et d’autres présomptions). Il comprit qu’il s’agissait d’un âne, le rossa de belle manière, le ramena et le rendit à son maître qui le reconnut. Ce faisant, il fit bien rire tous les Cumains, qui étaient restés si longtemps, pour ainsi dire, morts de peur à cause d’un lion imaginaire. »

    1. Près de Naples (v. notule {b‑i‑1}, note [23] du Naudæana 3).

  3. Tyran d’Agrigente au vie s. av. J.‑C.

  4. Tyran de Syracuse au ve s. av. J.‑C. (v. notule {a}, note [37], lettre 291).

  5. Deux fameux grammairiens latins.

  6. Père d’Énée (v. note [14], lettre d’Adolf Vorst, datée du 4 septembre 1661).

  7. Trois mots latins signifiant « bouvier », « chicanier » et « filou ».

  8. Aldo Manuzio dit Alde l’Ancien (1449-1515), imprimeur vénitien (v. note [16], lettre latine 38).

  9. Traduction de Pierre de Nolhac (1927).

4.

« que ce bon homme [Pierre i Seguin] suivait partout et avec la plus grande ardeur ».

5.

« Scaliger n’a pas besoin du patronage de tels hommes ; Scaliger fut par naissance un très noble prince, et véritablement le premier de tous les littérateurs ».

Joseph-Juste Scaliger (Josephus Justus Scaligerus, Agen 1540-Leyde 1609) appartenait au panthéon littéraire de Guy Patin. Dixième des quinze enfants de Jules-César (v. note [5], lettre 9), Joseph fut comme lui érudit, philologue et humaniste (mais non pas médecin). Formé d’abord à Bordeaux, la mort de son père le fit venir à Paris pour apprendre le grec sous la direction de Turnèbe (v. note [20], lettre 392). Il étudia ensuite toutes les langues anciennes et modernes, en même temps qu’il se mettait au courant des sciences exactes. Il se convertit au calvinisme en 1567 (v.  note [2] du Grotiana 2). Vers 1590, il devint précepteur des enfants de son ancien écolier et ami Louis Chasteigner de La Roche-Pozay (v. note [8], lettre 266) et accompagna son fils Henri-Louis dans ses voyages en France, en Allemagne et en Italie. Scaliger habita longtemps le château de son généreux protecteur, près de Tours, vivant fort simplement, tout entier à ses recherches érudites. Sa situation devint cependant pénible lorsqu’il embrassa puis se mit à professer hautement le calvinisme. Beaucoup de ses anciens amis l’abandonnèrent. En 1593, les États de Hollande l’appelèrent à la chaire occupée jusqu’alors par Juste Lipse (v. note [8], lettre 36) à l’Université de Leyde. Il y développa au plus haut point les études philologiques. Il mourut célibataire, sans descendance autre qu’une très grande abondance d’ouvrages touchant à tous les domaines de l’érudition. Il avait hérité deux défauts de son père : d’abord, la vanité de se croire issu de la plus grande noblesse italienne (descendant prétendument des rois alains par les princes de Vérone, il signait ses lettres Joseph de la Scala, v. note [10], lettre 104) ; ensuite, une très grande dureté de jugement à l’encontre de ses contradicteurs, avec une morgue et une suffisance démesurées, ce qui lui créa une multitude d’ennemis des plus coriaces.

Patin prisait tout spécialement les épîtres latines de Scaliger (Ép. lat. publiées en 1627 et 1628) et avait dû avoir en main les originaux ou les copies manuscrites de quelques-unes de ses épîtres françaises (Ép. fr., publiées en 1879). Cette riche correspondance n’a sans doute pas encore connu tout le succès qu’elle mérite. Mené sur l’intiative du Warburg Institute (Londres), le Scaliger Project a abouti à l’édition complète de The Correspondence of Joseph Justus Scaliger (Genève, 2012, vBibliographie). Tant françaises que latines, les lettres de Joseph Scaliger rappellent irrésistiblement le ton et la manière de celles de Patin. Parmi bien d’autres ressemblances, on y trouve la même franchise, souvent cruelle, des sentiments, le même amour joyeux de Martial, et la même haine rancie des moines et des jésuites. Patin n’a ni caché son admiration pour les épîtres de Scaliger, ni manqué de les citer.

