L. 164.  >
À Charles Spon,
le 8 janvier 1649

Monsieur, [a][1]

Depuis ma dernière que je vous envoyai le mardi 10e de novembre, [1] veille de la Saint-Martin, il y a ici un livre nouveau de M. David Blondel, [2] ministre du Saint Évangile, intitulé Des Sibylles célébrées, tant par l’Antiquité païenne que par les Saints Pères, etc. [2][3] Il est là-dedans fort parlé de la vanité des oracles sibyllins, et de ce qu’en croient les moines [4] en eux-mêmes et en particulier, mais non pas ce qu’ils veulent qu’on en croie, ains plutôt que le monde soit toujours bête afin qu’ils puissent s’enrichir et continuer de profiter de la sottise et bêtise du peuple, qui est animal quod vult decipi[3] Misérable humanité, que tu es sujette à erreurs ! Calamiteux et faible animal, que tu t’es donné de peines à chercher, à songer et à inventer tant de bourdes et de fourberies pour t’occuper l’esprit et te l’entretenir en bagatelles ! Mais c’est assez de ces plaintes, puisqu’il n’y a point de remède[5]

Nous avons perdu tout fraîchement un de nos compagnons, homme résolu et bien intentionné, nommé M. Nic. Héliot, [4][6] âgé de 47 ans. Il est mort d’une hydropisie [7] de poumons après avoir langui deux mois. Il avait prié par son testament toute la Faculté que plusieurs docteurs assistassent à son enterrement, et dans le plus grand nombre que l’on pourrait. Pour cet effet, il avait ordonné que chaque docteur qui y viendrait en robe rouge eût deux quarts d’écus pour son assistance, et la moitié à ceux qui y viendraient en robe noire avec le bonnet carré. Il a été enterré en très grande cérémonie et grande pompe accompagné de 60 docteurs, dont il y en avait 40 en robes rouges et 20 en robes noires ; et néanmoins la Faculté a ordonné qu’on ne prendrait point son argent, et que ladite somme de 100 livres qu’il eût fallu pour accomplir sa dernière volonté serait laissée et remise à sa veuve. [5] Il est mort sans enfants, son frère est échevin de la Ville de Paris. [6][8][9][10] Il était d’une bonne famille fort riche, mais il aimait extrêmement les cérémonies et les pompes qui font du bruit. Dieu garde de mal ceux qui sont d’un sentiment tout contraire. Pour moi, je suis content et désire fort que l’on m’enterre à quatre heures du matin ou à neuf heures au soir et que tout ce manège, qui ne semble avoir été inventé que pour le gain des prêtres et des sonneurs ou pour le soulagement des vivants, fiat et pereat sine sonitu ; [7] mais je souhaite que cela n’arrive pas sitôt. [11][12]

Si post fata venit gloria, non propero[8]

Enfin, Dieu a exaucé mes vœux et m’a fait recevoir votre lettre datée du 27e de novembre avec celle de M. Garnier. [13] Je vous assure que la flotte d’Espagne n’arrive pas avec plus de souhaits à bon port qu’a fait votre lettre. Ne faites point de delà tant d’honneur à mon portrait que l’original en pâtisse de deçà, je me contenterai seulement d’être aimé de vous sans que vous me mettiez avec ces illustres qui me feraient rougir. [9][14] J’ai grand regret que vous n’ayez vu l’incomparable M. Gassendi, [15] c’est un digne personnage, est Silenus Alcibiadis[10][16][17] Vous eussiez vu un grand homme en petite taille. C’est un abrégé de vertu morale et de toutes les belles sciences, mais entre autres d’une grande humilité et bonté, et d’une connaissance très sublime dans les mathématiques. La harangue de M. Talon [18] a couru ici aussi bien qu’à Lyon ; mais on dit que ce grand homme l’a désavouée, constat tamen [11] qu’il en fit une fort belle devant le roi [19] à la reine sa mère, [20] que tous les auditeurs louèrent fort. M. Talon et M. Bignon, [21][22] avocats généraux au Parlement de Paris, sont deux hommes incomparables, supra omnem virtutem et supra omnes titulos positi[12]

M. Guénault le jeune [23] est mort comme je vous ai mandé ex propria narratione patrui[13] Il dit, [24] pour s’excuser de l’antimoine, [25] qu’aussi bien son neveu était-il mort et qu’il n’y attendait plus rien ; mais si cela était, pourquoi donc lui donner de l’antimoine ? Son neveu, un beau garçon, savant, délibéré et bon esprit, [14] qui eut le second lieu de sa licence. [26] M. Guénault l’aîné est celui qui s’est servi le plus d’antimoine et qui presque seul l’a mis en usage de deçà ; mais le médecin en a été souventefois bien blâmé et le remède est ici plus que décrié. M. Guénault le jeune avait de bons livres bien curieux. Ils n’ont pas été vendus ici, deux Messieurs de ses beaux-frères, médecins à Gien, [27] savoir MM. Odry [28] et Amiot, [29] sont ici venus qui ont tout fait emballer et empaqueter, puis l’ont envoyé à Gien où ils partageront à loisir. Cet emballage m’a fait pitié et m’a renouvelé la douleur que j’avais conçue de ce beau garçon. [30] Monsieur le premier médecin du roi, [15][31] qui n’avait de bonne réputation que ce qui lui en fallait pour soutenir la charge qu’il possède, par les raisons du temps présent, lesquelles ne seront jamais guère bonnes en un autre, a ici tout fraîchement reçu un grand esclandre en la mort du chancelier Garnier [32] qui était un vaillant homme, chevalier de Malte [33] et frère servant (il n’était que le fils d’un marchand de la rue Saint-Denis), [16][34] mais gouverneur de Toulon en Provence. [35] Il était ici fort bien apparenté : ses frères sont financiers, conseillers ou jésuites ; ses sœurs sont mariées à des conseillers ou à des capitaines. [17] Il n’avait que 35 ans, mais il s’en allait être le lieutenant général de l’armée navale destinée pour l’Italie. Toutes ces belles espérances ont été rasées par une dysenterie [36] pour la guérison de laquelle eiusmodi comes archiatron [18] < lui a donné > force opium [37] per granula [19] préparés de sa façon. Au diable soit le charlatan [38] et sa préparation ! Ce pauvre malade n’a jamais eu de pires nuits que celles qu’il avait pris de ce poison que l’on appelait en ce pays-là, en langage de cour, le vrai alexitère et antidote de la dysenterie[20][39] Ses secrets s’évaporent fort et son antimoine n’a plus de crédit que fort peu. Le même premier médecin est encore embrouillé et affligé bien plus fort d’un autre côté, c’est que la plupart de tout ce qu’il a jamais pu griveler [21] et ramasser du temps qu’il fit une si belle fortune à la cour chez la reine mère, [22][40] est entre les mains des partisans et gens d’affaire qui sont très près de lui faire banqueroute de si belles sommes.

