Je vous écrivis le 20e d’août pour vous donner avis du retour du roi [2] en cette ville, dont il y eut et y a encore grande réjouissance. Je vous dirai ensuite de cette arrivée, que le roi a été à cheval, par la rue Saint-Honoré [3] et Saint-Antoine, [4] aux Jésuites [5] le jour de Saint-Louis, [1] accompagné de plusieurs grands de la cour, tous à cheval, et entre autres de MM. le prince de Condé, [6] de Conti, [7] de Chevreuse [8][9] et d’Elbeuf. [2][10] Il y eut tant d’acclamations et de réjouissance de tous côtés de ce que le roi se montrait ainsi, que je ne vous le puis assez exprimer. La reine [11] recommence d’aller à la messe les samedis à Notre-Dame, [12] menant le roi dans son carrosse, pour faire continuer au peuple ses réjouissances. On dit que la reine, le Mazarin [13] et tout le reste de la cour ne bougeront d’ici cette année, et qu’ils n’iront point passer le reste de l’automne jusqu’à la Toussaint à Fontainebleau [14] comme l’on disait ; et je le croirais aisément, tant pour continuer de rentrer aux bonnes grâces du peuple et de se rapatrier avec lui comme ils prétendent, [3] ce qui pourra bien être pourvu qu’ils ne demandent rien, que pour la sûreté du cardinal Mazarin qui, étant ici caché dans la maison du roi et de la reine, et enfermé dans le cabinet comme il est ordinairement, est moins en danger d’être surpris ou attrapé par le grand nombre d’ennemis qu’il a, et à la cour et ailleurs, qu’il ne serait à Fontainebleau où il faudrait quelquefois par compagnie et divertissement aller tantôt à la promenade et tantôt à la chasse ; en quoi il serait toujours obligé de se fier à la fidélité des courtisans, qui est un mauvais garant. Dorénavant que le roi est ici, on ne parle plus de la paix générale, mais seulement d’Aix [15][16] et de Bordeaux [17] où les pauvres gens pâtissent bien, sans être secourus, par la tyrannie des gouverneurs de ces deux provinces que néanmoins le Mazarin n’apaise point ; ce qui me fait douter de la bonté et de la fidélité de son intention, et qui est ce qu’il devrait faire afin de se faire aimer puisqu’il n’a ni n’aura de longtemps le moyen de se faire craindre comme il a pu faire par ci-devant. [4] Il est mort ici un de nos anciens nommé M. Gervais, [18] âgé de 66 ans, d’une fièvre continue [19] maligne cum caumate interno et parotidibus. [5][20] Il n’y a pas grande perte pour notre Faculté, il était fougueux et ivrogne, et vir malarum partium et malarum artium ; [6] grand bigot, cafard, homme de secours et indulgences (et peut-être par hypocrisie), et nonobstant, outre tout cela, infâme valet d’apothicaires, [21] de laquelle sorte de gens il cherchait les bonnes grâces per fas et nefas, [7] par nombre d’apozèmes, [22] juleps, [23] bézoard [24] et tablettes cordiales. [25] Si cet homme va en paradis avec le train de vie qu’il a mené, il y a d’étranges gens en ce pays-là, en la compagnie des saints et des bienheureux de paradis. Si post fata venit gloria, non propero. [8][26]