Scaliger nous a laissé ce portrait de lui-même (Secunda Scaligerana, pages 550‑557) :

« Les papistes me haïssent plus que Calvin ou Bèze {a} et m’appellent le vieux calviniste. […] On se trompe en trois choses de moi : que j’ai de l’argent, que j’ai de belles choses sur le Nouveau Testament, que je fais bien des vers. […]

Je ne pense pas voir mon Eusèbe achevé ; {b} je deviens âgé, je ne dors que trois heures, je me couche à dix, je me réveille à une et demie, et ne puis plus dormir depuis. Si j’avais dix enfants, je n’en ferais étudier pas un, je les avancerais aux cours des princes […].

On m’écrivit pour être précepteur, ou superintendant du précepteur du prince de Condé, mais je ne l’ai point voulu, je ne veux point être courtisan. J’honore les grands, mais je n’aime point les grandeurs. Je ne pense pas qu’il y ait homme en Hollande qui travaille plus que moi. […]

J’écris mes lettres sans les relire, je ne sais souvent ce que j’ai écrit, on m’a montré des lettres que je ne me souvenais pas d’avoir écrites. Je n’écris point si bien en aucune langue qu’en arabe et je n’écris bien que lorsque j’ai une bonne plume. Mon père ne taillait point ses plumes, on les lui taillait ; je ne saurais bien tailler les miennes. […]

Feu mon père marchait si droit, et cependant était goutteux ; nous avons cela de race, de marcher droit. […]

Il n’y a Hollandais qui écrive si bien et si vite que moi, surtout le grec, j’ai une bonne lettre grecque. Je ne me saurais courber, je m’étranglerais. Encore que je me penche, c’est tout le corps ensemble, non la tête seulement, ou les épaules. »


  1. V. note [28], lettre 176.

  2. V. note [37], lettre 97.

Il est difficile à un médecin de ne pas terminer cette évocation de Scaliger sans convenir qu’il était le type achevé du tempérament paranoïaque : monstrueux orgueil, mégalomanie, quérulence, sentiment de persécution, et même génial inventeur de la quadrature du cercle, qui firent de lui la risée de toute l’Europe savante (au début des années 1590, v. note [30] du Borboniana 2 manuscrit).

6.

Le Collège du Cardinal Lemoine fut fondé en 1303 par Jean Le Moine (Crécy-en-Ponthieu vers 1245-Avignon 1313), évêque d’Arras en 1293, cardinal en 1294. Ce collège était situé dans l’ancien clos des Chardonnets entre la Seine et la rue des Écoles. L’actuelle rue du Cardinal-Lemoine fut en partie ouverte au xixe s. à travers les terrains qu’il occupait.

Les collèges étaient des établissements d’enseignement secondaire équivalant à nos actuels lycées. Un principal assisté de régents y conduisait ses élèves jusqu’à la maîtrise ès arts. À Paris, les collèges étaient principalement situés sur le territoire de l’actuel ve arrondissement et portaient le nom du personnage ou de la ville qui les avaient institués.

7.

« tant le détestable venin de l’infernale société loyolitique lui a violemment culbuté l’esprit. »

8.

Canis allatrat lunam, non lædit est un proverbe du Moyen Âge qu’on lit, sous la forme que Guy Patin a ici employée, dans les Casp. Hofmanni Commentarii in Galeni de Usu partium corporis humani Lib. xvii [Commentaires de Caspar Hofmann sur les 17 livres de Galien concernant l’Utilité des parties du corps humain…] (Francfort, 1625, page 281, 2e colonne, lignes 37‑38 ; v. note [11] de sa lettre écrite à Patin au printemps 1646) :

Timidi quidam, qui in vestibulis librorum suorum adeo sunt soliciti de zoilis, quos vocant, ut etiam magnorum principum auxilia super illis invocent. Ridicule ! Canis allatrat Lunam, et Luna non movetur.

[Au début de leurs livres, certains auteurs craintifs sont si attentifs aux Zoïle, {a} comme ils les appellent, qu’ils invoquent même contre eux les secours des grands princes. C’est ridicule ! Le chien aboie après la Lune, mais la Lune ne s’en émeut point].


