Je vous écrivis ma dernière vendredi 8e de janvier et depuis ce temps-là plusieurs choses fort mémorables sont arrivées ici. Premièrement, ce même vendredi 8e, tandis que le roi et toute la cour étaient à Saint-Germain, [2] le Parlement donna arrêt contre le Mazarin, [3] par lequel il fut déclaré criminel de lèse-majesté, [4] comme perturbateur du repos public. [1] Le samedi il fut ordonné que l’on lèverait des troupes pour la défense de la ville de Paris ; et ce même jour, M. d’Elbeuf [5] le père, M. de Bouillon-Sedan, [6] frère aîné du maréchal de Turenne, [7] le maréchal de La Mothe-Houdancourt, [8] le marquis de La Boulaye, [2][9] le marquis d’Aubeterre [3][10] et autres seigneurs se présentèrent pour commander et avoir charge dans l’armée que Paris s’en allait lever. [4] M. d’Elbeuf en fut déclaré le chef, et lui et les autres prêtèrent serment de fidélité entre les mains du Parlement avec otages qu’ils donnèrent. Le dimanche matin se présentèrent à la porte de Saint-Honoré, [11] MM. les princes de Conti [12][13][14] et de Longueville, [15] qui y furent empêchés de passer outre, jusqu’à ce que le Parlement en ayant été averti les envoya recevoir par MM. du Blancmesnil [16] et de Broussel [17] (qui furent les deux prisonniers des barricades du mois d’août dernier). [5][18] M. le prince de Conti fut dès le même jour après-dînée au Parlement, [6] M. de Longueville y fut le lundi matin ; et s’étant accordés avec la Cour, M. le prince de Conti fut déclaré, à cause de sa qualité de prince du sang, chef généralissime et M. d’Elbeuf son lieutenant général ; [7] M. de Longueville n’a point pris de qualité, mais a donné pour otages M. le comte de Dunois, [19][20] son fils, [8] et Madame sa femme [21][22] laquelle est fort grosse et prête d’accoucher. [9] Tout le monde contribue ici, en particulier ou en gros, [10] pour faire guerre au Mazarin, et ce très volontiers. On garde fort bien les portes [23] et prend-on force espions et gens portant lettres. Messieurs du Parlement et de la Ville travaillent jour et nuit incessamment pour le salut public : arrêt se donne portant commandement à tout capitaine, lieutenant ou soldat de se retirer à 20 lieues loin de Paris ; défense aux villes de donner hommes, canon, ni aucun autre secours pour le parti mazarin ; [11] la Bastille, [24] sommée de se rendre, battue et enfin, rendue au Parlement qui en a donné le gouvernement à M. Deslandes-Payen, [25] conseiller de la Grand’Chambre et prieur de la Charité-sur-Loire, [26] qui est un homme de grand esprit, de ruse et de service, de plume et d’épée. Son lieutenant dans la même place est le deuxième fils du bonhomme M. de Broussel, conseiller de la Grand’Chambre, qui est un vaillant garçon et qui a eu charge par ci-devant aux armées. [12][27] Le mercredi 13e de janvier, M. le duc de Beaufort [28] arriva à Paris, [13] qui doit être suivi de 400 bons cavaliers. [14] Le jeudi 14e mourut ici du matin M. Marescot, maître des requêtes, [29] fils d’un autre maître des requêtes [30] et petit-fils de Michel Marescot, [31] grand médecin, lequel mourut ici l’an 1605. [15] Ce même jour, tous les Messieurs furent assemblés pour la police, afin de donner ordre aux provisions d’une si grande ville. Je vous avertis qu’il y a une faute ci-dessus, et que le gouvernement de la Bastille a été donné au bonhomme Broussel père, conseiller de la Grand’Chambre, et la lieutenance à son fils. [16] Voyez comment vont les choses du monde : il y a quatre mois et demi que Paris s’arma pour empêcher que l’on ne mît ce bonhomme prisonnier dans la Bastille, [32] et aujourd’hui mutata rerum sorte, [17] voilà qu’il en est gouverneur et qu’il y retient les autres. Il y a ici force soldats à pied et à cheval qui font des courses sur les ennemis qui paraissent ; et on apprête un grand armement pour les aller attaquer en gros où ils seront, où M. de Beaufort et le maréchal de La Mothe-Houdancourt ont bien envie de bien faire et de se faire paraître. [18] La reine [33] voyant que M. de Longueville était contre elle, a donné son gouvernement de Normandie à M. le comte d’Harcourt [34] qui y est allé pour y être reçu ; mais Rouen [35] lui a fermé la porte et ne l’a pas voulu recevoir. M. de Longueville ayant aussi eu avis que son gouvernement était donné, est parti d’ici le mercredi 19e de janvier assez tard et bien accompagné, et est allé droit à Lisieux et puis à Rouen où il a été bien reçu. M. du Tremblay, [36] frère du défunt P. Joseph, [37] capucin, [38] accusé d’avoir trop tôt rendu la Bastille à Messieurs du Parlement, a été condamné à Saint-Germain d’avoir la tête tranchée. [19] La reine est tellement irritée contre Paris qu’elle a chassé d’auprès d’elle Mlle Dansse, [39] qui était une de ses femmes de chambre, pour avoir voulu lui parler pour Paris ; [20] et néanmoins il y a eu de deçà quantité de gens pieux et dévots qui ont eu la hardiesse d’en écrire à la reine et de lui en remontrer la conséquence. Le Parlement lui a fait aussi des remontrances par écrit, lesquelles sont imprimées. On dit qu’elles sont bien faites et que M. le président Le Coigneux [40] en est l’auteur. [21]
On a fait ici courir depuis huit jours quantité de papiers volants contre le Mazarin, [41] mais il n’y a encore rien qui vaille ; même, j’apprends que M. le procureur général [42] en a fait des plaintes au Parlement, qui a ordonné que l’on empêchât l’impression et la distribution de ces écrits satiriques et médisants. [22] Quelques cavaliers des troupes de M. le prince de Condé [43] sont allés de Saint-Germain à Meudon [44] où, ayant trouvé quelque résistance dans le château par les paysans qui s’y étaient retirés, ils y ont joué de mainmise et en ont tué plusieurs, puis ont pillé le château. [23][45] Quelques-uns du côté de M. le Prince y sont aussi demeurés et entre autres deux capitaines qui sont fort regrettés. Nos cavaliers y furent dès le lendemain, qui se rendirent maîtres du château, qui mirent en fuite les Allemands qui y étaient, en ayant tué et pris prisonniers quelques-uns. J’apprends que l’ordinaire de Lyon ne va ni ne vient. Cela me donne de l’appréhension que les lettres du vendredi 8e de janvier ne vous aient pas été rendues ; [24] et en vérité, si cela est, je suis bien malheureux vu que dans votre paquet il y a une grande lettre pour vous de quatre pages à l’ordinaire et deux autres pour deux de vos collègues, MM. Garnier [46] et Falconet. [47] Je voudrais avoir donné une pistole et les retenir toutes trois si vous ne les avez reçues. [25] Mon Dieu, faut-il que la guerre trouble un commerce si innocent ! Je vous mandais entre autres que notre bon ami M. Hofmann [48] était mort le 3e de novembre de l’an passé, selon que M. Volckamer [49] m’en avait écrit.
Ce 25e de janvier. On garde ici soigneusement les portes et personne n’en sort sans passeport. M. de Longueville est encore en Normandie, d’où on espère qu’il emmènera bonnes troupes, son retour est ici fort souhaité. [26] Toute la cour est à Saint-Germain avec le Mazarin. M. le Prince voltige deçà et delà avec des cavaliers pour empêcher l’abord de Paris à toute sorte de marchandise ; mais pourtant cela n’empêche pas qu’il n’en vienne de plusieurs endroits, hormis de Gonesse, [50] que le pain [51] n’en vient point à cause des coureurs qui sortent de Saint-Denis ; [27][52] et jusqu’ici cela a duré, mais je pense qu’il ne durera pas encore longtemps vu que nous avons de belles troupes qui s’apprêtent à bien faire ; mais M. de Bouillon-Sedan est au lit de la goutte [53] et M. le maréchal de La Mothe-Houdancourt est au lit d’un rhumatisme. [54] Il y a en cette ville bien du pain et du blé, et beaucoup de farine aussi ; et Dieu merci, personne n’a encore crié à la faim. M. le Prince a mis bonne garnison dans Corbeil, [55] lequel jusqu’à présent nous aurait été inutile à cause du débordement de la rivière de Seine, [28][56][57] laquelle a fait ici bien du ravage, et qui a empêché le commerce et la navigation depuis trois semaines. [29] Elle commence fort à diminuer et à se resserrer dans son lit, de sorte que dorénavant, cette place nous sera nécessaire ; aussi crois-je avec grande apparence que ce sera la première que nous irons prendre, et après cela Lagny [58] afin que la liberté soit tout entière pour Paris sur les deux rivières qui la nourrissent, Seine et Marne. [30] Après cela, il faudra prendre Saint-Denis afin d’avoir aussi le pain de Gonesse pour ceux qui ont l’estomac délicat et qui y sont accoutumés. Peut-être que Dieu mettra la main à tant de désordres par la mort de quelqu’un de ceux qui fomentent et entretiennent cette guerre. La reine veut paraître à un chacun implacablement irritée et ne veut point souffrir que personne lui parle de s’adoucir ; et pour cet effet, elle a chassé de la cour une de ses femmes de chambre nommée Mlle Dansse, femme de son apothicaire, [31] et a fait mettre en prison un aumônier du roi nommé M. Bernage, [59] chanoine de Notre-Dame, [60] pour la même cause. [32] On imprime ici force libelles, qui se crient par les rues, sur les affaires du temps, tant en vers qu’en prose, en latin et en français. Il y en a plusieurs contre la personne du Mazarin, mais il y en a fort peu de bien faites. Je ne vous en garde point de copie, mais je m’attends au recueil général qui s’en fera ; à quoi déjà s’apprêtent quelques-uns de deçà, tant in‑8o qu’in‑4o. On dit que M. le duc d’Orléans, [61] Mme la duchesse sa femme, [62] Mademoiselle sa fille, [63] M. le chancelier, [64] M. d’Avaux, [65] frère de M. le président de Mesmes [66] et qui était l’an passé à Münster, [67] ne sont contre Paris que par bienséance, et non pas cruellement et furieusement acharnés comme sont la reine, M. le Prince et le Mazarin ; [33] et crois que cette affaire viendra enfin à quelque accommodement, mais ce n’est pas sitôt. Interea patitur iustus, [34] on lève ici bien de l’argent de tous côtés et personne ne sait combien ce mauvais temps durera. Néanmoins, j’espère que M. le Prince n’en sera point le maître. S’il ne lui vient bien d’autres troupes que celles qu’il a et si les princes qui sont de notre côté ne nous trompent (quod omen Deus avertat), [35][68] il y a grande apparence que l’honneur en demeurera au Parlement. Ainsi soit-il.
Tous les ouvriers de l’imprimerie ont ici mis bas, [36] il n’y a que ceux qui font des libelles qui travaillent. On avait commencé d’imprimer la table de l’Anthropographie de M. Riolan, [69] mais elle est demeurée là, aussi bien que le deuxième tome de la Géographie du P. Briet [70] dont vous avez le premier tome ; comme aussi le quatrième tome Dogmatum theologicorum du P. Petau, [71] qui sera de Incarnatione, et autres. [37] M. le procureur général s’est plaint à la Cour de l’impudence des imprimeurs [72] qui publiaient tant de méchants fatras et tant de libelles diffamatoires ; d’où s’est ensuivi arrêt qui a été publié à son de trompe par la ville, qui leur défend de plus rien imprimer sans permission de Messieurs du Parlement, mais je pense que toutes ces défenses ne les empêcheront pas d’en imprimer à mesure qu’ils en auront. [38] Et entre autres, ils ont imprimé un journal de tout ce qui s’est fait et passé depuis le mois de juin au Parlement jusqu’à présent ; [39] comme aussi la Lettre d’un religieux à M. le prince de Condé, pour l’exhorter à quitter le parti du Mazarin. L’auteur parle là-dedans comme un jésuite, mais il ne le fut jamais : c’est un gaillard qui se moque d’eux, mais qui parle bien et avec vérité ; le Mazarin est sanglé là-dedans tout du long, et très vilainement, comme il le mérite ; il me semble que c’est la meilleure pièce de tout ce qui s’est fait, mais je ne sais pas ce qui se fera à l’avenir. [40]
Ce 27e de janvier. [41] On mit hier prisonnier à la Bastille un gros et infâme partisan nommé La Rallière, [73] lequel est rudement chargé de la haine de bien du monde, aussi était-il trop superbe et insupportable. [42] On a pris aussi chez lui 100 000 écus que l’on a portés à l’Hôtel de Ville pour aider à faire la guerre au Mazarin. M. le duc de Beaufort lève ici de l’infanterie, et M. le maréchal de La Mothe-Houdancourt, de la cavalerie pour sortir en campagne dès qu’il sera fortifié, comme il se porte mieux. Il entre ici par divers endroits de la farine et du blé, qui donne du courage à tout le monde et qui réconforte merveilleusement ceux mêmes qui naturellement n’en ont guère.
Depuis trois semaines que nous sommes en guerre et menacés de famine, rien ne m’a tant fâché que le regret que j’avais que ma lettre à vous adressée du 8e de janvier ne fût perdue ; mais Dieu merci, je suis tout consolé puisque vous l’avez reçue, comme je reconnais par la vôtre datée du 19e de janvier, laquelle j’ai reçue dix jours après justement ; sed quocumque inter illas moras ineit. [43] Je vous assure qu’elle n’a pas été ouverte. [74] Pour le désir que vous me témoignez avoir de me tenir dans votre cellule de méditation, je vous en remercie de toute mon affection. Ce n’est pas que je ne voulusse bien y être, à cause de vous, ut possem mutuas audire et reddere voces, [44][75] mais je pense que notre guerre ne nous fera pas fuir si loin. Nous sommes bien les plus forts, et le serons de jour en jour davantage par l’adjonction des parlements et des provinces qui envoient ici leurs députés. Je vous prie de me mander quelle somme d’argent je vous dois pour tout ce qu’avez envoyé pour moi à M. Volckamer depuis un an, afin que je les mette avec les autres dont je vous suis débiteur et que je m’en acquitte. Il y a trois tomes de Conseils de Baillou [76] en comptant le troisième qui n’est achevé que depuis deux mois (j’en ai mis un à part dans votre paquet pour vous) ; si en désirez quelque chose de deçà, vous n’avez qu’à commander. [45] J’ai céans les trois tomes de Novarinus, Omnium scientiarum anima, dont je fais état plus que de tout ce qu’a écrit cet auteur, qui en a fait beaucoup d’autres. [46][77] Pour ce Fabri [78] de Castelnaudary, [79] c’est un pauvre souffleur, comme vous dites. [47] M. Jost [80] n’a encore rien reçu de Lyon. Viros dignissimos et suavissimæ recordationis, D.D. Gras, Garnier et Falconet, officiosissime resaluto. [48][81][82][83] Je suis bien aise que le Perdulcis [84] soit achevé à Lyon ; je vous prie de m’en acheter un en blanc et de me l’envoyer à la première commodité. [49] Le premier médecin [85] est aussi fort empêché que pas un : son argent est en grand nombre entre les mains des partisans qui sont aujourd’hui en fort mauvais état ; joint qu’il est en état de sauter aussitôt que pas un, puisqu’il n’a jamais été colloqué en ce trône que par le Mazarin qui ne tient plus qu’à un filet, et qui aura bien de la peine à revenir de si loin. M. Bouvard [86] est ici fort vieux, âgé de 78 ans, hors du tracas du monde et de l’ambition, qui va à la messe et au sermon, et au coin de son feu. [50] Nous avons ici le bonhomme M. Nicolas Piètre [87] fort malade, il a été saigné douze fois d’un rhumatisme, utinam tandem convalescat. [51] M. Citois [88] est encore ici, fort vieux, pene cæcus, [52] mais très riche. Il y a longtemps que j’ai lu le passage de M. de Saumaise [89] de colica Pictavica, [53][90] et pense être le premier qui l’aie découvert de deçà. J’en donnai avis dès ce temps-là à M. Riolan, qui l’a réfuté dans son Anthropographie : in eo loco nugatur Salmasius, [54] et ne sait ce qu’il dit ; mais cet homme est si âcre qu’il n’est jamais bien s’il ne mord quelqu’un. Je suis bien aise qu’on ait imprimé grec et latin Ocellus Lucanus, [91] je l’achèterai dès qu’il sera ici ; c’est un vieux philosophe pythagoricien qui vivait devant Aristote. [55][92] Pour < les > Opera omnia Spigelii, [93] je pense que c’est celui de Hollande, que j’ai céans et lequel m’a coûté trois pistoles en blanc. [56] J’ai aussi la Physique de votre Albertus Kyperus, [94] qui est un Polonais qui professe la médecine en Hollande. Il a fait un autre livret intitulé Methodus discendi et docendi medicinam, qui ne vaut guère mieux que rien. [57] Mon fils [95] répondit hier de sa première quodlibétaire. [96] Je suis ravi de ce qu’il contenta la Compagnie. Je vous envoie six de ses thèses, dont voici la conclusion : Ergo sunt ridicula, commentitia et chimærica chimicorum principia. [58]
Ce 29e de janvier. On a mis de nouveau dans la Bastille un autre célèbre partisan et gros maltôtier nommé Launay-Gravé, [97] lequel est fort chargé de la haine publique ; je pense qu’il n’en sortira point qu’il ne lui en coûte bon. [59] Plusieurs donnent ici avis au Parlement de divers endroits où il y a de l’argent caché, lequel servira à faire la guerre ; et la grasse récompense qu’on leur donne pour leur droit d’avis incitera beaucoup d’autres à en faire de même par ci-après. [60] On a pris chez M. Galland, [98] secrétaire du Conseil, 25 000 livres ; chez M. Pavillon, [99] aux Marais du Temple, [100][101] 100 000 écus qui venaient de Bordeaux. [61] On a pris aux gabelles 250 000 livres. [62][102] On en a cherché dans la maison de Mme de Combalet, [103] où on a trouvé de fort belles caches mais plus d’argent ; on a grande espérance de trouver ailleurs tant de celui du cardinal Mazarin que du défunt Richelieu. [63][104] L’avis avait été donné qu’on en avait caché en la pompe, qui est la maison où est la Samaritaine [105] sur le Pont-Neuf. [106] On y a bien cherché, mais on n’y a rien trouvé ; on croit qu’il en a été enlevé depuis un mois seulement et qu’il a été emmené par eau à Saint-Germain où de présent, sont tous ceux à qui il peut appartenir. [64] On se réjouit ici des bonnes nouvelles qui nous viennent de Provence [107][108] et de Bretagne [109][110] où les parlements tiennent le parti du nôtre. On en croit autant de Toulouse [111] et de Bordeaux, [112] combien qu’on en ait eu aucune nouvelle à cause que les courriers en ont été divertis, arrêtés et menés à Saint-Germain. [65] Tout le monde est ici en une merveilleuse résolution contre le Mazarin ; et combien que le pain y soit cher, [113] néanmoins personne n’y gronde, pas même le petit peuple, si ce n’est quelque petit hobereau de partisan (car les gros s’en sont envolés), encore faut-il que ce soit en cachette ; [66] ou bien ce sont des gens qui ont peur de la justice, de la force ou de la constance du Parlement, dans lequel tous les membres sont merveilleusement bien unis et bien résolus. Les sages de deçà, qui sont les plus modérés, espèrent que cette grande affaire se pourra enfin terminer par un accord ; et c’est ce que je souhaiterais de tout mon cœur, mais je n’oserais l’espérer, tant par l’obstination et la méchanceté des uns que par la force et la bonne opinion des autres. Ceux de deçà ont grande espérance en M. de Longueville qui est allé en Normandie s’assurer de Rouen et nous y ménager des autres, tandis qu’il nous a ici laissé de bons otages, savoir son fils aîné et Madame sa femme, laquelle est ici accouchée le jeudi 28e jour de janvier, jour dédié dans l’almanach au bon roi Charlemagne, [67][114] d’un second fils qui a été baptisé et nommé Charles Paris de Longueville, [115] comte de Saint-Pol. [68] Son parrain a été M. le prévôt des marchands, président Le Féron, [116] et les quatre échevins, [117] au nom de la Ville de Paris. La marraine a été Mme la duchesse de Bouillon, [118] femme d’un de nos généraux, qui est encore au lit malade de la goutte. [69] Nos bourgeois font merveille de bien garder les portes et d’empêcher que bien des gens n’en sortent, qui voudraient bien avoir la clef des champs. On a trouvé des caches d’argent en divers endroits de la ville, et chez des particuliers et des moines, tant d’argent que de vaisselle d’argent ou papiers d’importance appartenant aux partisans. Messieurs du Parlement font merveille pour apporter de la diligence à tous ces désordres ; [70] toute la ville est fort unie contre le Mazarin et espère que, Dieu aidant, nous en viendrons à bout. Cette guerre vient des jésuites [119] qui ont permis à tout le monde de prêter de l’argent aux partisans au denier dix ou douze ; et puis des partisans qui ont prêté au roi si haut que le roi même en est aujourd’hui insolvable et qu’il faut qu’il fasse banqueroute. La tyrannie et les voleries du Mazarin ont fait le reste. Et voilà le temps auquel Dieu nous a réservés.
Le dimanche 7e de février, M. le duc d’Orléans et M. le prince de Condé ont ramassé des troupes pour le Mazarin et sont venus coucher au Bois de Vincennes. [120] Le lendemain lundi de grand matin, ils campèrent entre Paris et Charenton, [121] pendant quoi 2 000 hommes des leurs furent attaquer Charenton. [71] Ceux qui étaient dedans se défendirent merveilleusement et enfin, les ennemis y entrèrent du côté du prêche. [72] Nous y avons perdu 140 hommes, les mazarinistes plus de 400 ; [73] et entre autres dix capitaines ou lieutenants du régiment de Navarre [122] et un autre grand seigneur, duquel la mort a fort affligé tous les chefs, savoir M. de Châtillon, [123] fils du feu maréchal, [124] lequel avait épousé la fille de feu M. de Bouteville, [125] qui eut ici la tête tranchée l’an 1627. [74][126][127] Le prince de Condé a pris un village que nous reprendrons, y a perdu six fois plus que nous et son meilleur ami, M. de Châtillon, pour lequel racheter il donnerait mille Charentons. Si la guerre continue, bien d’autres y périront. On parle ici que le traité de la paix d’Espagne s’avance. Je voudrais qu’elle fût déjà faite, elle nous sera autant et plus avantageuse qu’au parti du Mazarin. Les capucins qui ont été députés et envoyés pour enterrer les corps morts de Charenton y en ont trouvé cent et quatre, dont il y en a quelques-uns du lieu même, qui ont fait merveille de se bien défendre ; quelques-uns aussi du côté du prince de Condé qui y furent tués après l’assaut, la grande tuerie n’ayant été que depuis qu’ils furent entrés dans le village ; et même, M. de Châtillon n’y fut tué qu’une demi-heure après, de deux coups de pistolet qui tous deux furent mortels. M. de Clanleu, [128] qui était dedans, y fut tué en défendant une barricade et eut encore plusieurs coups après sa mort, d’autant qu’il avait tué d’un coup de pistolet dans la tête celui qui lui avait offert quartier. [75] La prise de cette place est provenue de la faiblesse de nos gens et du peu de résistance qu’ils firent au régiment de Navarre qui voulut le premier entrer dans Charenton. Nos gens épouvantés en cette première attaque, laquelle fut forte, s’enfuirent par le pont de Charenton [129] vers Créteil [130] et Villeneuve, [76][131] et ainsi abandonnèrent ce misérable village au gouverneur assisté d’environ 300 soldats seulement et de quelques paysans. [77] Dès que M. de Châtillon se vit blessé, il fut reporté au Bois de Vincennes où était M. le Prince qui pensa s’en désespérer, se tirant les cheveux et faisant d’horribles imprécations, ce qui m’a été rapporté par le chirurgien même qui le pansa le même jour. M. le Prince coucha la nuit suivante au dit Bois de Vincennes et n’en partit que le lendemain à dix heures du matin, comme il vit M. de Châtillon tourner à la mort ; lequel Châtillon dit à M. le Prince en présence de plusieurs seigneurs qu’il mourait son serviteur, mais qu’il le priait de lui permettre qu’il pût lui recommander trois choses avant que de mourir, dont la première était de quitter au plus tôt l’infâme parti du Mazarin, qui n’était qu’un fripon et qui ne méritait point l’assistance d’un si grand prince ; la deuxième, que sa femme était grosse et que si c’était un fils, [132] qu’il < le > lui recommandait ; [78] la troisième, qu’il quittât la vie infâme et scandaleuse qu’il avait menée jusqu’alors. La reine avertie de la prise de Charenton en témoigna grande joie, et principalement lorsqu’on lui dit qu’il y avait eu 600 Parisiens de tués, [79] combien qu’il n’y en eût pas un, ceux qui y ont été tués étant de l’infanterie du prince de Conti, de M. d’Elbeuf, qui furent abandonnés de leurs compagnons, lesquels s’ils n’eussent pris la fuite eussent pu ruiner l’armée du prince de Condé ; lequel a fait rompre deux arches du pont de Charenton et l’a abandonné, n’ayant point assez de gens à le garder. On a pensé à faire refaire ce pont, mais de peur qu’il ne servît une autre fois à nos ennemis, combien qu’il pourrait être refait en trois heures, ils ont délibéré de le laisser ainsi et au lieu d’icelui, de faire un pont de bateaux qui servira à amener à Paris tout ce qui viendra de Brie par la rivière de Marne ou de Brie-Comte-Robert [133] où il y a bonne garnison et beaucoup de provisions que l’on nous envoie à chaque moment. [80] La nouvelle de la mort de M. de Châtillon a fort troublé toute la cour, qui est à Saint-Germain. Tous les seigneurs le regrettent et toutes les dames crient si haut que c’est pitié. [81] Depuis ce temps-là, le Mazarin ne s’est plus montré, latet abditus, [82][134] il demeure caché dans le cabinet de la reine de peur d’être tué ou massacré par quelqu’un de ceux qui détestent la guerre, dont le nombre n’est pas petit en ce pays-là. Mme de Châtillon et sa mère, Mme de Bouteville, [135] disent qu’elles le tueront et écorcheront puisque les hommes ne s’en défont point. [83] Par ci-devant, il se montrait et faisait bonne mine, maintenant il ne paraît plus, il est devenu invisible. On a pris un autre conseil [84] pour le fait du pont de Charenton, il a été raccommodé et de plus, on y a fait un pont-levis bien fort que l’on abattra quand on voudra. On y a aussi remis une autre garnison et un autre capitaine, à la place du sieur de Clanleu qui était un vaillant homme, mais malheureux ; qui néanmoins eût fait merveilles en la défense de cette place s’il n’eût été abandonné par de lâches coquins qui faisaient partie de la garnison.
Ce samedi 13e de février. M. le duc de Beaufort continue de faire ici des merveilles pour aller contre les ennemis et nous faire venir des convois. [85] Toutes les femmes de Paris ne jurent que de par lui ; et à dire vrai, nous lui avons grande obligation, aussi bien qu’à M. le maréchal de La Mothe et au marquis de La Boulaye qui sont des gens hardis et valeureux. Ce dernier a fait entrer ce matin par la porte de Saint-Jacques 280 charrettes chargées de blé et de farine qui avaient été ramassées à Étampes [136] et à Châtres, [86][137] et qui venaient encore de plus haut, c’est-à-dire de la Beauce et du Gâtinais, et même de par delà Chartres. [138] Il se présenta hier à la porte de Saint-Honoré un héraut d’armes de la part de la reine. [87] Le Parlement ne voulut pas qu’il fût admis dans la ville, la coutume n’étant pas d’envoyer des hérauts qu’aux souverains, aux ennemis ou aux rebelles. [88] Le Parlement ne voulant passer pour aucun des trois, non plus que les princes qui tiennent ici notre parti, qui avaient été appelés au Conseil en Parlement, le héraut fut averti qu’il n’entrerait point ; et en même temps, il fut ordonné par la Cour que Messieurs les Gens du roi se transporteraient à Saint-Germain pour faire entendre à la reine les raisons pour lesquelles le héraut qu’elle a envoyé n’a pas été admis ; avec défense à eux de faire aucune autre proposition à la reine, de paix ni de guerre. Messieurs les Gens du roi sont allés parler au dit héraut, mais ils n’ont pas voulu partir sans passeport, sauf-conduit et assurance ; pour quoi obtenir, ils ont sur-le-champ écrit à M. le chancelier et à M. Le Tellier, [89][139][140] secrétaire d’État, < lettre > qu’un nommé Petit, compagnon du dit héraut, s’est offert de porter en leur nom à Saint-Germain et de leur en rapporter réponse s’il en était chargé. En attendant quoi, on a mis prisonnier dans la Conciergerie, [141] dans la tour de Montgomery (qui est le lieu où on met les plus criminels et où autrefois Ravaillac [142] a été resserré), [90] un nommé le chevalier de La Valette, [143] bâtard de feu M. d’Épernon [144] (qui a par ci-devant été général des Vénitiens et qui pensa y demeurer pour le violent soupçon que ces Messieurs eurent de son infidélité). [91] Il a été pris et arrêté le soir par les bourgeois jetant des billets dans les rues et les boutiques, tendant à exciter sédition dans la ville parmi le peuple. [92]
Ce 15e de février. Il nous est aussi arrivé des bateaux de blé par la rivière, qui n’ont été chargés qu’au-dessus de Charenton et qui viennent de la Brie. Dieu merci, quandoquidem dies mali sunt, [93] nous aurons du pain, de la farine et du blé. Mais en récompense, nous avons aussi bien des traîtres : on a surpris un homme près d’ici, sur le chemin de Saint-Germain, chargé d’environ 40 lettres où entre autres il y en avait quatre qui décrivaient tout ce qui se fait et se passe à Paris fort exactement ; et entre autres une, laquelle est d’un conseiller de la Cour qui ne se peut deviner, mais qui néanmoins est fort soupçonné et en grand danger d’être découvert, qui donnait divers avis fort importants à M. le prince de Condé ; on fait ce qu’on peut pour en découvrir l’auteur. [94] M. le prince de Condé a écrit une lettre à M. de Bouillon (laquelle il a envoyée sans l’ouvrir au Parlement) par laquelle il lui mande qu’il fera à tous les prisonniers qu’il prendra pareil traitement que Paris fera au chevalier de La Valette, lequel, ce dit-il, n’a rien fait que par ordre et commandement du roi à qui tous ses sujets doivent obéir. Il n’est pourtant pas prisonnier de guerre, il est criminel dans le parti qu’il a choisi et auquel il s’est obligé par serment de fidélité ; et néanmoins, on a sursis son exécution de peur d’irriter ce prince qui est déjà assez fougueux et qui fait avec trop de cruauté sentir sa rage et sa furie à ceux d’ici alentour, et surtout aux paysans et aux églises, desquelles on emporte tout, hormis les calices d’étain. On a néanmoins jugé de bonne prise tout ce qui avait été saisi chez ledit chevalier de La Valette, savoir quelque argent, bagues, joyaux et diamants avec deux coffres pleins de vaisselle d’argent qu’on a mis en garde en l’Hôtel de Ville. Il vient ici une grande quantité de blés et de farine de tous côtés, hormis par les portes de Saint-Denis [145][146] et de Saint-Martin [147][148] à cause de l’empêchement que la garnison de Saint-Denis y apporte ; [95] mais Dieu merci, il en vient bien d’ailleurs en récompense, ce qui confirme merveilleusement nos bourgeois dans le dessein de résister aux menaces de la reine et du prince de Condé ; et de se bien tenir étroitement et courageusement unis à la défense de Messieurs du Parlement, lesquels Messieurs sont ici fort loués d’avoir empêché que le héraut envoyé par la reine n’entrât dans la ville, duquel le dessein était d’émouvoir sédition, s’il eût pu, du peuple contre le Parlement ; et en cas que le peuple se fût remué pour le héraut (ce qui était impossible, tant est ici grande et forte l’union et la concorde de tout le monde), le chevalier de La Valette se fût rendu le chef de ces séditieux ; mais ces bonnes gens-là prenaient bien mal leurs mesures, vu que si la sédition eût tant soit peu commencé, le héraut et le chevalier, et leurs complices n’eussent guère manqué d’être aussitôt assommés, la ville étant tout armée de tous côtés et les chaînes tendues partout. Le mardi gras, [149] 16e de février, Messieurs les Gens du roi, Talon, [150] Bignon [151] et Méliand, ont reçu le passeport, l’assurance et le sauf-conduit qu’ils avaient demandés pour aller à Saint-Germain y voir la reine, comme je vous ai dit ci-dessus ; et sont partis à cet effet et à cette intention le lendemain, mercredi des Cendres, de grand matin ; et en sont revenus le lendemain jeudi à quatre heures au soir. [96] Tandis qu’ils ont été là, les Messieurs du Parlement et les princes ont fait arrêter deux évêques prisonniers, savoir Boutault, [152] évêque d’Aire, et Cohon, [153] évêque de Dol en Basse-Bretagne qui par ci-devant était évêque de Nîmes. [97][154] Ils ont aussi décrété prise de corps contre un dangereux pendard de partisan nommé de Laulne, [155] conseiller au Châtelet, et les deux frères Tambonneau, [156][157] l’un président des comptes et l’autre conseiller de la Cour, < qui > se sont sauvés de peur d’être arrêtés, sachant bien qu’ils sont découverts et que leur mine est éventée. [98] Leurs lettres qu’ils envoyaient à Saint-Germain ont été arrêtées, apportées et lues en plein Parlement. Ils mandaient par ces lettres au Mazarin qu’il se gardât bien de rien accorder de deçà, que nous étions à la veille d’une grande sédition, que tout y était si cher que Paris ne pouvait pas résister encore huit jours, et plusieurs autres faussetés. Ne voilà pas de malheureux pendards, gens de cette qualité et dignité se faire espions d’un maraud étranger, bateleur, comédien et insigne larron, et principalement en ce temps ici, auquel ses affaires sont réduites à un déplorable état ! Vendre et trahir sa patrie et son parti pour un faquin italien qui n’est bon qu’à être châtré et à être pendu, ut iis partibus quibus peccavit puniatur ! [99] On dit que s’il est obligé de sortir de France (comme j’espère qu’il sera en bref), qu’il n’ira pas à Rome où il aurait aussitôt le pape [158] pour ennemi et pour juge, d’autant qu’il a fait autrefois mourir, c’est-à-dire tuer et massacrer, un des neveux du cardinal Pamphilio qui est aujourd’hui Messer Papa Innocentio x ; [100] mais que pour éviter cet orage, il ira plutôt à Venise [159] où il a de l’argent et de bonnes nippes qu’il a envoyées par ci-devant, avec lesquelles il se défendra comme frère Jean [160] fit dans le Rabelais, [161] avec le bâton de la croix, [162] contre les ennemis qui vendangeaient le clos de Seuillé. [101] On dit néanmoins que quand il sera à Venise, le pape le maltraitera aussi et le décardinalisera, et même peut-être qu’ensuite il le fera assommer. [102] Et ceux qui connaissent ce coyon sicilien disent que cela bien considéré lui fera prendre résolution de s’en aller plutôt en Turquie, et que là il se fera circoncire pour y être aussi mauvais turc qu’il a été de deçà mauvais chrétien et malheureux politique ; et qu’il fera mieux pour sa sûreté particulière de se fier au Grand Turc ou à son muphti [103] qu’au pape de Rome ou au cardinal Panciroli, [163] qui est aujourd’hui le grand gouvernant du papat, et le grand et invétéré ennemi du Mazarin. S’il ne va ici ou là, au moins fût-il à tous les diables, unde malum pedem attulit, sæculi sui incommodum, et nebulo pessimus. [104][164]
Ce jeudi 18e de février. On fait ici tous les jours quelque pièce nouvelle contre lui, sérieuse, ridicule, bouffonne, bonne, mauvaise. Tenet insanabile cunctos scribendi cacoethes. [105][165] Je vous enverrai par ci-après, quand Dieu nous aura fait le bien d’ôter tant d’obstructions qui sont sur les chemins, et restituta meatuum libertate, [106] les bonnes pièces ; je prie Dieu que ce soit bientôt. Je vous prie en attendant, d’assurer MM. Gras, Falconet et Garnier, Ravaud [166] et Huguetan, [107][167] que je suis leur très humble serviteur, fourni, Dieu merci, de farine, de pain ou de blé pour plus d’un mois, pour moi et pour ma famille, avec du vin, de l’argent et autres provisions pour bien plus longtemps ; et que, combien que je sois dans une ville bloquée et à demi assiégée, que je n’ai pourtant, Dieu merci, besoin ni disette quelconque, præterquam amoris vestri et bonæ mentis, [108] afin que je puisse toujours reconnaître l’obligation que je vous ai à tous, et principalement et particulièrement à vous, Monsieur, qui familiam ducis amicorum meorum. [109] Je ne doute point que le Sennertus [168] ne roule toujours sous vos auspices ; [110] je souhaite qu’il soit bientôt fait et que nous ayons encore bien plus tôt la paix.