Il y a ici un livre nouveau, in‑8o d’environ 23 feuilles fait par M. Chanet, [27] savant et excellent médecin de La Rochelle. [28] J’en ai mis un tout relié pour vous en votre paquet, il est intitulé Traité de l’esprit de l’homme et de ses fonctions. [9] Mais à propos de livres, je n’ai point encore reçu le Perdulcis [29] de M. Carteron : [30] croiriez-vous bien qu’il fût perdu ? non puto. [10] M. Rigault, [31] fort savant homme, par ci-devant bibliothécaire du roi et aujourd’hui doyen du parlement de Metz, [32] ad mentem Tertulliani, [11][33] a dit en ses notes ad Tertullianum [12] que N.S. Jésus-Christ avait été laid de visage. Il l’avait prouvé par diverses autorités dans la première édition de son Tertullien ; ce qu’il a augmenté dans la deuxième édition, de plusieurs passages ; et enfin, il s’est tout à fait déclaré pour la même opinion dans les notes qu’il a mises dans son Saint Cyprien, [34] qu’il a mis en lumière depuis un an. [13] Un nommé Machon, [35] chanoine et archidiacre de Toul, [14][36] qui était un homme curieux de livres, faisait courir le bruit qu’il s’en allait faire imprimer un livret sur cette controverse contre M. Rigault et qu’il prouverait que le Sauveur du monde avait été vraiment speciosus forma præ filiis hominum [15][37] (ce que pourtant le cardinal Bellarmin, [38] Comm. in psalmos, n’a point expliqué de la beauté du corps, combien qu’il en apporte trois raisons) ; [16] mais depuis que ce Machon a été exilé et banni de ce pays pour avoir été convaincu du crime de faux sceaux, dont il pensa être pendu et je ne sais par quel bonheur en a été quitte à fort bon marché, un jésuite [39] (race de gens qui mettent leur nez partout) nommé le P. Vavasseur [40] a fait un livret dans le sens de ce Machon, de pulchritudine Christi, [17] contre M. Rigault. On m’a dit ce matin qu’il n’est pas encore tout à fait achevé ; dès que ce sera fait, j’en ajouterai un à votre paquet. Il y a ici un livre nouveau intitulé Jugement de tout ce qui a été imprimé contre le cardinal Mazarin depuis le 6e de janvier jusqu’à la déclaration du 1er d’avril 1649. [41][42] Le livre est de 492 pages. [18] L’auteur est un honnête homme de mes amis, mais mazarin, qui est un parti duquel je ne puis être ni ne serai jamais ; imo, [19] il ne s’en est fallu que cent mille écus de mon patrimoine que je n’aie été conseiller de la Cour, et que je n’aie été frondeur aussi généreux et aussi hardi que pas un. Il en a fait tirer 250 exemplaires et l’a présenté au cardinal Mazarin à l’examiner ; quo facto, [20] s’il est approuvé, il le mettra au jour et m’en donnera encore un exemplaire que je vous ai dédié comme à la fleur de mes amis. Tout au pis aller, étant en vente, nous en aurons pour de l’argent. Tandis que le cardinal Mazarin le lit pour en donner la permission de le vendre, nous sommes cinq de ses amis qui avons aussi commission de l’examiner, dont MM. Dupuy [43][44] font l’un, [21] M. Talon, [45] avocat général, l’autre. Je suis le troisième. Les deux autres ne m’ont pas été révélés, je saurai néanmoins tout à la fin. Là-dedans sont introduits deux vendeurs de pièces mazarines (qui est une espèce de gens qui ont bien gagné leur vie pendant les trois mois de notre guerre), l’un desquels accuse le Mazarin, et l’autre le défend chaudement et plaisamment ; et combien que le sujet me déplaise, la lecture du livre ne laisse pas de m’être fort agréable, tum ratione aucthoris, amici suavissimi, tum ratione variæ doctrinæ et multiplicitis eruditionis quæ undiquaque pellicient, [22] avec grande quantité de belles et rares curiosités que vous aimerez bien. Voilà ce que je puis vous en dire pour le présent. Je vous souhaite le livre et voudrais que vous le tinssiez déjà, il ne tiendra pas à moi que cela n’arrive bientôt ; et en attendant qu’il me vienne d’autres matières pour vous achever la présente, je m’en vais me remettre à la lecture de ce livre, qui est in‑4o, duquel je n’ai encore guère passé que la moitié.