  1. Type antique du critique envieux (v. note [5], lettre latine 221).

9.

« Qu’importe le graveur : quiconque aura vu tes livres aura connu ton image. »

Ces deux vers accompagnent le portrait de Jean Passerat, anno ætatis lxiiii [en sa 64e année d’âge], qui est imprimé au début du Recueil de ses œuvres poétiques (Paris, Claude Morel, 1606, in‑8o).

10.

« en tête du livre ».

Guy Patin a supervisé la réédition des Orationes et præfationes de Jean Passerat (v. note [7], lettre 33) ; il attachait un touchant acharnement à pouvoir décorer l’ouvrage avec un portrait de l’auteur ; Claude ii Belin lui avait fourni des poèmes. L’un des deux exemplaires conservés à la BnF (cote X‑20098) porte une dédicace manuscrite de Guy Patin sur la page de garde :

Erudito philiatro et ingenuo adolescenti Petro Gonterio, Roanneo, Lugdunensi, aureas hasce Iani Passeratii Præfationes offert ex animo Guido Patinus Bellovacus, Doctor Medicus Parisiensis, die Dominico Divo Petro Sacro, 29 Iunii, 1642.

[Ce dimanche de la Saint-Pierre, 29 juin 1642, Guy Patin natif de Beauvaisis, docteur en médecine de Paris, offre à Pierre Gontier, {a} savant étudiant en médecine et intelligent jeune homme de Roanne en Lyonnais, ces Préfaces en or de Jean Passerat].


  1. V. note [2], lettre 143.

Parmi les avant-propos se trouve la dédicace de Guy Patin, Clarissimo et nobilissimo viro D.D. Carolo Guillemeau, Regis Christianissimi Consiliario, et Medico ordinario, et Facultatis Medicæ Parisiensis ex decano, G.P.B. S.P.D. [Guy Patin natif de Beauvaisis adresse son profond salut au très noble et très brillant Maître Charles Guillemeau, conseiller médecin ordinaire du roi très-chrétien et ancien doyen de la Faculté de médecine de Paris], à la fin de laquelle, sur l’exemplaire de la BnF, une plume anonyme (probablement celle de Gontier) a ajouté :

D. Guido Patinus, doctor medicus Parisiensis hanc epistolam scripsit huncque librum sic emendatum, cum virorum eruditorum de Passeratio elogiis iussit typis mandari.

[Me Guy Patin, docteur en médecine de Paris a écrit cette dédicace et ce livre tel qu’il est corrigé, avec les éloges de savants hommes sur Passerat, il a ordonné l’exécution de son impression].

Vient ensuite la transcription de l’éloge de Passerat qu’a donné Jacques-Auguste i de Thou (Historiæ sui temporis [Histoires de son temps], livre cxxvii, règne de Henri iv, année 1602) :

Commemorabitur de nostris Ioannes Passeratius, Augusta Tricassium natus, Latinæ linguæ professor dignissimus, qui felicitate versus pangendi, etiam Gallicos, et soluta oratione scribendi, ac bonos scriptores interpretandi, diu magnam laudem in Parisiensi Academia meruit. Homo emunctæ naris, et cui aliena vix placerent, ultimo Elogio vovit, ne manes sui malis carminibus onerarentur : itaque pauci mortuum laudarunt, dum verentur ne voto eius minus respondeant. Obiit mense Septembri, anni 1602, senio effœtus, amissa oculorum luce, et iam fatiscente ingenio, cum vel vitæ cupidissimi vivere velle desinunt.

[Jean Passerat, natif de Troyes, très estimable professeur de langue latine, sera cher à nos mémoires. Il a longtemps mérité les grands honneurs de l’Université de Paris en composant des vers avec bonheur, en français même, en écrivant dans un style aisé et en commentant les bons auteurs. Homme au goût subtil, à qui les autres peinaient à plaire, il a souhaité dans son ultime Éloge que ses mânes ne fussent pas accablés de mauvais poèmes ; c’est pourquoi peu l’ont loué mort, craignant de répondre à son vœu. Il mourut au mois de septembre 1602, épuisé par l’âge, aveugle et l’esprit commençant à s’épuiser, quand même les plus friands de la vie ont perdu la volonté de vivre].