Ce vendredi 19e de février. Messieurs les Gens du roi ont rapporté à la Cour qu’en vertu du passeport qui leur avait été envoyé, ils s’étaient acheminés à Saint-Germain avec l’escorte de la part de la reine ; que partout ils avaient été très bien reçus, et sur les chemins et là ; et même par la reine, laquelle leur témoigna qu’elle ne voulait aucun mal au Parlement de Paris, ni en général, ni en particulier, et qu’elle était prête de leur en donner de telles assurances qu’il serait possible ; et eut agréables les raisons qu’ils lui alléguèrent de ce qu’on n’avait pas reçu le héraut. M. le chancelier ayant parlé pour la reine, le duc d’Orléans et le prince de Condé firent ce qu’ils purent pour renchérir par-dessus et témoignèrent grande disposition à un accord. Messieurs les Gens du roi ayant pris congé de la reine, furent menés au lieu où ils devaient souper, auquel ils furent aussitôt visités par tous les plus grands seigneurs de la cour. Sur ce rapport, le Parlement a délibéré d’envoyer à Saint-Germain 14 députés, du Corps du Parlement, i. deux de chaque Chambre, ut fit, [111] pour donner avis à la reine que l’Archiduc Léopold [169] leur a envoyé un gentilhomme [170] avec lettres de créance, par lequel il leur mande qu’il ne veut plus traiter de la paix avec le Mazarin, sachant l’arrêt qui a été donné contre lui ; que c’est un fourbe et un méchant homme qui a éludé tous les traités de la paix que le roi d’Espagne [171] a consenti être faits par ses députés depuis trois ans avec MM. de Longueville et d’Avaux qu’il a loués avec éloge et très honorablement ; [112] qu’il ne veut traiter ladite paix qu’avec Messieurs du Parlement qu’il reconnaît être les tuteurs du roi durant sa minorité ; qu’il s’offre de traiter de la paix de France et d’Espagne, et même de les en faire arbitres ; qu’il est prêt de recevoir leurs députés s’ils veulent lui en envoyer, ou qu’il est prêt de leur en envoyer s’ils veulent les recevoir ; qu’il veut faire la même chose qu’ont faite autrefois quelques princes étrangers, qui ont remis leurs intérêts et se sont soumis au jugement de ce Parlement ; qu’il a une armée de 18 000 hommes toute prête, avec laquelle il pourrait prendre de nos villes frontières qu’il sait fort bien être très mal munies, ou reprendre celles que nous tenons d’eux ; mais qu’au lieu de tout cela, il offre de nous l’envoyer pour nous en servir contre le Mazarin et pour être commandée par tel général que nous voudrons ; que si le Parlement veut, il enverra ses députés à Paris, si mieux il n’aime que ce soit à Bruxelles [172] ou en tout tel autre lieu qu’il voudra ; que son armée ne bougera de la frontière < que > pour venir de deçà à notre secours quand nous la demanderons ; sinon, qu’elle ne bougera de là et qu’elle ne servira point à d’autres ; etc. [113] La Cour a ordonné que tout cela serait enregistré, et que copie serait tirée du registre et envoyée par les 14 députés à la reine afin qu’elle voie et connaisse quel crédit nous avons dedans et dehors le royaume. Le prince d’Orange [173] a aussi écrit à M. de Longueville, lui offrant 10 000 Hollandais soudoyés pour trois mois. [114] Le Parlement d’Angleterre [174][175] avait aussi envoyé un député au Parlement comme a fait l’Archiduc Léopold, mais il a été arrêté et mené à Saint-Germain. Vous voyez par toutes ces offres comment nous ne manquons pas d’amis et qu’il y a toute apparence qu’à la fin nous en serons les maîtres, en faisant subsister notre arrêt et chassant le Mazarin hors de la France si, pour mieux faire, nous ne le pouvons attraper. [115] Ceux de Melun, [176] se sentant trop pressés et incommodés de leur gouverneur, l’ont contraint de se retirer dans son château où, s’il fait le mauvais, ils mettront le feu ; et ont coupé la gorge à toute leur garnison. [116]
Nouvelles sont ici arrivées d’Angleterre que dans Londres s’est formé et élevé un nouveau parti, savoir des mariniers et bateliers, qui sont au nombre de 12 000 hommes, lesquels ne veulent plus souffrir de Fairfax [177] ni de son armée et veulent rétablir le roi en son trône. [117] Mais il y en a bien une autre du même pays, savoir que le roi Charles [178] y a eu la tête coupée le mardi 9e de ce mois par deux bourreaux qui étaient masqués. [118][179] L’Archiduc Léopold a écrit à Messieurs du Parlement et à M. le prince de Conti par un Espagnol député, qu’il a envoyé exprès. Il a été entendu en plein Parlement et y a proposé merveilles pour le bien des deux royaumes, pour avancer la paix et contre le Mazarin. [113] Sur les propositions de cet envoyé de l’Archiduc Léopold, la Cour avant que d’en délibérer, a arrêté d’en donner avis à la reine et a envoyé à Saint-Germain exprès pour obtenir passeport afin d’y pouvoir aller en sûreté, et a été arrêté que les députés qui iraient à Saint-Germain ne seraient plus Messieurs les Gens du roi, mais qu’ils seraient pris du corps de la Cour, savoir M. le premier président, [180] avec un président au mortier, deux conseillers de la Grand’Chambre, un député de chaque Chambre des cinq des enquêtes et deux des requêtes, c’est-à-dire onze en tout. [119] La reine, ou au moins son Conseil, a fait difficulté d’accorder et d’envoyer ce passeport, disant qu’elle voulait savoir quels seraient ces députés ; mais tout cela n’était que pour gagner temps en attendant réponse de deux députés qu’elle a envoyés à l’Archiduc Léopold ; où on croit qu’elle ni eux ne gagneront rien, vu que ledit Archiduc Léopold s’est trop fort déclaré pour nous et pour le Parlement par cet envoyé, et particulièrement contre le cardinal Mazarin ; joint qu’il a près de soi une dame pleine de persuasion, qui est Mme de Chevreuse, [181] laquelle ce Mazarin a fait exiler hors de France il y a plus de quatre ans, et qu’elle hait fortement sur toutes les choses du monde ; [120] et néanmoins, lesdits députés sont partis de cette ville le mercredi 24e de février avec les assurances requises et sont allés coucher à Saint-Germain-en-Laye pour y voir la reine. Utinam feliciter ambulent, [121] et que les remontrances sérieuses que M. le premier président va faire à la reine puissent lui disposer l’esprit à faire la paix et à ne rien porter à l’extrémité, vu que tout est perdu si elle en vient là par le mauvais conseil des méchants politiques, partisans, banqueroutiers et intéressés, du nombre infini desquels elle est assiégée. Si la guerre s’échauffe davantage, nous en aurons tant plus de mal ; mais aussi, les affaires s’irritant, il y aura beaucoup plus de danger pour la reine et sa régence, que le Parlement lui peut ôter aussi bien et à meilleur droit qu’il ne < la > lui a autrefois donnée, car la bonne dame, à proprement parler, n’en fut jamais capable. Si on en vient jusque-là par son obstination, j’ai grande peur que, de part et d’autre, nous n’ayons et ne fassions bien du mal ; et enfin sans doute, nous aurons recours à nos ennemis mêmes pour notre défense et notre conservation contre un bateleur et comédien étranger, fungum Vaticanum, [122] que ses flatteurs nous veulent faire passer pour un grand politique et un maître homme d’État, combien que sa conduite fasse bien voir le contraire.
Ce 23e de février. Tout le monde est ici merveilleusement animé contre la reine, le cardinal et M. le Prince, son défenseur et unique protecteur qui, voulant conserver dans la faveur et près de la reine ce malheureux cardinal, cause tous les désordres qui sont de deçà. On crie ici tout haut avec beaucoup d’impatience qu’il ne faut point que nos généraux temporisent davantage, que nous n’avons que faire de secours étrangers, qu’il faut aller droit et tête baissée à Saint-Germain assiéger le château dans lequel ce malheureux et maudit fourbe est enfermé, qu’il faut ramener le roi et la reine à Paris, et mettre dans la Conciergerie ce gros larron, [123] au même lieu dans lequel fut autrefois mis Ravaillac et delà, le mener à la Grève [182] pour faire un exemple à la postérité, et apprendre aux Italiens à ne plus venir ici se fourrer si aisément dans la cour et s’insinuer si finement dans les bonnes grâces de nos princesses, à la désolation et ruine totale d’un si florissant royaume ; comme pareillement voulait faire autrefois le marquis d’Ancre, [183] qui en fut à la fin très mauvais marchand avec sa femme [184] et sa suite. [124] Plût à Dieu, pour le bien commun de la France, qu’il en fût de même du Mazarin ! Hélas, que nous serions heureux ! Dii, facite ut constet regni fortuna, labare non illam videam. [125][185] Il ne m’est pas permis de dire le reste. On imprime ici tant de fatras et de libelles à chaque jour contre le Mazarin et ceux de son parti, la plupart mauvais et chétifs, que Messieurs du Parlement ont déjà pour la deuxième fois donné arrêt contre cette effroyable quantité de libelles et ont défendu à toute sorte de gens d’en imprimer aucun sans permission de deux conseillers députés à cet effet ; sed mendicum et famelicum genus ratione non ducitur. [126] Les colporteurs, crieurs de gazette et imprimeurs se garderont bien d’y obéir tant qu’ils trouveront des gens curieux de toutes ces nouveautés. On ramassera toutes les bonnes pièces, abiectis et reiectis aliis deterioris notæ, [127] desquelles on fera un volume in‑4o, ou même in‑fo [186][187] si les bonnes vont à un tel nombre, comme il pourra arriver si le mauvais temps dure. Il y en a déjà environ 150, mais je ne crois point que le tiers en mérite l’impression. Adieu, Monsieur. [128]
Tandis que le peuple et les mutins s’impatientent de la haine qu’ils ont tous très grande contre le Mazarin, les modérés et les plus sages espèrent que MM. les députés du Parlement reviendront demain de Saint-Germain, où ils sont allés saluer la reine et conférer avec elle et les siens pour trouver quelque moyen, si detur in natura, [129] d’apaiser et de pacifier tout le désordre de la guerre qui s’allume dans l’État, parmi un si grand mécontentement et presque universel de tous les bons Français. Normandie, Bretagne et Poitou nous promettent et nous offrent du secours ; [130] mais plût à Dieu que nous ne les prenions jamais au mot et que nous n’ayons jamais besoin de leurs offres.
Je suis étourdi des mauvaises nouvelles qui se débitent ici par une sotte et impertinente populace qui est capable de tout croire. La cour du roi et tout ce qu’il y a de méchants à Saint-Germain ont ici des créatures à gage qui en font courir de très fausses, quæ neque sunt usquam, neque possunt esse profecto. [131][188] Les partisans mêmes et ceux qui sont intéressés dans les prêts enragent de voir la résolution et générosité des Parisiens, qui ne veulent plus souffrir la domination des maltôtiers, et voient bien que leur bon temps est passé.
Tandis que nous souhaitons la paix, voilà une affliction particulière qui nous vient d’arriver, non pas seulement à notre Compagnie, mais même à notre ville et à la France même, par la mort de feu M. Nicolas Piètre, notre ancien, [189] qui a été un homme incomparable. Il est mort, âgé de 80 ans, le samedi 27e de février entre deux et trois, accablé d’une hydropisie [190] du poumon. Il a été un des grands personnages de son temps et plane Roscius in arte sua, vereque incomparabilis. Quiescat in Christo. [132][191] Il a été tant qu’il a vécu l’ennemi juré de la forfanterie de notre métier et de l’ignorance de ceux qui s’en mêlaient mal à propos, et surtout de la pharmacie arabesque, [192] de la chimie, [193] des empiriques, [194] charlatans [195] et autres pestes. Homme à peu de remèdes, mais bons, et hardi à les employer ; homme fort savant dans toutes les bonnes lettres, fin et rusé, stoïque et fort retiré, [133] et qui ne se souciait point de se trouver seul de son avis, non ponebat enim rumores ante salutem ; [134][196] judicieux, entier et homme fort particulier, qui ne trouvait guère son compte en la compagnie d’autrui, qui sibi soli plaudebat ; [135] qui ne s’est jamais soucié d’argent, et guère plus de cette réputation qui met un médecin en vogue et en pratique ; maluit enim esse vir bonus quam videri aut haberi. [136][197] Il laisse deux fils [198][199] avocats en Parlement, un autre, médecin [200] très savant, qui est aujourd’hui notre doyen, et quelques filles. [137]
Enfin, Messieurs nos députés sont revenus de Saint-Germain le vendredi 26e de février. Le samedi matin, ils ont fait leur rapport qu’ils avaient été très bien reçus à Saint-Germain de tous les seigneurs et princes qui y sont, et même de la reine, laquelle leur a donné audience dans son cabinet, assistée du duc d’Orléans, du prince de Condé et des quatre secrétaires d’État, [138] du cardinal Mazarin et de l’abbé de La Rivière. [201] Le premier président lui parla en peu de mots, mais fort généreusement et si hardiment que tout le monde s’étonna que la reine ne lui imposât silence. Quand il eut achevé de parler, la reine lui dit que M. le chancelier n’ayant pu se trouver à cette conférence à cause qu’il était malade, elle lui ferait savoir et entendre sa volonté par écrit, ce qu’elle fit, dont voici la substance : la reine ne refuse point un accommodement et désirant de conserver sa bonne ville de Paris à son service, contre laquelle elle n’a aucune rancune ni désir de vengeance contre aucun qui que ce soit, ni en sa charge, ni en ses biens, ni en sa vie, elle désire que Messieurs du Parlement députent certain nombre de leur corps, et ce au plus tôt, qui conféreront de la paix entre elle et Paris, en un lieu qui sera accordé et agréé de part et d’autre, à la charge que lesdits députés auront tout pouvoir de conclure sur-le-champ de tous les articles sans qu’il soit besoin d’en rapporter à la Cour, et tout cela pour avoir tant plus tôt fait ; à la charge que dès le jour même que la Cour de Parlement aura accordé et nommé les députés pour ladite conférence, elle ouvrira un passage par lequel il viendra du blé et autres provisions suffisamment pour Paris. [139] Voilà ce qui fut rapporté à la Cour samedi matin et la délibération fut remise au même jour après-midi, à la charge que Messieurs les princes de notre parti y seraient appelés ; mais rien ne fut conclu ce jour-là, lesdits sieurs princes ayant témoigné que cette délibération ne leur plaisait point, et le tout fut remis au lendemain dimanche ; [140] auquel fut conclu que députés seraient nommés selon l’intention de la reine, etc. ; [141] savoir : deux présidents de la Grand’Chambre, M. le premier président et M. le président de Mesmes, et deux conseillers, savoir MM. de Longueil [142][202] et Ménardeau ; [143][203] des cinq chambres des enquêtes, MM. de La Nauve, [144][204] Le Cocq, [145][205] Bitault, [146][206] Viole [147][207] et Palluau ; [148][208] pour les deux chambres des requêtes, M. Le Fèvre ; [209][210] du Corps des maîtres des requêtes, M. Briçonnet ; [149][211] de la Chambre des comptes, MM. Paris [212] et Lescuyer ; [150][213] de la Cour des aides, [214] le premier président et deux conseillers ; [151] du Corps de la Ville, M. le prévôt des marchands et un échevin, [215] etc. [152] Tous ces Messieurs sont partis de Paris le jeudi 4e de mars avec les passeports et escortes nécessaires, et sont allés à Rueil. [216] Dieu leur doint de leur voyage bon conseil et fin de la guerre. [153] Un échevin est en même temps allé à Corbeil pour faire venir du blé de deçà, 100 muids par jour à compter du jour de la députation arrêtée, selon la promesse de la reine. [154] On dit, mais je n’en suis pas certain, que dès que la conférence sera un peu avancée, la reine nous donnera la liberté de tous les passages. J’oubliais à vous dire que le jour que Messieurs du Parlement furent à Saint-Germain parler à la reine, il y eut après une grande conférence entre MM. le duc d’Orléans et le prince de Condé avec M. le premier président et M. de Mesmes, eux quatre seuls, et que ces deux présidents défendirent si vivement et si généreusement le procédé de Messieurs du Parlement et de la Ville de Paris que ces deux princes en furent tout étonnés et confus. Dieu sait combien furent là dites de bonnes choses, et des plus fines, et comment l’on fit connaître à ces Messieurs du sang royal qu’ils avaient encore plus de besoin des bonnes grâces du Parlement que toute la France n’avait du Mazarin. La reine avait mandé au maréchal de Rantzau [217] qu’il vînt ici avec des troupes. Il avait refusé de ce faire, alléguant qu’il était nécessaire en son gouvernement de Dunkerque. Du depuis, on l’a mandé lui-même sans troupes, et est venu. Dès qu’il a été arrivé, on lui a donné des gardes, et a été examiné par M. le chancelier ; et en même temps, on a dépêché un certain M. de Palluau, [218] créature du Mazarin, prendre possession du gouvernement de Dunkerque. [155] C’est lui à qui on avait donné le gouvernement d’Ypres [219] et qui auparavant, avait celui de Courtrai, [220] qu’il perdit avec la ville au commencement du siège d’Ypres. Il a un frère, maître de chambre du cardinal Mazarin.
Le 3e de mars fut ici enterré Mme Guillemeau, [221][222] la mère du médecin, [223] âgée de 91 ans. Elle était native d’Orléans [224] et fille de M. Malartin, [225][226] qui était secrétaire de l’amiral de Châtillon, [227] au siège d’Orléans lorsque François de Guise [228] fut tué par Poltrot, [229] l’an 1563. [156] Je n’ai jamais vu femme avoir tant de force de corps et d’esprit.
Ce 6e de mars. Nos députés sont à Rueil où ils confèrent de la paix avec M. le duc d’Orléans et M. le prince de Condé, M. le chancelier, M. d’Avaux, frère du président de Mesmes, M. le maréchal de La Meilleraye [230] et l’abbé de La Rivière ; [157] on dit que le maréchal de Villeroy [231] n’y est point. On dit que le maréchal de Turenne commencera à venir de deçà et croit-on, qu’il se joindra avec M. de Bouillon, son frère, et tout ce qu’ils pourront ramasser de force et de malcontents pour faire un corps d’armée, pour tâcher d’obliger la reine de leur rendre leur principauté de Sedan. [158][232] [Comme le comte de Grancey, [159][233] accompagné de quelques cavaliers, s’en allait en sa maison vers le pays du Maine, il fut découvert par quelque compagnie de cavalerie conduite par le baron des Essarts [234] qui bat la campagne en ce pays-là (sous l’autorité de M. de Vendôme), [160][235] qui l’a pris et retenu prisonnier, et mené à Verneuil-au-Perche. [161][236] On croit que delà on le mènera sous bonne garde à Rouen, où il est en danger d’avoir la tête tranchée, tant pour diverses méchancetés qu’il a commises que pour divers maux qu’il a fait souffrir à cette province, de laquelle il est issu, de la Maison de Médavy. Ce comte était un des premiers hommes de guerre du prince de Condé, chargé de beaucoup de forfaits et de beaucoup de haine, magnus bellator, magnus peccator. [162] Cette prise est de grande importance, il est gouverneur de Gravelines, [237] eoque nomine [163] on dit qu’il mérite d’avoir la tête coupée pour quelque menée qu’il a faite en Flandres, [238] s’il était à Saint-Germain prisonnier entre les mains de la reine et de M. le chancelier.] La nouvelle de la prise du comte de Grancey est fausse, combien qu’elle ait été mandée au prince de Conti. [164]
Le lundi 8e de mars a été lue en plein Parlement la lettre que M. le maréchal de Turenne a envoyée à M. le prince de Conti ; ensuite de laquelle ledit prince ayant prêté serment de fidélité pour ledit sieur maréchal, arrêt a été donné de jonction avec lui ; et en même temps un autre arrêt qui a cassé celui qui a été donné depuis peu à Saint-Germain contre ledit maréchal de Turenne, par lequel il avait été déclaré criminel de lèse-majesté pour n’avoir pas voulu venir de deçà avec son armée, pour la reine et le Mazarin contre Paris. On dit aujourd’hui qu’il vient avec 10 000 hommes et qu’il est au deçà de Metz. [239] Lui, M. de Longueville et l’armée que nous avons de deçà, étant unis ensemble, feront belle peur et bien du mal au cardinal Mazarin, et même à la reine si elle continue dans son obstination de vouloir ruiner Paris. Il vaudrait bien mieux qu’elle fût ici avec le roi afin qu’elle eût du secours de Paris et du Parlement contre tant d’ennemis qui veulent lui demander et la harceler de part et d’autre. [165] Mme la Princesse la mère [240][241][242] est à Saint-Germain, laquelle tient, avec tout le reste de ce qui est à la cour, si fort notre parti contre Mazarin que la reine lui en a fait querelle et delà, ces deux femmes échauffées sur le Mazarin se sont fait de beaux reproches l’une à l’autre. [166] On continue toujours ici d’imprimer de nouveaux libelles contre le Mazarin et tous ceux qui suivent son malheureux parti, tant en vers qu’en prose, tant en français qu’en latin. Bons et mauvais, piquants et satiriques, il n’importe, tout le monde y court comme au feu et jamais matière ne plut tant que tout ce qui se dit ou s’écrit contre ce malheureux et malencontreux tyran, fourbe, fripier, comédien, bateleur et larron italien, qui est ici en commune malédiction à tout le monde et qui n’est regretté d’aucun, si ce n’est peut-être de quelques partisans (encore n’oseraient-ils s’en vanter), lesquels voudraient bien être rétablis avec lui, vu qu’il a par ci-devant été leur grand protecteur. Mais le temps en est passé, ces voleurs publics se peuvent bien souvenir des excès du temps passé lorsqu’ils appelaient les conseillers de la Cour des mange-bœufs et des gueux de longue robe ; et ne leur reste plus pour se consoler qu’à dire tantôt, Nobis olim fulsere candidi Soles. [167][243] Je prie Dieu qu’il en extermine tellement la race qu’il ne reste de cette vermine aucun surgeon dans toute la France, et que ceux qui nous suivront et survivront ne voient rien de pareil à ce que nous avons vu touchant la volerie de ces sangsues publiques.
Ce 11e de mars. Ce jourd’hui, jeudi 11e de mars, deux choses me sont arrivées fort à souhait, desquelles je veux vous faire part. La première est que mon fils aîné a répondu aujourd’hui dans nos Écoles de son deuxième acte, qui est sa cardinale, [244] où j’ai reconnu un contentement général de tous ceux qui le sont venus entendre. Utinam tandem sit vir bonus, [168] il n’a plus que son troisième acte, lequel ne sera qu’en décembre prochain. Vous trouverez de cette deuxième thèse dans le premier paquet que vous recevrez. L’autre nouvelle est celle de la paix, [245] qu’un de nos docteurs nous est venu annoncer à nos Écoles ; et est vrai que toute la journée le même bruit a été épandu par toute la ville sur quelques lettres qui sont arrivées de Rueil où sont depuis neuf jours Messieurs nos députés, en beau nombre et tous habiles gens, qui y traitent de la paix de Paris avec Messieurs les députés de la reine, qui sont M. le duc d’Orléans, le prince de Condé, M. le chancelier, M. le maréchal de La Meilleraye, M. d’Avaux et M. Le Tellier, secrétaire d’État, créature tout à fait mazarine. [169] Tout le monde en est ici fort réjoui, et la réjouissance en a de tant plus éclaté et augmenté que ce même jour, malgré nos ennemis, il est arrivé dans Paris beaucoup plus de blé que l’on n’en attendait, et ce de divers endroits. [170] Si cette nouvelle continue demain et les autres jours suivants, tout cela ira fort bien, vu qu’aussitôt que la paix sera faite, les postes seront rétablies partout et qu’aussitôt nous aurons des nouvelles de nos bons amis de tous les quartiers de la France, ainsi soit-il, et particulièrement de vous, Monsieur, et de tout ce que nous avons d’amis à Lyon ; et entre autres vous nous manderez, s’il vous plaît, des nouvelles de Vita et philosophia Epicuri de M. Gassendi, [171][246] comme aussi du Sennertus de M. Ravaud. [110] On dit ici que ce qui dispose les esprits de Saint-Germain et de tout le Conseil du roi à se dépêcher de faire la paix sont les nouvelles qui leur viennent tous les jours des provinces, lesquelles envoient faire leurs offres au Parlement de Paris ; comme cette semaine ont fait la Champagne, le Poitou, l’Auvergne, la Saintonge et la Bretagne. [172][247] Vous savez que cela va comme le feu qui prend d’une maison à autre et qui enfin, consomme tout. Un grand seigneur de la cour dit à la reine, le 1er jour de mars, que le feu s’allumait bien plus aisément qu’on ne le pouvait éteindre et que si elle ne prenait garde à cet orage, qui n’avait été ému en France que par un homme, elle verrait en bref toute la France soulevée et révoltée, et peut-être que de sa vie elle ne verrait payer taille ; [248] qu’elle faisait guerre à Paris fort mal à propos, vu qu’elle se ruinait elle-même plutôt que Paris, qui la pouvait ruiner et même lui ôter sa régence ; et que depuis deux mois qu’elle était à Saint-Germain, elle perdait sur les entrées de Paris près de quatre millions, [249] sans la conséquence des autres provinces, lesquelles sans doute prendraient le même exemple de ne rien payer à l’avenir ; que c’était chose fort étrange que tout cela se fît pour un homme seul, étranger et haï de tout le monde ; à quoi, si elle ne mettait ordre bientôt, qu’enfin elle s’y verrait contrainte et forcée par une révolte générale de toute la France, en danger elle-même de s’en repentir tout à loisir le reste de ses jours.
Ce samedi 13e de mars. Enfin la paix a été signée de part et d’autre, c’est-à-dire par les députés de la reine et les nôtres, le jeudi 11e de mars à neuf heures au soir. [169] Le vendredi au soir, qui fut le lendemain, Messieurs nos députés revinrent de Rueil et ce même jour-là, dès midi, il y eut ici libre entrée de beaucoup de denrées qui étaient arrêtées ici alentour. La paix est avantageuse, utile et bonne pour Paris, autant qu’elle nous était nécessaire dans le mauvais état auquel nous étions ; vu qu’autrement nous en étions réduits à ce point de nous servir de divers secours appelé de loin, qui eût ici tout pillé et tout ravagé, et qui eût achevé de ruiner ce que les Allemands, Polonais et Français de M. le Prince n’avaient pas encore ruiné et détruit par leurs voleries. J’entends néanmoins que les articles de cette paix déplaisent ici extrêmement, tant à Messieurs les princes et généraux qui sont de notre parti qu’à plusieurs même de la Cour de Parlement ; si bien que nous voilà en plus grande peine que jamais, en quo discordia civis produxit miseros. [173][250] Messieurs nos généraux ne seraient pas marris que notre guerre leur durât longtemps et qu’on continuât de leur donner beaucoup d’argent comme on a fait jusqu’ici. Paris a dépensé quatre millions en deux mois et néanmoins, ils n’ont rien avancé pour nous ; ils ont mis en leur pochette une partie de notre argent, en ont payé leurs dettes et en ont acheté de la vaisselle d’argent. Ils voudraient que nous continuassions la guerre pour leur intérêt particulier, pour y faire leurs affaires et enfin former une guerre civile, très dangereuse et peut-être perpétuelle, en faisant venir l’étranger en France de plusieurs endroits, qui nous mangera encore de meilleur courage que n’ont fait les Allemands de M. le prince de Condé. Pour les malcontents du Parlement, ils disent que la paix de Rueil ne nous est point honorable, mais le roi en aura l’honneur et nous le profit. Le bourgeois impertinent et le peuple malcontent criaillent, mais ils s’apaiseront. Trois articles particulièrement déplaisent à quelques-uns ; [174] et pour cet effet, Messieurs nos députés du Parlement seulement sont retournés à Saint-Germain, [251] avec belle escorte, en faire remontrance à la reine afin d’en obtenir quelque modification, comme il y a grande apparence qu’ils obtiendront ; et même M. le premier président l’a fait croire au Parlement. [175] Et en ce cas-là, notre paix vaudra tout autrement mieux que la guerre de tous les princes, et que le secours que l’on nous a tant promis de Normandie et de Poitou, qui a trop tardé à venir. Ils ont charge pareillement de traiter de l’accommodement des princes qui ont suivi notre parti. De ces trois articles, le premier est que le Parlement en corps irait faire une séance à Saint-Germain, où le roi en personne assisterait et serait en son lit de justice, où serait vérifiée la déclaration de la paix avec tous ses articles, et datée de Saint-Germain, [176] en récompense qu’au commencement de la guerre, Messieurs du Parlement n’avaient pas obéi à la reine, laquelle voulait qu’ils allassent à Montargis. [177][252] Le deuxième est de souffrir les prêts pour deux ans au denier douze ; [178] il n’y a que ceux qui prêteront leur argent aux grands partisans qui y pourront perdre, et infailliblement y perdront, vu que le roi n’est nullement en état de payer ses dettes de longtemps, vu l’effroyable profusion qui a été faite de ses finances par tant de voleurs depuis 25 ans. Le troisième est que Messieurs du Parlement ne pourront faire le reste de cette année aucune assemblée générale dans la Grand’Chambre sur matière d’État. Mais à tous ces trois articles la solution y serait aisée et je pense que la reine, dans le désir qu’elle doit avoir de la paix, les accordera tous trois ; et autre chose même si on lui demandait. Il n’y a que le Mazarin qu’elle ne veut point laisser aller, tant elle l’aime fortement, et d’un amour qui surpasse la conjugale ; et c’est le Diable ; et in hoc versatur Deorum iniquitas, Principes nostros intelligo, Gastonem et Condæum, qui steterunt a partibus malignantium, [179][253] qui ont soutenu et défendu ce potiron du Vatican, ce larron, ce bateleur ou comédien, ce fripier, cet imposteur italien, contre leur honneur, leur patrie, et même contre une parole qu’ils avaient donnée à Messieurs du Parlement, qui n’ont rien commencé que sur la promesse qu’ils leur en avaient solennellement faite. [180] Nouvelles sont ici arrivées qu’il y a eu sédition du peuple à Tours, [254] qui a chassé les magistrats de la ville, et qu’il y a aussi une déclaration du parlement de Toulouse pour faire adjonction à celui de Paris. Un conseiller du présidial de Tours a été tué dans une émotion de la ville, et si la paix ne vient bientôt, j’ai bien peur que la sédition ne s’épande par tout le royaume. Nos députés sont encore à Saint-Germain en leur conférence pour la paix, où ils ont obtenu une abolition des trois articles de ci-dessus ; mais la paix des princes n’est pas faite ni aisée à faire, vu que leurs députés, avec ceux du parlement de Rouen et ceux de M. de Longueville, parlent bien haut et demandent bien des choses qu’il sera malaisé de leur accorder, et entre autres que le Mazarin sorte du ministériat et du royaume. [181] La surséance d’armes se renouvelle de trois jours en trois jours pour achever le traité, et m’étonne qu’il dure si longtemps. [182] J’ai peur qu’ils n’attendent du secours de quelque part en attendant, pour après nous opprimer plus aisément. Quidquid sit, timeo Danaos et dona ferentes, [183][255] combien que tous les jours et à toute heure il nous arrive du bien et de la munition, de toute sorte et de tous côtés. Les vignerons et autres marchands y apportent tout ce qu’ils peuvent, tant pour la peur qu’ils ont de la soldatesque qui ruine tout, que pour ce qu’ils ne paient ici aucune entrée ; d’où vient que ceux qui savent combien il entre tous les jours de denrées à Paris disent que la reine a perdu depuis tantôt trois mois 20 000 écus par jour pour les entrées de Paris. [184] Mais cette perte ne sera pas seule si le désordre dure plus longtemps, vu que tout le monde s’armant pour un ou pour l’autre parti dans toutes les provinces, il n’y aura personne assez hardi pour aller imposer ou lever aucuns deniers en aucun endroit ; et c’est de quoi je suis fort en peine comment la reine et Messieurs du Conseil l’entendront, et qui par ci-après pourra porter cette perte.
Ms BnF no 9357, fos 41‑46 ; Reveillé-Parise, nos cxcviii (tome i, pages 403‑410), cxcix (tome i, pages 410‑421) et cci (tome i, 427‑436) ; Triaire no clxviii (pages 635‑671) ; Jestaz no 1 (tome i, pages 357‑419).
Ce précieux journal des événements de la Fronde parlementaire et du siège de Paris n’est pas une lettre, mais un récit de 6 feuillets (entamé à la mi‑janvier, dans la lettre du 19 février, et qui se poursuit dans celles des 20 mars, 23 mars et 2 avril) . Écrit au jour le jour, il porte en marge les dates des 25, 27, 29 janvier, 13, 18, 19, 23 février et des 6, 11 et 13 mars 1649. Les communications étaient devenues irrégulières et très incertaines entre Paris et Lyon, bien qu’elles n’eussent pas été complètement interrompues. Guy Patin, inquiet sur la transmission de sa correspondance et craignant la censure, n’envoya son récit qu’après la levée du blocus de Paris, à la suite des conférences de Rueil : sa seconde lettre du 2 avril accompagnait les 3 premiers feuillets de celle‑ci ; Patin n’expédia la fin que lorsqu’il fut certain que le début était parvenu à bon port. Les politesses finales et la signature manquent, ainsi que l’inscription apposée le plus souvent par le méticuleux Charles Spon au revers du courrier qu’il recevait. Dans les éditions antérieures, ce compte rendu a été daté du 13 mars (Triaire) ou du 31 mars (Jestaz). Il s’achève sur le début des conférences de Saint‑Germain (16‑30 mars). En se fondant sur les faits relatés, la date du samedi 20 mars a été préférée, mais ce détail est sans importance puisqu’il ne s’agit pas à proprement parler d’une lettre. L’écriture des fos 44 à 46 a été postérieure au 2 avril (v. note [1], lettre 171).
V. notes [26], [27] et [28], lettre 164, pour les motifs, les préparatifs et le texte de l’arrêt de bannissement prononcé le 8 janvier 1649. Dès le lendemain, les chambres unies se mirent à l’œuvre pour collecter les fonds nécessaires à la défense de la capitale, et pour confier la direction des opérations militaires aux grands du royaume qui avaient choisi le parti du Parlement et de Paris contre celui de la régente et du cardinal Mazarin.
Maximilien Eschalart, marquis de La Boulaye (1612-1668), gendre du duc de Bouillon, frondeur des premiers jours, était alors surnommé le général des portes cochères parce qu’on lui avait donné commission de garnir la milice de Paris en recrutant valets et chevaux qui étaient au service des bourgeois « ayant porte cochère » (Pernot).
La Boulaye participa à plusieurs expéditions contre les troupes royales qui encerclèrent Paris. Devenu, semble-t-il, agent secret de Mazarin après la paix de Saint-Germain, il allait être traduit devant le Parlement pour avoir le 11 décembre 1649 fait semblant de ranimer la Fronde en agitant la populace, un pistolet à la main (v. note [21], lettre 210).
François Bouchard d’Esparbez de Lussan, marquis d’Aubeterre (1608-1683), était deuxième fils de François d’Esparbez, vicomte d’Aubeterre (mort en 1628), maréchal de France (1620), qui l’avait institué son héritier. Fait prisonnier en Allemagne par les hommes du général Gallas (1635), le marquis avait payé une rançon de 15 000 écus, le 14 avril 1639, pour revenir en France et se mettre au service du roi.
Sénéchal (bailly) en Guyenne et gouverneur d’Agenais et Condômois, il devint vicomte et fut créé maréchal de camp en 1650, puis désigné pour être chevalier et commandeur des Ordres du roi à la première promotion (1651). Nommé lieutenant général des armées du roi en Guyenne en 1652, il servit sous les ordres d’Harcourt.
Montglat (Mémoires, page 204) a ironisé sur le commandement de l’armée de Paris :
« Nonobstant tous ces beaux règlements, {a} le pain ne venait plus de Gonesse, {b} à cause des quartiers d’armée qui étaient à Saint-Denis et à Aubervilliers, commandés par le maréchal Du Plessis. Les bouchers n’osaient plus aller à Poissy, où était le régiment des Gardes ; et le chemin de Bourg-la-Reine leur était interdit par les troupes qui étaient à Saint-Cloud et à Meudon, sous le maréchal de Gramont. Les blés de France {c} et de Beauce manquaient par les mêmes raisons ; et le château de Vincennes était le passage à ceux de la Brie. Les Parisiens se trouvaient dans un grand embarras, ils ne pouvaient subsister qu’en ouvrant par force les passages ; et pour cette raison, on battait le tambour dans la ville pour lever du monde, mais ils n’avaient point de chef. À ce défaut, ils s’avisèrent que Deslandes-Payen, conseiller de la Grand’Chambre, avait dans sa jeunesse été autrefois à la guerre ; ils jetèrent aussitôt les yeux sur lui pour le faire leur général, le croyant le plus grand capitaine de son temps. Mais ils furent bientôt hors de peine de chercher des généraux car, comme il y a toujours des mécontents à la cour, il s’en présenta plus qu’ils n’en pouvaient employer.
Le duc d’Elbeuf {d} fut le premier qui se déclara. Il était fort pauvre et ruiné, et croyant faire ses affaires dans les troubles, il partit de Saint-Germain {e} pour revenir à Paris se cacher, disant qu’il était venu sans argent et qu’il en allait revenir le lendemain. Il monta à cheval devant tout le monde, accompagné des ducs de Brissac et de Roannez, {f} dont le dernier allait à la bonne foi, sans y entendre finesse : et en effet, il revint deux jours après, mais les deux premiers demeurèrent à Paris et offrirent leur service au Parlement, qui les reçut avec joie et déclara le duc d’Elbeuf général de ses armées. Le marquis de La Boulaye, qui se plaignait de ce qu’on lui refusait la survivance de la charge de capitaine des Cent-Suisses de la garde, qu’avait le duc de Bouillon-La Marck, son beau-père, prit le même parti ; et le peuple, selon son imbécillité ordinaire, se croyant à couvert de tous périls sous de si braves chefs, les suivait à la foule par les rues, criant Vive le roi, monseigneur le duc d’Elbeuf et monseigneur le marquis de La Boulaye ! et le disait à si haute voix qu’il leur persuada en effet qu’ils étaient de fort grands capitaines. »
- Déclarations velléitaires du Parlement : déclarant Mazarin criminel de lèse-majesté et exigeant son expulsion du royaume ; levant des troupes pour assurer la sûreté de Paris et escorter les convois de vivres.