Ce 2d de septembre. On fait état ici de plusieurs grands avantages que ceux de Bordeaux ont obtenus sur leur gouverneur ; je souhaite fort qu’ils soient vrais : qu’ils ont pris un vaisseau dans lequel étaient 18 canons et plusieurs autres provisions ; qu’ils ont tué plusieurs de leurs ennemis et qu’ils ont assiégé le château Tropeyte, [46] qu’ils prendront bientôt si cette guerre ne s’apaise par les ordres de deçà ; [23] ce qu’ils tâcheront de faire sans doute lorsqu’ils verront que M. d’Épernon [47] sera devenu le plus faible. Le Parlement de Paris s’est ici fort trémoussé et remué pour témoigner à ceux de Bordeaux que l’on tâchait de les servir, et secourir ou assister dans leur nécessité ; mais M. le premier président, [48] qui est une misérable créature mazarinesque, et M. le chancelier, [49] qui ne vaut pas mieux, ont différé tant qu’ils ont pu. Enfin, l’assemblée a été conclue et arrêtée de toutes les chambres comme le désiraient les gens de bien ; et dès le même jour, la reine signifia au Parlement que les députés des chambres eussent à l’aller trouver dès le lendemain à onze heures du matin, qu’elle voulait elle-même entendre leurs plaintes et y satisfaire ; [24] qui n’était pas chose malaisée, vu que le jour d’auparavant le courrier était parti pour Bordeaux avec les articles de pacification de la part du Conseil. [25] On dit aussi que la Provence est en paix, que la déclaration du roi a été vérifiée et enregistrée au parlement d’Aix ; [50] qu’ils ont posé les armes de part et d’autre ; que l’honneur de la paix et de la victoire est demeuré du côté du comte d’Alais, [51] mais qu’en récompense, le parlement n’a pas de semestre et qu’il est délivré de ce supplice qui lui était préparé. M. le comte d’Alais a eu l’avantage, à ce qu’on dit, en ce traité pour avoir été porté [26] dans le Conseil par M. le prince de Condé, qui est son cousin. On dit que la peste [52] est encore bien forte à Marseille et que l’on a grande appréhension qu’elle ne vienne à Lyon. Dieu vous préserve de cette méchante bête ; mais si cela arrivait, quod omen Deus avertat, [27][53] et que voulussiez venir de deçà pour en éviter le malheur, venez-vous en céans tout droit avec Mlle Spon. [54] Nous vous donnerons une chambre entière pour vous deux et je tâcherai de vous rendre ce que vous m’avez offert de si bonne grâce durant notre guerre mazarine cuius infelici auctori toto animo lumbifragium et crurifragium exopto, [28] pour les divers et étranges maux qu’il a causés ici alentour, et pour ceux qu’il nous a voulu faire. C’est le vœu que faisait autrefois quelque part en ses épîtres Divis Virginibus Sichemiensis et Hallensis [29] le bonhomme Dom. Baudius [55] à cause de son bon maître Lipse [56] qui fit naufrage de son honneur à la fin de ses jours par ces deux petits traités pleins de tant de bigotisme et de superstition ; [30][57] ce qu’il ne fit jamais qu’à la persuasion des jésuites, et entre autres du P. Lessius, [58] afin de se faire connaître à Rome, en Hollande et en Allemagne bon papelard et vraiment converti [59] à la Romaine, [31] quamvis potius Africane loquetur aut saltem Latine, quam Romane. [32] Votre M. Du Moulin [60] a dit là-dessus que ce bon homme avait consacré sa latinité de 50 ans aux pieds d’une idole, c’est dans son livre de l’Accomplissement des prophéties, [33] que je me souviens de l’avoir lu autrefois ex indicina Petri Guenaldi, collegæ nostri, [34][61] qui mourut il y a tantôt un an de l’antimoine de son oncle. [62] Le bon Keckermann [63] a blâmé Lipse pour le même fait in suo libello de historiæ scriptoribus. [35] Mais je m’égare, je le vois bien, et ex diverticulo in viam regredior. [36][64] Je pensais la faire plus longue, mais le frère de celui qui vous la présente étant ici, je suis obligé de finir là. Le présent porteur est un jeune homme natif de Beauvais, [65][66] popularis meus, [37] qui étudie la médecine, et qui est fort savant et de bonnes mœurs ; eum itaque tibi commendo de meliore nota. [38] Je suis de tout mon cœur et serai toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,
Patin.