Suivent 14 autres éloges de Passerat par divers auteurs.

11.

Situé rue Jean-de-Beauvais (qui existe toujours, dans le ve arrondissement de Paris), ce collège avait été fondé en 1370 par Jean de Dormans (v. note [97] du Faux Patiniana II‑7), évêque de Beauvais et chancelier, pour 12 boursiers de la paroisse de Dormans en Champagne (v. note [3], lettre 317). Devenu un établissement public au xvie s., il avait été réuni en 1597 au Collège mitoyen de Presles (v. note [29], lettre 449), ce qui valait alors à l’ensemble le nom de Presles-Beauvais (Triaire).

12.

« et il est humain que telles choses arrivent aux meilleurs d’entre nous. »

Jean Grangier (Châlons-sur-Marne vers 1576-Paris 1643) fut successivement professeur de rhétorique, principal des collèges d’Harcourt (v. note [6], lettre 211) et de Beauvais (v. note [29], lettre 449), et recteur de l’Université de Paris (v. note [3], lettre 595). En 1617, il avait succédé à Théodore Marcile (v. note [12], lettre 564) en qualité de professeur d’éloquence latine au Collège royal de France. Comme il était diacre, il fut obligé de demander au pape des dispenses pour se marier avec une femme dont il avait eu des enfants. Grangier était un remarquable orateur, mais un insupportable pédant. C’est lui que Cyrano de Bergerac, son élève, a représenté sous le nom d’Oranger dans sa comédie intitulée Le Pédant joué. On a de Grangier quelques opuscules, entre autres : De Francia ab interitu vindicata [La France vengée du meurtre] (Paris, Jean Libert, 1611, in‑8o), recueil de textes sur la mort de Henri iv et l’avènement de Louis xiii ; De Loco ubi victus Attila fuit [L’Endroit où Attila fut vaincu] (Paris, Jean Libert, 1641, in‑8o) (G.D.U. xixe s.).

13.

Une armée navale préparée par Richelieu, commandée par le comte d’Harcourt et par l’archevêque de Bordeaux, Escoubleau de Sourdis (v. note [5], lettre 29), chef des Conseils du roi à l’armée et directeur du matériel, était partie de La Rochelle le 10 juin 1636 pour se rendre en Méditerranée avec la mission de reprendre aux Espagnols les îles du Lérins, Sainte-Marguerite et Saint-Honorat, qu’ils avaient occupées le 15 septembre 1635. L’attaque avait débuté le 24 mars 1637 ; Sainte-Marguerite s’était rendue le 12 mai et trois jours après, les Espagnols avaient abandonné Saint-Honorat (Triaire).

14.

La Marche était une province de la France, comprise entre le Bourbonnais et le Berry au nord, le Poitou et l’Angoumois à l’ouest, le Limousin au sud et l’Auvergne à l’est. Sa ville principale était Guéret. On la divisait en Haute-Marche et Basse-Marche.

15.

Les premiers croquants sont apparus à la fin des guerres de Religion (1593-1595) ; Pierre Victor Palma Cayet (1525-1610), Chronologie novénaire (Orléans, H. Herluison, 1875, livre vi, page 635, année 1594) :

« Tandis que beaucoup de seigneurs et grandes villes de France avaient leurs députés à Paris en la cour du roi pour faire leur accord, il advint un grand remuement par le pays de Limousin, Périgord, Agenais, Quercy et pays circonvoisins, par un soulèvement général qui s’y fit d’un grand nombre de peuple, prenant pour prétexte qu’ils étaient trop chargés de taille et pillés par la noblesse ; principalement de quelques gentilshommes du parti de l’union qui se retiraient en leurs châteaux, faisant de grandes pilleries sur le pauvre paysan. Du commencement, on appela ce peuple mutiné les tard advisés, pource que l’on disait qu’ils s’avisaient trop tard de prendre les armes, vu que chacun n’aspirait plus qu’à la paix ; et ce peuple appelait la noblesse croquants, disant qu’ils ne demandaient qu’à croquer le peuple ; mais la noblesse tourna ce sobriquet de croquant sur ce peuple mutiné, à qui le nom de croquants demeura. »

La première révolte des croquants, qui avait gagné les provinces voisines, ne fut apaisée qu’au bout de deux ans. Elle reprit avec une certaine vivacité en 1637 ; mais cette fois elle fut promptement étouffée grâce à la trahison du général des mutins, et une sage amnistie acheva de pacifier le peuple. Le mot de croquant survécut à la révolte. Pendant le xviie s., croquant fut synonyme de paysan. Ce même nom avait été donné, sous Henri iv, aux traitants et aux financiers. On prétend que ce roi dit un jour, en mettant dans un chapeau une somme d’argent qu’il venait de gagner à la paume : « Mes croquants ne la prendront point » (G.D.U. xixe s.).