- V. note [27], lettre 166.
- D’Île-de-France.
- Charles ii de Lorraine, v. note [12], lettre 18.
- Le 7 janvier.
- Artus Gouffier, duc de Roannez (1627-1696).
Armand de Bourbon, prince de Conti (Paris 1629-la Grange-aux-Près près de Pézenas 21 février 1666) était le troisième et dernier enfant de Henri ii de Bourbon, troisième prince de Condé, et de Charlotte de Montmorency ; ses deux aînés étaient Anne-Geneviève, duchesse de Longueville, et Louis, le Grand Condé. V. note [64] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii pour le précédent prince de Conti, François de Bourbon, grand-oncle d’Armand, mort sans descendance légitime en 1614.
Filleul du cardinal de Richelieu, Conti avait été destiné de bonne heure à l’Église, et reçu plusieurs abbayes et d’autres bénéfices ; mais la gloire militaire de son frère et l’influence de sa sœur avaient triomphé de sa vocation religieuse et le plongeaient dans les intrigues de la Fronde.
Marié en 1654 avec Anne-Marie Martinozzi (v. note [4], lettre 326), nièce de Mazarin, il a fondé la deuxième Maison princière de Conti, la première s’étant éteinte en 1614 à la mort de François de Conti, frère puîné de Henri ier, deuxième prince de Condé (v. note [18] du Borboniana 4 manuscrit).
Dans sa galerie de portraits de la Fronde, Retz (Mémoires, page 405) n’a pas épargné le prince de Conti :
« Je ne crois pas vous le pouvoir mieux dépeindre qu’en vous disant que ce chef de parti était un zéro qui ne multipliait que parce qu’il était prince du sang. Voilà pour le public. Pour ce qui était du particulier, la méchanceté faisait en lui ce que la faiblesse faisait en M. le duc d’Orléans. Elle inondait toutes les autres qualités, qui n’étaient d’ailleurs que médiocres et toutes semées de faiblesses. »
Le prince de Conti était gradué en théologie (Olivier Le Fèvre d’Ormesson, Journal, tome i, pages 351‑352, juillet 1646) :
« Le mardi 10 juillet, je fus en Sorbonne à la tentative de M. le prince de Conti. Il était sur un haut dais élevé de trois pieds à l’opposite de la chaire du président, sous un dais de velours rouge, dans une chaire à bras avec un retable ; il avait la soutane de tabis violet, le rochet et le camail comme un évêque. Il fit merveille avec grande vivacité d’esprit. Ce que l’on y pouvait trouver à redire, c’est qu’il insultait à ceux qui disputaient contre lui, comme soutenant la doctrine des jésuites, en Sorbonne, avec ostentation. Il y avait quantité de jésuites en bas, auprès de lui. M. le coadjuteur présidait, qui disputa fort bien et avec grande déférence. Tous les évêques < qui > s’y trouvèrent […] disputèrent découverts ; mais les bacheliers qui disputèrent étaient nue tête. Pour lui, il fut toujours couvert. M. le Prince était vis-à-vis du président, adossé contre le haut dais de son fils. […] La principale dispute fut touchant la grâce. M. le cardinal Mazarin n’y vint point. »
Journal de la Fronde (volume i, fo 11 ro et vo) :
« La nouvelle de l’arrêt du Parlement contre le cardinal ayant été sue le même jour {a} à Saint-Germain, et qu’il y avait plusieurs princes, seigneurs et gens de condition qui s’offraient, M. le prince de Conti, le duc de Longueville (la femme duquel était demeurée à Paris fort grosse) s’évadèrent de Saint-Germain ; et étant arrivés à la porte Saint-Honoré sur les deux heures du matin du dimanche, donnèrent l’alarme, en sorte qu’en un instant l’on y envoya mille hommes ; et comme l’on eut averti à l’Hôtel de Ville de leur arrivée, l’on fit assembler Messieurs de Ville qui, en ayant averti le Parlement, envoyèrent dès les sept heures MM. les président de Novion, du Blancmesnil, de Broussel et douze conseillers en divers carrosses pour savoir l’intention desdits seigneurs, qui furent conduits par une compagnie de bourgeois dans l’hôtel de Longueville. {b}
Le Parlement s’étant assemblé de relevée, {c} le prince de Conti y entra sans M. de Longueville (qui, n’étant pas reçu pair, n’a point de séance dans icelui). Ledit prince déclara que lui et ledit seigneur de Longueville s’étaient retirés de la cour, et qu’ils venaient pour assurer Messieurs de Parlement et la Ville, capitale du royaume, qu’ils voulaient servir le roi et l’État. Et ledit sieur prince s’étant offert en particulier de servir le Parlement et le peuple de Paris, M. le premier président, qui va de bon de pied pour le service du roi et de l’État, remercia de bonne sorte ledit sieur prince ; après quoi M. d’Elbeuf parla de l’honneur qu’on lui avait fait, s’étant offert le premier, de la lieutenance générale et qu’il n’estimait pas que l’on voulût changer de résolution. Alors tous Messieurs du Parlement d’une même voix l’assurèrent que l’on ne le changerait point. »
- Samedi 9 janvier.
- Sur l’emplacement de l’actuelle colonnade du Louvre, v. note [5], lettre 735.
- L’après-midi.
Journal de la Fronde (volume i, fo 11 vo) :
« Le lundi {a} au matin, le Parlement s’étant assemblé et ayant trouvé expédient de donner séance à M. de Longueville au-dessus du doyen du Parlement, le prince de Conti et le duc d’Elbeuf s’y trouvèrent, comme la duchesse de Longueville avec ses enfants, M. de Bouillon, Madame sa femme et quatre beaux-fils entrèrent dans l’assemblée avec M. de La Mothe ; {b} en laquelle il fut résolu que le prince de Conti serait généralissime de l’armée, auquel MM. de Bouillon et de La Mothe seraient donnés pour conseil, que le duc d’Elbeuf serait lieutenant général dudit prince et commanderait l’armée. M. de Longueville déclara que, pour ne donner aucune jalousie, il ne voulait accepter aucun commandement, qu’il servirait dans le conseil près du prince de Conti ; et pour assurance de sa foi qu’il donnait de servir le roi et l’État, il donnait pour gages et assurance de sa fidélité Madame sa femme et ses enfants, laquelle et eux ont été logés dans l’Hôtel de Ville de Paris, et y a couché dès la nuit passée. Le duc de Bouillon ayant voulu donner sa femme et enfants pour assurance de sa fidélité, l’on lui répondit que l’on se fiait à sa parole ; après quoi, tous ces seigneurs prêtèrent au Parlement le serment de servir le roi et l’État. »
- 11 janvier 1649.
- Le comte et maréchal de La Mothe-Houdancourt.
Jean-Louis-Charles d’Orléans (1646-1694), comte de Dunois, fils aîné du duc de Longueville (v. note [22], lettre 39) et d’Anne-Geneviève de Bourbon-Condé, duchesse de Longueville (v. infra note [9]) allait devenir duc de Longueville à la mort de son père (1663), puis abandonner ce titre en 1668 à son frère cadet, Charles Paris, pour entrer dans les ordres et se faire jésuite en 1669.
Du premier mariage (1617) de Longueville avec Louise de Bourbon-Soissons (morte en 1637, v. note [6], lettre 35) étaient nés trois enfants dont seule survivait alors l’aînée, Marie d’Orléans (1625-1707) surnommée Mademoiselle de Longueville, future duchesse de Nemours (1657).
Retz (Mémoires, pages 397-399) :
« < Longueville > offrit d’abord à la Compagnie ses services, Rouen, Caen, Dieppe et toute la Normandie, et il la supplia de trouver bon que, pour sûreté de son engagement, il fît loger à l’Hôtel de Ville Madame sa femme, Monsieur son fils et mademoiselle sa fille. {a}
[…] Comme je vis les affaires en pourparler et la salle du Palais en état de n’en rien appréhender, j’allai en diligence prendre Mme de Longueville, mademoiselle sa belle fille et Mme de Bouillon, avec leurs enfants, et je les menai avec une espèce de triomphe à l’Hôtel de Ville. La petite vérole avait laissé à Mme de Longueville […] tout l’éclat de la beauté, quoiqu’elle lui eût diminué la beauté ; et celle de Mme de Bouillon, bien qu’un peu effacée, était toujours très brillante. Imaginez-vous, je vous supplie, ces deux personnes sur le perron de l’Hôtel de Ville, plus belles en ce qu’elles paraissaient négligées, quoiqu’elles ne le fussent pas. Elles tenaient chacune un de leurs enfants entre leurs bras, qui étaient beaux comme leurs mères. La Grève était pleine de peuple jusqu’au-dessus des toits ; tous les hommes jetaient des cris de joie ; toutes les femmes pleuraient de tendresse. Je jetai cinq cents pistoles par les fenêtres de l’Hôtel de Ville ; et après avoir laissé Noirmoutier et Miron {b} auprès des dames, je retournai au Palais. »
- Anne-Geneviève, Jean-Louis-Charles et Marie.
- Robert ii Miron.
Anne-Geneviève de Bourbon-Condé (1619-1679), duchesse de Longueville depuis 1642, était la fille aînée de Henri ii de Bourbon, troisième prince de Condé (v. note [8], lettre 23), et de Charlotte de Montmorency. Elle était née dans le donjon de Vincennes où son père était prisonnier. Dotée d’une grande beauté et d’un bel esprit, elle a tenu, avec ses deux frères, Louis, le Grand Condé, et Armand, prince de Conti, une place de premier rang dans l’époque de Guy Patin.
La princesse avait été élevée au couvent des carmélites de la rue Saint-Jacques et manifestait même quelques velléités pour le voile ; mais son père avait su la soustraire à l’influence des religieuses et l’avait forcée à paraître malgré elle à un grand bal royal du Louvre (1635). Elle avait été sur le point d’épouser d’abord le prince de Joinville, l’héritier des Guises, mais il mourut en Italie (1639). Un second projet de mariage avait été concerté avec le duc de Beaufort, mais n’eut pas de suite. Enfin, en 1642, à 23 ans, Anne-Geneviève avait épousé le duc de Longueville, déjà veuf et qui en avait 47. Rien ne rachetait cette disproportion d’âge chez le duc qui continuait d’entretenir des relations absolument publiques avec la duchesse de Montbazon. Fort indifférente pour un pareil mari, Mme de Longueville vécut avec la liberté d’une veuve.
Un scandale avait éclaté en 1643 : Mme de Montbazon, pour compromettre Anne-Geneviève, avait fait circuler des lettres qui lui donnaient pour amant le duc de Coligny ; la fausseté de ces lettres avait été reconnue et l’affaire, tout en déshonorant la maîtresse du duc de Longueville, n’avait guère augmenté la considération de sa femme (v. note [14], lettre 93) ; il en était résulté un duel où le duc de Guise avait tué Coligny (v. note [20], lettre 98).
Le 28 janvier 1649, Mme de Longueville allait accoucher, à l’Hôtel de Ville même, d’un fils qu’on appela Charles Paris (v. infra note [68]). On considérait le prince de Marcillac (La Rochefoucauld, v. note [7], lettre 219) comme son père. Le 29, il fut tenu sur les fonts baptismaux par le prévôt des marchands, accompagné des échevins (v. infra note [68]).
La suite des lettres de Guy Patin a mis en scène toutes les aventures auxquelles la duchesse se trouva mêlée en tant que « sœur des princes ». Fort affectée par la mort de Charles Paris au passage du Rhin, le 12 juin 1672, elle finit par se retirer du monde pour partager sa dévotion entre le couvent des carmélites et l’abbaye de Port-Royal-des-Champs, parmi ses amis les jansénistes qu’elle soutint avec fidélité jusqu’à sa mort (G.D.U. xixe s.). Son cœur repose dans l’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas, à Paris, dont elle fut bienfaitrice.
Individuellement ou collectivement.
Le Parlement vota ces deux décisions, mentionnées dans la note [26], lettre 164, dans la crainte d’un mouvement militaire ordonné par Mazarin contre Paris.
Journal de la Fronde (volume i, fos 15 ro et vo, 12 janvier 1649) :
« Le même jourle Parlement ayant fait sommer M. du Tremblay {a} de rendre la Bastille, celui-ci le refusa à M. d’Elbeuf, qui y était entré pour cet effet ; sur quoi, il fut résolu au matin de l’assiéger, comme l’on fit l’après-dînée après lui avoir déclaré que s’il tirait sur la ville, on ne lui donnerait point de quartier, et qu’il se contentât de se défendre par l’endroit où il serait attaqué. Le marquis de La Boulaye planta une batterie dans le jardin de l’Arsenal et commença à battre la place, en sorte que le 13 au matin il y avait brèche qui obligea le gouverneur à capituler. Il promit de la rendre s’il n’était secouru dans midi du même jour ; et suivant cela, il sortit à bonne composition à une heure avec 40 ou 50 hommes, et sortirent tambour battant, enseigne déployée et balle en bouche, {b} etc. Le Parlement mit le gouvernement à la disposition du prince de Conti, qui le donna hier à M. de Broussel, dont le fils, {c} qui a été enseigne au régiment des gardes, fut fait le même jour lieutenant du gouvernement. »
- Charles Leclerc du Tremblay, gouverneur de la Bastille, et frère du P. Joseph ; v. note [19], lettre 86.
- Avec le mousquet chargé et une balle dans la bouche pour recharger plus prestement.
- Jérôme de Broussel, fils de Pierre.
Une plume anonyme a corrigé l’erreur de Guy Patin (qu’il a lui-même reconnue quelques lignes plus bas, v. infra note [16]) en rayant le passage qui va de « qui en a donné le gouvernement… » à « …fils du bonhomme M. de Broussel » pour le remplacer (en marge) par : « au bonhomme Broussel, père, conseiller en la grande [Chambre] et lui a donné pour lieutenant son fils. »
Jérôme Broussel, sieur de La Louvière (mort en 1682), lieutenant au régiment des gardes, cadet des deux fils alors vivants de Pierre Broussel, allait bientôt devenir lui-même gouverneur de la Bastille (Popoff, no 783).
Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i) :
page 632 :
« J’oubliais de mettre la contestation de M. Lefebvre et de M. Portail pour entrer le premier dans la Bastille, l’un ayant fait la garde à la porte ordinaire, l’autre du côté de la brèche, et que M. d’Elbeuf y était entré les tenant par la main, le plus ancien à droite et l’autre à gauche. On était convenu que le plus ancien y ferait garde 24 heures et l’autre 24 heures après » ;
page 630, jeudi 14 janvier, au Parlement :
« M. le prince de Conti dit que la Bastille était rendue et qu’il venait pour prier Messieurs de choisir un gouverneur, ne voulant rien faire que par leurs ordres. M. le premier président lui dit que c’était à lui d’en nommer un de la Compagnie. Sur ce, M. le prince de Conti dit qu’il croyait qu’il n’y avait personne plus capable, plus affectionné ni plus agréable à la Compagnie que M. de Broussel, et qu’il le nommait si Messieurs l’agréaient ; ce qui fut approuvé. M. de Broussel l’accepta après quelques excuses, et dit qu’il avait un fils, de la fidélité duquel il répondait. On lui dit qu’il le prendrait pour son lieutenant. »
Évadé de Vincennes le 31 mai 1648 (v. note [9], lettre 157), après y avoir été emprisonné cinq ans par le cardinal, le duc de Beaufort se vengeait en soutenant la Fronde. Quelques jours après son arrivée à Paris en ce mois de janvier 1649, il prêta serment devant le Parlement pour son titre de duc de Beaufort et pair de France.
Retz (Mémoires, pages 409-410) :
« M. de Beaufort, qui, depuis qu’il s’était sauvé du Bois de Vincennes, s’était caché dans le Vendômois de maison en maison, arriva ce jour-là à Paris et il vint descendre chez Prudhomme. {a} Montrésor, qu’il avait envoyé quérir dès la porte de la ville, vint me trouver en même temps pour me faire compliment de sa part et pour me dire qu’il serait dans un quart d’heure à mon logis. Je le prévins, {b} j’allai chez Prudhomme et je ne trouvai pas que sa prison lui eût donné plus de sens. Il est toutefois vrai qu’elle lui avait donné plus de réputation. Il l’avait soutenue avec fermeté, il en était sorti avec courage ; ce lui était même un mérite que de n’avoir pas quitté les bords de la Loire dans un temps où il est vrai qu’il fallait de l’adresse et de la fermeté pour les tenir. {c}
[…] j’avais besoin d’un homme que je pusse, dans les conjectures, mettre devant moi. Le maréchal de La Mothe était si dépendant de M. de Longueville que je n’en pouvais pas répondre. M. de Bouillon n’était pas un sujet à être gouverné. Il me fallait un fantôme, {d} mais il ne me fallait qu’un fantôme ; et par bonheur pour moi, il se trouva que ce fantôme fut petit-fils de Henri le Grand, {e} qu’il parla comme on parle aux Halles, ce qui n’est pas ordinaire aux enfants de Henri le Grand, et qu’il eut de grands cheveux bien longs et bien blonds. Vous ne pouvez vous imaginer le poids de cette circonstance, vous ne pouvez concevoir l’effet qu’ils firent dans le peuple. Nous sortîmes ensemble de chez Prudhomme pour aller voir le prince de Conti. Nous nous mîmes en même portière. {f} Nous < nous > arrêtâmes dans la rue Saint-Denis et dans la rue Saint-Martin. Je nommai, je montrai et je louai M. de Beaufort. Le feu se prit en moins d’un instant. Tous les hommes crièrent Vive Beaufort ! toutes les femmes le baisèrent ; et nous eûmes, sans exagération, à cause de la foule, peine de passer jusqu’à l’Hôtel de Ville. Il présenta le lendemain requête au Parlement, par laquelle il demandait à être reçu à se justifier de l’accusation intentée contre lui d’avoir entrepris contre la personne du cardinal ; ce qui fut accordé et exécuté le jour d’après. »
- Établissement de bains et hôtellerie à la mode.
- Je pris les devants.
- Pour y rester.
- Homme de paille.
- Henri iv.
- Du même côté du carrosse.
Journal de la Fronde (volume i, fos 15 vo‑16 ro, 15 janvier 1649) :
« Hier au matin on envoya quérir d’ici les pièces de canon qui ont été tirées du Bois de Vincennes, qui sont demeurées embourbées en chemin. Il y eut aussi hier 40 ou 50 charrettes chargées de pain de Gonnesse qui arrivèrent ici. Le Parlement a donné le palais du cardinal Mazarin à M. de La Mothe, qui y loge à présent. L’on commença hier à faire inventaire de tout ce qui est dans ce palais et dans l’appartement qu’il avait au Palais-Royal. Ses nièces sont parties de Saint-Germain pour se retirer, les uns disent au Havre, les autres à Sedan.
Le Conseil d’en haut a donné arrêt à Saint-Germain portant cassation de celui du Parlement donné le 8 du courant contre ce cardinal, auquel on a fait défense de désemparer {a} d’auprès du roi. On publia hier l’ordre et règlement que doivent tenir les gens de guerre, par lequel on oblige chaque soldat à prêter serment pour servir trois mois, et défend à tous capitaines de donner congé à aucun desdits soldats qu’après lesdits 3 mois. La rivière de Seine est tellement grossie puis trois jours qu’on ne l’a jamais vue si grosse ; elle a emporté le moulin de la Grève et le bout du pont des Tuileries du côté du faubourg Saint-Germain, et amené une prodigieuse quantité de bois.
Il y eut encore hier arrêt au Parlement portant que tous les biens et revenus du cardinal Mazarin seraient séquestrés. M. le maréchal de l’Hospital et M. de Vittry revinrent hier de Saint-Germain. »
- Partir.
Mort de Michel ii Marescot, seigneur du Mesnil, qui avait été nommé maître des requêtes en 1633. Il était le fils aîné de Guillaume (vers 1587-1643), lui-même maître des requêtes (de 1611 à 1631) et fils de Michel i Marescot, docteur régent de la Faculté de médecine de Paris (v. note [14], lettre 98). L’avocat général Bailly était un autre petit-fils de Michel i Marescot (lettre à Spon du 22 mars 1648).
Ce rectificatif de Guy Patin a été rayé par la même plume qui a corrigé son erreur précédente (v. supra, note [12]).
« par inversion du cours des choses ».
L’encerclement de Paris par les troupes royales s’organisait (Journal de la Fronde, volume i, fo 12 ro, 12 janvier 1649) :
« M. le Prince avait son poste pour le blocus de Paris à Charenton, qu’il a quitté cette nuit pour se rendre à Saint-Denis {a} que l’on veut fortifier. M. d’Erlach {b} est à Aubervilliers avec douze cents chevaux allemands. Le comte d’Harcourt est au Bourget, retranché avec deux mille hommes du régiment des gardes pour empêcher le passage de pain à Gonesse. {c} Le maréchal de Gramont avec une partie des gardes est du côté d’Ivry, les gendarmes du duc d’Orléans et autres cavalerie à Saint-Cloud. Le maréchal du Plessis est avec de la cavalerie à Charonne. Le chemin d’Orléans et de Rouen n’est pas encore fermé, ni du côté de Beauce d’où il est arrivé douze cents charrettes chargées de blé et de farine, et on croit que M. de Beaufort venant à Paris doit escorter force vivres. »
Charles Leclerc du Tremblay n’eut pas la tête tranchée, il mourut en 1655 ; toutefois (Journal de la Fronde, volume i, fo 19 ro, 19 janvier 1649) :
« Ledit jour on apprit ici qu’à Saint-Germain on avait roué en effigie M. du Tremblay pour avoir rendu le château de la Bastille, et déclaré lui et sa postérité roturiers. »
Marie Dansse était fille de Jérôme Lambert, maître apothicaire et épicier à Paris, qui tenait boutique près de l’Arbre Sec. Elle avait épousé en 1619 Miguel d’Anssio, écuyer natif de Navarre, qui avait obtenu des lettres de naturalisation juste avant son mariage. Miguel adapta son nom en Michel D’Ansse, parfois écrit d’Ance, Dance ou Hansse et devint apothicaire de la reine (Tallemant des Réaux, Historiettes, tome ii, page 858).
La femme de Michel Dansse avait figuré dès 1620 parmi les femmes de chambre françaises d’Anne d’Autriche. Elle devint peu à peu l’une de ses femmes de confiance et utilisa son influence pour le plus grand intérêt du parti dévot (Compagnie du Saint-Sacrement, v. note [7], lettre 640). Mme Dansse logeait depuis 1645 dans l’enclos des Quinze-vingts dont elle louait la Grand-Maison, bâtiment le plus somptueux de l’hospice qui était alors situé en face du Palais-Royal, entre le Louvre à l’est et les Tuileries à l’ouest (Adam).
Arrêt de Parlement ordonnant que des remontrances seront faites au roi et à la reine régente et déclarant le cardinal Mazarin perturbateur du repos public (Paris, Libraires ordinaires du roi, 1649, in‑4o).
V. note [5], lettre 84, pour le président Jacques i Le Coigneux.
Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 131, 25 janvier 1649) :
« Autre arrêt de défenses aux colporteurs et imprimeurs, touchant les libelles fades et scandaleux. »
Ranum (pages 226‑227) :
« Les effets du blocus de Condé et les spéculations sur ce qui allait suivre furent à l’origine d’une marée de pamphlets sur une vaste gamme de sujets, éthiques, religieux et politiques. Vendus la plupart du temps sur le Pont-Neuf, ils se prononçaient sur tous les aspects de la vie de blocus : individuels, civiques, religieux et familiaux. Les auteurs de ces textes que l’on devait vite appeler les mazarinades, signaient rarement de leur nom. Écrivant à titre individuel et ne dépendant généralement pas de quelque puissant personnage, ils disaient ce qu’ils estimaient que leurs compatriotes parisiens devaient entendre. […] De début janvier à la fin du blocus en mars 1649, quelque 1 200 pamphlets paraîtront. […] Ces attaques au vitriol contre Mazarin, les fermiers avec leurs agents et tous les autres profiteurs surgirent très vite après le début du blocus. Parfois constituées de savants parallèles avec de mauvais conseillers – tels que Concini ou Séjan –, parfois pures et simples attaques ad hominem contre le cardinal, son infériorité sociale, sa nationalité, la façon dont il avait séduit la reine, sa rapacité, les mazarinades témoignent de la présence de l’argument traditionnel que l’on retrouve si souvent dans les cultures politiques du début des temps modernes : éliminons l’“ élément pollueur ” et tout ira bien. »
Le nom générique de mazarinade, composé sur le modèle d’Iliade (histoire de Troie, Ilion), vient du titre d’un de ces pamphlets, daté du 11 mars 1651 (v. infra note [100]) et attribué à Paul ii Scarron (v. note [29], lettre 642). Célestin Moreau a publié une Bibliographie des mazarinades en trois volumes (1850‑1851) avec deux suppléments (1886 et 1904). Christian Jouhaud (Mazarinades : la Fronde des mots, Paris, Aubier, 2009, page 19) :
« Il faut partir de ce qui nous reste. À peu près cinq mille textes imprimés. […] En tenant compte des tirages dont on ne sait presque rien – entre 500 et 1 000 exemplaires ? –, on en aurait plus de deux millions. Quoi qu’il en soit, une collection complète réunissant un seul exemplaire de chaque texte conservé tiendrait dans une bibliothèque d’appartement. Elle représenterait environ cinquante mille pages imprimées, à quelques exceptions près, du format d’un cahier d’écolier. »
Établi et entretenu depuis 2010 par un groupe universitaire franco-nippon, coordonné par Mme Tadako Ichimaru (Université Gakushuin, Tokyo), M. Patrick Rebollar (Université Nanzan, Nagoya) et M. Yann Sordet (Bibliothèque Mazarine, Paris), le merveilleux site Recherches internationales sur les Mazarinades en procure un recensement exhaustif et en constante évolution, avec de très commodes outils d’exploration.
Mainmise : « action de frapper, de battre » (Furetière).
Meudon (Hauts-de-Seine) était alors un bourg situé à deux lieues à l’ouest de Paris, surtout connue pour son château et son abbaye (v. note [8], lettre 360).
Journal de la Fronde (volume i, fo 19 ro, 18 janvier 1649) :
« Le même jour, quelques troupes du parti mazarin se présentèrent devant Meudon pour y loger, mais les habitants, assistés de plusieurs paysans des villages voisins qui y avaient réfugié leur bétail, se défendirent jusqu’au 19 au soir, que les premiers entrèrent par force ; et après avoir pillé tout hormis le château, n’ayant pas eu le loisir {a}, ils abandonnèrent le village et se retirèrent avec le bétail qu’on y avait réfugié ; ils y perdirent quelques soldats et quelques officiers y furent blessés. »
- Le temps nécessaire.
V. lettre 164.
Retenir : récupérer. L’ordinaire allait et venait encore, mais sous étroit contrôle, comme en atteste le Registre VP (fo 150 ro‑vo) :
« Du dix-septième jour de janvier mil six cent quarante-neuf.
A été ordonné que les cochers et messagers ordinaires, après qu’ils auront fait certifier par les quarteniers de cette Ville que tous ceux qu’ils monteront ou mettront dans leurs coches, de leur qualité et d’où ils sont, ils auront passeport pour sortir de ladite Ville après que leurs hardes {a} auront été vues et visitées par l’un de Messieurs les échevins ou conseillers de ladite Ville. Quant à ce qui regarde les ballots qui s’emballent en cette ville pour transporter hors d’icelle, il a été avisé qu’il sera député pour voir faire lesdits ballots des personnes qui en certifieront le bureau de la Ville, et ensuite passeport accordé.
Le nommé Burin proposé pour certifier les paquets de la poste, après avoir prêté le serment, et baillant bonne et suffisante caution, enregistrée au bureau de la Ville, des courriers qu’il emploiera, tant pour ceux du royaume que hors d’icelui. »
- Bagages.
L’expédition du duc de Longueville en Normandie avait été semée de rebondissements.
Journal de la Fronde (volume i, fo 19 vo‑20 ro, Paris, 19 janvier 1649) :
« Le parlement de Rouen a envoyé des députés à Saint-Germain pour offrir ses services au roi et à la cour ; et les officiers de la généralité de cette ville-là y ont envoyé tous les deniers publics qui étaient entre les mains des fermiers et comptables, qu’on dit se monter à 400 mille écus. L’ancien semestre {a} y a consenti à cause d’une déclaration du roi qu’on lui a envoyée portant révocation du nouveau semestre. M. du Plessis Bançon, {b} qui a négocié cette affaire auprès des anciens présidents et conseillers, a en même temps gagné le fils {c} du marquis de Beuvron, gouverneur du Vieux Palais, {d} en lui en promettant la survivance, de sorte que ce jeune marquis a laissé entrer M. de Saint-Luc {e} avec quantité de soldats dans ledit Palais où il tient pour le parti Mazarin ; sur cela le gouvernement de Normandie, qui avait été refusé par M. le duc de Mercœur, {f} a été donné à M. le comte d’Harcourt qui partit le 18 de Saint-Germain pour en aller prendre possession, et promettre à cette province de grands avantages de la part de la reine et de sa cour. Cette nouvelle ayant été sue ici, M. le duc de Longueville partit la nuit du 18 au 19 pour aller assurer cette province-là dans le parti du Parlement {g} et fut escorté par 400 chevaux jusqu’à 7 ou 8 lieues d’ici, d’où il poursuivit son chemin avec 50 chevaux seulement et s’en alla droit à Dieppe où il doit faire des levées {h} pour aller à Rouen y faire déclarer la ville entièrement < en sa faveur > ; et M. de Matignon y travaille déjà puissamment, de sorte qu’on croit qu’en peu de jours toute la Normandie sera déclarée pour ce duc. Pour ce qui est du comte d’Harcourt, lorsqu’il se présenta pour entrer dans Rouen, le peuple y fit grand bruit et prit les armes, et le parlement députa deux conseillers pour le prier de n’entrer point jusqu’à ce qu’on aurait délibéré si l’on le devait recevoir ; de sorte qu’il fut obligé de coucher hors la ville dans la Chartreuse. Le lendemain, le parlement s’y étant assemblé, il y eut quantité de peuple qui fit grand bruit dans le Palais, menaçant le premier président et ceux qui seraient pour le parti Mazarin de les tuer ; enfin, il y eut arrêt portant que M. le comte d’Harcourt serait prié de se retirer, et le premier président étant sorti dans la salle du Palais pour dire ce qui avait été ordonné, le peuple qui s’y était ramassé fit quantité de cris de Vive le roi ! »
- Le second semestre de 1648.
- Bernard du Plessis-Besançon (1600-1670), gouverneur d’Auxone.
- François d’Harcourt, marquis d’Hectot.
- De Rouen.
- François d’Épinay, marquis de Saint-Luc, oncle maternel d’Hectot, envoyé par la reine.
- V. note [35], lettre 176.
- Le Parlement de Paris.
- Levées de troupes.
Mme de Motteville (Mémoires, pages 240‑241) :
« Le comte d’Harcourt {a} fut contraint de se retirer avec le chagrin de n’avoir pas réussi dans son dessein. Il disait pour sa justification qu’il était allé en Normandie sans troupes et sans argent ; et que n’ayant point de quoi se faire autoriser, il n’osa se hasarder à recevoir un affront, ce qui n’est pas une faible excuse puisqu’en effet rien ne se fait sans finances et sans forces, ces deux choses ayant été de tout temps les nerfs de la guerre. Il se retira donc au Pont-de-l’Arche {b} et delà il fut quelque temps à Écouis {c} avec peu de troupes et beaucoup de courage, résolu de s’opposer aux entreprises du duc de Longueville s’il eût voulu incommoder le roi dans sa demeure de Saint-Germain. Les Normands et leur gouverneur se contentèrent de se tenir en repos, sans troubler ni eux, ni le roi. Le duc de Longueville voulut seulement chasser Saint-Luc du Vieux Palais, qu’il ne croyait pas devoir approuver que son neveu {d} servît contre le roi, ce qu’il fit ; et Saint-Luc partit avec assez de regret d’avoir mal réussi dans sa négociation. Le duc de Longueville, sachant que le marquis de Beuvron, qu’il avait amené avec lui comme son ancien ami, ne lui ferait point de mal, quoique son fils {d} eût promis le contraire, les laissa tous deux au Vieux Palais et s’en alla à Caen donner ordre à la conservation des autres places. Il crut avec raison que le père et le fils, ne faisant pas grand cas de la fidélité qu’ils devaient au roi, ni même de ce qu’ils lui devaient à lui-même, seraient néanmoins plus volontiers du côté le plus commode pour eux et qu’ainsi, ils demeureraient dans ses intérêts. »
- N’étant pas parvenu à obtenir le soutien du parlement de Rouen.
- Sur la Seine, à 19 kilomètres au sud de Rouen.
- À 32 kilomètres au sud-est de Rouen.
- Le marquis d’Hectot.
Gonesse, en Île-de-France (Val-d’Oise), se situe à 16 kilomètres au nord de Paris : « le pain de Gonesse est un pain particulier qui excelle sur tous les autres, à cause de la bonté des eaux qui se trouvent à Gonesse bourg à trois lieues de Paris. C’est un pain léger et qui a beaucoup d’yeux, qui sont les marques de sa bonté » (Furetière).
Saint-Denis (aujourd’hui dans le département de Seine-Saint-Denis) était (Trévoux) une « ville de l’Île-de-France à deux lieues au nord de Paris. […] L’abbaye de Saint-Denis est une abbaye de bénédictins très ancienne. […] C’est dans cette abbaye qu’est la scépulture de nos rois. Le trésor Saint-Denis, c’est le trésor de cette abbaye. La plaine de Saint-Denis est la campagne qui est entre Paris et Saint-Denis. La porte Saint-Denis est celle par où l’on sort de Paris pour aller à Saint-Denis. La rue Saint-Denis, celle qui va du Grand Châtelet à cette porte.[…] La foire de Saint-Denis est une foire qui se tient à Saint-Denis le 9e d’octobre, fête de saint Denis. »
Corbeil, aujourd’hui Corbeil-Essonnes, dans le département de l’Essonne, à sept lieues (28 kilomètres) au sud de Paris, se situe au confluent de l’Essonne et de la Seine. Sa voisine, Essonnes, sur la rivière de même nom, lui a été réunie en 1951.
Par leur situation sur la Seine, aux confins de la Beauce et de la Brie, Corbeil et Essonnes, plus rurale, contrôlaient au xviie s. l’accès de Paris depuis Fontainebleau et formaient un important centre commerçant (transport fluvial), industriel (moulins hydrauliques, poudrières, laminoirs) et agricole (vignes). Sans même être occupé par Condé, Corbeil n’aurait plus été d’aucune utilité pour les Parisiens puisque la crue de la Seine leur interdisait tout commerce avec cette ville d’amont, source potentielle de ravitaillement.
Cette inondation a frappé les esprits, les mémorialistes en ont abondamment parlé.
Mme de Motteville (Mémoires, page 243) :
« Les eaux étaient fort débordées cette année et Paris était devenu semblable à la ville de Venise : la Seine le baignait entièrement ; on allait par bateau dans les rues ; mais bien loin d’en recevoir de l’embellissement, ses habitants en souffraient de grandes incommodités et les dames, pour faire voir leur beauté, ne se servaient nullement de ces gondoles si renommées que l’on admire sur les canaux vénitiens. La Nature a mis un bel ordre en toutes choses : ce qui sert ordinairement en certains lieux serait une grande laideur en d’autres ; ainsi, cette belle rivière, la richesse et la beauté de Paris, n’étant plus renfermée dans ses bornes ordinaires, ruinait, par cette trop grande abondance de ses eaux, la ville qu’elle baignait plus qu’à son ordinaire et lui ôtait les avantages qu’elle lui donne quand elle se contente de couler doucement dans son lit naturel. »
Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 115, janvier 1649) :
« Ce jour 13, la Seine qui, depuis les neiges fondues et les pluies du dégel commencé avec l’année, a toujours crû et depuis trois jours beaucoup augmenté, s’est trouvée si haute qu’il n’y a point mémoire d’homme qu’elle ait été si haute. Elle est par toute la place de Grève, en sorte que l’on ne saurait aborder la Maison de Ville, {a} dont l’eau couvre les poteaux de devant jusqu’à l’escalier d’entrée, que par les piliers du Saint-Esprit {b} et delà, par planches et bateaux posés de l’un à l’autre jusqu’audit escalier. Les grands bateaux chargés de bois sont jusqu’au milieu de la place, vis-à-vis dudit Saint-Esprit.
Les vieilles gens de Paris disent qu’il y a 72 ans qu’il y eut une pareille désolation. Cela irait à l’an 1576. »
- L’Hôtel de Ville.
- Du côté de la place de Grève opposé à l’Hôtel de Ville.
Ibid. (pages 118‑119, matin du vendredi 15 janvier 1649) :
« L’inondation de la rivière continue, refluant dans les fossés de la ville et d’eux, dans les égouts des rues ; en sorte que celle du Parc-Royal, de la vieille rue du Temple jusqu’aux Blancs-Manteaux, celle de Saint-Antoine au carrefour Saint-Paul, ne se passent qu’à planches et bateaux.