De Paris, ce 3e de septembre 1649.
1. |
Mlle de Montpensier (Mémoires, première partie, volume 1, chapitre vi, pages 227‑228) :
Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, pages 763‑764) :
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2. |
Claude de Lorraine, duc de Chevreuse (1578-24 janvier 1657) était le dernier des trois fils de Henri ier de Lorraine, duc de Guise, le Balafré (v. note [1], lettre 463), et de Catherine de Clèves. Devenu duc de Chevreuse et pair de France en 1612, Claude menait, comme tant d’autres, la vie sans relief d’un grand, à la cour et aux armées. Il a tiré son renom d’avoir épousé en 1622 Marie de Rohan-Montbazon, veuve du connétable de Luynes, qui était ainsi devenue duchesse de Chevreuse (v. note [37], lettre 86). Trois filles étaient nées de leur union : Anne-Marie (1624-1652), abbesse de Pont-aux-Dames ; Charlotte-Marie (1627-1652), Mlle de Chevreuse ; Henriette (1631-1694), abbesse de Pont-aux-Dames, puis de Notre-Dame de Jouarre. |
3. |
Rapatrier : raccommoder. Mme de Motteville (Mémoires, page 291) :
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4. |
V. note [3], lettre 194, pour les paix de Provence (conclue le 24 août) et de Bordeaux (loin d’être encore conclue) ; la France demeurait en guerre contre l’Espagne. |
5. |
« avec forte chaleur interne et parotides. » On appelle aujourd’hui parotides les deux grosses glandes salivaires qui se trouvent de part et d’autre de la face, sous chacune des deux oreilles. Jadis, on se servait du mot parotide pour désigner le gonflement inflammatoire de la glande homonyme, ce qu’on appelle maintenant une parotidite. La parotidite bilatérale (alors appelée parotides) est caractéristique des oreillons, maladie infectieuse ordinairement bénigne, provoquée par un virus. La parotidite unilatérale (parotide) correspond à une infection bactérienne qui pouvait connaître une évolution fâcheuse avant l’invention des médicaments anti-infectieux modernes (antibiotiques).V. note [4], lettre latine 293, pour la mémorable querelle entre Gerardus Leonardus Blasius et Nicolas Sténon, son élève, sur le mérite d’avoir le premier observé le canal excréteur de la glande parotide. |
6. |
« et homme de mauvaises parties et de mauvais arts ». |
7. |
« par tous les moyens, bons comme mauvais [de façon licite comme illicite] ». |
8. |
« Même si la gloire doit me venir après la mort, je ne suis pas pressé » (Martial, v. note [8], lettre 164). |
9. |
Traité de l’esprit de l’homme et de ses fonctions. Par le sieur Chanet. {a}
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10. |
« je ne le crois pas. » V. note [49], lettre 166, pour la réédition lyonnaise (1649) de l’Universa medicina de Barthélemy Pardoux (Perdulcis). |
11. |
« suivant l’avis de Tertullien ». |
12. |
« sur Tertullien ». La succession de ces deux mentions de Tertullien (ad mentem Tertullini et ad Tertullianum) est probablement une maladresse de Guy Patin, et on peut proposer de reconstruire ainsi cette phrase boiteuse : « M. Rigault […] a dit en ses notes ad Tertullianum [sur Terullien] que, ad mentem Tertulliani [de l’avis de Tertullien], N.S. Jésus-Christ avait été laid de visage. » |
13. |
Sur les Pères de l’Église (s’il est permis d’y inclure Tertullien, v. note [9], lettre 119), le prolifique Nicolas Rigault (v. note [13], lettre 86) avait alors notamment publié :