Enfin, j’ai reçu lettre de M. Volckamer [41] de Nuremberg, [42] par laquelle j’apprends que le bonhomme votre bon ami, M. Hofmann, [43] est décédé le troisième jour de novembre passé avec grande affliction et désolation de toute sa famille. J’en ai aussi grand regret et ai longtemps souhaité qu’il pût vivre deux ou trois ans de plus qu’il n’a fait afin qu’il pût avoir le contentement de voir une édition entière de toutes ses œuvres. Il a travaillé toute sa vie pour l’éclaircissement de la vérité et a mérité par ses travaux une tout autre fortune que celle qu’il a eue ; mais il n’est pas le premier malheureux lettré, le livre qu’en a fait autrefois sur ce sujet Pierius Valerianus, sous le titre De Infelicitate litteratorum [44] était déjà assez gros ; [23] outre que nous ne manquons pas de beaucoup d’autres tels exemples d’hommes lettrés qui ont été autant et plus malheureux qu’ils étaient savants. Puisque M. Hofmann est mort, il ne verra pas le mauvais traitement que lui a fait M. Riolan [45] en divers endroits de son Anthropographie[24]

Le jour de l’an s’est passé ici comme les autres jours, mais la reine étant en colère contre le Parlement qui continuait toujours ses assemblées [46] sans vouloir vérifier aucune déclaration afin qu’elle pût recouvrer finances pour continuer la guerre et pour l’entretien de sa Maison ; au contraire, apprenant qu’en ces assemblées le Parlement même avait menacé de donner arrêt contre la Chambre des comptes si elle vérifiait la déclaration qu’elle [25] leur avait envoyée en faveur de quelques partisans. Enfin, elle s’est résolue à la rigueur et à la voie de fait : le mercredi, jour des Rois, 6e de janvier, à deux heures du matin, elle est sortie de son Palais-Cardinal [47] avec le roi, M. le duc d’Anjou [48] et le cardinal Mazarin, [49] et s’en est allée à Saint-Germain-en-Laye. [50] M. le duc d’Orléans [51] et M. le Prince [52] y sont allés aussi, et en suite de ces maîtres, quantité d’officiers[26] Dès que cela a été su, le prévôt des marchands [53][54] et les échevins [55] ont ordonné que l’on gardât les portes de la ville, et qu’on ne laissât rien sortir. [27] Cela en a retenu plusieurs qui pensaient d’ici se sauver, et même quelques chariots pleins de bagages ont été pillés en divers endroits par quelque populace mutinée qui ne demande que de l’argent. M. le duc d’Orléans avait toujours refusé de consentir à cette retraite ; mais enfin, il s’est laissé aller aux prières de la reine, laquelle est délibérée et prétend de se venger du Parlement et du peuple de Paris, duquel elle prétend avoir été bravée aux barricades dernières du mois d’août passé. [56] Et comme le cardinal Mazarin est fort haï, et dans Paris et au Parlement, elle veut à toute force, et en dépit de tous ceux qui en parlent, le conserver pour ses affaires et le maintenir en crédit. On garde ici les portes. [57] Le Parlement a envoyé Messieurs les Gens du roi à Saint-Germain. Il y a quantité de troupes ici alentour, avec lesquelles je pense que la reine veut affamer Paris ou obliger toute cette grande ville de lui demander pardon. [28][58] Vous savez que Paris est une arche de Noé, qu’il y a toute sorte d’animaux, bons et mauvais, qui y sont embarqués. Je ne sais pas ce qu’il arrivera d’un tel désordre ; tout y est à craindre comme d’une extrémité. [29] Pour mon particulier, je ne l’ai point offensée et suis bon serviteur du roi ; mais si on attaque ma maison, je ferai comme les autres, je me défendrai tant que je pourrai. Je suis riche comme était le bonhomme Casaubon, [59] en ce que j’ai comme lui libros et liberos ; [30] mais je n’ai rien de cette belle et sublime science qui le rendait incomparable par-dessus tous les savants de son siècle. J’ai encore moins d’argent, mais je crois que quand on en cherchera, ce ne sera pas chez les médecins que l’on ira, il y a longtemps que l’on nous paie trop mal. Je vous baise les mains de tout mon cœur et suis de toute mon affection, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. [31]

Patin.