La vieille et la neuve < rue > Saint-Paul, celle des Lions et le bas de celles de Beautreillis et des Célestins, avec tout le quai et place desdits Célestins et Arsenal, sont couvertes de l’eau, partie regorgeant de l’égout des Célestins, mais beaucoup plus refluée et débordée de l’abreuvoir Saint-Paul ; en sorte que toute cette suite de maisons qui sont depuis le haut dudit abreuvoir et rue Saint-Paul jusqu’à ladite rue des Célestins sont assiégées et isolées dans l’eau de toutes parts. En la place Maubert, l’eau est jusqu’au premier étage des maisons. Le vieux pont de bois de la Tournelle, couvert d’eau ; les jardins du terrain de l’archevêché, cloître et porte Saint-Landry, {a} remplis d’eau ; le pont des Tuileries, démembré de plusieurs piles de bois et arches emportées ; les chantiers de bois rangés des deux côtés de la rivière, au-dessus [en amont] de la ville, hors les portes Saint-Antoine et de Saint-Bernard, et au-dessous de la ville, à la Grenouillère, ont été emportés par l’eau. Dans l’île Notre-Dame {b} on ne passe ni l’on n’aborde les ponts que par bateaux. La Seine a emporté le pont des Tuileries et passant par-dessus sa rive gauche, a rempli la rue de Seine ; et a fallu que de l’académie {c} du sieur du Plessis du Verne on ait sauvé les chevaux et les académistes qui ont été travailler où jadis ils étaient, entre la porte de Bucy et l’abbaye. » {d}
- Sur l’île de la Cité.
- L’île Saint-Louis.
- Académie équestre.
- Saint-Germain-des-Prés.
Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, page 631, 14 janvier 1649) :
« L’après-dînée, je fus avec M. de Collanges voir la Bastille et voir d’en haut la grandeur de la rivière dont les eaux sont plus hautes qu’elles n’ont jamais été, le faubourg Saint-Antoine étant tout noyé. Dans la ville, l’eau passait l’escalier des jésuites, {a} et l’on ne peut passer dans la rue Saint-Antoine qu’en bateau ; de même vis-à-vis les Religieuses de l’Annonciade. {b} La rue du Temple, toute la rue des Lions et le quai de l’Arsenal sont couverts d’eau, ainsi que toute l’île, tout le faubourg Saint-Germain, l’hôtel de Liancourt. »
- Porche de l’église Saint-Paul et Saint-Louis, rue Saint-Antoine.
- Rue Popincourt dans l’actuel xie arrondissement de Paris.
Condé avait pris Lagny, sur la Marne (v. note [8], lettre 27), et y avait installé le marquis de Persan. L’expédition de Corbeil fut un fiasco pour les assiégés de Paris.
Mme de Motteville (Mémoires, page 241) :
« Le duc de Beaufort, à la tête de cinq ou six mille hommes, fit dessein d’aller attaquer Corbeil. Il était ce jour-là {a} monté sur un cheval blanc. Il mit quantité de plumes blanches à son chapeau et dans cet état, ayant attiré par sa bonne mine l’admiration du peuple, il en reçut de grandes bénédictions. Le prince de Conti alla le conduire jusqu’à la porte de la ville. Le coadjuteur, aussi grand guerrier que bon prédicateur, était de la partie, {b} et le duc de Brissac, son parent et ami, qui était aussi du parti de Paris, fut de cette entreprise. Le lendemain, cette armée parisienne revint sans coup férir : ces badauds quittèrent leur général à trois pas des portes de la ville et leur poltronnerie fut cause que ce prince, {c} malgré sa valeur et le désir qu’il avait de se venger, n’osa jamais attaquer Corbeil, car le prince de Condé, qui faisait la guerre dans les formes, y avait mis douze cents hommes pour le garder. Toute la bravoure des badauds ne s’occupa qu’à prendre quelques bœufs et quelques vaches, qu’ils amenèrent dans Paris pour réjouir le peuple. Leurs exploits guerriers se terminaient toujours à cette conquête, dont M. le Prince se raillait fortement et en faisait de bons contes à la reine. Mais après tout, il n’y avait pas tant de quoi se moquer car ils faisaient ce qu’ils voulaient faire, donnant des vivres aux Parisiens et faisant languir l’entreprise du roi. Elle recevait encore beaucoup de retardement par les hotteurs {d} et paysans qui, toute la nuit, s’échappaient des quartiers du roi pour apporter vendre leurs denrées à Paris, où ils les vendaient mieux et plus chèrement. »
- Le 24 janvier.
- Ce que Retz ne dit pas dans ses Mémoires.
- Le duc de Beaufort.
- Porteurs de hotte : « panier d’osier, étroit par en bas et large par en haut, qu’on attache sur les épaules avec des bretelles pour transporter plusieurs choses » (Furetière).
Montglat (Mémoires, page 206) :
« Le coadjuteur de Paris, {a} résolu de se venger du cardinal, {b} fit un régiment de cavalerie qu’on nomma de Corinthe, à cause qu’il portait le titre d’archevêque {c} de cette ville ; et on appelait les cavaliers, par moquerie, les Corinthiens. Il ne se contentait pas de se servir de son argent et de ses amis, mais aussi de ses prédications, par lesquelles il exhortait le peuple à s’armer pour la liberté publique et pour chasser l’ennemi commun, voulant dire le Mazarin, duquel on parlait avec les plus grands outrages dont on pouvait s’imaginer ; et quand on soupçonnait quelqu’un d’être du parti de la cour, on l’appelait mazarin, comme par injure. La populace n’épargnait pas même la reine, de laquelle on faisait mille contes injurieux, ne l’appelant par mépris que dame Anne. Et pour faire voir que ce parti n’armait que pour tirer le roi des mains du Mazarin, pour le ramener dans Paris, il prit pour sa devise dans les drapeaux : Regem nostrum quærimus. » {d}
- Retz.
- Mazarin.
- Retz était alors archevêque de Corinthe in partibus infidelium (v. note [1], lettre 473).
- « Nous cherchons notre roi ».
Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, pages 641‑642) :
« Le lundi 25 janvier, j’appris que nos troupes étaient revenues de Corbeil, et que les chefs l’ayant trouvé plein de troupes s’en étaient revenus et qu’ils n’avaient pas passé Juvisy. Le peuple croyait que Corbeil était pris et que les troupes qui revenaient le disaient. Cette mauvaise démarche abattait bien le courage des plus zélés. J’ai su qu’il était sorti sept à huit mille hommes de pied et deux mille chevaux et cinq pièces de canon. Toute l’infanterie était prise dans les compagnies de bourgeois et conduite par les colonels ; ils avaient couché à Juvisy et s’en étaient revenus sans aucun ordre. Je vis Mme de Fourcy à qui on avait signifié sa taxe de 2 300 livres par mois pour l’entretien ; elle était décidée de bailler ses meubles à vendre plutôt que de payer. »
Redite : v. supra note [20] ; l’apothicaire de la reine n’était pas le mari, mais le père de Marie Dansse.
Dubuisson-Aubenay, le mercredi 20 janvier 1649 (Journal des guerres civiles, tome i, page 125) :
« Avis qu’à Saint-Germain, le nommé Bernage, aumônier servant près du roi, ayant vertement soutenu les intérêts du coadjuteur de Paris, que l’on blâmait en compagnie, et maintenu ce qu’il avait fait, même devant le cardinal Mazarin, a été envoyé à Pontoise et mis prisonnier au château »
Louis Bernage avait été aumônier de Louis xiii avant d’être celui de Louis xiv. Il était chanoine de Notre-Dame de Paris et titulaire de l’abbaye de Clairfay dans le diocèse d’Amiens. Il devint évêque de Grasse en 1653 et mourut en 1675 (Gallia Christiana).
Malgré sa présence à Saint-Germain avec la cour, Anne-Marie-Louise d’Orléans, duchesse de Montpensier, la Grande Mademoiselle, fille du premier mariage de Monsieur avec Marie de Montpensier, jouissait d’un bon renom auprès des frondeurs parisiens, comme elle a dit dans ses Mémoires (première partie, volume 1, chapitre vi, pages 204‑205) :
« La magnificence n’était pas grande à Saint-Germain : personne n’avait tout son équipage ; ceux qui avaient des lits n’avaient point de tapisseries et ceux qui avaient des tapisseries n’avaient point d’habits, et l’on y était très pauvrement. Le roi et la reine furent longtemps à n’avoir que des meubles de M. le cardinal. Dans la crainte que l’on avait à Paris de laisser sortir les effets du cardinal sous prétexte que ce fût ceux du roi et de la reine, ils ne voulaient rien laisser sortir tant l’aversion était grande. Cela n’est pas sans exemple que les peuples soient capables de haïr et d’aimer les mêmes gens en peu de temps, et surtout les Français. Le roi et la reine manquaient de tout, et moi j’avais tout ce qu’il me plaisait et ne manquais de rien. Pour tout ce que j’envoyais quérir à Paris, l’on donnait des passeports, on l’escortait ; rien n’était égal aux civilités que l’on me faisait.
La reine me pria d’envoyer un chariot pour emmener de ses hardes ; je l’envoyai avec joie, et l’on en a assez d’être en état de rendre service à de telles gens et de voir que l’on est en quelque considération. Parmi les hardes que la reine fit venir, il y avait un coffre de gants d’Espagne ; comme on les visitait, les bourgeois commis pour cette visite, qui n’étaient pas accoutumés à de si fortes senteurs, éternuèrent beaucoup, à ce que rapporta le page que j’avais envoyé et qui était mon ambassadeur ordinaire. La reine, Monsieur et M. le cardinal rirent fort à l’endroit de cette relation, qui était sur les honneurs qu’il [le page] avait reçus à Paris : il était entré au Parlement, à la Grand’Chambre, où il avait dit que je l’envoyais pour apporter des hardes que j’avais laissées à Paris ; on lui dit que je n’avais qu’à témoigner tout ce que je désirais, que je trouverais la Compagnie toujours pleine de tout le respect qu’elle me devait ; et enfin, ils lui firent mille honnêtetés pour moi. Mon page disait aussi qu’en son particulier on lui en avait beaucoup fait. Il ne fut point étonné de parler devant la reine et M. le cardinal ; pour Monsieur, il l’avait vu souvent et lui allait parler de ma part. Il eut une longue audience ; il fut fort questionné ; il avait vu tout ce qui se passait à Paris, où je ne doute pas qu’on ne l’eût aussi beaucoup questionné ; et pour un garçon de quatorze ou quinze ans, il se démêla fort bien de cette commission. Depuis, Monsieur et toute la cour ne l’appelaient plus que l’ambassadeur ; et quand je fus à Paris, il allait voir tous ces Messieurs et était si connu dans le Parlement qu’il y recommandait avec succès les affaires de ses amis. »
« présage que Dieu veuille bien écarter » : Summus hoc omen Deus avertat [Puisse le Dieu suprême écarter ce présage] (Sénèque le Jeune, Phèdre, acte ii, scène 3, vers 623‑624).
« On dit qu’on a mis bas dans une imprimerie, dans un atelier, pour dire qu’on n’y travaille plus et qu’on a été contraint de cesser le travail pour le trop grand froid ou par quelque autre obstacle » (Furetière).
V. notes : [25], lettre 146, pour les Opera anatomica vetera… (alias Anthropographie) de Jean ii Riolan, à paraître en 1649 ; [6], lettre 148, pour la Géographie du P. Briet ; et [8], lettre 72, pour le quatrième tome des Dogmes théologiques du P. Petau sur l’Incarnation.
Registre VP (fo 163 vo, en date du 25 janvier) :
« Ce même jour, la Cour a ordonné que, suivant les anciens statuts des imprimeurs et libraires de cette Ville, il ne sera fait aucune impression, vente, ni débit d’aucuns libelles sans y apposer le nom de l’auteur ou de l’imprimeur. Ce qui fut publié le lendemain »
Journal, contenant ce qui s’est fait et passé en la Cour de Parlement de Paris, toutes les Chambres assemblées, et autres lieux, sur le sujet des affaires du temps présent, ès années 1648 et 1649 (Paris, G. Alliot, 1649, in‑4o).
Lettre d’un religieux envoyée à monseigneur le prince de Condé, à S. Germain en Laye, contenant la vérité de la vie et mœurs du cardinal Mazarin, avec exhortation audit seigneur prince d’abandonner son parti (Paris, Rolin de La Haye, 1649, in‑4o de 8 pages). Ce libelle fournit le moule où se sont fondues maintes calomnies contre le cardinal Mazarin et où Guy Patin semble avoir puisé beaucoup de sa verve contre le ministre exécré :
« Tout Paris a de la peine à croire (et sans doute toute la France, mais toute l’Europe sera dans ce même sentiment) que vous {a} veuillez favoriser de votre protection, contre le bien du roi et de l’État, une personne que tout le monde sait être le Perturbateur du repos public, l’Ennemi, le Destructeur, la peste et la ruine de toute la France. Et chacun demeure d’accord qu’il faut qu’il se soit servi de quelque puissante magie pour vous charmer les oreilles et siller {b} les yeux, afin de vous empêcher de voir l’excès de ses voleries et d’entendre les plaintes de la misère publique, qui sont montées jusques au Ciel, et ont attiré la miséricorde de Dieu sur eux et provoqué la Justice à en faire la punition sur l’auteur de tant de maux. […]
Son origine n’est pas de ces illustres et de ces conquérants qui ont été autrefois la terreur de tout le monde, cependant que les aigles romains commandaient à tout l’Univers. Sa noblesse n’est pas de plus vieille date que les honneurs qu’il a reçus en France sans les avoir mérités. Et quoiqu’il prenne des haches avec le faisceau de verges pour ses armes, il ne faut pas s’imaginer que ce soient celles qui servaient de marque d’autorité aux anciens sénateurs de cette florissante république, mais bien les haches dont son aïeul fendait du bois et les houssines {c} dont son père fouettait les chevaux. Car on sait que son aïeul était un pauvre chapelier, sicilien de nation, qui eut la fortune si peu favorable qu’il fut contraint de faire banqueroute et de quitter son pays. Son père étant jeune et dans cette indigence, commença ses services à Rome dans une écurie à panser les chevaux ; et peu après s’avançant, devint pourvoyeur et maître d’hôtel de la Maison d’une personne de condition ; où faisant valoir avec industrie les petits profits, qu’on appelle en France les tours du bâton, {d} il eut enfin de quoi payer en partie l’office de maître des postes de Rome à Naples, sa fortune étant encore si faible que de deux enfants qu’il avait, il fut contraint d’en faire un jacobin afin de soulager sa famille. Cependant, cet autre fils, qu’on appelait Jules, étant encore jeune, servait de laquais ou d’estafier {e}, pour ne dire pas dans les plus honteuses et sales voluptés que le Démon ait pu inventer pour perdre les hommes par la corruption et concupiscence de la chair. {f} Tout Rome sait ce qu’il était et le rang qu’il tenait pour lors dans les maisons des cardinaux Sachetti et Antonio. Chacun sait aussi que son esprit formé sous l’astre de Mercure, {g} et né au larcin et à la fourberie, ne s’employait qu’à l’étude de son inclination ; qu’il fit voyage à Venise et à Naples pour apprendre les piperies qu’on pratique dans les jeux de hasard, dont il devint maître si parfait en peu de temps qu’on lui donnait par excellence le nom de pipeur ; {h} de quoi toute la cour de France sait la vérité, et plusieurs ont fait expérience à leur très grand préjudice, et de toute leur famille. Mais pour passer sous silence toutes ces choses qui feraient la matière d’un gros volume, il suffit de considérer ce qui s’est passé en sa personne depuis qu’il est en France, ce qu’il était au temps qu’il y est venu, ce qu’il y est et ce qu’il y a fait jusques à présent. Lors de son arrivée, de petit postillon qu’il était, pour s’être signalé par une fourbe qui noircissait et la conscience et l’honneur du pape, {i} et qui fut comme l’allumette des flammes qui par la guerre dévorent la chrétienté, n’osant plus retourner à Rome, il fut recueilli par le cardinal de Richelieu qui, le trouvant d’un esprit assez conforme au sien et propre aux intrigues dont il avait besoin pour la conduite des desseins, desquels la vanité lui avait rempli le cerveau, l’employa auprès de lui, lui donna plusieurs commissions pour tromper les uns et les autres, principalement le prince de Monaco ; et outre les dépenses de ses voyages, lui faisait donner tous les ans une pension notable par le roi, sans parler de ce qu’il avait sous main en qualité d’espion. Mais parce que tout cela n’était pas suffisant pour ses desseins et qu’étant fort adroit, il savait bien par où il fallait s’insinuer dans l’affection des grands, connaissant l’humeur du cardinal de Richelieu, d’une superbe sans pareille, qui comme un Dieu ne voulait pas être abordé ni adoré les mains vides, il employait tout ce qu’il avait de pension en achat de présents qu’il lui faisait afin de se conserver dans ses bonnes grâces ; si bien qu’il était contraint de pourvoir d’ailleurs {j} à une partie de sa dépense et de son entretien. Et pour cet effet, suivant la profession de son aïeul, il faisait trafic, par l’entremise d’un sien domestique, de livres qu’il faisait venir de Rome, de tables d’ébène et de bois de la Chine, de tablettes, de cabinets d’Allemagne, de guéridons à tête de more et autres curiosités qui se vendaient publiquement dans une salle de l’hôtel d’Estrée, en la rue des Bons-Enfants, qu’il avait louée pour ce sujet. Et de l’argent qu’il en tirait, achetait des montres et quelques pierreries qu’il envoyait à Rome afin que de tous côtés, il tirât ce qui était nécessaire à sa subsistance. Et cet esprit mercenaire et de trafic lui est tellement naturel qu’à présent qu’il est cardinal, gorgé de biens et suffoqué presque de toutes les richesses de l’État, il ne saurait se retenir d’en user. Car l’on sait qu’il fournit à la Maison du roi et de la reine toute sorte d’étoffes, de tapisseries, de vaisselle, de pierreries, par l’entremise de l’un de ses petits émissaires, l’abbé Mondain, qui de laquais piémontais est devenu prélat de trente mille livres de rente ; et par cet avare mais infâme commerce, ôte la vie à cinquante familles de Paris qui la gagnaient légitimement sur les choses qu’elles fournissaient à la cour, chacune selon sa condition. […] Qui croira jamais qu’un petit étranger sorti de la dernière lie du peuple, sujet né du roi d’Espagne, soit monté dans six ans jusque sur les épaules du roi de France ? ait fait la loi à tous les princes, emprisonné les uns, chassé les autres, gourmandé les cours souveraines, banni les plus zélés au bien de l’État, bâti dans Paris un palais qui fait honte à celui du roi et où le luxe est au plus haut point, jusque sur les mangeoires des chevaux, envoyé en Italie et autres parts du monde la plus grande partie des finances de l’État, acheté à Rome un superbe palais, où il a fait conduire plus de trois cents ballots de meubles des plus précieux de toute l’Europe, fait des profusions et des dépenses incomparables pour l’entretien de sa vanité et de son luxe ; et tout cela au prix du sang des pauvres Français ; et que cette nation généreuse qui autrefois avait de la peine à supporter le joug de ses princes légitimes, se soit, comme un mouton, laissé non pas tondre, mais écorcher, sans oser même se plaindre ? […] Quiconque lira à l’avenir le traité fait en faveur des Suédois et des protestants d’Allemagne, {k} sous l’appui de la France, au préjudice de l’Église, ne se pourra jamais persuader qu’il soit d’autre conseil ni d’autre esprit que de celui d’un Turc ou d’un Sarrasin déguisé sous le manteau d’un cardinal. Aussi quelles personnes voit-on auprès de lui pour ses plus confidents et fidèles conseillers que des impies, des libertins et des athées ? Qui ne les connaît, dis-je, pour des gens de sac et de corde, pour des monstres d’hommes, plus nourris au sang que les cannibales, et dont les conseils, après être gorgés de vin, ne tendent qu’au meurtre et aux assassins. Et néanmoins, pour feindre d’être fort religieux, il nous a fait venir d’Italie les théatins {l} qui, ces jours derniers, attiraient tout le monde par la curiosité de leurs marionnettes, cependant qu’il minutait le carnage et le sac de Paris, faisait transporter toutes les nuits une partie des voleries de l’État qui étaient dans sa maison, et s’étudiait de conduire à chef, comme il a fait, l’attentat le plus hardi et insolent qui se soit jamais vu dans toutes nos Histoires » (pages 2‑7).
- M. le Prince de Condé.
- Fermer.
- Baguettes.
- Tour de bâton : « profits illicites qu’on fait secrètement et avec adresse dans une charge, dans une commission, dans un maniement ; par une métaphore apparemment tirée des charlatans, qui font mille subtilités qu’ils attribuent à la vertu de leur petit bâton ; mais Belinghen [Fleury de Bellingen, L’Étymologie ou Explication des proverbes français… (La Haye, Adrian Vlacq, 1656, in‑8o)] estime que ce proverbe vient de ce qu’on parle à l’oreille et d’un bas ton, lorsqu’on fait des offres à quelque domestique pour le corrompre et lui faire faire quelque chose qui nuise à son maître ; d’autres disent qu’il vient des maîtres d’hôtel qui portent un bâton pour marque de leur charge, parce qu’ils sont sujets à ferrer la mule [v. note [4], lettre 689] » (Furetière).
- Valet de pied.
- La pédérastie.
- Mercure était à la fois le dieu des filous et le symbole métallique de la vérole (v. note [9], lettre 122).
- Tricheur.
- V. infra note [100].
- Autrement.
- Traité d’Osnabrück, le 24 octobre 1648 : partie protestante des traités de Westphalie.
- V. note [19], lettre 282.
Ce même jour, la Faculté de médecine de Paris obtenait un ordre d’exemption en faveur de ses docteurs régents (Comment. F.M.P., tome xiii, fo 400 ro) :
« De par les Prévôt des marchands et échevins de la Ville de Paris,
il est enjoint aux soldats et cavaliers qui sont logés chez les sieurs Tullouë {a} et Joncquet, {b} docteurs en la Faculté de médecine, de sortir de leurs logis, lesquels nous avons exempté d’obligation de tous logements de gens de guerre, à quoi faire nous prions tous officiers de tenir la main. Fait au bureau de la Ville le 27e jour de janvier mille six cent quarante. {c} Signé Le Féron, etc. »
- Robert Tullouë, v. note [7], lettre 418.
- Denis Joncquet, v. note [7], lettre 549.
- Sic pour quarante-neuf.
Samuel Godin (ou Gaudon) sieur de La Rallière fait partie des financiers que le Catalogue des partisans (pages 9) a désignés à la vindicte publique :
« La Rallière a été fermier des aides avec le nommé de Mousseau, où ils ont volé les rentiers de l’Hôtel de Ville par les présents et corruptions qu’ils ont faits audit D’Émery, en considération de quoi l’on a diverti auxdits rentiers trois quartiers et deux entiers de leurs rentes en une seule fois, sans compter les autres friponneries et pillages qui ont été faits depuis sur lesdites rentes, tant par retranchement qu’autrement, le tout ensemble se montant à douze millions de livres, ou peu s’en faut. Et outre ledit La Rallière, avec le nommé Vanel {a} dit Trécourt, qui sont à présent fermiers des entrées, ont fait le traité des 1 500 000 livres de rentes sur lesdites entrées, créées en 1644 ; pour raison de quoi, ils ont taxé sous le titre d’aisé qui bon leur a semblé et sous de faux rôles, ont exigé lesdites taxes avec des violences horribles en cette ville de Paris et en la campagne, quoique par l’édit d’aliénation desdites rentes, il soit expressément porté qu’il n’en pourrait être fait aucun traité. »
- Claude Vanel.
Dubuisson-Aubenay a aussi parlé de lui dans son Journal des guerres civiles :
« Le sieur de La Rallière, traitant et homme d’affaires, pris prisonnier en sa maison et mené à l’Hôtel de Ville et delà, dit-on, en la Bastille » ;
« Les sieurs de La Rallière et de Launay-Gravé {a} étant prisonniers en la Bastille depuis plusieurs jours, le sieur de Champlâtreux remontra à M. le premier président, son père, que c’était inexcusable contravention à la déclaration du roi, faite les 22 et 24 octobre 1648, par le Parlement, portant en l’article quinzième que l’on ne pourra emprisonner personne que par les formes ordinaires, c’est-à-dire après avoir informé et décrété contre eux, et qu’étant en prison, on les interrogera devant leurs juges naturels dans les vingt-quatre heures ; que rien de tout cela n’ayant été fait pour ces deux-ci, il les faut ôter de la prison. Là-dessus fut en prendre l’ordre à la Maison de la Ville, durant l’expédition duquel les gens de Grève avertis allèrent à la Bastille menacer le sieur de La Rivière que si ces deux hommes sortaient, ils les mettraient en pièces à la porte, dont ils ne partiraient point. Ce qui étant rapporté à l’Hôtel de Ville, empêcha l’expédition de l’ordre. »
- V. infra note [59].
« mais malgré tout elle est arrivée sur ces entrefaites. »
« pour que nous puissions bavarder ensemble » (Virgile, v. note [19], lettre 152).
Ce que Charles Spon avait dû appeler sa « cellule de méditation » était sans doute son étude, la chambre où il se retirait pour travailler ou pour s’entretenir avec ses amis.
V. notes : [47], lettre 152, pour le troisième tome des Consiliorum medicinalium de Guillaume de Baillou (Paris, 1649) ; et [19], lettre 17, et [8], lettre 24, pour les deux premiers.
Aloysius Novarinus, né Girolamo Novarini (Vérone 1594-ibid. 1650) avait adopté le prénom de Luigi en 1612, quand il était entré dans l’Ordre des théatins (v. note [19], lettre 282). Il a composé un grand nombre d’ouvrages théologiques et moraux, que les critiques ont considérés comme médiocres et futiles, en raison de son goût pour les compilations exhaustives dénuées d’idée maîtresse et de sens critique ; ce que tendrait à illustrer le titre complet du livre que citait ici Guy Patin, en en faisant la louange :
Omnium scientarum anima,
Hoc est, Axiomata Physio-Theologetica, ex probæ notæ Authoribus editis, aut ineditis prompta, et suo ordine distributa, quæ explicantur, illustrantur, porriguntur et coërcentur ; eademque opera plures difficultates expediuntur, rebus multis, alioquin cæsis et subobscuris, lux immititur ; occultis, clausisque aditus aperitur, plurima scitu digna, nec ita obvia, depromuntur, ac plurium depromendarum occasio datur ; copiosa singularum Doctrinarum seges exhibetur ; errorum fallaciarumuque semina auferuntur ; denique ita omnium scientiarum ac facultatum Pronunciata, Dignitates, Regulæ, Principia, Effata, Maximæque recensentur et explicantur, ut veritatum omnium fundamenta jaciantur ; Subducatur falsitatis larua : et ex omnibus fere Theologis, Philosophis, aliisque aliarum facultatum professoribus labor exculptus in omnium professorum commodum resiliat.
Opus in quo melior auctorum Succus utiliorque relictis controuersiarum, et quæstionum pugnacibus contentionibus purus putus doctrinarum Liquor porrigitur ; afferuntur quæ probe dicta, efferuntur, qui probe dixere, nemo facile pungitur, nullius nomen traducitur, ut iure et a Scriptoribus omnibus, et ab omnibus lectoribus gratiam operis huius Author initurum se speret R.P.D. Aloysius Novarinus Veronensis, Clericus Regularis, Sacræ Theologiæ Professor.[L’Esprit de tous les savoirs.
Les Axiomes physio-théologiques {a} tirés des auteurs d’honnête réputation, qu’ils aient ou non été publiés, y sont rangés en bon ordre, expliqués, illustrés, développés et corrigés ; lesdits ouvrages sont débarrassés de maintes difficultés, en éclairant quantité de faits, qu’on a ailleurs mutilés et rendus obscurs ; un accès est ouvert aux matières occultes et cachées, et sont mises à la portée de tous quantité de celles qui sont dignes d’être connues, sans être si aisées à appréhender, en donnant l’occasion d’expliquer un grand nombre de celles qui doivent l’être ; une copieuse moisson de doctrines singulières est offerte ; la graine des erreurs et des impostures est arrachée ; enfin, sont si bien répertoriées et expliquées les déclarations, dignités, règles, principes, formules et maximes de toutes les sciences et facultés, que sont jetés les fondements de toutes les vérités. Le fantôme de la fausseté est emporté ; et, pour l’avantage de tous ceux qui enseignent, est résumé le labeur acharné qu’ont accompli presque tous les théologiens, philosophes, et autres professeurs des autres disciplines.
Ouvrage où sont offerts le meilleur Suc des auteurs, et la pure et claire Liqueur des doctrines, qui est fort utile dans les pugnaces disputes qui animent les controverses et les thèses ; sont présentés les propos honnêtes, et loués ceux qui les ont prononcés, mais personne n’est attaqué à la légère, et le renom de personne n’est exagérément mis en avant : de sorte que l’auteur de cet ouvrage, le R.P. Aloysius Novarinus, natif de Vérone, clerc régulier et professeur de théologie, espère légitimement mériter la gratitude de tous les écrivains et de tous les lecteurs]. {b}
- Les axiomes (vérités évidentes et non démontrables) de l’histoire naturelle et de la théologie.
- Lyon, héritiers de Gabr. Boissat et de Laurentius Anisson,1644, 1645, in‑fo, pour le premier tome, deux autres ont paru en 1645.
Pierre-Jean Fabri (ou Fabre), originaire de Castelnaudary (v. note [3], lettre 579), docteur en médecine de l’Université de Montpellier en 1614, était un zélote de la méthode chimique. Son Université, bien que plus tolérante que la Faculté de Paris, lui reprocha d’avoir rédigé des thèses entachées de paracelsisme et d’empirisme, lui imposant de rester dans la doctrine d’Hippocrate et de Galien, ce qui l’obligea à rédiger de nouvelles thèses (Dulieu).
Il a laissé un grand nombre d’ouvrages, dont :
[La Boîte à parfums, ou la Pharmacopée chimique copieusement illustrée par les secrets cachés tirés des armoires des médecins hermétiques. Avec : les remarquables Guérisons de diverses maladies qu’une très heureuse méthode a guéries par les médicaments chimiques ; la Chirurgie spagirique, qui traite spagiriquement et méthodicquement de toutes les maladies cutanées, et leur guérison rapide, sûre et heureuse. Par Pierre-Jean Fabri, docteur en médecine et philosophe de Montpellier, natif de Castelnaudary] ; {a}
[Palladium spagirique… Seconde édition] ; {b}
[Annotations sur Le Char triomphal de l’antimoine du frère Basile Valentin, ainsi que sur douze autres opuscules chimiques…] ; {c}
[La Sagesse universelle comprise en quatre livres : 1. Ce qu’est la sagesse et les moyens d’y parvenir ; 2. La connaissance de l’homme ; 3. Les remèdes aux maladies des homme ; 4. L’amélioration des métaux]. {c}
« Je rends avec grand empressement leur salut à MM. Gras, Garnier et Falconet, qui sont des hommes de très grand mérite et dont le souvenir m’est très agréable. »
Bartholomæi Perdulcis Doctoris Medici Parisiensis Universa medicina. Editio postrema : studio et opera G. Sauvageon Doct. Med. Collegio Medic. Lugdun. Aggregati, præter notas in margine, pluribus Therapeutices locis, ex Autoris autographo, aucta et ubique emendata. Cui etiam accessit de morbis animi liber.
[Médecine universelle de Barthélemy Pardoux, {a} docteur en médecine de Paris. Dernière édition due au labeur et aux soins de G. Sauvageon, {b} docteur en médecine agrégé au Collège des médecins de Lyon : outre ses notes marginales, il l’a augmentée de plusieurs passages de thérapeutique tirés des manuscrits autographes de l’auteur, et l’a partout corrigée. Y a aussi ajouté le livre sur les maladies de l’esprit]. {c}
- V. note [5], lettre 47.
- Guillaume Sauvageon, v. note [2], lettre 36.
- Lyon, Iacobus Carteron, 1649, in‑4o de 944 pages (pour l’une de trois édition) ; avec une Vita Bartholomæi Perdulcis, ex libro Renati Moræi… [Vie de Barthélemy Pardoux tirée du livre de René Moreau…] (5 pages, dans les pièces préliminaires).
Guy Patin se plaisait à comparer l’inquiétude de François Vautier, actuel premier médecin de Louis xiv, à la sérénité de Charles i Bouvard, ancien archiatre de Louis xiii.
« fasse le ciel qu’il en guérisse à la fin. »
« presque aveugle ».
« sur la colique du Poitou » (v. note [2], lettre 347, pour le sens du mot colique au xviie s.) ; la colique du Poitou était une « variété de colique végétale […], maladie qui a régné épidémiquement à Madrid (colique de Madrid), et qui a paru occasionnée par l’usage des fruits acerbes, des vins nouveaux ou sophistiqués, etc. Les symptômes sont les mêmes que dans la colique métallique [colique de plomb, ou saturnine], si ce n’est que le ventre, au lieu d’être rétracté, est très distendu » (Nysten, 1824).
Le passage de Claude Saumaise sur ce sujet se trouve dans ses De Annis climactericis… [Les Années climatériques…] (Leyde, 1648, v. note [27], lettre 146), pages 730‑731) :Morbus igitur et sanitas præcipue a victu pendent. Inde Climacteres et morbi Climacterici. Inde brevior longiorque vitæ meta, non a stellis, nec a stellarum conspectibus et απορροιαις. Vidi ipse cum ignorarent Parisienses Medici qualis esset morbus, qui Pictavicæ Colicæ nome habet. Intra illam provinciam antea continebatur et aliquot vicinas, ut Aremoricam. Nam et Colica etiam Brittonica dicitur. Primus ipse eo laborare cum cœpissem Lutetiæ, et novem medici me interviserent, nullus ex his potuit causam morbi quo ægrotarem ex sumptomatis conjectari, neque nomen ipsius dicere. Unus tandem post omnes ab amico ad me adductus est, Pictaviensis cardinalis Richellii Medicus Citesius, qui statim ubi me vidit, Colicam Pictavicam esse pronuntiavit, et me ita curavit ut paucas intra septimanas sanitati pristinæ restituerit, incurabilem aliis futurum. Eam bilis facit e vasis χοληδοχοις effusa inter intestina, et dolores interabiles creans. Ille annus mihi fuit ob hunc morbum Climactericus, qui et Anæreticus fuisset, nisi Medicum illum mihi Deus ostendisset. Ab eo tempore plures vexavit in eadem urbe.
[Maladie et santé dépendent donc de la manière de s’alimenter : de là, et non pas des étoiles ni de leurs apparitions et de leurs influences, proviennent les années et les maladies climatériques ; de là, la durée plus brève ou plus longue de la vie. Je l’ai moi-même constaté alors que les médecins de Paris ignoraient ce qu’était la maladie qui porte le nom de colique du Poitou. Elle sévissait avant cela dans cette province et dans certains de ses alentours comme la Bretagne, car on l’appelle aussi colique bretonne. J’en fus atteint quand je vins à Paris pour la première fois. Neuf médecins me visitèrent, et aucun d’entre eux ne put conjecturer d’après les symptômes la cause de mon mal, ni en dire le nom. Tous divergeaient en leurs diagnostics. Enfin, après eux tous, un autre me fut amené par un ami ; c’était Citois, {a} médecin du cardinal de Richelieu, originaire du Poitou, qui, aussitôt qu’il me vit, déclara qu’il s’agissait d’une colique poitevine et m’en guérit, au point que, en peu de semaines, il me remit en mon état premier de bonne santé, tandis que j’avais été jugé incurable par les autres. La bile épanchée des vaisseaux cholédoques {b} dans l’intestin en est responsable, provoquant des douleurs insupportables. Cette année-là fut pour moi climatérique en raison de cette maladie, et elle aurait même été anérétique, {c} si Dieu ne m’avait mis en présence de ce médecin. Depuis lors, elle en a attaqué plus d’un dans cette même ville].
- François Citois.
- Canaux biliaires (v. note [16], lettre 391).
- En astrologie, Anérète était la planète qui donnait la mort, opposée à Aphète, qui donnait la vie.
« dans ce passage Saumaise a dit des balivernes ».
Dans les Animadversiones in Anatomica Laurentii [Remarques sur les œuvres anatomiques de Du Laurens] de son Anthropographie alors sous presse (Opera anatomica vetera… 1649, v. note [25], lettre 146), Jean ii Riolan a écrit (page 656) :
De scriptura coli intestini per ο, non per ω, etiam monuit Cl. Salmasius, lib. de annis Climactericis, et ante viginti quinque annos id annotaveram ex Sebero, in mea Anthropographia : sed non possum tacere de insctia artis, quam novem Medicis Parisiensibus ex probavit Salmasius, p. 731. lib. citati : conabor istam maculam nostræ Scholæ insultam, non acri sapone absterger, sed aqua dulci, quia facile eluetur. […] Non vitupero grates quas persolvit dignas Citesio, sed ipsemet eodem crimine suggillat Medicos Parisienses, libello suo de dolore colico Pictonico, quod ante adventum Medici Milonis, primarij Medici Christianissimi Regis Henrici iv. colicus ille dolor Pictaviensis, ignotus erat Medicis Parisiensibus : Sed velim, uterque discat, (Salmasium et Citesium intelligo) ex Fernelio et Hollerio, nomine colici doloris nothi, istum dolorem designatum fuisse, qui sæpe in paralysim artuum inferiorum, et interdum superiorum desinit. Morbus hic populis Lutetiæ vicinis, iamdudum, Melodunensibus familiaris est, et Endemius, ut etiam populis Aremoricis : etiam frequens occurrit in hac urbe, mediastinis Medicorum notissimus, antequam natus fuisset Citesius.[Claude Saumaise, en son livre sur les Années climatériques, a même engagé à écrire le nom du gros intestin en y mettant un omicron et non un oméga {a}, et voilà déjà 25 ans que j’avais tiré cette remarque de Seberus, dans mon Anthropographie ; mais quant à son ignorance de l’art médical, je ne puis taire ce que Saumaise a reproché à neuf médecins de Paris, à la page 731 de l’ouvrage cité. J’entreprendrai de laver cette brûlante flétrissure de notre École non pas avec du savon noir, mais avec de l’eau pure, parce qu’elle est facile à effacer. (…) {b} Je ne blâme pas les remerciements mérités dont Saumaise s’est acquitté envers Citois ; {c} mais dans son petit livre sur la colique du Poitou, il accable les médecins de Paris de la même faute parce qu’avant l’arrivée de Milon, premier médecin du roi très-chrétien Henri iv, {d} ils n’auraient pas eu connaissance de cette colique poitevine ; je voudrais pourtant que ces deux-là (j’entends Saumaise et Citois) apprennent que Fernel et Houllier ont donné à cette douleur le nom de colique bâtarde, qui se termine souvent par une paralysie des membres inférieurs, et parfois des membres supérieurs. {e} Cette maladie est ici depuis longtemps courante et endémique chez les habitants de la région parisienne, comme chez ceux de Melun et chez les Bretons ; elle était même survenue communément dans cette ville, et fort bien connue des médecins les moins savants bien avant que Citois fût même né].