« Rigault, qui paraît avoir eu beaucoup de penchant pour le paradoxe, prétendit prouver, contre l’opinion générale, que Jésus-Christ était d’une figure tout à fait commune : “ Jésus, disait-il, n’ayant point voulu des honneurs ni des richesses, a dû renoncer de même aux avantages de la figure. ” »Saint Cyprien, Thascius Cæcilius Cyprianus (vers 200-258), évêque de Carthage, mourut martyr ; il fut canonisé, et nommé Père et docteur de l’Église. Son œuvre, écrite en latin, comprend plusieurs traités théologiques et des lettres. |
14. |
Archidiacre : « supérieur ecclésiastique qui a droit de visite sur les cures d’une certaine partie d’un diocèse » (Furetière) ; à ne pas confondre avec le bachelier archidiacre de la Faculté de médecine de Paris (v. note [49], lettre 152). Louis Machon (1603-1672), après des études de droit à l’Université de Pont-à-Mousson, était devenu archidiacre de Toul, sa ville natale, dont il écrivit l’histoire. Bibliophile érudit, il était entré en 1644 au service du Chancelier Séguier, comme « antique pensionnaire et domestique » (Dubuisson-Aubenay, Journal des guerres civiles, tome i, page 89). En décembre 1648, on l’avait accusé d’avoir abusé des sceaux pour de fausses lettres de noblesse et il avait été condamné au bannissement perpétuel en mai 1649 (v. note [27], lettre 226). Retiré dans les Ardennes, à l’abbaye de Valdieu, il se mit au service de Charles de l’Aubespine, marquis de Châteauneuf. L’abbé Machon a laissé plusieurs écrits polémiques et on lui a attribué une demi-douzaine de mazarinades. Je n’ai rien trouvé de lui sur la beauté du Christ. |
15. |
Psaumes (44:3), Épithalame royal, que la tradition juive et chrétienne interprète comme célébrant les noces du roi-Messie avec Israël : Speciosus forma præ filiis hominum diffusa est gratia in labiis tuis propterea benedixit te Deus in æternum. |
16. |
Roberto Bellarmino (Bellarmin en français, Montepulciano, Toscane 1542-Rome 1621), était neveu par sa mère, Cinzia Cervini, du pape Marcel ii. Il entra dans la Compagnie de Jésus en 1560. Enseignant et prêchant dans diverses villes d’Italie, il se fit remarquer par ses grands talents. En 1559, François de Borgia, général des jésuites, l’envoya à Louvain, pour soutenir la foi catholique contre les protestants ; il y fut ordonné prêtre en 1570. Durant son séjour de sept ans en Flandre, Bellarmin rédigea son Traité sur les écrivains ecclésiastiques, dont Guy Patin a plusieurs fois parlé dans sa correspondance. En 1589, le pape Sixte Quint l’envoya en France en qualité de théologien du cardinal Caetani, légat du Saint-Siège. Bellarmin y rédigea un petit catéchisme de la religion catholique et participa à la révision définitive de la Vulgate (v. note [6], lettre 183) dont il fit la préface. Il devint recteur du Collegio Romano (1592-1594) puis provincial de Naples (1594-1597) et théologien du pape Clément viii (1597-1599). Bellarmin fut nommé cardinal en 1599, puis archevêque de Capoue en 1602. Il intervint alors dans la querelle de la grâce qui commençait à agiter l’Église. En 1615, il participa aux débats sur la théorie héliocentrique de Galilée (v. note [19], lettre 226) et fut le prélat qui lui signifia sa condamnation par l’Inquisition. Le procès en béatification du cardinal Bellarmin fut entamé par le pape Urbain viii en 1627 et on lui conféra la dignité de vénérable. Sa béatification n’intervint qu’en 1923, sous le pontificat de Pie xi. Canonisé en 1930, il fut nommé docteur de l’Église en 1931. Sa fête est célébrée le 13 mai, il est le saint patron des catéchistes. Guy Patin citait ici son Explanatio in psalmos [Explication sur les psaumes] (1612) dont l’édition la plus récente alors était celle de Paris, Jean Jost, 1644, in‑4o. L’explication de Bellarmin sur le 3e verset du psaume 44 (v. supra note [15]) y commence par ces mots (page 312) :