De Paris, ce 8e de janvier 1649.


a.

Reveillé-Parise, no cc (tome i, pages 421‑426) ; Triaire no clxvi (pages 626‑631) ; Prévot & Jestaz no 15 (Pléiade, pages 429‑434).

1.

La précédente lettre de Guy Patin à Charles Spon dont nous ayons trace est datée du 29 mai 1648. On ne peut une fois de plus que déplorer le témoignage perdu d’une période aussi cruciale dans les affaires intérieures (Fronde) et extérieures (paix de Westphalie) de la France (v. note [6], lettre 161).

2.

Des Sibylles célébrées tant par l’Antiquité païenne que par les Saints Pères. Discours traitant des noms et du nombre des Sibylles, de leurs conditions, de la forme et matière de leurs vers, des livres qui portent jusqu’aujourd’hui leurs noms, et de la conséquence des suppositions que ces livres contiennent, principalement touchant l’état des hommes bons et mauvais après la mort. Par David Blondel. {a}


  1. Charenton, Vve de L. Perier et N. Perier, 1649, in‑4o de 515 pages.

    V. note [13], lettre 96, pour David Blondel.


Les Anciens ont appelé Sibylles certaines femmes auxquelles ils attribuaient la connaissance de l’avenir et le don de prédire. Ce nom fut d’abord particulier à la prophétesse de Delphes, mais devint ensuite commun à toutes les femmes qui rendaient des oracles. On en compte une dizaine, qui sont toutes désignées par le nom de l’endroit où elles officiaient : persique, libyenne, delphique, cumée, etc. (Fr. Noël).

Le propos de Blondel ne porte qu’assez accessoirement sur les devineresses de l’Antiquité : c’est surtout une critique historique et théologique de l’« écrit prétendu sibyllin » (Oracles sibyllins qui sont une compilation de textes apocryphes, juifs, chrétiens et païens, écrits entre le iie et le vie s., v. note [43] du Grotiana 2), dont il se sert pour réfuter l’existence du purgatoire.

3.

« un animal qui veut être trompé. »

4.

Nicolas Héliot (Paris vers 1602-ibid. 19 novembre 1648), docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en novembre 1629 (Baron).

5.

Le compte n’y était pas exactement : 40 docteurs à deux quarts d’écu et 20 à un quart font 25 écus ; l’écu d’or valait 112 sols ; pour une livre à 20 sols, cela fait 140 livres. Quoi qu’il en soit, l’appât avait eu bel effet en faisant venir 100 des quelque 120 docteurs régents que comptait la Faculté de médecine de Paris.

6.

Échevin : « officier qui est élu par les habitants d’une ville pour avoir soin de leurs affaires communes, de l’entretien et de la décoration de la ville. À Paris il y a un prévôt des marchands et quatre échevins. Ils ont un bureau et une juridiction qui s’étend sur tous les ports et sur les marchands de plusieurs marchandises qui y abordent par eau. Ils sont maîtres de la navigation des rivières qui y affluent. Aux autres villes il y a un maire et des échevins » (Furetière). Comme le prévôt des marchands, les échevins de Paris, ses adjoints et assesseurs, étaient élus pour quatre ans, rééligibles deux fois et renouvelables par moitié.

Pierre Héliot (ou Helyot), frère de Nicolas, avait été élu en août 1647.

7.

« se fasse et passe sans bruit ».

8.

« Même si la gloire doit me venir après la mort, je ne suis pas pressé » (Martial, Épigrammes, livre v, 10, vers 12).

9.

Dans le post-scriptum de sa lettre du 5 novembre 1649 à André Falconet, Guy Patin a daté ce portrait de 1643.

10.

« c’est Silène d’Alcibiade », allusion à la description de Socrate (v. note [4], lettre 500) par Alcibiade dans le Banquet de Platon : sous les apparences d’un rustaud aux yeux bovins, Socrate cachait une « grande âme, une âme sublime et véritablement philosophique » (Adage no 2201 d’Érasme, Sileni Alcibiadis, Les silènes d’Alcibiade).

Silène, nourricier de Bacchus (v. note [23], lettre 260), était fils de Mercure ou de Pan et d’une Nymphe. On lui donne une tête chauve, des cornes, un gros nez retroussé, une petite taille, mais une corpulence charnue. On le représente tantôt assis sur un âne sur lequel il a bien de la peine à se soutenir, tantôt marchant appuyé sur un bâton ou sur un thyrse (javelot entouré de pampre et de lierre). On le reconnaît aisément à sa couronne de lierre, à la tasse qu’il tient, à son air joyeux et même un peu goguenard (Fr. Noël). Dire que Gassendi était le « Silène d’Alcibiade », c’était le comparer à Socrate, tout bonnement.

11.

« il est pourtant reconnu ». Guy Patin évoquait la Harangue faite au roi et à la reine par M. Talon, avocat général, à l’entrée du Parlement après la Saint-Martin, l’an 1648 (Lyon, J. Justet, 1648, in‑12).

12.