- Colon (avec un omicron) et non côlon (avec un oméga), comme nous l’écrivons aujourd’hui.
- Résumé des propos de Claude i Saumaise rapportés dans la note [53], supra.
- V. note [6], lettre 47, pour le livre de François Citois sur la colique du Poitou (Poitiers, 1616).
- V. notule {b}, note [6], lettre 97, pour Pierre Milon, premier médecin de Henri iv en 1609-1610.
- Une colique suivie de paralysie des membres peut faire penser à la poliomyélite aiguë ou à une polyradiculonévrite aiguë (syndrome de Guillain-Barré).
Ocellus de Lucanie, philosophe pythagoricien (v. note [27], lettre 405) natif de Grande Grèce (v. note [67] du Patiniana I‑2), a vécu vers 500 av. J.‑C. Son principal ouvrage est un traité De la nature de l’Univers, dont l’authenticité n’est pas hors de doute. Ocellus y défend l’éternité de la matière ; ses conclusions sont proches de principes épicuriens que Lucrèce (v. note [131], lettre 166) a formulés plus tard dans son axiome célèbre : Ex nihilo nihil, in nihilum nil posse reverti [Rien ne vient de rien, rien ne peut retourner au néant].
Guy Patin s’avisait avec retard de la réédition italienne du :
Ωκελλος ο λευκανος φιλοσοφος Περι της του παντος φυσεος. Ocellus Lucanus Philosophus De Universi Natura. Textum e Græco in Latinum transtulit, collatisque multis exemplaribus etiam m.ss. emendavit, Paraphrasi et Commentario illustravit, Carolus Emmanuel Vizzanius Bononiensis. Pars Physica…[Ocellus de Lucanie, philosophe, De la nature de l’Univers. Carlo Emmanuele Vizzani, natif de Bologne, {a} a traduit le texte de grec en latin, l’a corrigé à partir de multiples éditions, même manuscrites, et enrichi d’explications et de commentaires. Partie physique…] {b}
- 1615-1661, professeur de logique à Bologne et jurisconsulte canonique auprès du Saint-Siège.
- Bologne, imprimerie Ferron, 1646, in‑4o de 348 pages, grec et latin juxtalinéaire ; la Pars Politica [Partie politique] a paru la même anné, ibid. et ibid. (348 pages) ; première édition, Paris, 1539, v. note [3] du Patiniana I‑2, pour l’édition de Venise, 1559.
V. note [5], lettre 115, pour les Œuvres complètes d’Adriaan van de Spiegel (Amsterdam, Jan Blaeu, 1645, 2 volumes in‑fo).
Albert Kyper (Königsberg, Prusse 1605-Leyde 15 décembre 1655), docteur en médecine de Leyde, avait reçu en 1646 une chaire de physique et de médecine à Breda quand le prince Frédéric-Henri de Nassau y fonda une faculté. Deux ans après, il avait été nommé professeur de médecine à Leyde (J. in Panckoucke).
Kyper était un zélateur de la circulation du sang. Guy Patin citait ici deux de ses ouvrages :
[Principes de physique] ; {a}
[Méthode pour enseigner et exercer la médecine selon les règles]. {b}
Tomus Posterior [Second tome], ibid. et id. 1646, in‑12 de 724 pages.
Le jeudi 28 janvier, sous la présidence de Jean de Montigny (v. note [3], lettre 157), Robert Patin, bachelier de médecine (v. note [11], lettre 155), avait disputé sa première question quodlibétaire, Suntne ridicula, commentitia, et chimærica chymicorum principia ? [Les principes des chimistes ne sont-ils pas ridicules, mensongers et chimériques ?], avec conclusion affirmative (v. note [1], lettre 157).
Dans l’édition de Reveillé-Parise, ici s’achève artificiellement la lettre cxcviii (tome i, pages 403‑410), datée du 27 janvier 1649.
Jean de Gravé, sieur de Launay, originaire de Saint-Malo, mort le 5 juin 1655, n’a pas eu les honneurs de deux mentions dans le Catalogue des partisans (page 9 et page 19), en dépit de sa féconde carrière de financier : de 1636 à 1650, il a été trésorier et receveur général des finances de Bretagne, puis président de la Chambre des comptes de cette même province, et enfin secrétaire du roi (nommé en 1647). L’un des plus notables partisans de son temps, il a participé à 33 affaires extraordinaires (1639-1655), fait des prêts sur la recette générale des finances d’Orléans, est entré dans divers traités d’impôts de Bretagne, a enfin été fermier général des entrées de 1641 à 1655.
Son arrestation de 1649 pour malversations n’interrompit donc que brièvement les florissantes affaires de Launay-Gravé. Lors de l’épuration financière de 1661, ses héritiers ne furent guère inquiétés parce que sa séduisante veuve, née Françoise Godet (à qui Tallemant des Réaux a consacré une longue historiette ; tome ii, pages 830‑840), était une protégée de Jean-Baptiste Colbert (Dessert a, no 216). V. supra note [42], pour son emprisonnement à la Bastille avec La Rallière.
« Les donneurs d’avis [dénonciateurs fiscaux] sont des gens fort odieux : il a eu tant pour son droit d’avis » (Furetière).
Le (ou les) Marais du Temple était originellement toute la région inondable de Paris (et alors en partie inondée, v. supra note [29]) située entre le lit actuel de la Seine et son cours ancien, qui arrosait la base des collines de Belleville, Ménilmontant, Montmartre et Chaillot. D’abord couvert de pâturages, puis de potagers, le Marais se couvrit de maisons au fil des siècles. Les templiers (v. notule {b}, note [26], lettre 337) s’y étaient établis au xiie s., ce qui valut au Marais l’autre nom de « coulture du Temple » (v. note [3], lettre 118).
Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, pages 137 et 139, 29 et 30 janvier 1649) :
« Ce jour, même 29, le Parlement eut avis que chez le sieur Galland, {a} secrétaire du Conseil, il y avait une cache pleine d’argent et de richesses ; des conseillers du Parlement y furent députés ; et sur la protestation de la dame Galland qu’elle n’avait point d’argent, firent lever un plancher parqueté sous lequel la cache fut trouvée. Il y avait vingt-cinq mille livres d’argent, dont le délateur attend le dixième, qui sont deux mille cinq cents livres pour sa part ; force vaisselle d’argent, bagues et un fil de perle de vingt à trente mille francs. Ladite dame en est du tout demeurée dépositaire […]
On dit que Mme Galland avait mis ses vingt-cinq mille livres en sûreté pour elle ; sur quoi se fait rumeur par les frondeurs ; et le jeune président Le Coigneux, {b} beau-frère du sieur Galland, se leva, disant que cet argent était à lui dû par son beau-frère, et s’en allait chez lui pour voir s’il y avait des gens assez hardis pour lui venir enlever son bien ; sortit, mais revint et se mit près du feu. Son père {c} voulut parler, et on lui contraria tant qu’il fut contraint de promettre ledit argent et s’y obliger. »
Je n’ai pas trouvé comment Jacques ii Le Coigneux se trouvait être beau-frère de Jean Galland, qui était le frère de celui dont parle le Catalogue des partisans (pages 5‑7) :
« Défunt Galland, dont la veuve est à présent remariée, demeurant près l’Échelle du Temple, dans un palais magnifique, que ledit défunt a fait bâtir, et possédant plusieurs belles terres aux champs, rentes constituées et argent monnayé.
[…] Ledit défunt Galland, qui est mort riche de plus de six millions de livres et n’a point laissé d’enfants, son bien ayant été partagé entre sa veuve et son frère. »
Poursuivi par la Chambre de justice en 1661, Jean Galland fut forcé de vendre sa charge de secrétaire du Conseil (Dessert a, pages 329‑330).
Étienne Pavillon (mort en 1674), frère de l’évêque janséniste d’Alet (v. note [9], lettre 733) et beau-frère de Jean du Verdier, était secrétaire du roi depuis 1639. Il a participé à treize traités entre 1644 et 1656. Il fut fermier général du convoi de Bordeaux (1645-1652), puis des cinq grosses fermes (1661), et fit partie, en 1652, des créateurs de la compagnie de commerce dite du Cap Nord (Dessert a, no 426). Catalogue des partisans (page 16) :
« Verdier et Pavillon demeurant au Marais, outre plusieurs affaires qu’ils ont faites, sont encore fermiers du convoi de Bordeaux avec Prier, et gagnent sommes immenses. »
Les gabelles étaient les impôts sur le sel, denrée fort précieuse et même vitale car elle permettait la conservation des viandes et du poisson. Toujours affermées, les gabelles avaient engendré une administration fiscale complexe (gabeleurs et gabelous), dont les greniers à sel royaux formaient la pièce centrale. Le sel était essentiellement extrait de la mer, ce qui faisait notamment la richesse de Brouage et du comté nantais. Les mines (salines) de l’Est (Franche-Comté, Alsace, Lorraine) en produisaient aussi, mais n’étaient alors pas rattachées à la France.
Quelques provinces, comme la Bretagne, étaient exemptées de gabelle ; mais la plus grande partie du royaume, dont l’Île-de-France, était soumise à la grande gabelle : le sel y était fortement taxé et les habitants étaient obligés d’acheter une quantité donnée de sel. Dans les régions de petite gabelle, la taxe était moins lourde, mais la consommation imposée supérieure. La contrebande du « faux sel » (faux-sauniers), bien qu’assidûment pourchassée et lourdement punie, prospérait entre les régions de production et les provinces taxées.
Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 134, 27 janvier 1649) :
« Le Parlement assemblé s’est saisi d’un fonds de 270 000 livres qui étaient chez les fermiers des gabelles, dont il y en a les 70 000 livres au maréchal de La Mothe qui les a indiquées, et ce pour le rembourser de ce que le roi lui doit ; et sur le reste, on lui donne, comme aux autres généraux, de quoi faire levée de gens de guerre, en ayant premièrement donné 20 000 livres pour le droit d’avis à celui qui le lui a donné […]. »
Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 132, 26 janvier 1649) :
« Déjà le Parlement a essayé divers avis d’argent caché en divers lieux, comme aux Carmélites des rues Chapon et Court-au-Villain dans le Marais, où l’on disait qu’il y avait beaucoup d’argent caché ; et chez la duchesse d’Aiguillon à Luxembourg, où l’on a défait un plancher sans rien trouver. »
La duchesse d’Aiguillon, nièce de Richelieu, que Guy Patin désignait ici sous son nom de jeune fille (Marie-Madeleine de Vignerod, dame de Combalet), ne parvint jamais à se débarrasser des soupçons que l’immense fortune héritée de son oncle faisait peser sur elle (v. note [22], lettre 80, pour le transfert de cinq millions aux Carmélites de la rue Chapon, dont on l’avait soupçonnée en 1643).
Achevé au début du xviie s. le Pont-Neuf (aujourd’hui le plus vieux de Paris) enjambe les deux bras de la Seine là où ils se réunissent, à la pointe ouest de l’île de la Cité. Lieu de passage extrêmement fréquenté, les marchands ambulants y déployaient leurs étalages (notamment les bouquinistes vendeurs de libelles séditieux, v. note [5], lettre 197), et les tréteaux des arracheurs de dents (v. note [1] du Voyage de Théophraste Renaudot, Gazetier, à la cour), vendeurs de thériaque (v. note [9], lettre 5) et autres bateleurs y attiraient la foule.
Le pont ne portait pas de maisons, sa seule construction pérenne était la statue équestre du roi Henri iv, surnommée le « cheval de bronze ». Sa deuxième arche jouxtant la rive droite abritait une machine capable d’élever l’eau de la Seine pour arroser le jardin des Tuileries. Construite par l’ingénieur flamand Lintlaer, la pompe était logée dans un bâtiment orné d’un groupe représentant Jésus près du puits de Jacob et la Samaritaine lui offrant à boire : d’où vint l’habitude prise par les Parisiens de l’appeler la Samaritaine (R. et S. Pillorget).
Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, pages 139‑140, janvier 1649) :
« Dimanche 31, bruit que dans la pompe de la Samaritaine, au Pont-Neuf, on a découvert de l’argent et posé garde […].
L’argent qui avait été indiqué en la Samaritaine du Pont-Neuf se trouva être de quinze mille livres seulement, au petit Jacquelin, mineur, et n’y en a point d’autre. »
Le maître de la pompe et sa femme furent conduits à la Bastille sous le chef d’avoir aidé plusieurs personnes à sortir de Paris pendant la nuit. Ils auraient aussi fait sortir de la vaisselle de la capitale (Jestaz).
Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, page 645) :
« Le samedi 30 janvier, les nouvelles se publièrent que les parlements de Bordeaux, Toulouse et Aix s’étaient déclarés pour Paris, ainsi que Grenoble et Bretagne ; mais que l’on n’avait pas nouvelles de leurs arrêts parce que l’on interceptait tous les courriers. L’on disait de Provence que M. le comte d’Alais avait pris occasion d’une procession générale, qui se fait le 17 janvier, où tout le peuple sort hors de la ville, et avait fait entrer douze cents hommes de pied et ses gardes pour se rendre maître de la ville, dont le peuple averti avait pris les armes, et désarmé ces troupes et assiégé M. le comte d’Alais, et que sa composition avait été que les soldats sortiraient de la ville, les nouveaux officiers se retireraient, les anciens seraient rétablis et M. le comte d’Alais demeurerait en otage pour la sûreté de la ville. »
Le parlement de Bordeaux ne se montra pas hostile aux officiers royaux de la province et ne soutint Paris qu’à la fin du premier trimestre de 1649, au moment même où le traité de Rueil était signé (Jestaz).
« Hobereau, se dit figurément et ironiquement des petits nobles de campagne qui n’ont point de bien et qui vont manger [chez] les autres ; et aussi de ceux qui sont apprentis et novices dans le monde. Ce mot vient de Hober, mot picard qui signifie ne bouger d’un lieu, parce que ces sortes de gentilshommes sont casaniers et n’ont jamais été à la guerre ni vu le monde » (Furetière).
En bon bourgeois de Paris, Guy Patin se moquait des financiers de petite envergure que la guerre de Paris était en train de ruiner et d’embastiller. Pouvait-il vraiment ignorer que tout le système fisco-financier de l’époque, dont lui-même tirait profit, reposait sur les partis que la Couronne déléguait aux traitants ?
Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, page 647, lundi 1er février) :
« L’état de Paris est admirable. Le pain est beaucoup amendé de prix et n’augmentera pas. L’on tient libres les portes Saint-Antoine et Saint-Jacques. Il n’y a aucun bruit. Chacun va à ses affaires, les ouvriers travaillent et pourvu que l’on ne se présente point aux portes qui sont gardées, il n’y a aucune marque de siège. L’on a déjà levé plus de deux millions de livres qui se sont répandus aussitôt, toutes les levées y ayant été faites. Le seul changement est dans les églises où tout le monde prie Dieu fort dévotement et personne ne murmure. »
Charlemagne, né en 742 ou 748, premier empereur d’Occident, couronné en 800, mourut à Aix-la-Chapelle le 28 janvier 814.
La naissance avait eu lieu à minuit le mercredi 27 janvier ; l’événement est consigné dans le Registre VP (fo 169 ro‑vo, en date du 28 janvier 1649) :
« Ce jour fut baptisé dans l’église Saint-Jean-en-Grève, avec beaucoup de cérémonies, le second fils de Monsieur le duc de Longueville, né dans l’Hôtel de Ville de Paris, tenu sur les fonds par Messieurs les prévôt des marchands, échevins et greffier de ladite Ville, pour tout le Corps d’icelle, et Madame la duchesse de Bouillon ; et a été nommé Charles de Paris, comte de Saint-Pol »
Charles Paris d’Orléans (Hôtel de Ville de Paris 27 ou 28 janvier 1649-1672), comte de Saint-Pol, puis duc de Longueville, était le second fils de Mme de Longueville. Il était fils adultérin du duc de La Rochefoucauld. Brillant militaire admiré de toute la cour et adoré par sa mère, il fut victime de sa bravoure au passage du Rhin, le 12 juin 1672.
Mme de Motteville (Mémoires, pages 242‑243) :
« Pendant qu’on traite de tous côtés, Mme de Longueville, l’âme du parti parisien, et chez qui les conseils se tenaient, mit au monde, dans l’Hôtel de Ville, un fils qui fut nommé Charles Paris ; et malgré l’état où elle était, le plaisir de l’intrigue lui donnant des forces, elle ne laissait pas, quoique délicate de son naturel, d’entendre, de parler et d’agir ; ce qui fait voir que les passions emportent la Nature au delà d’elle-même et que rien ne les saurait arrêter que Dieu seul, par sa grâce et par un grand détrompement. »
Éléonore-Catherine-Fébronie de Bergh (1615-15 juillet ou 9 août 1657), issue d’une grande famille des Pays-Bas espagnols, était devenue duchesse de Bouillon en 1634 en épousant le duc Frédéric-Maurice de Bouillon (v. note [8], lettre 66), frère aîné de Turenne, qui était alors l’une des grandes figures du parti frondeur.
Vallier (Journal, tome i, pages 184‑185, 30 janvier 1649) :
« La séance de ce même jour fut employée par le Parlement en plusieurs règlements concernant les vivres et les autres affaires de police, mais principalement à discuter les avis qui lui étaient donnés, par diverses personnes de néant et infâmes, des lieux et des maisons où elles assuraient que l’on avait caché des sommes immenses et qui appartenaient à ceux du parti contraire ; ce qui donna lieu de commettre plusieurs conseillers pour se transporter avec lesdits dénonciateurs aux endroits marqués par leurs mémoires. Alors et ensuite, vit-on les plus grands frondeurs de cette célèbre Compagnie se départir dans tous les quartiers de la ville et en leur présence, faire fouiller dans les caves, dans les puits et partout ailleurs où ils étaient persuadés qu’il y eût quelque trésor caché : les lambris, les manteaux de cheminées et les plafonds les mieux peints et les plus dorés furent rompus et brisés sur la seule parole du moindre de ces coquins ; les monastères d’hommes et de filles les plus réformés n’en furent pas exempts ; les églises mêmes furent profanées, et les sépulcres violés par la levée de diverses tombes qui ne couvraient rien moins que ce que l’on cherchait. »
Mme de Motteville (Mémoires, pages 244‑245) :
« Les généraux frondeurs eurent avis que l’armée du roi devait venir attaquer Charenton, un de leurs meilleurs passages pour leur faire venir des vivres dans Paris. Ils y avaient mis une garnison considérable et un vaillant homme pour la défendre. Quand on le sut à Paris, ceux qui y commandaient firent aussitôt dessein de l’empêcher et de sortir avec toutes leurs troupes, qui étaient en aussi grand nombre qu’ils le voulaient : la multitude en était infinie et chaque Parisien était alors soldat, mais soldat sans courage. Les généraux, qui se sentaient le cœur capable de tout entreprendre, étaient assez hardis pour dire qu’ils donneraient bataille s’ils le jugeaient à propos ; mais je pense qu’en le disant, ils avaient déjà jugé qu’ils ne le devaient pas faire. La politique et la raison les obligeaient de menacer et de craindre, et leur défendaient, en faisant les braves, de montrer la faiblesse de leur parti par les mauvaises troupes qu’ils commandaient.
M. le Prince, la terreur des Parisiens, vint donc, comme un torrent qui emporte tout ce qu’il rencontre, fondre sur ce village retranché, barricadé et bien muni de braves gens. Le duc d’Orléans était en personne dans l’armée du roi, et tout ce qui portait une épée de ceux qui étaient à la cour y fut aussi. L’armée était petite, mais elle était bonne et le nom du général augmentait ses forces de beaucoup. M. le Prince, accoutumé à de plus grandes victoires, enleva le quartier, tua tout ce qui osa lui résister et tailla en pièces la garnison qui était de deux mille hommes. Clanleu qui la commandait fut tué, se défendant vaillamment, refusant la vie qu’on lui voulut donner et disant qu’il était partout malheureux, qu’il trouvait plus honorable de mourir en cette occasion que sur l’échafaud. Ensuite de cette expédition, M. le Prince rangea son armée en bataille et eut le loisir de la mettre en bon ordre avant que celle de Paris pût arriver à la vue de ses troupes. Les deux armées furent assez longtemps à se regarder sans se faire aucun mal. Celle du roi avait fait ce qu’elle avait eu dessein de faire et celle de Paris n’avait que de très faibles intentions de l’attaquer, et pas assez de courage pour résister aux troupes du roi. Ses moindres goujats étaient des Césars et des Alexandres en comparaison de leurs meilleurs soldats. Cette nombreuse et mauvaise armée ne sortit point de ses retranchements, qui furent les dernières maisons de Picpus, et l’arrière-garde demeura toujours bien à son aise dans la Place Royale {a} et ne vit que le cheval de bronze qui, portant la représentation de Louis xiii, leur devait faire honte d’aller combattre son fils et leur roi. […] Les deux armées se retirèrent chacune de leur côté : celle du roi glorieuse et satisfaite, et celle de Paris bien honteuse de n’avoir donné d’autres preuves de sa vaillance que celles des menaces et des injures. Elles n’avaient pas été faites à leurs ennemis d’assez près pour être entendues, et c’est pour cette raison qu’elles ne furent pas vengées. »
- Actuelle place des Vosges, dans le Marais.
Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, page 655, lundi 8 février) :
« Après le dîner, allant sur le rempart avec M. de Coulanges, {a} nous apprîmes que Charenton avait été forcé sur les neuf heures ; que Clanleu, qui en était gouverneur, avait été tué, ayant refusé quartier ; et que M. de Châtillon y avait été tué. Personne ne pouvait croire cette nouvelle. Sur le boulevard {b} de la porte Saint-Antoine, où était tout Paris, l’on voyait rentrer des troupes d’infanterie, des bourgeois et de la cavalerie. Cette prise étonnait tout le monde parce que c’était le seul passage libre pour les vivres et l’on accusait nos généraux de trahison, et principalement M. d’Elbeuf, qui avait été averti dès la veille sur les trois heures et avait négligé cet avis. L’on disait que M. le Prince avait mis le feu à Charenton. Toute la ville était pleine des compagnies de bourgeois en armes et il y avait plus de vingt mille hommes. M. le coadjuteur sortit à cheval avec deux pistolets et un habit gris, dont on parlait. »
- Philippe de Coulanges, maître des requêtes, avait épousé Marie d’Ormesson, sœur d’Olivier Le Fèvre d’Ormesson.
- Bastion.
C’est-à-dire du côté du temple : Charenton était la ville calviniste d’Île-de-France (v. note [18], lettre 146) ; prêche s’entend ici comme le « lieu où s’assemblaient les huguenots pour entendre le prêche » (Furetière).
Les nombres donnés par Guy Patin, à l’avantage des frondeurs mais sans doute faux, ne suffisent pas à transformer le combat de Charenton en défaite de Condé.
François de Montmorency seigneur de Bouteville, comte de Luxe, était mort sur l’échafaud le 22 juin 1627, âgé de 27 ans, en exécution la condamnation que son 22e duel lui avait valu. Bouteville s’était marié avec Élisabeth de Vienne. Leur deuxième fille, Élisabeth-Angélique (1626-1695), avait épousé en 1645 Gaspard iv de Châtillon (v. note [2], lettre 89), officier condéen tué lors de ce combat de Charenton.
Mlle de Montpensier (Mémoires, première partie, volume 1, chapitre vi, pages 202‑203) :« La grande occasion fut à Charenton que l’on prit en deux heures. […] M. de Châtillon y fut blessé et mourut le lendemain au Bois de Vincennes, et M. de Saligny, tous deux de la Maison de Coligny.
[…] Après cet exploit, les deux armées furent assez longtemps en bataille {a} entre le Bois de Vincennes et Picpus, et personne ne se battit. L’on eut une grande joie à Saint-Germain de cette expédition ; il n’y eut que Mme de Châtillon qui fut affligée. Son affliction fut modérée par l’amitié que son mari avait pour Mlle de Guerchy {b} et même, dans le combat, il avait une de ses jarretières nouée à son bras ; comme elle était bleue, cela la fit remarquer ; et en ce temps-là, l’on n’avait pas encore vu d’écharpe de cette couleur. »
Après s’être bien vite consolée, entre autres dans les bras du prince de Condé, son cousin, Élisabeth-Angélique se remaria en 1664 avec Christian Ludwig, duc de Mecklenburg.
Saint-Simon (Mémoires, tome i, page 128) :
« Belle, spirituelle et fort galante, peut-être encore plus intrigante, < elle > a toute sa vie fait beaucoup de bruit dans le monde, dans ses trois états de fille, de duchesse de Châtillon, enfin de duchesse de Mecklemburg. »
Bernard d’Ostove de Clanleu, maréchal de camp en 1646, s’était signalé dans les guerres de la Régence, mais avait été disgracié après la perte de Dixmude contre les Espagnols en novembre 1647. Le dépit de ce revers lui avait fait embrasser le parti frondeur (Jestaz et Bertière a) ; ce qui n’empêcha pas Mme de Motteville de saluer sa bravoure (v. supra note [71]).
Condé venait du Bois de Vincennes, au nord de Charenton. Au débouché sud du pont de Charenton (v. note [18], lettre 146), deux routes s’ouvraient aux fuyards : celle de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne, 16 kilomètres au sud de Paris) longeait la Seine ; celle de Créteil (Val-de-Marne, 11 kilomètres au sud-est de Paris) longeait la Marne.
Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, pages 656‑657) :
« Je sus ensuite le détail du siège de Charenton : que M. le duc d’Orléans, M. le Prince et tous les princes de la cour, étant partis le dimanche de Saint-Denis, {a} étaient venus coucher avec l’armée au Bois de Vincennes d’où, le lundi sur les sept heures, elle était sortie en bataille par une brèche du parc que M. de Clanleu avait faite à coups de canon pour voir ce qui s’y passait, et que M. le Prince, ayant disposé son armée pour faire face du côté de Paris, avait fait tirer une volée de canon qui avait donné dans la chambre du jardinier du pavillon ; qu’étant entrés par le jardin et ayant abattu la muraille, ils avaient trouvé deux barils de poudre, où ils avaient mis le feu et brûlé les ouvrages ; qu’étant sortis du pavillon, M. le Prince avait fait attaquer la porte ; que Clanleu avait d’abord fait tirer son canon qui avait bien fait et opposé grande résistance à cette première attaque ; mais que M. le Prince ayant fait monter par dedans les jardins, le combat s’était concentré dans la rue où le carnage avait été grand. Néanmoins, la plupart ayant songé à la retraite, M. le Prince en était demeuré le maître ; les maisons avaient été pillées et tous les habitants s’étaient jetés dans des bateaux pour se sauver. M. le Prince avait fait rompre le pont, brûler des moulins et fait passer deux cents Allemands de l’autre côté de l’eau chez M. Falcony, et s’était retiré ayant abandonné le bourg comme ne pouvant être gardé.
L’on accusait M. d’Elbeuf, ayant été averti dès le dimanche du dessein de M. le Prince, ou de n’y avoir pas jeté bien des troupes pour réparer par le nombre des hommes le défaut de la place, ou, si la place ne pouvait se défendre, de n’en avoir pas retiré la garnison pour se mettre dès le matin en bataille et à cet effet, fait sortir toutes les troupes dès la nuit, y ayant plus de vingt mille bourgeois résolus à bien se battre, au lieu qu’il n’avait commencé à les faire filer qu’à cinq heures du matin, et la moitié n’était pas sortie à midi. Après cela chacun disait qu’il fallait songer à l’accommodement plutôt que périr et avant d’être réduits à l’extrémité. »
- 7 février 1649.
Né le 11 juillet suivant, ce fils posthume du duc de Châtillon, qu’on prénomma Henri-Gaspard, mourut le 25 octobre 1657, âgé de huit ans (v. note [23], lettre 500). Avec lui s’éteignit la descendance de l’amiral de Coligny (v. note [156], lettre 166).
À cet endroit du manuscrit, une tache d’encre et une rature laissent un doute planer sur ce nombre, qu’on pourrait tout aussi bien prendre pour 60 ou pour 6 000 ; mais la vraisemblance fait opter pour 600.
Mme de Motteville (Mémoires, page 245) :
« Les généraux parisiens, mal satisfaits de leur journée, se retirèrent doucement. Ils essuyèrent mille injures de leurs bourgeois qui étaient en colère de ce qu’on ne les avait pas menés au combat. Ils juraient qu’ils auraient fait des merveilles, et qu’ils auraient porté la mort et l’effroi dans toute l’armée du roi. Leur chagrin procédait de ce qu’ils avaient perdu un passage qui leur apportait des vivres ; qu’il ne restait plus que Brie-Comte-Robert ; et n’ayant que cette seule ressource, ils voyaient que bientôt ils seraient en état de craindre la faim. »
Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) se trouve entre Marne et Seine, sur le chemin de Brie, à une trentaine de kilomètres au sud-est de Paris ; ce point de passage, vital pour Paris, était alors assiégé par les troupes du roi.
Mme de Motteville (Mémoires, page 245) :
« Le duc de Châtillon fut blessé à mort en cette occasion, dont M. le Prince fut touché. Il le pleura et témoigna pour lui, aussi bien qu’il l’avait déjà fait pour d’autres, qu’il était quelquefois susceptible de beaucoup d’amitié. Ce jeune seigneur fut regretté publiquement de toute la cour à cause de son mérite et de sa qualité ; et tous les honnêtes gens eurent pitié de sa destinée. Sa femme, la belle duchesse de Châtillon, qu’il avait épousée par une violente passion, fit toutes les façons que les dames qui s’aiment trop pour aimer beaucoup les autres ont accoutumé de faire en telles occasions ; et comme il lui était déjà infidèle et qu’elle croyait que son extrême beauté devait réparer le dégoût d’une jouissance légitime, on douta que sa douleur fût aussi grande que sa perte. Cet aimable mari, reconnaissant sa faute, en demanda pardon en mourant à celle qu’il avait offensée, préférant d’autres chaînes aux siennes. Il le fit en des termes si obligeants, à ce qu’elle m’a depuis dit elle-même, qu’il est à croire que la colère et la jalousie laissèrent quelque place à la tendresse, et n’étouffèrent pas tout à fait une amitié qui avait paru si grande. »
Sans doute une allusion aux deux vers de Juvénal (Satire vi, vers 237‑238) :
Abditus interea latet et secretus adulter,
[Pendant ce temps, mandé secrètement, l’amant se tient caché et impatient d’attendre, se masturbe en silence].
inpatiensque moræ silet et præputia ducit.
C’était bien dans le ton des mazarinades de l’époque, qui éreintaient Mazarin et la reine en les accusant de toutes les turpitudes imaginables.
La mère de la duchesse de Châtillon (v. supra note [74]) était Élisabeth de Vienne (morte en 1696), veuve de François de Montmorency-Bouteville.
Une autre décision.
Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, pages 658‑659, mercredi 10 et jeudi 11 février) :
« L’après-dînée, étant près de Saint-Nicolas, {a} je vis une émotion épouvantable parmi le peuple, chacun courant aux armes sur le bruit que M. de Beaufort demandait des secours et qu’il était entouré des ennemis. Les hommes couraient sans capitaine ni conduite. Les femmes criaient. Le soir, je sus que, dès le lundi, M. de Beaufort était sorti avec M. de Noirmoutier et 800 chevaux pour aller quérir le convoi d’Étampes, et qu’en le ramenant, il avait trouvé les troupes du roi qui s’y étaient opposées ; que l’on s’était battu, et que néanmoins le convoi était arrivé. […]
Le jeudi 11 février, […] je vis Marigny {b} qui me dit le détail du combat d’hier ; que le maréchal de Gramont avec deux mille chevaux et deux mille hommes de pied leur avait coupé le chemin, en sorte que M. de La Mothe étant arrivé au-devant de M. de Beaufort, s’était battu contre le maréchal de Gramont ; que M. de Beaufort avait poussé dans Vitry partie de la cavalerie, où il avait combattu nue tête et sans armes, avait failli d’être tué par Nerlieu, {c} que M. de Noirmoutier avait prévenu, l’ayant tué d’un coup de pistolet ; en sorte que, les troupes du roi s’étant retirées, et eux ayant fait passer les bœufs et les porcs du convoi, ils n’avaient pas voulu les poursuivre, et qu’il n’était point entré de farines ni blé. »
- L’église Saint-Nicolas-de-Champs, v. note [28], lettre 380.
- Jacques Carpentier de Marigny, une des plumes du coadjuteur.
- Charles de Beauvau seigneur de Nerlieu.
V. note [8], lettre 149, pour Châtres (Arpajon).
Étampes (Essonne) sur la Juine, à 50 kilomètres au sud-ouest de Paris, est une ville de Beauce, dans le pays chartrain, du côté du Gâtinais. Elle était la capitale d’un duché que Henri iv avait donné à son fils naturel, César de Vendôme.
Mme de Motteville (Mémoires, page 246, février 1649) :
« Le 9 au soir, le duc de Beaufort partit pour aller à Étampes au-devant d’un convoi de blé et de bétail dont le peuple avait grand besoin. À son retour, il fut attaqué par les troupes que commandait le maréchal de Gramont, qui n’osa le pousser tout à fait, de crainte de la multitude parisienne qui commençait à sortir pour venir au secours de leur prince bien-aimé. On nous dit alors que si ce général royaliste, dans un certain défilé, eût voulu profiter de l’occasion, il aurait taillé en pièces le duc de Beaufort et lui aurait pris tout son butin ; mais ce prince, qui ne fut que faiblement attaqué, se défendant vaillamment, hasarda généreusement sa vie pour conserver celle des bœufs et des moutons qui devaient nourrir ses bons amis les Parisiens. Le maréchal de La Mothe alla le secourir et lui aida à se tirer d’affaire, car il s’était un peu trop engagé au combat. Il sortit une si grande quantité de peuple au-devant de lui que toute la nuit ne put pas suffire pour leur donner le temps de rentrer dans la ville et débrouiller cet embarras où tant de bêtes de toute nature se rencontrèrent mêlées ensemble. »
Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 152) :
« En ce même temps, {a} l’on vit, du quai de l’Arsenal, la cavalerie de la Ville sur le haut de Juvisy retourner en deçà et descendre une bonne partie, avec de l’infanterie, à travers du coteau, au bord de la rivière où ils font halte et ralliement ; puis entrent par la porte Saint-Bernard. Le bruit est que le duc de Beaufort qui été engagé a été recous. {b}
Cependant le convoi venant d’Étampes est passé bravement avec tous les bœufs, au nombre de cinq ou six cents, autres disent huit cents, qui est pour la fourniture d’une semaine de la ville ; porcs et moutons au nombre de six mille et que l’on a laissés escortés de bonne cavalerie. Pour les charrettes, restées derrière, il n’en est point entré qu’environ vingt, mais il y avait 150 chevaux et 200 hommes chargés de farine et pains. On a même amené quelques prisonniers du parti contraire, entre lesquels est le baron d’Alais. »
Le marquis de Noirmoutier y fit fort bien et le baron de Noirlieu, de l’autre parti, y fut tué.
- L’après-midi du 10 février.
- Délivré.
Mme de Motteville (Mémoires, page 246) :
« Le 12 février 1649 arriva un héraut d’armes de la part du roi, qui se présenta à la porte Saint-Honoré, vêtu d’une mandille {a} sans manches, de velours bleu, couverte de fleurs de lis d’or, une toque de velours noir à sa tête et un bâton à sa main couvert du même velours, et pareillement semé de fleurs de lis. Le capitaine de la porte lui dit qu’il ne pouvait le laisser entrer sans le consentement du prince de Conti et du Parlement. M. de Maisons, qui y commandait en qualité de colonel du quartier, fut celui qui en alla donner avis à l’un et à l’autre. Le Parlement s’assembla aussitôt pour aviser à ce qu’il devait faire. Il fut arrêté de lui refuser l’entrée et que les Gens du roi iraient à Saint-Germain représenter à la reine que le roi n’ayant point accoutumé d’envoyer des hérauts à ses sujets, ils avaient refusé de le recevoir sous le nom d’ennemis et la supplier de leur dire ce qu’elle désirait de faire savoir au Parlement. Cette députation ne déplut point à la cour parce qu’elle était respectueuse et donnait lieu à quelques propositions d’accommodement que tous les gens de bien désiraient avec ardeur. »
- Court manteau que portaient les laquais.
Le coadjuteur s’est arrogé le mérite de cet « expédient qui [ne lui] vint dans l’esprit qu’un quart d’heure avant que l’on eût pris séance ».