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17. |
« sur la beauté du Christ » : Francisci Vavassoris Societ. Iesu de Forma Christi liber. Fondé sur le contenu du Nouveau Testament, ce traité est composé de cinq parties :
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18. |
Mascurat de Gabriel Naudé (v. note [127], lettre 166), dont la seconde édition (1650) compte 718 pages. |
19. |
« Et même » : Guy Patin voulait sans doute dire que, s’il avait suivi les souhaits de son père et disposé d’une grande fortune (100 000 écus font 300 000 livres), il aurait pu étudier le droit plutôt que la médecine et acquérir une charge de conseiller au Parlement de Paris (la Cour), pour fronder avec les autres ; vers 1650, un tel office ne se monnayait toutefois qu’entre 100 000 et 130 000 livres (Descimon et Jouhaud, page 195). |
20. |
« Après cela ». Il, dans « Il en a fait… », désigne Gabriel Naudé. |
21. |
Il s’agit d’amis de Gabriel Naudé (et non de Mazarin). Les frères Dupuy, Pierre et Jacques (v. note [5], lettre 181), ne font qu’un sous la plume de Guy Patin ; on retrouve ici le petit monde de l’Académie putéane qu’il fréquentait. |
22. |
« tant à cause de l’auteur, mon ami le plus doux, qu’à cause du savoir varié et de l’érudition étendue qui y séduiront de toutes parts ». Le Jugement de tout ce qui a été imprimé… est présenté sous la forme d’un dialogue entre le libraire Saint-Ange, d’Aix-en-Provence, et l’imprimeur Mascurat, de Paris. |
23. |
Le château Trompette était une forteresse bâtie aux portes de Bordeaux par Charles vii sur l’emplacement d’un port médiéval auquel on donna le nom du ruisseau Tropeyte qui passait là. Les dommages que l’édifice subit durant la Fronde furent réparés en 1653-1655, mais il fut définitivement rasé en 1818, laissant place à l’esplanade des Quinconces. Journal de la Fronde (volume i, fo 89 ro et vo) :
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24. |
Journal de la Fronde (volume i, fos 87 vo et 88 ro) :
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25. |
Journal de la Fronde (volume i, fo 91 ro) :
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26. |
Soutenu. V. note [3], lettre 194, pour la paix de Provence, conclue le 24 août. |
27. |
« présage que Dieu veuille bien écarter » (Sénèque le Jeune, v. note [35], lettre 166). Guy Patin, médecin de Paris, offrait à Charles Spon, son confrère, un refuge distant contre la peste qui menaçait Lyon, au lieu de l’encourager de bien se dévouer à soigner ceux qu’elle pourrait frapper. François Ranchin avait donné en 1630 à Montpellier un bien plus vaillant exemple de ce qu’il incombe à un médecin de faire en un tel cas (v. note [5], lettre 13). |
28. |
« dont je souhaite de toute mon âme à son auteur qu’il ait jambes et reins brisés » (v. infra note [30]). |
29. |
« aux Vierges divines de Sichem et de Hal ». Peu avant sa mort (1606), dans l’exaltation mystique de sa conversion au catholicisme (v. infra note [33]), Juste Lipse rédigea deux curieux ouvrages qui firent scandale parmi les calvinistes :