« placés au-dessus de toute vertu et de tous les titres d’honneur. »

Jérôme i Bignon (Paris 1589-ibid. 7 avril 1656), que Guy Patin a parfois dénommé Le Bignon, fils de Roland Bignon, avocat au Parlement de Paris, et de Marie Ogier, s’était fait remarquer par une prodigieuse précocité intellectuelle. Il avait publié à 14 ans un Discours de la ville de Rome, principales antiquités et singularités d’icelle (Paris, David Le Clerc, 1604, in‑8o) puis l’année suivante, un Traité sommaire touchant l’élection du pape, plus le plan du conclave dernier et une liste des cardinaux qui s’y sont trouvés (ibid. et id. 1605, in‑8o). Pour ces ouvrages et la naissante réputation du jeune érudit, Henri iv l’avait nommé enfant d’honneur du dauphin, futur Louis xiii. Pendant ce séjour à la cour il avait composé son traité :

De l’Excellence des rois, et du royaume de France. Traitant de la Préséance, Premier Rang et Prérogatives des rois de France par-dessus les autres, et des causes d’icelle. P. H.B. P. {a}


  1. Paris, Jérôme Drovart, 1610, in‑8o de 523 pages, dédié à Henri iv. Bignon y réfutait le livre intitulé :

    De Dignitate Regum regnorumque Hispaniæ, et honoratiori loco eis, seu eorum legatis a conciliis, ac Romana sede iure debito. Auctore Doctore Iacobo Valdesio in Cancellaria, summoque prætorio Granatensi auditore regio et in Pinthiana academia in prima iuris canonici Cathedra iubilo donato.

    Sur la Dignité des rois et royaumes d’Espagne, et le rang plus honorable qui leur est légitimement dû, ainsi qu’à leurs ambassadeurs et conseillers, devant le Saint-Siège. Par le docteur Iacobus Valdesius, {i} auditeur royal à la Chancellerie et devant le tribunal suprême de Grenade, et titulaire de la première chaire de droit canonique en l’Université de Valladolid]. {ii}

    1. Diego de Valdés.

    2. Grenade, Ferdinandus Diaz a Montoya, 1602, in‑fo de 394 pages.

Après avoir été quelque temps précepteur du dauphin et avoir voyagé en Italie, il était entré dans le barreau. Il avait été successivement avocat général au Grand Conseil en 1620, conseiller d’État, avocat général du Parlement de Paris en 1625 et grand maître de la Bibliothèque royale, après Jacques-Auguste i de Thou, en 1643. Bignon avait prit une part importante aux négociations diplomatiques à Münster. Il avait des liens étroits avec Port-Royal dont il soutint l’institution des petites Écoles à qui il confia l’instruction de son fils, Jérôme ii (v. note [4], lettre 906). Il avait épousé en 1622 Catherine Bachasson, fille d’un receveur général des finances de Touraine (G.D.U. xixe s. et Jestaz).

13.

« d’après le propre récit de son oncle. » Pierre Guénault (le jeune, v. note [6], lettre 97) était le neveu de François Guénault, le chantre de l’antimoine à Paris.

14.

Délibéré : « hardi, résolu » (Furetière).

15.

François Vautier était alors premier médecin du roi.

Gien (Loiret) en Gâtinais, sur la Loire, était siège d’un comté appartenant alors au Chancelier Séguier.

16.

La rue Saint-Denis, qui existe toujours dans les ier et iie arrondissements de Paris, était le plus important axe commerçant de la rive droite, orientée du sud au nord, depuis le Châtelet, jusqu’à la porte de même nom (actuel carrefour Strasbourg-Saint-Denis).

17.

Le chevalier Claude Garnier avait été nommé gouverneur de Toulon le 2 janvier 1647. « C’était un ancien militaire qui avait longtemps fait la guerre et ne joua à Toulon qu’un rôle effacé. Il mourut deux ans après, ayant résidé tout ce temps à Toulon, comme ses lettres de nomination lui en faisaient un devoir » (Gustave Lambert, Histoire de Toulon, chapitre xv, Bulletin de l’Académie du Var, nouvelle série, tome xv, 1er fascicule, 1889, page 114). De ce que disait ici Guy Patin, il faut néanmoins conclure que le chevalier fut soigné à Paris en sa dernière maladie. Le seul de ses frères et sœurs dont on ait trouvé la trace assurée est Jean Garnier, jésuite (1612-1681), « l’un des plus savants hommes de sa Compagnie » (Moréri 1732, tome 3, pages 804).

On appelait « dans l’Ordre de Malte frère servant ou chevalier servant celui qui, entrant dans l’Ordre sans faire preuve de noblesse, était d’un rang inférieur à celui des autres chevaliers » (Littré DLF).

18.

« ce fichu premier médecin (chef des médecins de la cour) » ; les mots entre crochets sont ajoutés pour permettre la compréhension de la phrase. Jean ii Riolan a commenté l’expression comes archiatron dans ses Curieuses recherches sur les écoles en médecine de Paris et de Montpellier… (v. note [13], lettre 177), page 201 :

« Je confesse que c’était anciennement une belle dignité en la médecine d’être premier médecin des empereurs, il y a douze cents ans. Il était le chef de la science, toutes les controverses se rapportaient à lui pour en être le juge. Il avait la qualité de comte, comes archiatrorum. Il jouissait des droits honorifiques tels qu’ils sont décrits dans Cassiodore, {a} mais il fallait que ce premier médecin fût savant, vertueux et judicieux puisqu’il y parvenait par l’âge et le temps de sa réception. Entre dix archiatres qu’ils étaient, savants et diligemment examinés avant qu’être reçus, le plus ancien portait la qualité de comte des archiatres. Cela se pratique en Espagne, où les médecins du roi sont tous savants, ayant été professeurs en médecine dans les fameuses universités, et selon le temps de leur réception, le plus ancien porte le titre de proto-medico ; lesquels premiers médecins, tous depuis cent ans, ont écrit très doctement en médecine, comme Valesius, Mercatus, Sanctacrux, La Sterna. »


  1. V. notule {a}, note [2], lettre 276.

19.