En avril 1636, alors qu’on se battait contre les Espagnols près de Corbie, des troubles avaient éclaté près d’Angoulême, dans les châtellenies de Barbezieux, Chalais, Montmoreau, Blanzac. En juin, dans cette dernière localité, un jour de foire, des paysans avaient arrêté et mis tout nu un chirurgien de Bergerac qu’ils avaient pris pour un agent du fisc. Ils lui avaient coupé un bras, l’avaient promené sanglant et finalement mis à mort. À La Couronne, près d’Angoulême, un artisan avait été tué pour avoir traité les paysans révoltés de « croquants ». Des incidents avaient éclaté dans les provinces voisines, non pas un soulèvement massif, mais des foyers allumés sur divers points. En avril 1637, d’autres croquants se soulevaient à leur tour dans le Périgord. Ayant mis à leur tête, de gré ou de force, un gentilhomme, La Mothe Le Forest, ils réussirent à prendre Bergerac, puis La Sauvetat-du-Dropt, près d’Eymet (Dordogne), et à rallumer la révolte de l’Angoumois ; mais le duc de La Valette accourut et les maigres forces dont il disposait lui suffirent pour prendre La Sauvetat où les rebelles s’étaient « renfermés […] partout, ou de murailles, ou de bonnes barricades ». Les croquants de l’Angoumois furent eux aussi dispersés, tués ou faits prisonniers. Une « abolition » fut accordée, dont furent exclus les plus coupables, qu’on pendit ou envoya aux galères (R. et S. Pillorget).

16.

Henri ii, duc de Rohan (Blain près de Nantes 1579-Königsfeld 13 avril 1638), fils de René ii, comte de Rohan, avait été élevé dans la religion calviniste. À l’âge de 16 ans, il était apparu à la cour de Henri iv et s’était distingué au siège d’Amiens (1597). Après la paix de Vervins (signée entre la France et l’Espagne en mai 1598), Rohan avait fait un long voyage en Europe pour élargir sa connaissance des peuples et des hommes. En 1603, Henri iv l’avait créé duc et pair et lui avait fait épouser Marguerite de Béthune, fille aînée de Sully. Après l’assassinat du roi (1610), Rohan avait pris la tête du parti protestant en France contre la politique pro-espagnole de la régente, Marie de Médicis, et était entré en campagne contre la cour (1615). Après la paix de Loudun, l’année suivante, il s’était réconcilié et avait reçu le gouvernement du Poitou ; mais la guerre civile s’était rallumée en 1621, quand Louis xiii voulut rétablir la religion catholique dans le Béarn, et Rohan avait repris les armes contre la couronne sous le titre de « chef général des Églises réformées du royaume dans la Guyenne et le Haut-Languedoc », jusqu’à la paix d’Alais (ou Alès, 28 juin 1629, v. note [15], lettre 13), qui avait mené le duc à s’exiler à Venise où il rédigea ses Mémoires.