Retz, (Mémoires, page 420) :
« Ma première vue, quand je connus que le Parlement se disposait à donner entrée au héraut, fut de faire prendre les armes à toutes les troupes, de le faire passer dans les files en grande cérémonie et de l’environner tellement, sous prétexte d’honneur, qu’il ne fût presque point vu et nullement entendu du peuple. La seconde fut meilleure et remédia beaucoup mieux à tout. Je proposai à Broussel, qui, comme des plus anciens de la Grand’Chambre, opinait des premiers, de dire qu’il ne concevait pas l’embarras où l’on témoignait être dans ce rencontre ; qu’il n’y avait qu’un parti, qui était de refuser toute audience et même toute entrée au héraut, sur ce que ces sortes de gens n’étaient jamais envoyés qu’à des ennemis ou à des égaux ; que cet envoi n’était qu’un artifice très grossier du cardinal Mazarin, qui s’imaginait qu’il aveuglerait assez et le Parlement et la ville pour les obliger à faire le pas du monde le plus irrespectueux et le plus criminel, sous prétexte d’obéissance. Le bonhomme Broussel, qui demeura persuadé de la force de ce raisonnement, quoiqu’il n’eût assurément qu’une apparence très légère, le poussa jusqu’aux larmes. Toute la Compagnie s’émut. L’on comprit tout d’un coup que cette réponse était la naturelle. Le président de Mesmes, qui voulut alléguer des exemples de vingt-cinq ou trente hérauts envoyés par des rois à leurs sujets, fut repoussé et sifflé comme s’il eût dit la chose du monde la plus extravagante ; l’on ne voulut presque pas écouter ceux qui opinèrent au contraire et il passa à {a} refuser l’entrée de la ville au héraut et de charger Messieurs les Gens du roi d’aller à Saint-Germain rendre raison à la reine de ce refus. M. le prince de Conti et l’Hôtel de Ville se servirent du même prétexte pour ne pas entendre le héraut et pour ne pas recevoir les paquets qu’il laissa le lendemain sur la barrière de la porte Saint-Honoré. »
- On décida de.
Michel Le Tellier (Paris 1603-ibid. 1685), sieur de Chaville et marquis de Louvois (en 1656), fils d’un maître en la Chambre des comptes, avait successivement occupé les charges de conseiller au Grand Conseil (1624), de procureur du roi au Châtelet (1631), de maître des requêtes (1638), puis d’intendant auprès de l’armée d’Italie (1640). Attaché à Mazarin dès ses débuts, il était alors depuis 1643 secrétaire d’État à la Guerre. D’une fidélité sans faille au cardinal, il allait jouer un rôle politique éminent durant la Fronde, qu’il contribua grandement à éteindre.
En 1661, après avoir pris une part très active aux négociations du mariage de Louis xiv, Le Tellier se démit de la charge de secrétaire d’État au profit de son fils François-Michel, marquis de Louvois (1641-1691, v. note [5], lettre 728) ; mais le roi, voulant récompenser ses services, le fit en 1677, après la mort d’Aligre, chancelier et garde des sceaux. Ce fut lui qui, douze jours avant de mourir, scella l’ordonnance qui révoquait l’édit de Nantes (G.D.U. xixe s. et R. et S. Pillorget).
François Ravaillac (Touvres près d’Angoulême 1578-Paris 27 mai 1610), qui assassina d’un coup de poignard le roi Henri iv à Paris le 14 mai 1610, représentait pour Guy Patin le comble de l’infamie. Catholique fanatique profondément perturbé (sans doute ce qu’on appelle à présent un schizophrène), même soumis aux pires tortures, il affirma jusqu’au bout avoir agi sans complicités. Certains crurent néanmoins que derrière la main de Ravaillac il fallait deviner celle de la Compagnie de Jésus, déjà impliquée dans l’attentat manqué de Jean Chastel contre le roi en 1594 (v. note [42] des Décrets et assemblées de 1650‑1651 dans les Commentaires de la Faculté de médecine de Paris, pour les peines infligées à ces deux régicides). D’autres rumeurs ont couru sur ceux qui avaient pu armer le bras du régicide, mais les historiens n’ont pas tranché la question ; v. note [14], lettre 660, pour ce qu’en a écrit Hardouin de Beaumont te Péféfixe en 1661.
La tour de Montgomery, ou tour de César, est la plus orientale des trois grosses tours rondes de la Conciergerie : avant d’y enfermer Ravaillac en 1610, on y avait détenu en 1574, dans les jours précédant son exécution, Gabriel de Lorges, comte de Montgomery (gentilhomme normand qui avait mortellement blessé le roi Henri ii lors d’un tournoi en 1559).
Jean-Louis de Nogaret, dit le chevalier de La Valette (mort en 1650) était fils naturel de Jean-Louis de Nogaret, duc d’Épernon (v. note [12], lettre 76), et donc demi-frère du duc d’Épernon (Bernard de Nogaret, v. note [13], lettre 18) et du cardinal de La Valette. Chevalier de Malte, général de l’armée navale des Vénitiens en 1645, La Valette avait été nommé lieutenant général des armées du roi. Ayant obtenu un passeport pour sortir de Paris, il entretenait d’étroites relations avec la cour. Emprisonné le 11 février, le chevalier fut libéré le 4 avril suivant (Jestaz). Gravement blessé en attaquant l’Isle-Saint-Georges (v. note [47], lettre 240), le 4 août 1650, La Valette mourut à Castres peu après.
Retz (Mémoires, pages 418-421) :
« Cette nouvelle {a} arriva justement dans le moment que l’on était encore devant le feu {b} de la Grand’Chambre et que l’on était sur le point de s’asseoir ; tout le monde s’y entretenait de ce qui était arrivé la veille à onze [heures] du soir dans les Halles, où le chevalier de La Valette avait été pris semant des billets très injurieux pour le Parlement, et encore plus pour moi. Il fut amené à l’Hôtel de Ville et je le trouvai sur les degrés comme je descendais de la chambre de Mme de Longueville. Comme je le connaissais extrêmement, je lui fis civilité et je fis même retirer une foule de peuple qui le maltraitait. Mais je fus bien surpris quand je vis qu’au lieu de répondre à mes honnêtetés {c}, il me dit d’un ton fier : “ Je ne crains rien ; je sers mon roi. ” Je fus moins étonné de sa manière d’agir quand l’on me fit voir ces placards, qui ne se fussent pas en effet accordés avec des compliments [civilités]. Les bourgeois m’en mirent entre les mains cinq ou six cents copies qui avaient été trouvées dans son carrosse. Il ne les désavoua point. Il continua à me parler hautement. Je ne changeai pas pour cela de ton avec lui. Je lui témoignai la douleur que j’avais de le voir dans ce malheur, et le prévôt des marchands l’envoya prisonnier à la Conciergerie. Cette aventure, qui n’avait pas déjà beaucoup de rapport avec ces bonnes dispositions de la cour à la paix, dont Brillac et le président Aubry s’étaient vantés d’être si bien et si particulièrement informés, cette aventure, dis-je, jointe à l’apparition d’un héraut, qui paraissait comme sorti d’une machine, à point nommé, ne marquait que trop visiblement un dessein formé. Tout le Parlement le voyait comme tout le reste du monde ; mais tout ce Parlement était tout propre à s’aveugler dans la pratique parce qu’il est si accoutumé, par les règles de la justice ordinaire, à s’attacher aux formalités, que dans les extraordinaires, il ne les peut jamais démêler de la substance.
[…] Le chevalier de La Valette, esprit noir mais déterminé, et d’une valeur propre et portée à entreprendre, ce qui n’a pas été ordinaire à celle de notre siècle, avait formé le dessein de nous tuer, M. de Beaufort et moi, sur les degrés du Palais, et de se servir pour cet effet du trouble et de la confusion qu’il espérait d’un spectacle aussi extraordinaire que celui de ce héraut jetterait dans la ville. La cour a toujours nié ce complot à l’égard de notre assassinat ; car elle avoua et répéta {d} même le chevalier de La Valette à l’égard des placards. Ce que je sais, de science certaine, est que Cohon, évêque de Dol, dit l’avant-veille à l’évêque d’Aire {e} que M. de Beaufort et moi ne serions pas en vie dans trois jours. »
- Du héraut de la porte Saint-Honoré.
- La cheminée.
- Amabilités.
- La cour reconnut et réclama.
- Gilles Boutault, évêque d’Aire-sur-Adour.
La suite du récit de Guy Patin, sans être aussi précise, donne quelque crédit aux mauvais desseins du chevalier de La Valette.
La Copie du billet imprimé à Saint-Germain-en-Laye, qui a été semé dans Paris par le chevalier de La Valette, tendant à faire soulever les Parisiens contre le Parlement (sans lieu ni nom, 1649, petit in‑fo de 8 pages ; attribué à Anthyme-Denis Cohon, évêque de Dol, v. note [10], lettre 165) met bien en lumière l’analyse inquiète qu’on faisait à Saint-Germain des événements révolutionnaires qui secouaient Paris, avec la profonde haine de la cour pour les frondeurs, non pas le peuple mais la Robe et la noblesse qui l’avait rejointe :
« Pauvre peuple de Paris, que je plains ta simplicité et ton aveuglement ! Dis-moi les sujets de plainte que tu as de l’administration de la reine : a-t-on diminué le paiement des rentes depuis la régence ? t’a-t-on chargé de nouveaux impôts ? Il me semble plutôt que tu as eu des décharges de million à la fois, et des grâces et des soulagements au delà de ce que la nécessité de soutenir deux puissantes guerres pouvait permettre. […]
Le Parlement emporté par les factieux veut bâtir une puissance nouvelle, et jusqu’à présent inconnue dans ce royaume, sur les ruines de la royauté. Il veut de l’État du monde le plus monarchique en composer un gouvernement de deux cents têtes. Et tu n’adhères pas seulement à ce détestable projet, tu le soutiens au péril de ton repos, au hasard de tes biens, de l’honneur de ta famille, de leur subsistance et de ta propre vie. Quelle fin peut avoir cette affaire, si tu t’opiniâtres à la soutenir, qu’un gouffre de misères et de calamités, que l’horreur des guerres civiles, que l’effusion de beaucoup de sang français et l’avantage des ennemis de l’État ? Car enfin, quelle raison peut donner la souveraine puissance à des gens ordinaires, qui n’ont rien par-dessus les autres que la fortune d’avoir pu acheter des charges bien chèrement ? Et crois-tu, quand Dieu ne prendrait pas en main la cause d’un roi mineur qu’on veut opprimer, quand le roi n’aurait pas pour te ranger en ton devoir toutes ces braves troupes qui ont mis si bas notre ennemi auparavant si formidable, crois-tu, dis-je, que le duc d’Orléans, le prince de Condé, tant de princes et grands du royaume, tout l’ordre ecclésiastique et tant de généreuse noblesse puissent jamais souffrir la domination illégitime de gens qui leur sont en toutes façons si fort inférieurs ? Ouvre les yeux, pauvre peuple ! vois dans quel précipice on t’engage […]. Faut-il que tu sacrifies tout pour l’intérêt d’un petit nombre de séditieux ? Que t’importe que les présidents de Novion et Blancmesnil n’aient pu avoir la coadjutorerie de l’évêché de Beauvais pour un de leurs proches ? Et pourquoi t’intéresser à la vengeance qu’ils veulent prendre de l’éloignement de leur oncle ? T’imagines-tu que Broussel eût fait si fort son tribun s’il eût pu obtenir pour son fils la compagnie aux gardes qu’il poursuivait ? Que te soucies-tu si le président Viole n’a pu être admis en la charge de chancelier de la reine ? Et prendrais-tu Coulon {a} pour un grand législateur, lui qui fait vanité publique d’être un dissolu en toutes débauches, et qu’on a souvent délibéré de chasser du Parlement pour l’infamie de sa vie et pour la prostitution qu’il faisait lui-même de sa famille ? T’a-t-on offensé quand on n’a pu satisfaire Guiry sur la charge qu’il voulait d’introducteur des ambassadeurs ? Et crois-tu que les barbes vénérables de Vialar et de Bachaumont, et d’autres jeunes fols de cette portée, qui se nomment eux-mêmes par raillerie les petits pères du peuple et les tuteurs des rois, soient fort propres à réformer l’État ? Enfin, rien ne se meut dans cette grande machine que par des ressorts intéressés. Cependant, tu y prêtes ton bras comme si elle ne travaillait que pour ton avantage, quoique ce ne soit qu’à ta destruction : crois-tu que le parti en soit devenu beaucoup plus juste ou plus fort, pour y voir quelques princes à la tête ? Ils donnent leur assistance pour prolonger tes misères, et non pas pour les finir ; ils te sacrifieront pour avoir plus avantageusement leur compte et ne se soucieront pas fort des otages qu’ils ont donnés. N’as-tu pas l’exemple du prince Thomas qui reprit toutes les places du Piémont sur les Espagnols quoique sa femme et ses enfants fussent entre leurs mains ? Le prince de Conti est un jeune prince qui a de bonnes intentions, mais que son beau-frère {b} a débauché sous prétexte de lui faire acquérir de la gloire. Le duc de Longueville n’est avec toi que parce qu’on lui a refusé Le Havre, après qu’on lui avait déjà donné Caen et le comté de Ious. {c} Attends-tu des conseils fidèles et de durée d’un homme qui a manqué à son maître, qui lui avait fait l’honneur de l’appeler dans les siens, qui lui avait fait tant de grâces et qui a tourné casaque aussi souvent que l’occasion s’en est offerte ? La rhétorique naturelle du duc d’Elbeuf pourra-t-elle te persuader qu’il prenne autre intérêt en cette affaire que d’avoir le gouvernement de Montreuil qu’on a refusé avec raison à une personne de sa condition, et qui a si longtemps porté l’écharpe rouge ? {d} Le duc de Bouillon veut Sedan, et serais-tu si enragé que de contribuer à donner une entrée sûre aux ennemis pour ravager la Champagne par leurs courses et venir jusqu’à tes portes quand l’envie leur en prendrait ? Le coadjuteur veut se venger de ce qu’on a rabattu le vol trop hautain qu’il prenait, voulant joindre le commandement temporel au spirituel, c’est-à-dire le gouvernement de Paris à l’archiépiscopat. Ce sont là les arcs-boutants qui appuient ta désobéissance ; le motif de leur mécontentement est parce qu’ils veulent des places. Cependant, si je ne me trompe, il me semble que ce cardinal qu’ils déchirent et noircissent tant, n’en a aucune, et qu’il s’en est défendu toujours aussi vivement que les autres les ont recherchées. Je vois qu’il a bien su contribuer à accroître le royaume de places et de provinces entières, mais il n’a su encore donner les mains à prendre aucun établissement pour lui ; et il fait voir un exemple de modération à présent inconnu dans cet État, qu’un premier ministre, après six ans d’heureuse administration, ne se trouve avoir ni charge de la Couronne, ni gouvernement de province, ni place, ni autre bien que quelques abbayes pour soutenir sa dignité. […] mais considère plus que tout cela, que pour plaire aux factieux du Parlement tu te jettes dans la rébellion, que tu prends les armes contre le souverain que Dieu t’a donné et que tu cours risque de perdre son amour, et peut-être pour jamais sa présence, qui a toujours fait la meilleure partie de ton bonheur. »
- V. note [39], lettre 294.
- Le duc de Longueville.
- Sic pour Jouy ?
- L’écharpe rouge était celle des alliés de l’empereur.
« si mauvais que soient les jours ».
Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 160, lundi 15 février 1649) :
« On a arrêté un garçon saisi d’une lettre et d’un billet différents contenant des avis à ceux de Saint-Germain touchant les fautes qu’ils ont faites jusqu’à ici et ce qu’il faut faire à présent. Le bruit est que c’est de quelque officier des cours souveraines, et on y nomme le président Tambonneau. Le messager est prisonnier ; il y en a trois autres prisonniers et on fait tout devoir d’avérer la chose. Grand bruit de cela dans Paris. »
Les portes Saint-Denis et Saint-Martin étaient deux entrées contiguës du nord de Paris, toujours marquées par des arcs monumentaux, boulevard Saint-Denis.
Les Gens du roi qu’on avait députés à Saint-Germain (Omer ii Talon et Jérôme i Bignon, avocats généraux, et Blaise Méliand, procureur général du Parlement de Paris) vinrent faire leur rapport devant le Parlement assemblé le matin du vendredi 19 février.
Mme de Motteville (Mémoires, page 247) :
« Les députés du Parlement envoyèrent demander des passeports à Saint-Germain pour y aller, selon ce qui avait été résolu à l’arrivée du héraut. Les frondeurs furent au désespoir de cette députation et le duc de Beaufort, le maître du peuple, déclara qu’il voulait faire tuer ceux qui proposaient des conditions de paix sans chasser le cardinal du ministère ; mais toutes ces menaces ne purent empêcher que les négociations n’allassent à leur fin. La reine refusa les passeports aux Gens du roi, les voulant traiter de particuliers à cause qu’elle prétendait que le Parlement était interdit et déclaré criminel. Cette hauteur, non plus que toutes les autres, ne fut pas soutenue ; et il fallut se résoudre de les envoyer dans la forme que les Gens du roi le souhaitèrent, et même il fallut que la reine les traitât favorablement. Sa prudence et son ministre lui conseillèrent de le faire en cette occasion où elle n’était pas en pouvoir d’agir selon ses sentiments. Les affaires se traitèrent entre le ministre et les députés assez généralement parce que des deux côtés on se tint assez serré, chaque parti n’osant paraître vouloir ce qu’en effet ils désiraient comme le remède de tous leurs maux. Les députés à leur retour furent au Parlement rendre compte de leur voyage. Les généraux eurent peur que cette narration n’apportât quelque changement dans les esprits parce que le désir de la paix et du repos est naturellement imprimé dans le cœur de tous les hommes raisonnables. Le prince de Conti, de concert avec tous les autres, l’interrompit en présentant au Parlement un envoyé de la part de l’archiduc, qui leur promettait du secours et les exhortait à se bien défendre. »
Retz (Mémoires, pages 421‑422) :
« Le 19, M. le prince de Conti dit au Parlement qu’il y avait au parquet des huissiers un gentilhomme envoyé de M. l’archiduc Léopold, qui était gouverneur des Pays-Bas pour le roi d’Espagne, et que ce gentilhomme demandait audience à la Compagnie. Les Gens du roi entrèrent au dernier mot du discours de M. le prince de Conti pour rendre compte de ce qu’ils avaient fait à Saint-Germain, où ils avaient été reçus admirablement. La reine avait extrêmement agréé les raisons pour lesquelles la Compagnie avait refusé l’entrée au héraut ; elle avait assuré les Gens du roi que, bien qu’en l’état où étaient les choses elle ne pût pas reconnaître les délibérations du Parlement pour des arrêts d’une Compagnie souveraine, elle ne laissait pas de recevoir avec joie les assurances qu’il lui donnait de son respect et de sa soumission ; et que pour peu que le Parlement donnât d’effet à ses assurances, elle lui donnerait toutes les marques de sa bonté et même de sa bienveillance, et en général et en particulier. Talon, avocat général, et qui parlait toujours avec dignité et avec force, fit ce rapport avec tous les ornements qu’il lui put donner et il conclut par une assurance, qu’il donna lui-même en termes fort pathétiques à la Compagnie, que si elle voulait faire une députation à Saint-Germain, elle y serait très bien reçue et pourrait être d’un grand acheminement à la paix. Le premier président lui ayant dit ensuite qu’il y avait à la porte de la Grand’Chambre un envoyé de l’archiduc, Talon, qui était habile, en prit sujet de fortifier son opinion. Il marqua que la providence de Dieu faisait naître, ce lui semblait, cette occasion pour avoir plus de lieu de témoigner encore davantage au roi la fidélité du Parlement en ne donnant point audience à l’envoyé et en rendant simplement compte à la reine du respect que l’on conservait pour elle en la refusant. »
Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 163, 19 février) :
« Retour des Gens du roi […] auxquels, par la teneur du passeport à eux envoyé, on a donné la qualité qu’ils demandaient : “ aux Gens du roi ”. Ils se louent de la réception que l’on leur a faite, avec bonne chère. En particulier, ils n’ont vu que M. le Chancelier et M. Le Tellier, qui logea même quelques-uns d’eux. En public ils parlèrent à la reine, les duc d’Orléans, prince de Condé et cardinal Mazarin présents, avec le chancelier, qui leur répondit de l’affection de la reine envers leur Compagnie. Le nom même du Parlement ne fut oublié. La reine, de sa bouche, leur fit civilité ; et on les assura que le héraut n’était allé là que pour bon dessein. Ils disent que la reine et tous en général témoignent en particulier tristesse et désir de revenir à Paris. »
V. note [10], lettre 165, pour ces deux évêques, espions de Mazarin, que le coadjuteur a désignés comme étant au courant du complot qui visait à le tuer, ainsi que Beaufort (v. supra, note [91]).
« Mine, en termes de guerre, est un canal souterrain qu’on conduit jusque sous la muraille ou rempart d’un ouvrage qu’on veut faire sauter par le moyen de la poudre qu’on y enferme […]. On dit qu’on a éventé la mine lorsqu’on a découvert le lieu de la mine et qu’on en a empêché l’effet, ce qui se dit aussi au figuré quand on a découvert quelque conjuration ou quelque autre dessein d’un ennemi et qu’on a trouvé un remède pour s’en défendre » (Furetière).
V. notes [11] et [12], lettre 165, pour les frères Tambonneau et pour Claude de Laulne.
Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, pages 669‑670) :
« Le jeudi 18 février, sur le rapport fait d’une lettre interceptée imputée à M. l’évêque de Dol, {a} le Parlement ordonna que l’évêque de Dol et l’évêque d’Aire seraient ouïs et interrogés, et que le nommé de Laulne, conseiller au Châtelet et intendant de M. de Chevreuse, serait pris au corps, et MM. Le Nain et Laisné furent commis. J’ai copie de cette lettre. […]
Le vendredi 19 février, […] MM. Le Nain et Laisné firent rapport qu’ils avaient été chez M. l’évêque de Dol et l’avaient voulu interroger, mais qu’il n’avait point voulu répondre ; qu’ils avaient scellé son cabinet et commis à la garde le brigadier de la compagnie des gardes de M. le prince de Conti qui était chargé de veiller sur M. de Dol ; qu’ils avaient été ensuite chez M. l’évêque d’Aire, qui avait répondu ; qu’ils n’avaient point trouvé M. de Laulne. Les trois procès-verbaux furent lus par Drouet, greffier criminel, et je remarquai que M. l’évêque d’Aire avait levé la main, au lieu de la mettre ad pectus, {b} et avait dit que les évêques en usaient ainsi. Après quoi il fut dit que M. de Dol serait tenu de répondre, nonobstant son déclinatoire, {c} et serait tenu de reconnaître la lettre à lui présentée. »
- V. supra note [92].
- « On fait lever la main aux prêtres en leur faisant mettre la main au pect, pour dire ad pectus, ou à l’estomac » (Furetière).
- Sa demande de renvoi devant une juridiction ecclésiastique.
« pour qu’il soit puni par les parties d’où il a pêché. »
« Monseigneur le pape Innocent x » (en italien), Giambattista Pamphili. {a} On retrouve cette insinuation dans la Lettre d’un religieux… {b} et plus explicitement encore, mais plus tard (mars 1651), dans La Mazarinade, {c} où, entre autres avanies et menaces, Mazarin est accusé d’avoir tué un neveu du pape :
« Rejeton de feu Concini, {d}
Pour tout dire Mazzarini,
Ta carcasse désentraillée
Par la canaille tiraillée
Ensanglantera le pavé ;
Ton priape {e} haut élevé
À la perche sur une gaule
Dans la capitale de la Gaule
Sera le jouet des laquais.
[…] Sergent à verge {f} de Sodome ;
Exploitant par tout le royaume,
Bougre bougrant, bougre bougré,
Et bougre au suprême degré,
Bougre au poil et bougre à la plume,
Bougre en grand et petit volume,
Bougre sodomisant l’État
Et bougre du plus haut carat,
[…] Bougre à chèvres, bougre à garçons,
Bougre de toutes les façons,
[…] Homme aux femmes et femme aux hommes
[…] Va rendre compte […]
D’avoir, courtier de Priape,
Supprimé le neveu du pape
Pour plaire à ce beau cardinal
À qui tu servais d’urinal. »
- V. note [2], lettre 112.
- V. supra note [40].
- Sur la copie imprimée à Bruxelles, sans nom, 1651, in‑fo en vers de 14 pages : pamphlet attribué à Paul ii Scarron) et qui a donné son nom au genre littéraire (v. supra note [22]).
- Concino Concini, maréchal d’Ancre (v. note [8], lettre 89).
- Métonymie de la verge en érection, par allusion au dieu Priape (v. note [5], lettre 859).
- Allusion grivoise à la baguette des sergents de justice (v. note [140] des Déboires de Carolus).
Giulio Cesare Sacchetti (v. note [29], lettre 395), protecteur de Mazarin à ses débuts, était sans doute « ce beau cardinal » visé par les deux derniers vers. La haine de Mazarin pour Innocent x était insigne (v. note [4], lettre 112), mais il y avait loin de là à l’accuser d’avoir supprimé un de ses neveux.
Allusion au chapitre xxvii de Gargantua (pages 77‑81), narrant un fameux épisode de la guerre menée par Picrochole (caricature de Charles Quint) contre Gargantua (François ier) : Comment un moine de Seuillé sauva le clos de l’abbaye du sac des ennemis. Seuillé était la patrie de Rabelais, proche de Chinon.
« < Les sbires de Picrochole > se transportèrent en l’abbaye avec horrible tumulte […] et rompirent les murailles du clos afin de gâter toute la vendange. Les pauvres diables de moines ne savaient auquel de leurs saints se vouer […]. En l’abbaye était pour lors un moine claustrier {a} nommé frère Jean des Entommeures, […] vrai moine, si oncques en fût depuis que le monde moinant moina de moinerie. {b} […] < Frère Jean > mit bas son grand habit et se saisit du bâton de la croix, {c} qui était de cœur de cormier long comme une lance, rond à plain poing et quelque peu semé de fleurs de lys toutes presque effacées. Ainsi sortit en beau sayon, {d} mit son froc en écharpe et de son bâton de la croix donna si brusquement sus les ennemis qui, sans ordre ni enseigne, ni trompette, ni tambourin, parmi le clos vendangeaient. […] Il choqua donc si roidement sur eux sans dire gare qu’il les renversait comme des porcs, frappant à tort et à travers à vieille escrime. » {e}
- Cloîtré (comme le fut Rabelais pendant la majeure partie de son existence, v. note [53] du Borboniana 10 manuscrit).
- V. note [9], lettre 224.
- V. note [2], lettre 348.
- Belle casaque.
- V. note [14], lettre 593 pour un autre extrait de ce chapitre.
Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, pages 171‑172, 22 février 1649) :
« On dit que le nonce du pape, jadis marquis de Bagni, à présent archevêque ou évêque d’Athènes, est allé au greffe du Parlement, où il a levé {a} l’arrêt du 8 janvier {b} et tout ce qui a été fait contre le cardinal Mazarin, et l’a envoyé au pape il y a plus d’un mois. Aucuns ajoutent que, ce jourd’hui, il est allé à Saint-Germain-en-Laye signifier au dit cardinal une citation de la part du pape, lui commandant d’aller à Rome pour besoin que Sa Sainteté y a de lui. Le peuple dit que c’est pour le dégrader de la dignité de cardinal. Enfin, il y en a qui ajoutent un décret du Sénat de Venise suivant lequel l’ambassadeur qu’il a en cette cour a signifié audit Mazarin que, s’il ne va pas à Rome rendre compte et ne se justifie des crimes à lui imposés, on le déclare déchu du titre de noble vénitien, à lui et à son frère accordé nouvellement par ledit Sénat. »
Muphti : « chef de la religion mahométane résidant à Constantinople. La puissance du muphti est souvent redoutable au Grand Seigneur. Le muphti est le souverain interprète de l’Alcoran, qui décide les questions de la loi » (Furetière).
« là d’où il nous est malencontreusement venu, lui le malheur de son siècle et le pire des vauriens » ; Catulle (Poèmes, xiv, vers 20-22) :
vos hinc interea valete abite
[Vous, malheurs de votre siècle et pires des poètes, valete ! mais allez-vous-en d’ici, là d’où vous êtes malencontreusement venus].
illuc unde malum pedem attulistis
sæculi incommoda pessimi poetæ.
« Une incurable manie d’écrire possède beaucoup de gens » (Juvénal, Satire vii, vers 51‑52, avec remplacement de cunctos, tous les, par multos, beaucoup de).
« et quand la liberté des communications nous aura été rendue ».
Jean-Antoine ii Huguetan (Lyon 1615-Paris 1681) était le dernier des 11 enfants (quatre fils et sept filles) de Jean-Antoine i (v. note [6], lettre 70), libraire-imprimeur à Lyon. Il prenait alors la succession de son père. Quelques mois plus tard, il s’associa avec Marc-Antoine Ravaud (Lyon 1623-ibid. 1666), fils de Pierre Ravaud (v. note [9], lettre 97).
En 1661, Marc-Antoine allait épouser Suzanne Seignoret, fille de Suzanne Seignoret-Huguetan, sœur de Jean-Antoine ii. Tous deux calvinistes, Huguetan et Ravaud exercèrent conjointement de juillet 1649 à 1666, à l’enseigne de La Sphère, rue Mercière à Lyon, sous la devise Universitas rerum et pulvis in manu Iehova [La totalité des choses, mais poussière dans la main de Jéhova]. À partir de 1671, Huguetan travailla avec Guillaume Barbier. Il fut l’un des membres de la Societas bibliopolarum [Société des libraires] de Lyon. Charles Spon habitait à quelques pas de la librairie Huguetan et Ravaud, qui figurait parmi ses fournisseurs principaux de livres et entretint de ce fait d’étroites relations avec Guy Patin à Paris. Le fils de Jean-Antoine ii, Jean-Antoine iii (1647-1750), quitta Lyon après la révocation de l’édit de Nantes et alla établir une librairie en Hollande (Jestaz).
« si ce n’est de votre affection et de vos bonnes pensées ».
« qui menez la famille de mes amis. »
« comme il convient ».
Les sept chambres du Parlement de Paris, outre la Grand’Chambre, étaient les deux chambres des requêtes et les cinq chambres des enquêtes.
V. supra note [96], pour la députation des Gens du roi à Saint-Germain, et leur retour devant le Parlement au moment où Arnolfini (v. note [7], lettre 165), l’émissaire de l’archiduc Léopold, demandait audience. Le roi d’Espagne, Philippe iv, était le frère d’Anne d’Autriche, épouse de Louis xiii, et le mari d’Élisabeth de France, fille de Henri iv. La paix de Westphalie (octobre 1648) n’avait pas mis fin à la guerre franco-espagnole déclarée en 1635.
La relation des déclarations de l’émissaire par le coadjuteur (Retz, Mémoires, pages 430‑431) est plus fidèle à ce qui a été rapporté dans le Journal du Parlement :
« L’on le fit entrer sur l’heure même ; l’on lui donna place au bout du bureau ; l’on le fit asseoir et couvrir. Il présenta la lettre de l’archiduc au Parlement, qui n’était que de créance, et il l’expliqua en disant : “ Que son Altesse impériale, son maître, lui avait donné charge de faire part à la Compagnie d’une négociation que le cardinal Mazarin avait essayé de lier avec lui depuis le blocus de Paris ; que le roi catholique {a} n’avait pas estimé qu’il fût sûr ni honnête d’accepter ses offres dans une saison où, d’un côté, l’on voyait bien qu’il ne les faisait que pour pouvoir plus aisément opprimer le Parlement qui était en vénération à toutes les nations du monde, et où, de l’autre, tous les traités que l’on pourrait faire avec un ministre condamné seraient nuls de droit, d’autant plus qu’ils seraient faits sans le concours du Parlement à qui seul il appartient de registrer et de vérifier les traités de paix pour les rendre sûrs et authentiques ; que le roi catholique, qui ne voulait tirer aucun avantage des occasions présentes, avait commandé à M. l’archiduc d’assurer Messieurs du Parlement, qu’il savait être attachés aux véritables intérêts de Sa Majesté très-chrétienne, {b} qu’il les reconnaissait de très bon jugement et que, s’ils acceptaient d’en être les juges, il laissait à leur choix de députer de leur Corps en tel lieu qu’ils voudraient, sans en excepter même Paris ; et que le roi catholique y enverrait incessamment ses députés seulement pour y représenter ses raisons ; qu’il avait fait avancer, en attendant leur réponse, 18 000 hommes sur la frontière pour les secourir en cas qu’ils en eussent besoin, avec ordre toutefois de ne rien entreprendre sur les places du roi très-chrétien, quoiqu’elles fussent la plupart comme abandonnées ; qu’il n’y avait pas 600 hommes dans Péronne, dans Saint-Quentin et dans Le Catelet ; mais qu’il voulait témoigner, en ce rencontre, la sincérité de ses intentions pour le bien de la paix et qu’il donnait sa parole que, dans le temps qu’elle se traiterait, il ne donnerait aucun mouvement à ses armes ; que si elles pouvaient être, en attendant, de quelque utilité au Parlement, il n’avait qu’à en disposer, qu’à les faire même commander par des officiers français si il le jugeait à propos, et qu’à prendre toutes les précautions qu’il croirait nécessaires pour lever les ombrages que l’on peut toujours prendre, avec raison, de la conduite des étrangers. ” »
- Philippe iv, roi d’Espagne.
- Louis xiv, roi de France.
Guillaume ii de Nassau (Willem van Oranje-Nassau ; La Haye 1626-ibid. 6 novembre 1650) était devenu prince d’Orange et stathouder des Provinces-Unies à la mort de son père Frédéric Henri (v. note [8], lettre 66) en 1647.
Il avait épousé en 1641 Marie, fille de Charles ier, roi d’Angleterre, et de Henriette de France. Il avait eu le bonheur de voir l’Europe reconnaître l’indépendance des Provinces-Unies lors des traités de Westphalie (1648), mais exerça une véritable dictature qui lui valut la vive opposition du parti républicain. À sa mort sans héritier majeur, on ne lui nomma pas de successeur au stathoudérat. La charge demeura vacante jusqu’en 1672 quand son fils posthume, Guillaume iii (14 novembre 1650-1702) la reprit avant de devenir roi d’Angleterre en 1689.
V. note [26], lettre 164, pour l’arrêt du Parlement du 8 janvier 1649, contre Mazarin. Guy Patin faisait ici preuve d’un certain manque de perspicacité. Contrairement à la sienne, la réaction du Parlement – du moins, celle de plusieurs des magistrats non frondeurs – fut de taxer les propositions espagnoles de « fourberie ». La ruse était trop grossière. Vallier (Journal, tome i, pages 228) en a parlé comme d’une affaire « chimérique et ridicule », regrettant que le Parlement y perdît son temps.
Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, page 672 et 677) a lui aussi émis de sérieux doutes sur la créance à apporter aux propos de l’archiduc (vendredi 19 février, au Palais) :
« M. le prince de Conti dit qu’il fallait délibérer sur l’envoyé de l’archiduc Léopold et lui faire réponse. […]
Il était trois heures lorsque la Compagnie se leva. Chacun faisait différent jugement sur cet envoyé. Les uns disaient que c’était une illusion, et que l’homme et la lettre étaient supposés et une invention des frondeurs qui l’avaient fait paraître le jour du rapport des Gens du roi {a} pour troubler la délibération ; d’autres, que c’était une invention du cardinal pour justifier à la reine comme aucuns du Parlement avaient correspondance avec les ennemis de l’État ; d’autres (et c’est à mon avis le plus vraisemblable), que l’envoyé vient effectivement de Flandres avec sa lettre et qu’il ne s’est présenté si à propos que par la conduite d’aucuns de Paris qui lui ont donné partie de son instruction. »
- Sur leur entrevue de Saint-Germain.
Guy Joly (Mémoires, v. note [9], lettre 180, pages 59‑60, édition de 1825) et Retz (Mémoires, pages 423-425) ont en effet témoigné qu’Arnolfini travaillait à Paris depuis quinze jours avec les frondeurs pour établir sa lettre de créance.
Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 175, 26 février 1649) :
« ceux de Melun étant acquis à Paris, on y a mené des gens en garnison et y est la cavalerie des grandes portes, qui est d’ordinaire conduite par le marquis de La Boulaye. Toutefois on a eu depuis avis contraire, et que le sieur L’Arbaleste-La Borde, vicomte de Melun en partie (l’autre moitié de cette vicomté, par engagement, est à M. Fouquet, sieur de Vaux, maître des requêtes), s’est ressaisi de ladite ville pour la cour. »
Ici s’arrête artificiellement la lettre cxcxix de l’édition Reveillé-Parise, datée du 20 février.
Sir Thomas Fairfax lord of Cameron (1612-1671), général anglais de famille presbytérienne (calviniste), avait d’abord combattu aux côtés du roi Charles ier pendant les deux Bishops’ wars contre les Écossais (1639-1640, v. note [11], lettre 45), puis s’était rangé du côté du Parlement contre la Couronne à partir de 1642, pour combattre vaillamment durant la première (1642-1646) puis la seconde guerre civile (depuis 1647).
Le Parlement l’avait placé en 1645 à la tête de la New Model Army qu’il menait de victoire en victoire contre les troupes de Charles ier. Sa cruauté à l’encontre des généraux royalistes vaincus à l’issue du siège de Colchester (juin-août 1648) avait toutefois terni sa réputation. Lassé d’être pris pour le bras armé d’un parlement implacable, il refusa de siéger au procès qui prononça la condamnation à mort du roi et se retira dans ses terres en 1650. Après la mort de Cromwell en 1659, il fut avec Monck l’un des artisans de la restauration de la royauté.
Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 164, vendredi 19 février 1649) :
« Avis de Saint-Germain qu’un courrier y apporte l’exécution à mort du roi d’Angleterre. »
Omettant les dix jours d’avance du calendrier julien (utilisé en Angleterre) sur le grégorien (en France, v. note [12], lettre 440), quelques-uns donnent le 30 janvier, au lieu du 9 février, pour dater l’exécution du roi Charles ier à Londres. La nouvelle mit donc dix jours à arriver jusque dans Paris assiégée. Le 16 février, le Parlement anglais avait supprimé la Chambre des Lords, et aboli la monarchie le lendemain. La sobriété de Guy Patin dénote étrangement si on la compare à l’émoi que ce régicide légal souleva en France (et l’ardeur des frondeurs s’en trouva sans doute refroidie) et dans toute l’Europe.
Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, page 678, samedi 20 février) :
« Les nouvelles étaient publiques qu’à Saint-Germain M. le Prince et M. le duc d’Orléans étaient brouillés sur le passeport des Gens du roi, le dernier voulant la paix ; que le roi d’Angleterre avait été condamné à mort, dépouillé de ses habits royaux publiquement et ensuite, le col coupé devant le peuple par six bourreaux masqués ; que le peuple avait aussitôt crié Liberté ! et que l’on avait jeté parmi la foule quantité de monnaie sur laquelle était écrit A die libertatis. {a} C’est un exemple épouvantable entre les rois et jusqu’à présent inouï, qu’un peuple ait jugé et condamné son roi par les formes de la justice et ensuite exécuté. Tout le monde doit avoir horreur de cet attentat, et si les rois de France et d’Espagne étaient sages, ils devraient faire la paix entre eux et joindre leurs armes pour rétablir cette Maison royale dans son trône. »
- « En l’honneur du jour de la liberté. »
Le Récit véritable de tout ce qui s’est fait au procès du roi de la Grande-Bretagne : son arrêt, et la manière de son exécution, avec la harangue faite par Sadite Majesté sur l’échafaud. Traduit d’anglais en français par I. Ango, interprète de ladite langue, sur l’imprimé à Londres par François Coles {a} a gravé l’événement dans les mémoires :
« Le neuvième jour de février sur les dix heures du matin le roi fut conduit de Saint-James à pied par dedans le Parc au milieu d’un régiment d’infanterie, tambour battant et enseignes déployées, avec sa garde ordinaire armée de pertuisanes, quelques-uns de ses gentilshommes devant et après, lui, la tête nue. Le sieur Juxson, docteur en théologie, ci-devant évêque de Londres, le suivait, et le colonel Thomlinson, qui avait la charge de Sa Majesté, parlant à lui la tête nue, depuis ledit Parc Saint-James, au travers de la galerie de Whitehall jusqu’en la chambre de son cabinet où il couchait ordinairement et faisait ses prières ; où étant arrivé, il refusa de dîner, pour autant que (ayant communié environ une heure auparavant) il avait bu ensuite un verre de vin et mangé un morceau de pain. Delà, il fut accompagné par ledit sieur Juxson, le colonel Thomlinson et quelques autres officiers qui avaient charge de le suivre, et de sa garde du corps, environné de mousquetaires depuis la salle à banqueter, joignant laquelle l’échafaud était dressé, tendu de deuil, avec la hache et le chouquet {b} au milieu. Plusieurs compagnies de cavalerie et d’infanterie étaient rangées aux deux côtés de l’échafaud, avec confusion de peuple pour voir ce spectacle. Le roi étant monté sur l’échafaud jeta les yeux attentivement sur la hache et le chouquet, demanda au colonel Haker s’il n’y en avait point de plus haut, puis parla comme il s’ensuit, adressant ses paroles particulièrement au colonel Thomlinson : “ J’ai fort peu de choses à dire, c’est pourquoi je m’adresse à vous et vous dirai que je me tairais fort volontiers si je ne craignais que mon silence ne donnât sujet à quelques-uns de croire que je subis la faute comme je fais le supplice ; mais je crois que pour m’acquitter envers Dieu et mon pays, je dois me justifier comme bon chrétien et bon roi, et finalement comme homme de bien […]. ”
Puis, se tournant vers un gentilhomme qui touchait la hache, dit “ Ne gâtez pas la hache ”. […] “ Véritablement, Messieurs, je ne vous tiendrai pas plus longtemps, je vous dirai seulement que j’eusse bien pu demander quelque peu de temps pour mettre ceci en meilleur ordre et le digérer mieux ; partant, j’espère que vous m’excuserez. J’ai déchargé ma conscience, je prie Dieu que vous preniez les voies les plus propres pour le bien du royaume et votre propre salut. ” Alors le sieur Juxson dit au roi : “ Plaît-il à Votre Majesté (encore que l’affection qu’elle a pour la religion soit assez connue) dire quelque chose pour la satisfaction du peuple ? – Je vous remercie de tout mon cœur, Monsieur, parce que je l’avais presque oublié. Certainement, Messieurs, je crois que ma conscience et ma religion est < sic pour sont > fort bien connue<s > de tout le monde, et partant, je déclare devant vous tous que je meurs chrétien, professant la religion de l’Église anglicane en l’état que mon père me l’a laissée, et je crois que cet honnête homme (montrant le sieur Juxson) le témoignera. ” Puis, se tournant vers les officiers, dit : “ Messieurs, excusez-moi en ceci, ma cause est juste, mon Dieu est bon. Je n’en dirai pas davantage. ” Puis il dit au colonel Haker : “ Ayez soin, s’il vous plaît, que l’on ne me fasse point languir. Et alors, un gentilhomme approchant auprès de la hache, le roi lui dit : “ Prenez garde à la hache, je vous prie, prenez garde à la hache ! ” En suite de quoi, le roi, parlant à l’exécuteur, dit : “ Je ferai ma prière fort courte et lorsque j’étendrai les bras… ” Puis le roi demanda son bonnet de nuit au sieur Juxson et l’ayant mis sur sa tête, il dit à l’exécuteur “ Mes cheveux vous empêchent-ils ? ” ; lequel le pria de les mettre sous son bonnet, ce que le roi fit étant aidé de l’évêque et de l’exécuteur. Puis le roi, se tournant derechef vers Juxson, dit : “ Ma cause est juste et mon Dieu est bon. Le sieur Juxson. Il n’y a plus qu’un pas, mais ce pas est fâcheux, il est fort court et pouvez considérer qu’il vous portera bien loin promptement : il vous transportera de la terre au ciel et là, vous trouverez beaucoup de joie et de réconfort. Le roi. Je vais d’une couronne corruptible à une incorruptible, où il ne peut pas y avoir de trouble ; non, aucun trouble du monde. Juxson. Vous changez une couronne temporelle à une éternelle, c’est un fort bon change. ” Le roi dit à l’exécuteur “ Mes cheveux sont-ils bien ? ” ; et puis lui-même ôta son manteau et donna son cordon bleu, qui est l’Ordre de Saint-Georges, audit sieur Juxson, disant : “ Souvenez-vous… ” {c} Puis le roi ôta son pourpoint et étant en chemisette, remit son manteau sur ses épaules et regardant le chouquet, dit à l’exécuteur : “ Il vous le faut bien attacher. L’exécuteur. Il est bien attaché. Le roi. On le pouvait faire un peu plus haut. L’exécuteur. Il ne saurait être plus haut, Sire. Le roi. Quand j’étendrai les bras ainsi, alors… ” Après quoi, ayant dit deux ou trois paroles tout bas, debout, les mains et les yeux levés en haut, s’agenouilla incontinent, mit son col sur le chouquet et lors, l’exécuteur remettant encore ses cheveux sous son bonnet, le roi dit (pensant qu’il l’allait frapper) “ Attendez le signe. L’exécuteur. Je le ferai ainsi qu’il plaît à Votre Majesté ” Et une petite pause après, le roi étendit les bras. L’exécuteur en même temps sépara la tête de son corps d’un seul coup ; et quand la tête du roi fut tranchée, l’exécuteur la prit en sa main et la montra aux spectateurs ; et son corps fut mis en un coffre couvert, pour ce sujet, de velours noir. Le corps du roi est à présent en sa chambre à Whitehall. Sic transit gloria mundi. » {d}
- sans nom ni lieu, 1649, petit in‑fo de 20 pages.
- Le billot.
- Remember…
- « Ainsi passe la gloire du monde », paroles rituelles prononcées lors de l’intronisation des papes (v. notule {h}, note [46] du Naudæana 4).
Il n’est ici question, comme dans la plupart des gravures et tableaux de l’époque, que d’un bourreau non masqué. D’autres traces font état, comme Guy Patin ou Claude i Saumaise (v. note [5], lettre 224), d’un bourreau et de son aide, tous deux masqués, dont l’identité a fait l’objet de multiples hypothèses souvent romanesques. En dépit de son contenu à dominance internationale, la Gazette n’a parlé que de l’enterrement de Charles ier (au château de Windsor, le 18 février), sans avoir fourni aucun détail sur son exécution avant l’ordinaire du 27 mars 1649 (no 29, dépêche datée de Londres, le 16 mars, page 183). Le prince de Galles, fils aîné de Charles ier, fut proclamé roi sous le nom de Charles ii, à Édimbourg le 15 février, sous condition qu’il accepte le Covenant des Écossais (Plant).
Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, pages 173‑174, 24 février 1649) en a donné 13 :
« Ils sont huit conseillers, deux présidents et trois Gens du roi. Le conseiller de Grand’Chambre, M. Deslandes-Payen, qui avait proposé et fait instance d’y aller, en a été empêché par le peuple qui l’a retenu dans le Palais, disant qu’aussi bien on était averti aux portes et résolu de ne le pas laisser passer.
Les députés étaient : premier {a} et second président, qui est M. de Mesmes, {b} conseillers Viole-d’Ozereau de la Grand’Chambre, {c} de Cumont, {d} doyen de la première aux Enquêtes, Le Coq-Corbeville {e} de la deuxième, Catinat {f} de la troisième, Ménardeau, {g} doyen de la quatrième, Palluau {h} de la cinquième, et puis les trois Gens du roi. {i} Des deux chambres des requêtes du Palais, il y en a eu chacun un, Le Fèvre {j} et Aubéry-Brévannes. » {k}
- Mathieu i Molé.
- Henri ii de Mesmes.
- Jacques Viole-d’Ozereau.
- Abimelech de Cumont.
- Jean Le Coq-Corbeville.
- Pierre Catinat.
- Gratian Ménardeau.
- Denis Palluau.
- Les deux avocats généraux et le procureur général, v. supra note [96].
- Antoine Le Fèvre.
- Claude Aubéry-Brévannes.
« Dieu veuille qu’ils aillent et viennent heureusement ».
Une plume, qui n’est pas celle de Guy Patin, a rayé ce gros larron sur le manuscrit et l’a remplacé en surcharge par le cardinal.
Mme de Motteville (Mémoires, page 284) a donné son point de vue sur l’attachement des Parisiens au retour du roi dans leurs murs :
« La présence de nos rois est d’un grand charme pour les Parisiens ; elle leur est utile ; par cette raison, ils la désirent ; et dans toutes nos guerres, ceux qui ont voulu brouiller l’État et faire des séditions se sont toujours servis avec le peuple, pour l’émouvoir {a} et le faire révolter, de la crainte de perdre leur roi et de le voir sortir de leur ville. Les frondeurs, sachant cette vérité, n’appréhendaient rien tant au monde que son retour : c’est ce qui leur faisait faire des choses si extrêmes pour l’empêcher d’y venir et d’y amener le ministre. {b} Toute leur domination n’était fondée que sur leur dérèglement et par là, ils espéraient faire peur au cardinal ; mais ils voyaient en même temps que s’il n’en voulait point avoir, la présence du roi leur ferait quitter leur forteresse et les ferait devenir les esclaves de celui qu’ils avaient fait profession de mépriser. »
- L’agiter.
- Mazarin.
Il faut ajouter à cela que la cour à Paris faisait tourner bien des affaires lucratives pour bien des corporations.
Eleonora Dori, dite Leonora Galigaï (née 1571 ou 1572), sœur de lait de Marie de Médicis, profita de cette intimité pour intriguer outrageusement en faveur de son mari, Concino Concini, marquis et maréchal d’Ancre (v. note [8], lettre 89). Arrêté trois jours après l’assassinat de Concini, elle fut condamnée pour lèse-majesté et sorcellerie. Le 8 juillet 1617, elle fut décapitée et son corps brûlé.
Les libelles frondeurs ont abondamment joué sur le parallèle entre Mazarin et Concini, son infortuné prédécesseur. L’un des plus éloquents est, en 1649, une affiche intitulée Le salut de la France dans les armes de la Ville de Paris (Bibliothèque mazarine). Sa gravure y représente la nef héraldique de Paris et l’on voit :
« Dieux, faites que la fortune du royaume se maintienne, que je ne la voie pas s’écrouler » (Nicolas de Bourbon, v. note [25], lettre 478).
« mais cela n’a pas mis à raison l’engeance mendiante et famélique. »
« triées d’avec les autres plus mauvaises qui seront rejetées et écartées ».
V. note [22], lettre 166, pour le premier arrêt du Parlement (25 janvier) contre les mazarinades. Guy Patin annonçait le Jugement de tout ce qui a été imprimé contre le cardinal Mazarin, depuis le 6e de janvier jusqu’à la déclaration du 1er d’avril 1649 (Paris, sans nom, 1649, in‑4o, réédité en 1650), ouvrage communément appelé le Mascurat et dû à Gabriel Naudé, bibliothécaire du cardinal.
Plutôt qu’un simple recueil de bonnes pièces, il s’agit, écrit Sainte-Beuve (Portraits littéraires, Gabriel Naudé, Paris, Robert Lafont, Bouquins, 1993, pages 689‑690), d’un :
« dialogue entre deux imprimeurs et colporteurs de mazarinades, Mascurat {a} et Saint-Ange. Sous ce couvert, il {b} y défend chaudement et finement le cardinal son maître, et montre la sottise de tant de propos populaires qui se débitaient à son sujet ; puis, chemin faisant, il y parle de tout. La bonne édition du Mascurat, la seconde, est un gros in‑4o de 718 pages. […] Naudé, si enfoui par le reste de ses œuvres, garde du moins par celle-ci l’honneur d’avoir apporté une pièce indispensable et du meilleur aloi dans un grand procès historique : son nom a désormais une place assurée en tout tableau fidèle de ce temps-là. […] c’est une mine à fouiller ; c’est, pour parler le langage du lieu, une marmite immense d’où, en plongeant au hasard, l’on rapporte toujours quelque fin morceau. » {c}
- Anagramme de Camusat (v. note [14], lettre 155), qui sert de masque à Naudé.
- Naudé.
- En dépit de cette flatteuse critique, le Mascurat n’a pas été réédité depuis 1650 ; il est disponible sur Gallica. V. note [46] des triades du Borboniana manuscrit pour son prologue et « six fins morceaux » qui en sont extraits (très probablement par Guy Patin).
Guy Patin croyait avoir achevé ici son récit (bas du fo 44, vo), mais les événements ne lui laissèrent pas de répit : il reprit la plume le 25 février.
« s’il n’en manque dans la nature ».
Le gouverneur de Poitou, M. de La Trémoille, marquis de Noirmoutier, alla même jusqu’à proposer au Parlement l’argent des recettes royales de Poitiers et de Niort, en plus d’une levée de gens d’armes. Longueville, de son côté, soulevait sa province de Normandie, imité par le duc de Rohan en Bretagne (Jestaz).
« qui n’existent nulle part et ne peuvent exister. »
Ce vers de Lucrèce (Titus Lucretius Carus), poète et philosophe latin du ier s. av. J.‑C., se trouve au livre iii (vers 1013) du seul écrit qui nous soit resté de lui, De Natura rerum [La Nature des choses].
Ce poème, composé de six livres, expose l’essentiel de ce que nous connaissons de la philosophie d’Épicure (iiie‑ive s. av. J.‑C., v. note [9], lettre 60), dont l’œuvre a depuis été presque entièrement détruite par les premiers empereur chrétiens de Rome. Lucrèce y a en effet ajouté une vigoureuse défense de l’athéisme, reniant le panthéisme antique pour prôner la suprématie de la Nature, se faisant ainsi le précurseur du matérialisme moderne, défendu par Descartes puis amplifié par Spinoza au xviie s. Exhumé au début du xve s. par Pogge le Florentin (v. note [25] du Patiniana 4), le De Natura rerum a profondément influencé la philosophie humaniste de la Renaissance et inspiré le courant libertin.
L’éloge d’Épicure est particulièrement éloquent au début du livre iii (vers 1‑6) :E tenebris tantis tam clarum extollere lumen
qui primus potuisti illustrans commoda vitæ,
te sequor, o Graiæ gentis decus, inque tuis nunc
ficta pedum pono pressis vestigia signis,
non ita certandi cupidus quam propter amorem
quod te imitari aveo. [Ô gloire de la Grèce ! je te suis, toi qui, le premier, a pu faire jaillir des ténèbres profondes la brillante lumière qui éclaire les avantages de la vie. Je place aujourd’hui mes pas dans les traces qu’ont creusées tes pieds, non pour rivaliser avec toi, mais parce que la passion que tu m’inspires m’exhorte à t’imiter].
« et rien de moins qu’un Roscius en son art, et vraiment incomparable. Qu’il repose dans la paix du Christ. »
Quintus Roscius Gallus (126-62 av. J.‑C.) a joui d’une grande célébrité de déclamateur et d’acteur à Rome. Il donna des leçons d’élocution à Cicéron, qui le tenait en très haute estime et qui prit sa défense dans un procès ( Pro Roscio comœdo Oratio [Plaidoyer pour Roscius le comédien]). Il a surtout laissé de lui ce vibrant homage dans son traité De Oratore [L’Orateur] (livre i, chapitre xxviii) :
Sæpe enim soleo audire Roscium, cum ita dicat, se adhuc reperire discipulum, quem quidem probaret, potuisse neminem, non quo non essent quidam probabiles, sed quia, si aliquid modo esset viti, id ferre ipse non posset; nihil est enim tam insigne nec tam ad diuturnitatem memoriæ stabile quam id, in quo aliquid offenderis. Itaque ut ad hanc similitudinem huius histrionis oratoriam laudem dirigamus, videtisne quam nihil ab eo nisi perfecte, nihil nisi cum summa venustate fiat, nisi ita, ut deceat et uti omnis moueat atque delectet ? Itaque hoc iam diu est consecutus, ut, in quo quisque artificio excelleret, is in suo genere Roscius diceretur.
[J’entends souvent dire à Roscius qu’il n’a jamais trouvé un seul élève dont il fût content ; non pas qu’il ne s’en soit rencontré, dans le nombre, quelques-uns qui eussent du talent, mais parce qu’il ne peut souffrir en eux le moindre défaut. En effet, ce qui choque est toujours ce qui frappe le plus vite, et ce qu’on a le plus de peine à oublier. Appliquons à l’art oratoire l’exemple de ce comédien. Voyez-vous quelle grâce, quelle perfection il met dans ses moindres mouvements ? Comme tout en lui est conforme aux bienséances; comme tout émeut, enchante le spectateur ? Aussi sa supériorité est si bien reconnue, que, pour faire entendre qu’un artiste excelle dans un art quelconque, on dit de lui : “ C’est le Roscius de son art. ”]
« Un homme est bien retiré lorsqu’il demeure chez lui clos et couvert, et qu’il ne veut voir ni fréquenter personne » (Furetière).
« il ne mettait en effet pas les rumeurs devant le salut de la patrie » ; Cicéron (La Vieillesse, chapitre iv, § 10) :
De quo præclare familiaris noster Ennius :
“ Unus homo nobis cunctando restituit rem,
Nœnum rumores ponebat ante salutem :
Ergo plusque magisque viri nunc gloria claret. ”[Comme l’a si bien dit notre ami Ennius : {a}
« Un chef unique, en temporisant, a rétabli nos affaires ; le salut de la patrie lui importait plus que les clameurs des mécontents ; de là l’éclat glorieux qui s’est attaché et s’attache plus encore aujourd’hui à son nom. »]
- Le poète Ennius (v. note [7], lettre 33), à propos de Quintus Maximus (v. notule {a}, note [19] du Faux Patiniana II‑7).
« qui n’applaudissait qu’à lui seul ».
esse quam videri bonus malebat. [Il {a} préféra être homme de bien que le paraître ou le faire croire].
- Caton l’Ancien, v. note [5] de Guy Patin contre les consultations charitables de Théophraste Renaudot.
Salluste (Caius Sallustius Crispus, 86-35 av. J.‑C.), gouverneur de Numidie, se retira dans sa riche maison du Quirinal après la mort de Jules César pour se consacrer à écrire l’histoire de son temps. Ses principaux ouvrages sont cette Conjuration de Catilina, la Guerre de Jugurtha et les Histoires (fragments).
Les deux avocats, fils de Nicolas et frères de Jean Piètre (respectivement ancien et présent doyens de la Faculté de médecine de Paris, v. note [5], lettre 15), se prénommaient Simon et Germain.
Les quatre secrétaires d’État étaient alors Michel Le Tellier (Guerre, depuis 1643), Henri de Guénégaud du Plessis (Maison du roi et Paris, depuis 1643), Henri-Auguste de Loménie de Brienne (Affaires étrangères, depuis 1643) et Louis Phelipeaux de La Vrillière (Affaires de la R.P.R., Religion prétendue réformée, depuis 1629).
Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, pages 179‑180, février 1649) :
« Samedi 27, temps froid et de neige au matin. En l’assemblée du Parlement, le premier président a fait relation de ce qui s’est passé à Saint-Germain, où ils furent reçus le vendredi 26 après-midi par M. du Plessis, {a} secrétaire d’État, et conduits de la capitainerie à l’audience de la reine, où les princes, le cardinal et les ministres et secrétaires d’État étaient et où ledit premier président harangua très bien et fermement, représentant à la reine toutes les ruines, désolations, malheurs, horreurs que cette guerre a déjà causés aux environs de Paris, et causera ci-après si l’on n’y remédie par la réconciliation et le retour de Leurs Majestés à Paris ; à quoi il exhorta fortement la reine sans qu’il y fût dit un seul mot du cardinal ; exhiba les copies de la lettre de l’archiduc et du mémoire de son envoyé, et représenta là-dessus ce qu’il fallait, suppliant la reine de vouloir donner lieu et moyen au Parlement de faire auxdits lettre et mémoire réponse telle qu’elle tournât au bien du service du roi, et contentement de Leurs Majestés et de tous leurs peuples.
La reine ne dit que trois paroles de bienveillance ; et parce que le chancelier était malade et ne pouvait y être, la reine leur envoya, après qu’ils furent retirés, réponse par un écrit de deux ou trois pages qui réfute la lettre prétendue de l’archiduc et tout ce qui est allégué dans le mémoire de son envoyé, qui est qualifié moine défroqué (aucuns disent cordelier, autres bernardin, dont le feu cardinal {b} se serait servi d’espion) et affronteur ; {c} allègue Sa Majesté avoir reçu lettres de l’archiduc du 12 février, date postérieure de deux jours aux dates de ladite lettre prétendue de l’archiduc au Parlement, et du comte Peñaranda {d} au cardinal Mazarin de cette date, où il est parlé d’accommodement entre eux et de paix, accusant néanmoins le cardinal de ne faire pas d’offres qui tendissent à cela ; lesquelles en original espagnol ont été mises aux mains des Gens du roi et ce matin lues avec ladite réponse en plein Parlement. Après cet écrit et lettre donnés aux députés de la part de la reine, il y eut une conférence des deux présidents qui appuyèrent, du consentement du reste des députés, avec les deux princes, {e} le soir même ; et le lendemain vendredi matin, encore une autre, où enfin il fut arrêté que le roi promettait au Parlement une conférence qui se tiendrait en lieu déterminé, où viendraient les députés, qui seraient avec pleins pouvoirs de conclure un accommodement et non autrement ; et du jour que lesdits députés choisis à tel ou tel nombre seraient prêts à partir et manderaient leurdit partement {f} à Saint-Germain, on enverrait déboucher un passage et le rendre libre, pour les vivres être en assurance apportés à Paris. C’est ce que dit le premier président, mais le président de Mesmes dit que le passage n’était promis qu’au jour que la conférence commencerait, comme il a été fait. »
- Henri de Guénégaud du Plessis.
- Richelieu.
- Imposteur.
- V. note [5], lettre 175.
- Gaston d’Orléans et Condé.
- Déplacement.
Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 180, 27 février 1649) :
« Le Parlement s’est assemblé après-dîner pour délibérer sur cette députation et ont envoyé vers leurs généraux, qu’ils ont trouvés, à savoir le prince de Conti couché au lit pour être retourné de la campagne ce matin seulement à six heures, ayant passé la nuit dans ou vers le Bourget tant que les convois en fourrages ont duré, et M. de Bouillon, qui est encore attaché à sa chaise et tellement faible et défait de sa maladie que de plus d’un mois il ne sera en état de monter à cheval. Les autres aussi se sont excusés ; tellement que l’assemblée a été remise au lendemain. »
Retz (Mémoires, page 453, février 1649) :
« Le 27, le premier président fit la relation au Parlement de ce qui s’était passé à Saint-Germain […] et l’on y résolut de prier Messieurs les généraux de se trouver au Palais dès l’après-dînée pour délibérer sur les offres de la cour. Nous eûmes grande peine, M. de Beaufort et moi, à retenir le peuple, qui voulait entrer dans la Grand’Chambre et qui menaçait les députés de les jeter dans la rivière, en criant qu’ils le trahissaient et qu’ils avaient eu des conférences avec le Mazarin. Nous eûmes besoin de tout notre crédit pour l’apaiser ; et le bon est que le Parlement croyait que nous le soulevions. Le pouvoir dans les peuples est fâcheux en ce point qu’il nous rend responsable même de ce qu’ils font malgré vous. L’expérience que nous en fîmes ce matin-là nous obligea de prier M. le prince de Conti de mander au Parlement qu’il n’y pourrait pas aller l’après-dînée et qu’il le priait de différer sa délibération jusqu’au lendemain matin ; et nous crûmes qu’il serait à propos que nous nous trouvassions le soir chez M. de Bouillon pour aviser plus particulièrement à ce que nous avions à dire et à faire dans une conjoncture où nous nous trouvions entre un peuple qui criait la guerre, un Parlement qui voulait la paix, et les Espagnols qui pouvaient vouloir l’une et l’autre à nos dépens, selon leur intérêt. »
Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, pages 181‑182, février 1649) :
« Dimanche 28 et dernier de ce mois, le Parlement s’assembla dès huit heures du matin. Les généraux y furent aussi, à savoir, M. d’Elbeuf et M. de Beaufort, le maréchal de La Mothe, les ducs de Brissac et de Luynes, lieutenants généraux, et le généralissime prince de Conti qui, depuis le partement de M. de Longueville, prend séance au banc du côté droit des présidents. Tous d’une voix, on fut à consentir la conférence avec les députés de la cour. On y dépêcha même un courrier sur-le-champ ; il était trois heures après-midi, et n’avait-on pas dîné.
Les généraux, qui s’étaient assemblés chez M. le duc de Bouillon la nuit précédente, furent persuadés par le président Le Coigneux de consentir à la conférence. […] Durant ceci, les portes d’en haut du Palais furent si bien fermées et gardées que le peuple, qui avait forcé les compagnies mises en garde aux portes de la cour, n’y put entrer. Il demeura donc dans la cour qui en regorgeait. Il y avait force femmes parmi les hommes, qui étaient armées de dagues et pistolets. Ils coururent après un conseiller qui était sorti sur le midi et qui se sauva de vitesse chez le premier président, lequel premier président ils menaçaient fort hautement, comme aussi plusieurs autres présidents, comme celui de Mesmes, et conseillers, comme M. de Guénégaud, à la sortie, qui fut sur les trois heures de relevée. Ils ne firent de mal à personne. […] Un homme bien vêtu et chamarré d’or fut par le pont Notre-Dame, de boutiques en autres, disant : “ Messieurs, prenez les armes et vengez la trahison que l’on vous fait. Les premier président et président de Mesmes ont, à l’insu et malgré leurs codéputes, traité avec M. le Prince pour vous perdre. ” »
Pierre de Longueil (1599-19 mai 1656), abbé de Beaulieu en Lorraine, chanoine de la Sainte-Chapelle (v. note [38], lettre 342), etc., frère cadet de René (v. note [12], lettre 172), marquis de Maisons (et son opposant au Parlement), avait été reçu conseiller clerc au Parlement de Paris en 1624, monté à la Grand’Chambre en 1636 (Popoff, no 115‑13, volume i, page 134). Ayant soutenu la Fronde, il fut condamné à l’exil en 1653.
Claude Ménardeau, sieur de Champré, avait été reçu conseiller au Parlement en 1619 en la deuxième Chambre des enquêtes, puis était monté à la Grand’Chambre en 1647. Pendant la Fronde, il fut l’un des rares parlementaires à prendre ouvertement parti pour Mazarin ; plus tard, il en fut récompensé, devenant contrôleur général des finances (Popoff, no 1729).
Charles-Anne de La Nauve, d’abord conseiller au Grand Conseil, avait été reçu conseiller au Parlement le 17 juin 1625 en la première Chambre des enquêtes (Popoff, no 1843).
Appartenant à une famille de parlementaires protestants, Aimard Le Cocq, baron de Saint-Germain, avait été reçu conseiller en la première des Enquêtes en 1632 (Popoff, no 982).
François Bitault, seigneur de Chizey, etc., conseiller au Parlement en 1623, fut grand frondeur et mourut en Anjou en 1659 (Popoff, no 624).
Pierre Viole (1601-7 septembre 1667), seigneur de Guermantes, avait été reçu conseiller au Parlement de Paris en 1625, puis président (1642) en la quatrième des Enquêtes. Il était l’un des chefs des frondeurs, « offensé de n’avoir pas obtenu la charge de chancelier de la reine dont on l’avait flatté » (Popoff, no 2487). Il avait épousé en 1633 Marie Vallée, sœur de Jacques iii, sieur Des Barreaux (v. note [13], lettre 868), le magistrat et poète libertin (Adam et Popoff, no 2412). V. note [1] du Patiniana 2, pour une description détaillée de la famille Vallée.
Retz (Mémoires, page 345) :
« Le président Viole était ami intimissime de Chavigny, qui était enragé contre le cardinal {a} parce qu’ayant été la principale cause de sa fortune auprès du cardinal de Richelieu, il en avait été cruellement joué dans les premiers jours de la régence, et comme ce président {b} fut un des premiers qui témoigna de la chaleur dans son Corps, l’on soupçonna qu’elle ne lui fût inspirée par Chavigny. […] Le président Viole avait toute sa vie été un homme de plaisir et de nulle application à son métier. »
- Mazarin.
- Viole.
Denis Palluau, seigneur de Rosiers, d’Avaux et autres lieux, avait en 1628 été reçu conseiller au Parlement en la cinquième des Enquêtes, puis était monté à la Grand’Chambre. Il mourut en 1679 (Popoff, no 1903).
Antoine Le Fèvre, seigneur de La Barre, avait été reçu conseiller au Parlement de Paris en 1619, en la deuxième Chambre des requêtes. Élu prévôt des marchands de Paris en 1650, il conserva cette charge jusqu’en 1654 ; il mourut conseiller d’État en 1669 (Popoff, no 1184).
Guillaume Briçonnet (mort en 1674), seigneur de Leveville, etc., avait été reçu en 1635 conseiller au Parlement en la deuxième des Requêtes, puis maître des requêtes en 1641, en même temps que président au Grand Conseil, charge dont il démissionna en 1650 (Popoff, no 759).
Nicolas de Paris, fils d’un bourgeois et échevin de la Ville de Paris, avait été reçu auditeur en la Chambre des comptes de Paris en 1599, puis maître de la même Chambre en 1613 (Popoff, no 1919).
Maître en la Chambre des comptes depuis 1626, François Lescuyer en devint doyen d’âge et mourut en 1688 (Popoff, no 1554).
Il s’agissait de Jacques Amelot, marquis de Mauregard (1602-1668), premier président de la Cour des aides depuis 1643, et des conseillers Jérôme de Bragelongne-Hautefeuille et Louis Quatrehommes.
Jérôme Le Féron était prévôt des marchands de Paris depuis 1646.
Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 183, 28 février 1649) :
« À la sortie du Parlement, le premier président expédia un courrier avec l’adresse à M. Le Tellier, secrétaire d’État, pour donner avis en cour de l’assemblée tenue, de la conférence résolue et députation faite, ou bien encommencée, avec l’arrêt donné pour icelle.
Comme ce courrier arriva à Saint-Germain, M. le Prince le voyant, se mit fort à rire et dit tout haut : “ Nous ne serons pas désormais en peine d’aller contre les frondeurs, ils n’ont pas attendu à être battus par nous, ils l’ont voulu être par le peuple. ” C’est qu’il savait la rumeur que le peuple avait faite, et comme aucuns {a} conseillers […] avaient été maltraités d’effet et de parole. »
- Certains.
Les premières conférences qui allaient se dérouler du 4 au 11 mars furent suivies de secondes, menées à Saint-Germain, du 16 au 30 mars, pour aboutir à la paix conclue le 1er avril.
Mme de Motteville (Mémoires, pages 259‑260) :
« On choisit pour le lieu de la conférence le château de Rueil, comme étant à moitié chemin de Paris et de Saint-Germain ; et les généraux, {a} qui en particulier redoublèrent leurs instances, n’y furent point admis. Le duc d’Orléans, le prince de Condé, le ministre, {b} l’abbé de La Rivière et Le Tellier allèrent au rendez-vous, où se trouvèrent les députés {c} avec ordre exprès de leur Compagnie de ne point conférer avec le cardinal Mazarin. Déjà on en avait eu avis à la cour et Champlâtreux, {d} fils du premier président, qui l’avait dit par ordre du Parlement, fut en apparence traité avec beaucoup de rigueur. On lui donna même des gardes quelque peu de temps pour faire voir aux ennemis du ministre que cette proposition était odieuse à la reine et serait combattue par les princes du sang. Mais cette rigueur n’empêcha pas que les députés ne refusassent absolument de conférer avec lui, ce qui causa un grand embarras entre les deux partis et donna sans doute beaucoup de honte à celui qui en était le sujet. […]
Pendant que ces difficultés arrêtèrent la conférence, les généraux, {a} qui n’avaient point de part que par leurs cabales à cette assemblée, se vinrent camper avec du canon à Villejuif, menaçant le Mazarin de l’embarrasser et de lui faire naître toujours des obstacles invincibles. Ils lui voulaient faire peur de la haine du peuple, dont ils disaient qu’ils seraient les maîtres, malgré le Parlement et malgré leurs traités. Ce qui, en effet, pouvait donner de l’inquiétude au ministre, était de voir que le Parlement paraissait approuver les sentiments de la populace et des généraux puisque les députés refusaient si constamment de s’aboucher avec lui en cette occasion où il s’agissait d’un bien qui leur était si considérable. » {e}
- Frondeurs.
- Mazarin.
- Du Parlement.
- V. note [8], lettre 214.
- V. aussi sur ce sujet Retz, Mémoires, pages 463‑464.
Mme de Motteville (Mémoires, page 261) :
« Les généraux, {a} qui voulaient soutenir leurs intérêts par quelque invention, s’avisèrent de faire donner un arrêt de surséance à la négociation, attendu que la reine avait manqué à donner les 100 muids {b} de blé qu’elle avait promis chaque jour que durerait la conférence. La reine, ayant cru qu’elle ne durerait que trois jours, ne s’était engagée qu’à 300 muids ; et le ministre {c} leur avait fait cette juste chicanerie, de peur que ce qui se faisait à Rueil ne servît seulement à leur redonner des forces pour combattre tout de nouveau contre le roi. Selon cette prudente raison, il avait jugé à propos de faire cesser les libéralités royales ; et comme les trois jours s’étaient passés, que la conférence continuait et que le blé ne venait plus, il se fit à Paris une grande crierie. Les députés, alarmés de cet arrêt, envoyèrent se plaindre à la reine de ce qu’on avait manqué à leur donner les 100 muids de blé qu’ils prétendaient leur avoir été promis pendant le temps de leur négociation, et dirent aux princes qu’ils n’avaient plus de pouvoir de traiter et qu’on leur permît de s’en aller. M. le Prince leur répondit fièrement : “ Hé bien ! Messieurs, puisque vous n’avez plus de pouvoir, allez-vous-en ; je pense que vous serez bientôt forcés de revenir. ” Comme les députés eurent pris leur congé et qu’ils furent sortis du lieu où étaient les princes, Monsieur dit à M. le Prince : “ Mon cousin, si ces gens-là gagnent le {d} printemps, ils se joindront à l’archiduc et feront un parti si dangereux à l’État qu’alors ce sera à notre tour à nous humilier. Présentement que nous les tenons, profitons de l’occasion et faisons la paix ; c’est ce que les gens de bien doivent souhaiter. ” Les députés de leur côté, qui n’avaient pas envie de s’en aller, montrèrent que si on voulait se radoucir pour eux, ils ne seraient pas si difficiles à retenir ; si bien qu’il fut conclu que les députés enverraient à Paris assurer leur parti que le blé leur serait livré et par même moyen, prier leur Compagnie de trouver bon qu’ils continuassent leur utile travail. Toutes ces conférences eurent un si favorable succès que le 11e de mars 1649 au matin, le maréchal de Villeroy, qui avait reçu des lettres de Rueil, vint assurer la reine que tout allait bien ; et à midi arriva un courrier du ministre qui lui apprit que la paix était assurée et que tous les articles étaient accordés de part et d’autre, et qu’elle était prête à signer. »
- Frondeurs.
- Environ 135 tonnes.
- Mazarin.
- Tiennent jusqu’au.