« en granules ».

20.

Alexitère (du grec alexêtêr, qui repousse) est un médicament qui prévient l’effet des poisons et des venins. C’est un synonyme d’alexipharmaque, « médicament qui a une vertu particulière pour résister aux venins. Il y en a d’internes qui remédient à la peste, aux fièvres malignes, et aux poisons pris au-dedans, et d’autres externes que l’on applique pour la morsure et la piqûre des bêtes venimeuses » (Thomas Corneille).

21.

Griveler : « friponner, faire de petits profits secrets et illicites en quelque emploi, en quelque commission » (Furetière).

22.

François Vautier avait été le médecin de Marie de Médicis, de 1624 jusqu’à la disgrâce de la reine, en 1631 ; il fut alors embastillé pour 12 ans.

23.

Ioannis Pierii Valeriani Bellunensis, de Litterarorum Infelicitate, libri duo, eiusdem Bellunensia, nunc primum e Bibliotheca Lolliniana in lucem edita.

[Deux livres de Ioannis Pierius Valerianus, {a} natif de Bellune, sur l’Infortune des écrivains, et la Bellunensia {b} du même auteur, tirés pour la première fois de la Bibliothèque Lollinienne {c} et publiés pour la première fois]. {d}


  1. Ioannes Pierius Valerianus (Giampietro ou Pierio Valeriano Bolzano, Bellune, Vénétie 1477-Padoue 1558), humaniste italien.

  2. Seconde partie de l’ouvrage, intitulée Antiquitatum Bellunensium sermones quatuor [Quatre discours des antiquités de Bellune].

  3. Bibliothèque d’Aloysius Lollinus (Luigi Lollino, 1552-1625), évêque de Bellune, dédicataire de l’ouvrage.

  4. Venise, Jacobus Sarzina, 1620, in‑8o de 225 pages.

V. notes [39] du Patiniana I‑1, [16] des triades du Borboniana manuscrit et  [11] du Faux Patiniana II‑2 pour cinq autres ouvrages de Valerianus.

24.

Opera anatomica vetera… de Jean ii Riolan, à paraître en 1649 (v. note [25], lettre 146). V. note [7], lettre 190, pour un recensement de ce que Riolan y a dit contre Caspar Hofmann.

25.

La reine régente, Anne d’Autriche.

26.

La « guerre civile », sommet de la première Fronde, éclatait. Les précédentes lettres en ont évoqué les prémices parlementaires et politiques, mais le départ subreptice du roi et de sa cour pour Saint-Germain marquait la rupture entre le Conseil de régence et le Parlement et le peuple de Paris. Le roi privait la capitale de sa protection.

Le pire pouvait dès lors arriver (Ranum, pages 206‑207) :

« Soudain, la ville ne faisait plus qu’un seul corps, qu’un seul peuple, dont chaque membre se sentait personnellement menacé. Le départ du roi Louis et de la reine régente stupéfia les Parisiens. […] Un irrésistible sentiment de crise submergeait la ville. Sa vie, son sang paraissaient en danger. »

Les auteurs anonymes du Journal de la Fronde, en date de Paris, le 8 janvier 1649 (volume i, fos 7 ro‑9 vo), ont fort utilement complété la brève narration que Guy Patin donnait des événements de première importance qui se déroulèrent alors :

« Le 5, veille des Rois, à 10 heures du soir les capitaines du régiment des gardes et des gendarmes et chevau-légers du roi reçurent ordre d’amener leurs soldats tout doucement au Cours de la Reine sans tambour ni trompette, ce qu’ils firent et tout y était presque rangé en bataille à minuit. À trois heures du matin, le roi et la reine, M. le duc d’Anjou et M. le cardinal sortirent par la petite porte du jardin où il y avait trois carrosses qui attendaient, et s’en allèrent au Cours. En même temps on envoya avertir M. le duc d’Orleans et M. le Prince, ensuite Mademoiselle et Mesdames les princesses de Condé {a} qu’on les attendait au Cours. S.A.R. {b} se leva aussitôt et se prépara pour partir. L’on remarqua qu’en descendant l’escalier de son palais, {c} il était soutenu de deux de ses gentilshommes sous les bras et qu’il sortit avec de si grandes tendresses {d} que son visage en était pâle, < ce > qui fut suivi d’une grosse sueur. Madame, ayant reçu ordre de Monsieur de partir, s’y résolut après beaucoup de larmes et partit à sept heures avec les petites princesses ses filles. Elle sortit par la porte du jardin de son palais et s’en alla droit à Saint-Cloud où elle passa la Seine. Mesdames les princesses de Condé se trouvèrent au Cours un peu devant cinq heures. Mademoiselle, ayant reçu l’ordre de la reine et de Monsieur son père, obéit avec assez de répugnance, se rendit au Cours entre cinq et six heures, où étant elle entra dans le carrosse de la reine. Enfin Leurs Majestés ayant demeuré dans le Cours plus de deux heures en attendant les uns et les autres, partirent pour Saint-Germain.