Hal et Sichem étaient deux lieux de pèlerinage du Brabant espagnol. Dans l’église collégiale de Hal, à 15 kilomètres au sud de Bruxelles, on vénère depuis le Moyen Âge une Vierge noire. À Sichem, aujourd’hui Scherpenheuvel-Zichem à 25 kilomètres au nord-est de Louvain, on adorait Notre-Dame de Montaigu (Aspricollis en latin, Scherpenheuvel en flamand) ; les misères qui se sont abattues longtemps sur cet endroit (peste, guerre, incendie, tremblement de terre) ont sans doute favorisé le développement du culte marial ; l’archiduc Albert et l’infante Isabelle y avaient fait construire une magnifique église au début du xviie s. Les traditions les plus incertaines et les fables les plus puériles, auxquelles Lipse avait donné foi, lui valurent les insultes des protestants et les reproches des catholiques eux-mêmes. Nisard (Juste Lipse, chapitre ix, pages 107‑109) :
V. les notes [24]‑[31] du Grotiana 1, pour de copieux compléments sur la consternation que les deux livres dévots de Lipse provoquèrent chez les érudits protestants de son époque. |
30. |
Dominicus Baudius (Dominique Baudier, Lille 1564-1613) était issu d’une famille protestante. Les rigueurs du duc d’Albe (v. note [24], lettre 601) l’avaient forcé de se réfugier à Aix-la-Chapelle. Il acheva ses études à Genève où il reçut les leçons de Théodore de Bèze, prit le grade de docteur en droit en 1585, fit partie, la même année de l’ambassade envoyée à la reine Élisabeth ire d’Angleterre par les états généraux ; et après avoir été quelque temps avocat à La Haye, il partit pour Paris où il resta dix ans. Il s’y lia avec les hommes les plus éminents du temps, Sully-Mornay, de Thou, du Harlay dont l’amitié lui permit de devenir avocat au Parlement de Paris. Établi à Leyde vers 1602, il y fut nommé successivement professeur d’éloquence et d’histoire, et historiographe des états généraux conjointement avec Meursius (v. note [9], lettre 443). Doué d’une brillante imagination, possédant une érudition prodigieuse, à la fois éloquent et passionné, Baudius gâta ses belles qualités par les désordres de sa vie privée, par son amour désordonné du vin et des femmes (v. note [24] et [25] du Grotiana 2), et mourut dans la misère (G.D.U. xixe s.). Baudius a laissé des poèmes latins (v. notes [36], [37] et [38] du Patiniana I‑3 pour quatre savoureux échantillons), et quelques traités de droit et d’histoire flamande. Son renom littéraire a surtout tenu à ses épîtres. Publiées pour la première fois en 1615, elles ont été réimprimées et complétées jusqu’en 1662. La dernière édition alors disponible était Epistolarum centuriæ tres, lacunis aliquot suppletis, accedunt eiusdem Orationes [Trois centuries d’épîtres, où on a comblé certaines lacunes et ajouté ses Discours] (Amsterdam, Jan Jansson, 1647, in‑12). Guy Patin venait de citer {a} l’épître lvi de la iie centurie (pages 241‑243 de l’édition de 1650), {b} écrite à Adriaan van Blyenborgh, poète latin de Dordrecht, non datée (mais sans doute de 1606), où Baudius s’échauffe contre l’Amphitheatrum honoris in quo Calvinistarum in Societatum Iesu criminationes iugulatæ [Amphithéâtre de l’honneur où sont abattues les calomnies des calvinistes contre la Compagnie de Jésus] (1606) de Clarus Bonarscius : {c}
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31. |
Papelard (Furetière) : « hypocrite, faux dévot. On le dit aussi de celui qui flatte, qui amadoue avec de belles paroles à dessein de tromper. Ce mot signifiait autrefois bégayeur, qui avait la langue grasse, qui parlait avec difficulté, comme les enfants qui ne peuvent dire que papa. Du Cange croit que ce mot vient d’un flatteur, qui à chaque moment fait des admirations et exclamations avec ce terme latin Papæ ! » {a} Leonardus Lessius est le nom latin de Lenaert Leys (Brecht, province d’Anvers 1554-Louvain 1623). Entré dans la Compagnie de Jésus en 1572, il devint professeur de théologie à Louvain. Il fut un des premiers à étudier les problèmes moraux liés au commerce, à la banque et au prêt avec intérêt dans son plus célèbre ouvrage : De Iustitia et Iure cæterisque Virtutibus Cardinalibus Libri iv… |