Josias, comte de Rantzau (Bothkamp près de Kiel 1609-Paris 14 septembre 1650), appartenait à une famille noble du Holstein. Il avait d’abord servi en Suède puis s’était attaché au service de Louis xiii qui l’avait nommé maréchal de camp et colonel de deux régiments allemands. Il s’était couvert de gloire au siège de Dole (1636) où il avait perdu un œil, puis une jambe au siège d’Arras (1640), et été un peu plus tard estropié d’une main. En 1643, Rantzau avait contribué à la victoire de Rocroi. Nommé lieutenant général en 1644, il avait reçu en 1645 le bâton de maréchal de France (après avoir promis d’abjurer le luthéranisme) puis le gouvernement de Dunkerque en 1646. De 1647 à 1649, il avait achevé de s’emparer de toutes les villes maritimes de la Flandre.
Mme de Motteville (Mémoires, page 259) :
« Ces mêmes jours, {a} on arrêta à Saint-Germain le maréchal de Rantzau. Il fut soupçonné de favoriser le parti parisien ; et comme il était gouverneur de Gravelines, {b} le ministre {c} crut qu’il ne pouvait prendre trop de précaution pour se garantir des maux qui pouvaient arriver de la mauvaise volonté de ce maréchal. Il avait jusqu’alors bien servi le roi, mais la constance n’a pas été donnée aux hommes pour une qualité qui leur soit naturelle. Les apparences de son changement firent aussi changer sa fortune. »
- Fin février 1649.
- Sic pour Dukerque.
- Mazarin.
Après onze mois d’incarcération à Vincennes, Rantzau fut reconnu innocent et on lui redonna du service ; mais rongé par l’abus du vin, il mourut d’une hydropisie peu après. De son vivant, on lui écrivit cette épitaphe :
« Du corps du grand Rantzau tu n’as qu’une des parts,
L’autre moitié resta dans les plaines de Mars.
Il dispersa partout ses membres et sa gloire.
Tout abattu qu’il fût, il demeura vainqueur ;
Son sang fut en cent lieux le prix de la victoire,
Et Mars ne lui laissa rien d’entier que le cœur. »
V. note [44], lettre 156, pour Philippe de Clérembault, comte de Palluau.
En 1577, Marguerite Malartin, fille de Jean Malartin, seigneur de Mondésir, avait épousé Jacques Guillemeau (chirurgien du roi, mort en 1613, v. note [15], lettre 219).
L’attentat manqué contre Gaspard ii de Châtillon (né en 1519), amiral de Coligny et chef du parti protestant, le 22 août 1572, avait déclenché le massacre de la Saint-Barthélemy (v. note [30], lettre 211), deux jours plus tard, dont Coligny fut la première victime.Le duc de Guise, François ier de Lorraine (né en 1519), avait été quant à lui assassiné le 24 février 1563 par le protestant Jean Poltrot, sieur de Méré, lors du siège d’Orléans par les catholiques au cours de la première guerre de religion. Son fils, Henri ier, le Balafré (v. note [1], lettre 463), connut un sort similaire à Blois en 1588 sur l’ordre du roi Henri iii.
François était l’oncle maternel de la reine Marie Stuart (v. note [32], lettre 554), fille de Marie de Guise. V. première notule {g}, note [21] du Borboniana 5 manuscrit, pour le cardinal Charles de Lorraine, frère de François et son successeur à la tête du parti catholique français contre celui des calvinistes.
En qualité de surintendant des finances, La Meilleraye faisait alors partie du Conseil.
La Gazette (ordinaire no 103, du 11 juillet 1648, page 888) avait salué, avec un enthousiasme teinté, semble-t-il, d’une once d’ironie, la nomination de La Meilleraye :
« De Paris, l’11 juillet 1648. Le 9 de ce mois, le maréchal de La Meilleraye, grand maître de l’Artillerie, fut déclaré par la reine surintendant des finances de France en la place du sieur d’Émery. Et afin qu’il pût être plus soulagé, et qu’il y eût aussi plus de personnes à avoir l’œil à la bonne administration des finances et empêcher qu’il ne s’y commette aucun abus, Sa Majesté lui a adjoint en qualité de directeurs, les sieurs d’Aligre et de Morangis, anciens conseillers d’État, tous trois personnes d’intelligence et de probité connue. Tout le monde a fort applaudi à ce choix, et s’attend que ce maréchal, qui prit le même jour sa place au Conseil d’en haut comme ministre, fera bientôt voir par ses soins qu’il ne sait pas moins pourvoir à la subsistance des armées qu’il sait les bien commander et les faire agir ; et qu’un esprit comme le sien est capable de tous les emplois qu’on lui peut confier, de quelque différente nature qu’ils soient. »
Après le complot de Cinq-Mars (1642), dont il avait été complice, Frédéric-Maurice, duc de Bouillon, avait été forcé de céder Sedan à Louis xiii. En 1649, son frère cadet, le vicomte de Turenne, commandant en chef des armées françaises en Allemagne, était dépité des promesses non tenues que Mazarin lui avait faites pour rendre Sedan à sa famille, et lui attribuer le gouvernement d’Alsace et le titre de prince étranger. Turenne penchait dangereusement en faveur du parti frondeur où se trouvaient le duc de Bouillon et Mme de Longueville, dont le vicomte-maréchal était éperdument amoureux. Conscient du péril, Mazarin n’épargna pas la dépense pour neutraliser les troupes que Turenne menaçait de lancer au secours de la capitale. Les millions de livres avancés à la Couronne par le banquier Barthélemy Hervart pour régler les arriérés de solde des mercenaires allemands eurent ainsi plus d’influence que toutes les manœuvres politiques sur le dénouement de la première Fronde (v. infra note [165]).
Retz (Mémoires, pages 470-471 et 474) :
« Riquememont entra, qui nous dit qu’il y avait dans la chambre un courrier de M. de Turenne, qui avait crié tout haut en entrant dans la cour Bonnes nouvelles ! et qui ne s’était point voulu toutefois expliquer avec lui en montant les degrés. {a} Le courrier, qui était un lieutenant de régiment de Turenne, voulut nous le dire avec apparat, et il s’en acquitta assez mal. La lettre de M. de Turenne à M. de Bouillon était très succincte ; un billet qu’il m’écrivait n’était pas plus ample, et un papier plié en mémoire pour Mlle de Bouillon, sa sœur, était en chiffre. Nous ne laissâmes pas d’être satisfaits car nous en apprîmes assez pour ne pas douter qu’il ne fût déclaré ; {b} que son armée, qui était la Weimarienne {c} et sans contredit la meilleure qui fût en Europe, ne se fût engagée avec lui, et que Erlach, gouverneur de Brisach, qui avait fait tous ses efforts au contraire, n’eût été obligé de se retirer dans sa place avec mille ou douze cents hommes, qui était tout ce qu’il avait pu débaucher. Un quart d’heure après que le courrier fut entré, il se ressouvint qu’il avait dans sa poche une lettre du vicomte de Lamet, qui servait dans la même armée, mon parent proche et mon ami intime, qui me donnait en son particulier toutes les assurances imaginables et qui ajoutait qu’il marchait avec deux mille chevaux droit à nous, et que M. de Turenne le devait joindre, un tel jour et en tel lieu, avec le gros. C’est ce que M. de Turenne mandait en chiffre à Mlle de Bouillon.
[…] La déclaration de M. de Turenne est l’unique voie qui nous peut conduire à ce que nous n’eussions pas seulement osé imaginer, qui est l’union de l’Espagne et du Parlement pour notre défense. Ce que la première propose pour la paix générale devient solide et réel par la déclaration de M. de Turenne. »
Le 6 mars, le Conseil du roi déclara Turenne criminel de lèse-majesté.
Mme de Motteville (Mémoires, page 260) :
« Pendant cette conférence, {a} il arriva une nouvelle qui fit changer les résolutions de plusieurs, qui augmenta les forces du roi, et diminua un peu l’orgueil et la fierté des Parisiens. Le vicomte de Turenne, qui commandait l’armée du roi en Allemagne et qui s’était peu auparavant déclaré du parti parlementaire à cause que le duc de Bouillon, son frère, en était, ayant voulu amener ses troupes au secours du parti parisien, avait été abandonné de toute l’armée, qui, voulant être fidèle au roi, alla se rejoindre à Erlach, Allemand {b} au service de la France. Il ne resta à ce général que deux ou trois régiments, en qui il n’osa se confier ; et se voyant sans puissance, plein de confusion et de repentir, il se retira seul à Heilbrun. […]
Cette nouvelle abattit pour quelques jours les forces des parlementaires et des généraux car ils avaient une grande espérance de cette armée. Ce secours leur ayant manqué, le cardinal crut qu’il aurait alors de l’avantage sur ses adversaires et que le rétablissement de son autorité se ferait aisément. Il commença donc à reprendre de l’audace, mais ses ennemis, malgré leur mauvaise aventure, ne diminuèrent guère de celle qu’ils avaient accoutumé d’avoir. Le coadjuteur, {c} voulant cacher aux Parisiens cette fâcheuse nouvelle d’Allemagne autant qu’il lui serait possible, parut au Parlement ce même jour ; {d} et par une harangue éloquente, leur offrit les troupes de ce général qui n’en avait plus, ce qui servit de pâture à la populace mal informée de la vérité. »
- La conférence de Rueil.
- Sic pour Suisse.
- Retz.
- Le 8 mars.
Le 7 mars, Mazarin écrivait de Rueil à la reine (tome iii, page 307) :
« Nous avons reconnu qu’on traitait avec des gens qui n’ont aucun pouvoir {a} et qui ne voulaient que gagner du temps. S’il y a lieu d’en tirer quelque chose, c’est par la résolution qu’on a prise de leur parler sèchement, comme S.A.R. et M. le Prince ont fait, leur déclarant les dernières intentions du roi, et qu’on voulait avoir réponse positive dans demain pour avoir l’honneur de se rendre, tous, près de Votre Majesté. Ils ont été fort surpris, comme ils étaient déjà abattus de la nouvelle que M. de Ruvigny a apportée de l’armée de M. le maréchal de Turenne. »
- Les députés du Parlement qui devaient faire tout ratifier par le Parlement.
Jacques Rouxel de Médavy, comte et maréchal de Grancey (1603-1680), avait débuté dans la carrière des armes au siège du château de Caen (1616) puis participé successivement au combat des Ponts-de-Cé (1620, Louis xiii contre sa mère, Marie de Médicis, v. note [38], lettre 280), au franchissement du Pas de Suse en Piémont (v. note [11], lettre 18), aux sièges de Privas et d’Alais contre les huguenots, à la bataille d’Avein où il commandait un régiment (1635). Promu maréchal de camp l’année suivante, il avait été envoyé en Champagne pour y combattre vaillamment l’armée impériale sous les ordres de Galas. Peu après, Grancey avait reçu le gouvernement de Montbéliard, ce qui ne l’empêcha pas de continuer à combattre avec une rare intrépidité au service du roi puis de la régente. Promu lieutenant général en 1646, il était l’un des chefs militaires qui harcelaient alors sans relâche les environs de Paris assiégé. Nommé maréchal de France en 1651, Grancey fut successivement commandant en chef de l’armée envoyée en Italie contre les Espagnols (1653), ambassadeur extraordinaire en Savoie et enfin gouverneur de Thionville (G.D.U. xixe s.).
Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, page 679) :
« Le lundi 22 février, je fus au Palais où j’appris que Lésigny {a} avait été pris après avoir été battu du canon, et ce en suite du combat arrivé près de Brie, {b} où M. le comte de Grancey étant venu avec quatre cents chevaux et trois cents hommes de pied pour empêcher le convoi, M. le prince de Marcillac, {c} avec sept cents chevaux, les avait chargés avant qu’il fût venu de l’infanterie de Brie et que quatre cents chevaux de la garnison se fussent joints à lui ; et ayant trouvé de la résistance et ses gens l’ayant abandonné, il fut blessé au haut du cou et obligé de se retirer. Le convoi passa néanmoins et fut si grand que le blé ramenda d’une pistole par setier et ne se vendit que 34 livres. Néanmoins, le comte de Grancey, maître de la campagne, alla assiéger Lésigny, qu’il prit ; ce qui ferme le passage de Brie et lui donne retraite pour pouvoir traverser tous les chemins. Chacun était indigné de cela contre les généraux. » {d}
- Seine-et-Marne, 22 kilomètres à l’est de Paris.
- Brie-Comte-Robert.
- La Rochefoucauld, v. note [7], lettre 219.
- Frondeurs.
Tanneguy Lombelon, baron des Essarts, était depuis 1638 sénéchal du Maine. Il était chaud partisan des frondeurs et du Parlement (Dubuisson-Aubenay, Journal des guerres civiles, tome i, page 108, 10 janvier 1649) :
« Le duc de Beaufort a envoyé vers le Parlement le sieur des Essarts pour l’assurer de son service ; qu’il viendra, s’il lui plaît, le lui faire avec trois mille hommes. »
Verneuil-au-Perche, aujourd’hui Verneuil-sur-Avre (Eure) se situe à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Dreux.
« grand guerrier, grand pécheur. »
« au nom de quoi ». V. note [11], lettre 107, pour l’attribution du gouvernement de Gravelines à Grancey en 1644.
Guy Patin a écrit cette dernière phrase dans la marge, en regard du passage entre crochets qu’il a biffé de deux traits de plume.
La joie que la cour, alors à Saint-Germain, aurait tirée de la capture de Grancey était en effet invraisemblable, car il était l’un de ses indéfectibles soutiens militaires du moment. Guy Patin semblait ici s’égarer entre les affaires de Grancey, gouverneur de Gravelines, et celles de Rantzau, gouverneur de Dunkerque, déjà entre les mains de Mazarin (v. supra note [155]). Grancey n’avait été capturé ni par la cour, ni par les frondeurs.
Comme tout Paris, Guy Patin était la dupe des dissimulations du coadjuteur sur le fiasco de Turenne : v . notes [158] supra, et [7], lettre 209. Mazarin avait déjà gagné contre les frondeurs et Paul Guth a jubilé en louant son génie politique (page 484) :
« Retz et le duc de Bouillon se plongent dans l’irrémédiable. Ils tentent l’entreprise de séduction que Mazarin redoute depuis longtemps : détourner Turenne de son devoir. Turenne veut-il reprendre Sedan, que Richelieu arracha à son père ? {a} Veut-il seulement monnayer sa trahison ? Après la première guerre, {b} il demandera, comme prime de réconciliation, le titre de généralissime et le gouvernement de l’Alsace. Mais ce que Turenne veut prendre surtout, c’est le cœur de la duchesse de Longueville, ce démon à visage d’ange qui n’aimait pas “ les jeux innocents ”. Comme tous les chastes, il est la proie idéale des sirènes. {c} Derrière “ ses gros sourcils rassemblés ” l’austère Turenne brûle d’amour pour la diaphane. Mazarin avait tout prévu. Depuis des mois, il comblait de cajoleries et de promesses l’austère guerrier. En même temps, il entretenait une correspondance avec tous les chefs des corps allemands dont Turenne avait le commandement. Ces professionnels de la guerre vendaient leurs services au plus offrant. Il se trouve être Mazarin, qui fait pleuvoir sur leurs têtes rudes, mais compréhensives, une manne de trois cent mille livres. Comme un crabe dont on a vidé la carapace, Turenne est privé de sa substance. Quand il ordonne “ En avant ! ” sur Paris, et qu’il se retourne, il est tout seul. Ses troupes ont filé ailleurs. Il a juste le temps de rassembler ses sourcils et de fuir en Hollande. »
- Sic pour son frère.
- Fronde.
- V. notule {b}, note [2], triade 1 du Borboniana 11 manuscrit.
Mme la Princesse la mère (ou douairière) était Charlotte-Marguerite de Montmorency (1594-Châtillon-sur-Loing 2 décembre 1650). Dernière passion amoureuse de Henri iv, elle avait épousé en 1609 Henri ii de Bourbon, prince de Condé (mort en 1646, v. note [8], lettre 23). Elle était la sœur de Henri ii de Montmorency, décapité à Toulouse en 1632 sur ordre du roi après la bataille de Castelnaudary (v. note [15], lettre 12). Ses trois enfants la partageaient entre le parti des frondeurs (Anne-Geneviève, duchesse de Longueville, et le prince de Conti) et celui de la fidélité au roi (M. le Prince, Louis, le grand Condé).
Mlle de Montpensier (Mémoires, première partie, volume 1, chapitre vi, page 201) :
« [La] reine […] avait d’autant plus de joie de me témoigner de la bonté et de me faire des amitiés qu’elle savait bien que cela ne faisait pas plaisir à Mme la Princesse, qui était lors assez mal avec elle parce que le prince de Conti, qu’elle a toujours mieux aimé que M. le Prince, quoique leur mérite fût différent, était allé à Paris avec M. de Longueville ; ce qui faisait croire à la reine qu’elle avait plus de zèle pour le parti de Paris que pour celui du roi. Cela m’en donna pour les intérêts de la cour : j’étais toujours opposée à elle. »
« D’éclatants soleils ont jadis brillé pour nous » (Catulle, Poèmes, viii, vers 3).
Mange-bœuf est probablement à rapprocher de beef-eater qui en anglais servait originellement à désigner un menu laquais.« Dieu fasse qu’il devienne homme de bien ».
Après sa première quodlibétaire (le 28 janvier, v. supra note [58]), Robert Patin disputait le 11 mars sa thèse cardinale, An tuendæ valetudini frequens et moderatus purgatio ? [La purgation fréquente et modérée protège-t-elle la santé ? (affirmative)] sous la présidence d’Hermant de Launay (v. note [1], lettre 157).
La paix qui mit fin à la première Fronde ne fut définitivement conclue que le 1er avril, après de nouvelles conférences menées à Saint-Germain. Le 11 mars, le traité de Rueil n’était signé qu’entre la cour et les députés d’un Parlement de Paris encore très divisé, laissant de côté l’approbation des nobles, menés par le prince de Conti, qui frondaient à Paris. La défection de Turenne et de son armée, les tractations de paix en cours avec l’Espagne et la restriction des entrées de blé dans Paris affamé ajoutaient encore aux pressions et à la confusion politiques.
Retz (Mémoires, pages 494-495) :
« La paix fut donc signée, après beaucoup de contestations […], le 11e de mars, et les députés {a} consentirent avec beaucoup de difficulté que M. le cardinal Mazarin y signât avec M. le duc d’Orléans, M. le Prince, {b} M. le Chancelier, {c} M. de La Meilleraye et M. de Brienne, qui étaient les députés nommés par le roi. Les articles furent :
- que le Parlement se rendra à Saint-Germain, où sera tenu un lit de justice, où la déclaration contenant les articles de la paix sera publiée ; après quoi, il retournera faire ses fonctions ordinaires à Paris ;
- que tous les arrêts rendus par le Parlement depuis le 6e de janvier seront nuls, à la réserve de ceux qui auront été rendus entre particuliers sur les faits concernant la justice ordinaire ;
- que toutes les lettres de cachet, déclarations et arrêts du Conseil rendus au sujet des mouvements présents seront nuls et comme non avenus ;
- que les gens de guerre levés pour la défense de Paris seront licenciés aussitôt après l’accommodement signé, et Sa Majesté fera aussi, en même temps, retirer ses troupes des environs de ladite ville ;
- que les habitants poseront les armes et ne les pourront reprendre que par ordre du roi ;
- que le député de l’archiduc {d} sera renvoyé incessamment sans réponse ;
- que tous les papiers et meubles qui ont été pris aux particuliers et qui se trouveront en nature {e} seront rendus ;
- que M. le prince de Conti, princes, ducs et tous ceux sans exception qui ont pris les armes, n’en pourront être recherchés {f} sous quelque prétexte que ce puisse être, en déclarant par les susdits, dans quatre jours à compter de celui auquel les passages seront ouverts, et par M. de Longueville, en dix, qu’ils veulent bien être compris dans le présent traité ;
- que le roi donnera une décharge générale pour tous les deniers {g} royaux, pour tous les meubles qui ont été vendus, pour toutes les armes et munitions qui ont été enlevées, tant à l’Arsenal qu’ailleurs ;
- que le roi fera expédier des lettres pour la révocation du semestre du parlement d’Aix, conformément aux articles accordés entre les députés de Sa Majesté et ceux du parlement et pays de Provence, du 21 février ;
- que la Bastille sera remise entre les mains du roi.
Il y eut encore quelques autres articles qui ne méritent pas d’être rapportés. »
- Du Parlement.
- Condé.
- Séguier.
- Léopold.
- En leur état d’origine.
- Poursuivis.
- Taxes et impôts.
La déclaration de Rueil comptait 19 articles. Des huit qu’a omis Retz l’article 3 aurait mérité de figurer : il consacrait la victoire du Parlement en confirmant les concessions arrachées au roi l’année précédente, notamment la déclaration du 22 octobre 1648, vérifiée au Parlement le 24 (v. note [10], lettre 162), qui stipulait une réduction des impôts, soumettant à autorisation du Parlement toute mesure fiscale nouvelle et réglementant l’administration de la justice. La victoire était en fait illusoire : la reine attendait seulement d’être à nouveau en position de force pour revenir sur des mesures que le Parlement, une fois la paix signée, n’aurait plus les moyens de faire appliquer (Bertière a).
Il était temps car, notait Dubuisson-Aubenay, en date du même 11 mars (Journal des guerres civiles, tome i, page 185) :
« Le pain < a > ramendé {a} chez les boulangers dont plusieurs ferment leurs boutiques. D’autres ont été attaqués par le peuple et ont eu peine à se garantir. Un s’est voulu pendre par désespoir. »
- Renchéri.
Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, page 704, jeudi 11 mars) :
« La plainte était générale qu’aux marchés ni chez les boulangers il n’y avait point de pain. Il est vrai que celui qui se vendait avait été taxé à deux sous la livre le meilleur ; ce qui empêchait les boulangers de cuire parce qu’ils ne gagnaient pas assez ; que l’on avait pillé deux bateaux de blé sur le port et qu’un garde de M. de Conti avait tiré un pistolet sur M. de Tiluau qui donnait l’ordre au pain chez un boulanger. »
« la Vie et la philosophie d’Épicure » : Pierre Gassendi (Lyon, 1649, 2e référence citée dans la note [1], lettre 147) ; achevé d’imprimé daté du 17 juillet 1649 (v. note [1], lettre 147, pour Guillaume Barbier).
Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 185, 11 mars 1649) :
« Au Parlement assemblé, a comparu gentilhomme de M. de La Trémoille, disant qu’il fait levées, et que les sieurs d’Estissac et d’Aumont en font aussi en Poitou ; et que la Touraine et l’Anjou s’étaient déclarées et faisaient des troupes pour le Parlement ; que Mme de La Trémoille était en la ville de Rennes où elle travaillait le parlement, la ville et la province pour le parti de Paris, et que lui et elle demandaient commissions du Parlement de Paris pour leurs levées. »
« Voilà donc où la discorde a amené de malheureux citoyens » (Virgile, Bucoliques, églogue i, vers 70).
Retz (Mémoires, pages 504‑508) :
« […] il faut avouer que la guerre civile est une de ces maladies compliquées dans lesquelles le remède que vous destinez pour la guérison d’un symptôme en aigrit quelquefois trois et quatre autres. Le 13, {a} les députés de Rueil étant entrés au Parlement, qui était extrêmement ému [agité], M. d’Elbeuf […] leur demanda fort brusquement […] si ils avaient traité de quelques intérêts des généraux. Et le premier président ayant voulu répondre par la lecture du procès-verbal de ce qui s’était passé à Rueil, il fut presque accablé par un bruit confus, mais uniforme, de toute la Compagnie qui s’écria qu’il n’y avait point de paix ; que le pouvoir des députés avait été révoqué ; qu’ils avaient abandonné lâchement et les généraux et tous ceux auxquels la Compagnie avait accordé arrêt d’union. M. le prince de Conti dit assez doucement qu’il avait beaucoup de lieu de s’étonner que l’on eût conclu sans lui et sans Messieurs les généraux. À quoi M. le premier président ayant reparti qu’ils avaient toujours protesté qu’ils {b} n’avaient point d’autres intérêts que ceux de la Compagnie, et que de plus il n’avait tenu qu’à eux d’y députer, M. de Bouillon, qui recommença de ce jour-là à sortir de son logis parce que sa goutte l’avait quitté, dit que, le cardinal Mazarin demeurant premier ministre, il demandait pour toute grâce au Parlement de lui obtenir un passeport pour pouvoir sortir en sûreté du royaume. Le premier président lui répondit que l’on avait eu soin de ses intérêts ; qu’il avait insisté de lui-même sur la récompense de Sedan et qu’il en aurait satisfaction ; et M. de Bouillon lui ayant témoigné et que ses discours n’étaient qu’en l’air, et que de plus il ne se séparerait jamais des autres généraux, le bruit recommença avec une telle fureur que M. le président de Mesmes, que l’on chargeait d’opprobres, particulièrement sur la signature du Mazarin, en fut épouvanté, et au point qu’il tremblait comme la feuille. MM. de Beaufort et de La Mothe s’échauffèrent par le grand bruit, nonobstant toutes nos premières résolutions, et le premier dit en mettant la main sur la garde de son épée : “ Vous avez beau faire, Messieurs les députés, celle-ci ne tranchera jamais pour le Mazarin. ” […]
Comme le président Le Coigneux commençait à proposer que le Parlement renvoyât les députés pour traiter des intérêts de Messieurs les généraux et pour faire réformer les articles qui ne plaisaient pas à la Compagnie, […] l’on entendit un fort grand bruit dans la salle du Palais […]. L’huissier, qui était à la porte de la Grand’Chambre, entra et dit, avec une voix tremblante, que le peuple demandait M. de Beaufort. Il sortit ; il harangua à sa manière la populace et il l’apaisa pour un moment. Le fracas recommença aussitôt qu’il fut rentré ; et le président de Novion, qui était bien voulu {c} pour s’être signalé dans les premières assemblées des chambres contre la personne du Mazarin, étant sorti dehors du parquet des huissiers pour voir ce que c’était, y trouva un certain Du Boile, méchant avocat et si peu connu que je ne l’avais jamais ouï nommer, qui, à la tête d’un nombre infini de peuple, dont la plus grande partie avait le poignard à la main, lui dit qu’il voulait que l’on lui donnât les articles de la paix pour faire brûler par la main d’un bourreau, dans la Grève, la signature du Mazarin ; que si les députés avaient signé cette paix de leur bon gré, il les fallait pendre ; que si l’on les y avait forcés à Rueil, il la fallait désavouer. Le président de Novion, fort embarrassé, comme vous pouvez juger, représenta à Du Boile que l’on ne pouvait brûler la signature du cardinal sans brûler celle de M. le duc d’Orléans ; mais que l’on était sur le point de renvoyer les députés pour faire réformer les articles à la satisfaction du public. L’on n’entendait cependant dans la salle, dans les galeries et dans la cour du Palais que des voix confuses et effroyables : “ Point de paix ! et point de Mazarin ! Il faut aller à Saint-Germain quérir notre bon roi ; il faut jeter dans la rivière tous les mazarins. ” […] nous entendîmes même quelques voix qui criaient “ République ! ” »
- Mars 1649.
- Affirmé que les généraux.
- Bien vu.
Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, page 705) :
« Le samedi 13 mars, je fus au Palais pour entendre la relation. Entrant, j’entendis quantité de coquins qui criaient : Point de Mazarin ; point de traité ; il a été signé dans la Grand’Chambre ! Je vis tous les généraux fort étonnés, conférant ensemble avec grande chaleur ; ils y furent longtemps. Enfin, ayant tous pris leurs places, M. de Bouillon au-dessus du doyen à gauche, M. le premier président commençant à parler, il s’éleva un bruit : Point de rapport ! le traité est nul, fait au préjudice des défenses, les blés n’ayant pas été fournis ; M. de Longueville n’y est point compris, ni Messieurs les généraux, ni le parlement de Rouen. M. le premier président dit qu’il était aisé d’improuver {a} une chose que l’on n’entendait point, mais que par la relation chacun de Messieurs en jugerait. Il se fit un second cri : Point de relation ! M. d’Elbeuf commença à dire qu’il était bien étrange que l’on n’eût point compris leurs intérêts dans le traité puisqu’ils étaient venus pour le service du roi, du public et du Parlement, et non seulement sans intérêt de leur part, mais même contre leurs intérêts, et qu’ils n’avaient agi que par l’esprit et le sentiment de la Compagnie. »
- Blâmer.
Après avoir expliqué le mécontentement de la reine en raison des négociations engagées par les frondeurs avec l’archiduc Léopold, le premier président cloua le bec des généraux en plaidant que (ibid. page 706) :
« Puisqu’il fallait tout dire, l’on savait bien qui avait fait venir l’envoyé de l’archiduc ; chez qui il avait logé ; qui lui avait donné ses instructions et combien il avait demeuré à Paris caché avant de paraître ; que tout cela s’était fait sans le su du Parlement. »
Retz (Mémoires, pages 508-509) :
« Le 15, {a} ce procès-verbal {b} et ces articles furent lus, {c} ce qui ne se passa pas sans beaucoup de chaleur ; mais beaucoup moindre toutefois, que celle des premiers jours. L’on arrêta enfin, après une infinité de paroles de picoterie {d} qui furent dites de part et d’autre, de concevoir l’arrêt en ces termes : “ La Cour a accepté l’accommodement et le traité, et a ordonné que les députés du Parlement retourneront à Saint-Germain pour faire instance et obtenir la réformation de quelques articles, savoir : celui d’aller tenir un lit de justice à Saint-Germain ; de celui qui défend l’assemblée des chambres, que Sa Majesté sera très humblement suppliée de permettre en certains cas ; de celui qui permet les prêts, qui est le plus dangereux de tous pour le public à cause des conséquences ; et les députés y traiteront aussi des intérêts de Messieurs les généraux et de tous ceux qui se sont déclarés pour le parti, conjointement avec ceux qu’il leur plaira de nommer pour aller traiter particulièrement en leur nom. ” »
- Mars 1649.
- De la conférence de Rueil.
- Devant le Parlement.
- Querelle.
Les députés du Parlement prirent le chemin de Saint-Germain le 16 mars pour y obtenir sans difficulté ce qu’ils demandaient. Retz (Mémoires, pages 544‑546) :
« La reine se relâcha de faire tenir un lit de justice à Saint-Germain ; elle consentit que la défense au Parlement de s’assembler le reste de l’année 1649 ne fût pas insérée dans la déclaration, à condition que les députés en donnassent leur parole, sur celle que la reine leur donnerait aussi que telles et telles déclarations, accordées ci-devant, seraient inviolablement observées. La cour promit de ne point presser la restitution de la Bastille et elle s’engagea même de parole à la laisser entre les mains de Louvières, fils de M. de Broussel, qui y fut établi gouverneur par le Parlement lorsqu’elle fut prise par M. d’Elbeuf. {a}
[…] Le 30, les députés du Parlement retournèrent à Paris. Le 31, ils firent leur relation au Parlement. […] Le 1er d’avril, qui fut le jeudi saint de l’année 1649, la déclaration de paix fut vérifiée au Parlement. »
- Le 12 janvier, v. supra, note [12].
Mme de Motteville (Mémoires, pages 265‑266) :
« Comme ils n’avaient pas de confiance à la députation du Parlement, ils {a} firent supplier la reine et le ministre qu’il leur fût permis d’envoyer des députés de leur part. Cela leur ayant été accordé, ils nommèrent le duc de Brissac, Barrière et Crécy, pour venir traiter de leurs demandes et prétentions. Ils arrivèrent à Saint-Germain le 18 mars, et par leurs cahiers ils demandaient toute la France.
La reine en fut outrée de douleur et me fit l’honneur de me dire ce même jour qu’elle ne pouvait souffrir sans horreur que des gens qui avaient voulu détrôner le roi son fils, voilà ses mêmes mots, demandassent des récompenses, quand ils méritaient des châtiments et des punitions de leurs crimes. […] Les généraux, ayant un peu de honte d’avoir fait tant de bruit contre le Mazarin, et de se relâcher tout d’un coup, ou plutôt pour en tirer plus de bien en témoignant de lui vouloir faire plus de mal, s’avisèrent d’envoyer une nouvelle députation contre lui ; et pour cela ils allèrent au Parlement faire une déclaration authentique qu’ils n’avaient prétendu des places et des grâces que pour leur sûreté, pendant que leur ennemi demeurerait en France ; mais que s’il plaisait au roi et à la reine de le chasser du royaume, pour montrer qu’ils n’affectionnaient rien que le bien public qui les faisait agir, ils promettaient de ne rien demander et de se contenter de l’honneur qu’ils auraient d’avoir rendu ce service signalé à l’État. C’est pourquoi ils demandèrent un acte public de leur déclaration qui demeurât au greffe du Parlement, pour marque éternelle de leur désintéressement. »
- Les généraux frondeurs.
Ce lit de justice, en présence de tout le Parlement de Paris, n’eut pas lieu. Le 6 avril, le roi et la reine reçurent à Saint-Germain une simple délégation du Parlement, menée par le premier président Molé.
Montargis (Loiret), capitale du Gâtinais, à 110 kilomètres au sud de Paris, faisait partie de l’apanage du duc d’Orléans. La ville devait alors son importance commerciale au passage du canal de Briare qui relie la Loire à la Seine. Ce transfert du Parlement de Paris à Montargis avait été ordonné dans la lettre de cachet adressée le 6 janvier par le roi au Parlement (v. note [26], lettre 164).
Passer du denier dix au denier douze, c’était faire baisser de 10 à 8,33 pour cent le taux des emprunts de l’État et ralentir ainsi la faillite qui menaçait le Trésor royal.
« et en cela réside l’injustice des dieux, j’entends nos princes, Gaston et Condé, qui ont soutenu le parti des malfaisants ».
Aulu-Gelle Nuits attiques (livre xvii, chapitre ii, § 16, commentant un passage des Annales de Claudius Quadrigarius, historien latin du ier s. av. J.‑C.) :Nam hæc maxime versatur deorum iniquitas, quod deteriores sunt incolumiores neque optimum quemquam inter nos sinunt diurnare.
[Car l’injustice des dieux tient surtout à ce qu’ils donnent la meilleure santé aux plus méchants, sans laisser l’homme de bien vivre longtemps].
V. note [1], lettre 175, pour l’essai d’accord qui exista entre Condé et le Parlement avant l’éclatement de la Fronde.
Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, pages 721‑722, mercredi 17 et jeudi 108 mars) :
« J’appris cette après-dînée les cabales épouvantables faites pour exciter la sédition et décréditer le Parlement, et que, le lundi, la plupart des soldats qui étaient sous les armes au Palais étaient contre le Parlement, et qu’un des enfants de M. d’Elbeuf avait prié l’un des colonels de laisser entrer trois ou quatre cents bourgeois, l’assurant qu’ils en étaient les maîtres et qu’ils feraient ce qu’ils voudraient ; et qu’un des généraux avait demandé à un conseiller s’il était temps de faire la sédition, et que tout était prêt. Je sus encore que plus de quarante des frondeurs avaient porté samedi au Palais des poignards sous leurs robes ; que M. le premier président avait dit qu’au commencement de cette guerre, on lui avait apporté un traité de ligue entre les généraux et nombre de Messieurs du Parlement pour ne point poser les armes que le cardinal ne fût chassé ; et il lui fut proposé de le faire homologuer en Parlement, et il avait vu les signatures originales.
Le jeudi 18 mars, l’on apprit que les articles demandés par le Parlement étaient accordés et que l’on avait envoyé des passeports aux députés de Rouen pour travailler aux intérêts de leur Compagnie ; que MM. de Brissac, de Gressy et Barrière étaient députés de la part des généraux ; que leurs prétentions étaient grandes. M. le prince de Conti demandait place dans le Conseil d’en haut, une place de sûreté dans son gouvernement et un brevet de duc et pair pour M. de Noirmoustier. M. d’Elbeuf demandait Montreuil et tout ce qui lui était dû de ses pensions ; M. de Beaufort, la Bretagne ou l’Amirauté ; M. de Bouillon, l’exécution de son contrat sur le pied de 200 000 livres de rente pour Sedan ; M. de La Mothe, le duché de Cardone {a} et toutes les jouissances de ce duché depuis sa prison ; M. de La Trémoille, le comté de Roussillon et de Perpignan ; M. le comte de Maure, la citadelle de Verdun, ou 200 000 écus de récompense et la révision du procès de M. le maréchal de Marillac ; M. de Marcillac, {b} un brevet de duc et pair. »
Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, pages 724‑725) :
« Le jeudi 25 mars, fête de Notre-Dame, {a} chacun fut surpris que l’on vînt dans les églises avertir Messieurs les conseillers de la Cour de s’en aller au Palais. Cela mit tout Paris en rumeur. La cause et la résolution de cette assemblée étaient la continuation d’une surséance d’armes. {b} Les généraux furent au Palais. M. de Bouillon représenta l’état des troupes. La continuation fut arrêtée pour quatre jours, à la charge que Messieurs les députés termineraient la conférence en ce même temps. »
- L’Annonciation.
- Un armistice.
« De toute façon, je crains les Grecs, même quand ils portent des cadeaux » ; Virgile (Énéide, chant ii, vers 49) :
Equo ne credite, Teucri. Quicquid id est, timeo Danaos et dona ferentis.
[Troyens, ne vous fiez pas au cheval…].
Olivier Le Fèvre d’Ormesson ( Journal, tome i, page 738) :
« Le 15 avril, l’on recommença de remettre les droits d’entrée aux portes de cette ville, que l’on n’avait point levés depuis que le roi en était sorti. {a} En quoi il n’y eut pas de difficulté à cause de l’absence de Sa Majesté. »
- La période du 6 janvier au 15 avril 1649 comptait 99 jours ; à 20 000 écus de droits d’entrées par jour, cela représentait quelque six millions de livres perdus par le Trésor royal.