À sept heures du matin, {e} Messieurs de la Ville reçurent une lettre de cachet par laquelle le roi leur mandait qu’il avait été obligé de partir de Paris pour ne < pas > demeurer exposé aux pernicieux desseins d’aucuns des officiers du Parlement, lesquels ayant intelligence avec les ennemis de l’État, non contents d’avoir attenté contre son autorité, se portaient encore à conspirer de se saisir de sa personne ; et leur recommandait d’empêcher qu’il n’arrivât aucun désordre, promettant de donner tous bons et favorables traitements aux bourgeois. À huit heures, tout le pain qui était dans le marché était déjà enlevé. M. Giraut, introducteur des ambassadeurs, fut avant-hier au matin au logis de tous les ambassadeurs et résidents des princes étrangers pour les avertir de s’en aller à Saint-Germain s’ils voulaient suivre la cour, et qu’on leur donnerait des logements. M. le coadjuteur de Paris {f} reçut aussi en même temps une lettre de cachet portant ordre d’aller à Saint-Germain, à quoi voulant obéir l’on l’empêcha, et les harengères l’arrêtèrent hier au matin disant qu’elles avaient besoin de ses bénédictions.

Le même jour à huit et neuf heures du matin l’on pilla dans la rue Neuf-de-Saint-Honoré et vers le bout des Tuileries quelques carrosses et chariots chargés de bagage, entre autres celui de Bonneau, partisan, où il y avait quelque vaisselle d’argent et quelques sacs d’argent monnayé. Messieurs de < la > Ville envoyèrent en même temps aux quarteniers et dizainiers de commander à chacun d’eux en son quartier qu’on tînt les armes prêtes pour aller faire garde aux portes. Quelques conseillers au Parlement étant allés chez M. le premier président, l’on résolut de s’assembler extraordinairement nonobstant la fête et d’envoyer promptement avertir les autres de s’y trouver ; comme l’on fit, de sorte qu’à dix heures il y eut 50 à 60 conseillers assemblés dans le Palais où il en vint d’autres ensuite. Les échevins y apportèrent la lettre de cachet qu’ils avaient reçue et dirent qu’ils avaient commandé qu’on tînt les armes prêtes pour faire garde aux portes et qu’ils venaient recevoir les ordres du Parlement afin de pourvoir à la sûreté de la ville. Sur cela, il fut ordonné qu’on ferait garde jour et nuit, défenses à toutes personnes, de quelque qualité et condition qu’elles soient, d’enlever aucunes armes ni bagages, et à tous les colonels et capitaines d’en laisser sortir, < et fut > enjoint aux officiers du Châtelet de tenir la main à la police et à tous gouverneurs des villes et places de 20 lieues à la ronde, capitaines, magistrats et autres, de laisser passer les vivres qui viendraient à Paris, avec défense de recevoir aucune garnison ni logement de guerre et ordre d’escorter ceux qui en apporteront, à peine d’en répondre en leurs noms. Cependant on députa quatre conseillers pour aller au Palais-Royal et aux environs pour informer et faire procès-verbal de l’enlèvement du roi, ce qu’ils firent. À quatre heures du soir les chaînes furent tendues dans toutes les avenues et l’on y mit des corps de garde, principalement à toutes les portes, lesquels y passèrent la nuit et y sont encore. Le même jour, Leurs Majestés et tous les princes et princesses couchèrent dans des lits empruntés. M. le duc de Montbazon, gouverneur de Paris, lequel était en sa maison de Rochefort, {g} arriva ici hier au matin et trouva qu’on avait donné des si bons ordres à son absence qu’on n’avait laissé sortir personne, chevaux, bagage, ni armes.

Hier au matin, {h} le prévôt des marchands reçut une lettre de cachet du roi portant ordre de lui envoyer son bagage qui était dans le Palais-Royal ; à quoi obéissant, il le fit charger sur 30 ou 40 charrettes, lesquelles étant sorties du palais escortées de deux échevins furent jusqu’à la porte Saint-Honoré sans trouver de résistance ; mais étant arrivées jusqu’au corps de garde qui est aux portes, les échevins ne furent pas les maîtres et le menu peuple s’y étant ramassé en grand nombre ne voulut point laisser passer aucun des chariots, lesquels furent obligés de s’en aller décharger au Louvre. Le Parlement reçut aussi une lettre de cachet portant ordre d’aller à Montargis, la Chambre des comptes une autre portant ordre d’aller à Poitiers, le Grand Conseil une autre pour aller à Mantes, et la Cour des aides une pour aller à Orléans. Le Grand Conseil résolut d’obéir et de partir pour cet effet dans huit jours, mais les autres cours souveraines n’y ont pas encore délibéré. Messieurs du Parlement demeurèrent assemblés jusqu’à plus de deux heures après midi. Ils ouvrirent plusieurs avis, entre autres celui d’ordonner l’exécution de l’arrêt de 1617 {i} ouvert par M. le président de Novion, mais il ne fut suivi que de 12 voix. Enfin, après avoir bien examiné la lettre de cachet envoyée le jour précédent à Messieurs de la Ville, il y eut arrêt portant que Messieurs les Gens du roi partiraient incontinent pour Saint-Germain, comme ils firent, prier Sa Majesté de revenir en cette ville et de vouloir nommer tous ceux qui ont conspiré contre son autorité et sa personne afin qu’on leur fît le procès ; et que les cours souveraines seraient invitées et priées de se trouver ce matin à la Chambre Saint-Louis pour y délibérer sur la police et sûreté publique. La Chambre des comptes résolut aussi d’envoyer des députés à la reine pour l’assurer de leur service et la prier de revenir à Paris.

Messieurs les Gens du roi étant arrivés à Saint-Germain, on ne les voulut pas voir et on les menaça s’ils ne se retiraient, de sorte qu’ils furent contraints de s’en revenir sur leurs pas. Monsieur fit avancer une partie du régiment des gardes à Nanterre et l’on commanda d’autres troupes pour venir à Aubervilliers, à Charenton et en d’autres lieux, ce qui a fait croire qu’on avait résolu d’assiéger Paris ; et les bouchers étant allés à Poissy pour acheter du bétail, sont revenus sans en amener, en ayant été empêchés ; outre qu’il y a eu arrêt du Conseil portant défenses aux marchands forains de rien vendre à ceux de Paris jusqu’à ce qu’il en fût autrement ordonné, lequel arrêt fut publié à son de trompe dans Poissy.