32. |
« on pourrait aussi bien dire à l’Africaine, ou du moins à la Latine, qu’à la Romaine. » Guy Patin se référait aux différentes sources de la religion catholique : celle de Rome (la Romaine), et celle des écrivains chrétiens et des Pères africains de l’Église (Tertullien, saint Augustin, saint Cyprien, etc.), « ou du moins » latins. En bon gallican, il voulait dire que sa religion n’était pas romaine (c’est-à-dire italienne, comme Mazarin…), mais bien plus largement universelle (qui est le premier sens grec du mot katholikos). |
33. |
Pierre i Du Moulin, Accomplissement des prophéties (page 168) : {a} « Lisez les miracles de Notre-Dame de Hault {b} en Flandres publiés par Lipsius, et vous verrez que ce bonhomme a employé quarante ans à ramasser des fleurs de grammaire latine pour les verser aux pieds d’une image et clore toute sa philologie par une farce : là vous verrez que souvent il appelle la Sainte Vierge Deam et Divam, mettant des femelles de Dieu, {c} à la {d} païenne » D’abord luthérien, Juste Lipse avait adopté le calvinisme à l’âge de 32 ans. Ayant vainement prêché la réunion des chrétiens, catholiques et protestants, il avait définitivement opté pour le catholicisme à l’âge de 44 ans (en 1601). Il mourut à 58 ans. Après une vie consacrée à la tolérance entre les religions chrétiennes, on lui reprocha d’être devenu catholique bigot sur la fin de ses jours. |
34. |
« sur l’indication de Pierre Guénault, notre collègue » (v. note [13], lettre 164). |
35. |
« dans son petit livre sur les écrivains de l’histoire » : De Natura et Proprietatibus Historiæ Commentarius, privatim in Gymnasio Dantiscano propositus a Bartholomæo Keckermanno, Philosophiæ ibidem Professore. Même s’il ne partage pas toujours ses jugements, Keckermann y reconnaît les mérites de Juste Lipse comme historien, avec cette curieuse remarque sur les mensonges qui se glissent dans les récits historiques (page 34) :
Le passage auquel pensait Guy Patin se trouve page 170, dans le paragraphe xix du chapitre iii, De Historiarum scriptoribus in specie ; et primo quidem de iis, qui separatas historias, easque simplices et minus combinatas scripserunt [Ceux qui écrivent des histoires en particulier ; et en premier bien sûr, de ceux qui ont écrit des histoires isolées, et les ont faites simples et peu entrelacées], appendice du traité (Auctarium ad Commentarium historicum, quod auctor ob valetudinem adversam hactenus absolvere non potuit [Supplément au Commentaire historique, que l’auteur n’a pas pu achever plus tôt à cause de sa mauvaise santé]) :
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36. |
« je reviens de cette digression à mon propos initial » (Érasme, v. note [7], lettre latine 62). |
37. |
« mon compatriote ». Ce porteur de lettre était Mauger, jeune étudiant en médecine natif de Beauvais (v. note [7], lettre 202). |
38. |
« je le recommande donc à votre meilleure attention. » |
a. |
Ms BnF no 9357, fo 58 ; Reveillé-Parise, no ccxi (tome i, pages 472‑474) ; Jestaz no 13 (tome i, pages 501‑508). La lettre, pareillement datée du 3 septembre 1649, qu’on trouve dans Du Four (édition princeps, 1683), no xvi (pages 61‑64, à Charles Spon), Bulderen, no xxvi (tome i, pages 75‑78, à André Falconet) et Reveillé-Parise, no ccclxxii (tome ii, pages 530‑532, à Falconet), a été entièrement fabriquée à partir de celle‑ci. |