Rentré en grâce auprès de Louis xiii, il avait été nommé ambassadeur auprès des Suisses (1632). En 1635, Rohan avait été mis au commandement de l’armée française chargée, avec l’aide des Grisons commandés par Jenatsch, de chasser les Autrichiens et les Espagnols de la Valteline (v. note [7], lettre 29) ; ce qui avait été obtenu après une campagne exemplaire. Cette vallée stratégique pour les Habsbourg, fut malheureusement perdue l’année suivante : mécontents de ne pas percevoir leur solde, les Grisons s’étaient révoltés, et Rohan n’était pas parvenu à se les rallier ; leur chef, Jenatsch, s’était alors converti au catholicisme et avait obtenu l’aide des Espagnols. Par la convention du 26 mars 1637, Rohan et les troupes françaises s’étaient trouvés forcés de capituler et d’abandonner la Valteline. Le duc se retira à Genève. Il allait bientôt rejoindre son ami Bernhard de Saxe-Weimar qui combattait les Impériaux pour le compte de la France. Blessé au combat de Rhinfeld (28 février 1638, v. note [21], lettre 39), Rohan mourut quelques semaines plus tard, à l’abbaye de Königsfeld où on le soignait. De son mariage avec la fille du grand Sully étaient nés neuf enfants, dont un seul lui survécut : Marguerite, qui épousa en 1645 Henri de Chabot ; de sorte que les titres et les possessions de Henri de Rohan passèrent dans la maison de Chabot (G.D.U. xixe s. et R. et S. Pillorget).

17.

Histoire romaine, depuis la fondation de Rome. Par Messire Scipion Dupleix, {a} conseiller du ri en ses Conseils d’État et Privé, et historiographe de Sa Majesté. {b}


  1. V. note [9], lettre 12 ; v. note [9], lettre 12, pour son Histoire française.

  2. Paris, Claude Sonnius, 1638, in‑fo : tome i, 770 pages ; tome ii, en deux parties de 188 et 665 pages.

18.

Méprise de Guy Patin (mais bien d’autres que lui s’y sont aussi laissé prendre) : l’illustre Jules César (Caius Julius Cæsar, 100 ou 101‑44 av. J.‑C.) ne fut pas imperator, mais dictator de Rome ; le premier empereur romain fut Auguste (v. note [6], lettre 188), son petit-neveu. Les deux ouvrages qui nous restent de Jules César sont ses commentaires de Bello Gallico [sur la Guerre des Gaules] et de Bello civile [sur la Guerre civile].

La bataille de Pharsale, en Thessalie, opposa César à Pompée et au Sénat de Rome le 9 août 48 av. J.‑C. En la gagnant, César mit fin à la République et posa les fondements de l’Empire romain. Ses vertus militaires, politiques et législatives sont souvent louées dans notre édition (quoique non unanimement).

19.

La nouvelle était fort prématurée : Urbain viii (Maffeo Barberini), né à Florence en 1558, élu pape 6 août 1623, mourut à Rome le 29 juillet 1644.

Issu d’une famille noble et ancienne de Florence, il avait rempli plusieurs charges importantes avant son exaltation. Successivement prélat à 19 ans, référendaire sous Sixte Quint, gouverneur de Fano, protonotaire apostolique (v. note [19] du Patiniana I‑3), archevêque de Nazareth, il avait été nommé cardinal par Paul v en 1606, puis chargé, en qualité de nonce, d’aller complimenter Henri iv sur la naissance de son fils. Barberini avait succédé à Grégoire xv (pape de 1621 à 1623). Il s’attacha à la conversion des hérétiques, et surtout des schismatiques d’Orient, rendit divers règlements concernant la canonisation des saints, et conféra le premier le titre d’éminence aux cardinaux. Urbain viii condamna dans une bulle célèbre (In eminenti, 6 mars 1642) la doctrine de Jansenius, supprima temporairement l’Ordre des jésuitesses et fit bâtir un grand nombre de nouvelles églises. Ami de Galilée (v. note [19], lettre 226), il n’avait pas su le soustraire aux condamnations de l’Inquisition (1633). Politiquement, Urbain viii réunit le duché d’Urbino (v. note [40] du Naudæana 3) et plusieurs seigneuries au domaine de l’Église, tenta en vain de s’opposer à ce que Richelieu rendît la Valteline aux Grisons, protesta contre la politique du cardinal au sujet de l’alliance de la France avec le Suédois Gustave-Adolphe et avec les protestants d’Allemagne ; et malgré ses griefs contre la Maison d’Autriche, il refusa de faire cause commune avec la France. La confiscation arbitraire du duché de Castro sur le duc de Parme (v. note [6], lettre 27) l’entraîna dans une guerre ruineuse, peu honorable pour son caractère, et qui n’aboutit qu’à un échec (G.D.U. xixe s.).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 26 mai 1637

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(Consulté le 20/04/2024)

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