Ce matin, {j} le Parlement, toutes les chambres assemblées, sur le rapport fait par les Gens du roi du refus qui leur a été fait d’être ouïs à Saint-Germain, et comme ils ont trouvé à leur retour la ville de Paris bloquée et les passages des vivres bouchés, a déclaré le nommé Jules Mazarin comme perturbateur du repos public et principal auteur des désordres de l’État, criminel de lèse-majesté au premier chef, enjoint à lui de vider la cour dès aujourd’hui et de sortir du royaume dans huit jours, et à faute de ce faire, permis aux communautés des villes et bourgades < de > lui courir dessus, ses biens confisqués au roi et ses bénéfices impétrables ; {k} que très humbles remontrances seront faites par écrit au roi sur la désolation générale de l’État et < la > malversation commise par ledit Jules Mazarin depuis six ans ; qu’il sera incessamment procédé à la levée des gens de guerre suffisants tant pour la sûreté de la ville de Paris que pour l’ouverture et liberté du passage des vivres ; et que pour cet effet quatre conseillers de la Grand’Chambre assisteront incessamment à l’Hôtel de Ville pour en faire la fonction conjointement avec le prévôt des marchands et le procureur du roi ; et pour cet effet, l’on a député MM. de Broussel, Ménardeau l’aîné et Deslandes-Payen.

L’on dit qu’on a arrêté une trêve pour six mois avec le roi d’Espagne. Les étendards de la ville de Paris portent une étoile d’or en champ d’azur avec cette devise, Regem quærimus. {l} Ceux de M. de La Mothe-Houdancourt portent un Hercule gaulois qui assomme un Polyphème avec ces mots, Nullam habet ultio legem. {m} Ceux de M. de Bouillon, une épée entourée de deux rameaux d’olivier avec cette devise, Dabit ultio pacem. {n} Ceux de Monseigneur le prince de Conti portent un Phaéton renversé de son char avec ces mots, Meritas dabis improbe pœnas. » {o}


  1. Mère et bru.

  2. Son Altesse Royale, Gaston d’Orléans.

  3. Le palais du Luxembourg.

  4. Émotions.

  5. Le 6 janvier, jour des Rois.

  6. Gondi, futur cardinal de Retz.

  7. Rochefort-en-Yvelines, près de Dourdan.

  8. 7 janvier.

  9. Arrêt interdisant aux étrangers d’accéder au pouvoir.

  10. 8 janvier.

  11. Bloqués.

  12. « Nous demandons le roi. »
  13. « La vengeance ne connaît aucune loi », avec allusion aux troubles amours du cyclope Polyphème (v. note [51] du Borboniana 9 manuscrit), identifié à Mazarin, et de la néréide Galatée, Anne d’Autriche.

  14. « La vengeance procurera la paix. »
  15. « Tu administreras sans pitié les punitions méritées. » V. notes [5], lettre 166, pour le prince de Conti, et [11], lettre 201, pour Phaéton.

Arrêt de la Cour de Parlement donné toutes les chambres assemblées le 8e jour de janvier 1649. Par lequel il est ordonné que le cardinal Mazarin videra le Royaume, et qu’il sera fait levée de gens de guerre pour la sûreté de la Ville, et pour faire amener et apporter sûrement et librement les vivres à Paris (Paris, Imprimeurs et Libraires ordinaires du roi, 1649) :

« Extrait des Registres de Parlement. Ce jour, la Cour toutes les chambres assemblées, délibérant sur le récit fait par les Gens du roi, de ce qu’ils se sont transportés à Saint-Germain-en-Laye, par devers ledit seigneur roi et la reine régente en France, en l’exécution de l’arrêt du jour d’hier, et du refus de les entendre, et qu’ils ont dit que la ville était bloquée, a arrêté et ordonné que très humbles remontrances par écrit seront faites audit seigneur roi et à ladite dame reine régente ; et attendu que le cardinal Mazarin est notoirement l’auteur de tous les désordres de l’État et du mal présent, l’a déclaré et déclare perturbateur du repos public, ennemi du roi et de son État, lui enjoint se retirer de la cour dans ce jour, et dans la huitaine hors du Royaume, et ledit temps passé, enjoint à tous les sujets du roi de lui courre sus. Fait défenses à toutes personnes de le recevoir. Ordonne en outre qu’il sera fait levée de gens de guerre en cette ville en nombre suffisant : à cette fin, commission délivrée pour la sûreté de la ville, tant en dedans que dehors, et escorter ceux qui amèneront les vivres, et faire en sorte qu’ils soient amenés et apportés en toute sûreté et liberté. Et sera le présent arrêt lu, publié et affiché partout où il appartiendra, à ce qu’aucun n’en prétende cause d’ignorance. Enjoint au prévôt des marchands et échevins tenir la main à l’exécution dudit arrêt. Fait en Parlement le huitième jour de janvier mil six cent quarante-neuf. Signé, Du Tillet.

Le vendredi 8e jour de janvier 1649, l’arrêt ci-dessus de Nosseigneurs de la Cour de Parlement, a été lu et publié à son de trompe et cri public, tant aux portes et entrées de cette ville et faubourgs de Paris, qu’aux carrefours et places publiques de cette-dite ville et faubourgs, par moi Jean Jossier, juré crieur ordinaire de roi en la ville, prévôté et vicomté de Paris, en la présence de Maîtres Jean Finot et Pierre Laurens, huissiers en ladite Cour, accompagné de trois trompettes, Jean du Bos, Jacques le Franc, jurés trompettes du roi, et d’un autre trompette commis de Didier Ordin, dit Champagne, aussi juré trompette, et affiché où besoin a été. Signé, Jossier. »

27.

Jérôme Le Féron, seigneur d’Orville et de Louvres-en-Parisis (mort le 8 septembre 1669), avait été reçu en 1627 conseiller au Parlement de Paris en la deuxième des Enquêtes. Fait président de cette même Chambre en 1641, colonel de la garde bourgeoise, conseiller du roi en ses conseils, il avait été élu prévôt des marchands le 5 mars 1646, pour exercer cette fonction jusqu’au 16 août 1650 ; il fut alors remplacé par Antoine Le Fèvre (Popoff, nos 244 et 1171).

Le coadjuteur a parlé de Le Féron dans sa relation des événements du 6 janvier (Retz, Mémoires, pages 382-383) :

« Je priai [François Vedeau] Vedeau, conseiller, {a} que je fis appeler dans le parquet des huissiers, d’avertir la Compagnie qu’il y avait à l’Hôtel de Ville une lettre du roi par laquelle il donnait part au prévôt des marchands et aux échevins des raisons qui l’avaient obligé à sortir de sa bonne ville de Paris, qui étaient en substance que quelques officiers de son Parlement avaient intelligence avec les ennemis de l’État et qu’ils avaient même conspiré de se saisir de sa personne. Cette lettre, jointe à la connaissance que l’on avait que le président Le Féron, prévôt des marchands, était tout à fait dépendant de la cour, émut {b} toute la Compagnie au point qu’elle se la fit apporter sur l’heure même et qu’elle donna arrêt par lequel il fut ordonné que le bourgeois prendrait les armes, que l’on garderait les portes de la ville, que le prévôt des marchands et le lieutenant civil pourvoiraient au passage des vivres et que l’on délibérerait le lendemain au matin sur la lettre du roi. »


  1. François Vedeau, conseiller en la deuxième des Enquêtes.

  2. Agita.

28.

Fort ébranlée par les événements qui inauguraient le siège de Paris par les troupes royales (janvier-mars 1649), Mme de Motteville (Mémoires, pages 230‑234) a donné son récit, vu de la cour, de ce qui s’est passé à partir du « 5 janvier 1649, la veille des Rois, ce jour si célèbre et dont on parlera sans doute dans les siècles à venir », concluant par cette invective :

« Les principaux esprits du Parlement étaient touchés de l’esprit de rébellion. Les coupables haïssaient la puissance royale. Ils avaient été si loin dans leurs fautes qu’ils avaient montré d’estimer davantage le gouvernement des républiques que des monarchies ; et peut-être il y en eut dans la Compagnie qui ne furent pas fâchés que la nécessité de se défendre les obligeât à suivre les mauvaises voies parce qu’ils espéraient de cette extrémité quelque changement dans l’État qui aurait élevé leur puissance et diminué celle de nos rois. Ils mirent donc le fondement de leur espérance sur la haine que le peuple et les grands du royaume avaient contre le ministre ; et ne voyant du bien pour eux qu’en lui faisant du mal, ils résolurent de suivre les maximes de Machiavel, qui dit, à ce que j’ai ouï dire à ceux qui l’ont lu, qu’il ne faut point faire une méchanceté à demi. Sur ce fondement, ils donnèrent un arrêt contre le cardinal Mazarin où ils le condamnaient comme perturbateur du repos public, ennemi du roi et de son État, et enjoignirent à tous ses sujets de lui courre sus sans pourtant lui avoir fait son procès, sans l’entendre en ses justifications et sans droit aucun de le pouvoir juger. Cette procédure fut la plus injuste et la plus violente qui ait jamais été pratiquée par des hommes faisant profession de quelque vertu. Ils condamnaient un cardinal dont ils ne pouvaient être les juges, sa qualité de prince de l’Église le réservant au jugement du pape et de l’Église ; et quand même il aurait été le plus criminel de tous les hommes et qu’ils eussent eu le droit de le juger, ils ne l’auraient pas pu faire sans l’entendre en ses défenses. Enfin, cette illustre Compagnie de sénateurs doit être à jamais blâmée de cette action que la nécessité où ils étaient n’excuse point ; car selon la loi de Dieu, il n’est jamais permis de mal faire. Elle fait voir que la passion et l’intérêt étouffent presque toujours la raison, et que ceux qui font les lois et qui en paraissent les protecteurs sont souvent eux-mêmes dans l’aveuglement et l’erreur, quand Dieu, le seul juste juge, les abandonne à leur propre sens, et les humilie par leur propre iniquité. C’est à eux à qui il parle quand il dit “ J’ai vu sous le soleil méchanceté au lieu de justice et iniquité au lieu de jugement ”. » {a}


  1. L’Ecclésiaste 3:16.

29.

Extrémité au sens d’agonie.

30.

« des livres et des enfants ».

V. note [13], lettre latine 16, pour les très nombreux enfants d’Isaac Casaubon.

31.

Ces nouvelles des événements de Paris étaient certainement sans prix pour Charles Spon car la Gazette, organe du gouvernement, débordant, selon ses habitudes, d’informations sur les affaires étrangères, n’abreuvait ses lecteurs que de déclarations anodines sur celles de l’intérieur.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 8 janvier 1649

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(Consulté le 19/04/2024)

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