L. 226.  >
À Charles Spon,
le 3 mai 1650

Monsieur, [a][1]

J’écrivis mardi 12e d’avril à M. Ravaud [2] pour lui donner avis que j’avais reçu sa balle de livres et pour le remercier du beau Sennertus [3] qui y était tout relié ; et par la même voie, je vous envoyai une lettre datée du même jour, qui est la cinquième en nombre sans que j’en aie eu aucune des vôtres. Maintenant voici la sixième que je vous apprête en espérant toujours que me ferez le bien quelque jour de me consoler de quelqu’une des vôtres, qui est ce que je souhaite de tout mon cœur ; et en cette attente d’une chose qui m’est si agréable, je ne lairrai point de vous écrire et continuerai comme par ci-devant jusqu’à ce que j’aie appris que mesdites lettres vous déplaisent, ou bien que vous soyez en tel état qu’il ne faille plus vous écrire ; quod utinam absit in multos annos ab utroque nostrum[1] Prenez donc la peine de m’écrire un petit mot, et me mandez quelque chose de votre santé et si avez reçu toutes mes lettres. Ne me dites point pourquoi vous avez été si longtemps sans m’écrire, mais écrivez-moi seulement de votre santé et de celle de toute votre famille, quia amore langueo ; [2] et en cas que ne vouliez plus que je vous écrive, faites-moi le bien de m’en mander la raison afin que je m’en retienne à l’avenir si je juge que vos raisons soient bonnes, et en cas que je le puisse faire et obtenir cela de moi-même ; mais au moins, sachez et tenez pour très certain que je suis en un tel deuil de n’avoir plus de vos nouvelles que jamais la tyrannie du Mazarin, [4] la colère de la reine, [5] la guerre du prince de Condé, [6] le siège de Paris et les menaces des partisans, même la peur de mourir de faim durant le siège de Paris, ne m’ont pas ôté le repos de la nuit et la tranquillité de l’esprit comme a fait la privation de vos lettres ; laquelle je crois être inexcusable de votre part si vous n’avez quelques fortes raisons, mais il faut qu’elles soient bien fortes, et même plus fortes que l’armée que le Mazarin destine à prendre Bellegarde [7] et que le canon que M. de Vendôme [8] y fait mener. [3] Souvenez-vous donc de m’écrire et de me mander quelque chose qui me console tandis que j’ai le cœur tout dolent (non pas de la passion de notre Seigneur, que les évangélistes disent être arrivée cette semaine, [4] puisque c’était une chose toute mystérieuse, laquelle devait arriver pour la rédemption du genre humain et qui avait été prédite par les prophètes ; je ne m’en mets pas en peine, mais bien fort je suis travaillé) de ne plus recevoir de vos lettres et apprendre de vos nouvelles. Pourrait-ce être que je serais disgracié ? Je ne le crois point, nam quid feci ego, quidve sum loquutus ? Neque enim peccavi cogitatione, verbo aut opere[5] Vous voyez que je suis tout prêt d’en aller à confesse, mais je n’aurais rien à dire à cet homme qui a deux chemises ; [6] et je ferais folie, pour un homme bon ménager tel que je suis, d’y aller perdre deux choses fort précieuses, mon temps et mon argent, que la plupart du monde a coutume de fort mal employer en de tels rencontres[9] Écrivez-moi donc et me mandez comment vous vous portez, et de notre bon ami M. Gras, [10] ut valet, ut meminit nostri ; [7] ce qui se fait à Lyon de livres nouveaux et quelles nouvelles vous avez de Rome, entre autres du cardinal Theodoli [11] qui s’y mourait il y a 15 jours, ex antiqua et invetera syphilide[8][12] Si vous ne me voulez écrire de cela, écrivez-moi tout ce qu’il vous plaira : bénédiction, malédiction, injure ou bonnes grâces, modo agnoscam manum et amicum, perinde mihi erit[9]

Ce 13e d’avril. Voilà M. Huguetan [13] l’avocat qui vient de me visiter, qui m’a chargé de vous faire ses baisemains et qui vous honore bien fort (le voilà assis auprès de moi, qui lit la requête que les partisans ont présentée au roi pour être remboursés de leurs prêts depuis sept ans). C’est lui qui m’apprend que le médecin de la reine de Suède, M. Du Rietz, [14] est parti ce matin pour s’y en retourner. Je ne le verrai donc point ; j’en ai regret, mais je n’y saurais que faire. Tout au pis aller, j’aimerais mieux recevoir une de vos lettres que de l’avoir vu. Puisqu’il s’en est allé, Dieu le conduise. [10] Il m’apprend aussi que M. Morus, [15] ministre de Middelbourg, [16] a fait une déclamation latine en l’honneur de Calvin, [17] intitulée Calvinus[11] J’aime fort l’objet de la harangue, et son auteur aussi. Je vous prie de m’en faire recouvrer un s’il y a moyen, j’en paierai tout ce qu’il vous plaira. Depuis l’an 1618 que je lus l’éloge de Calvin, fait par Papire Masson, [12][18] j’ai toujours admiré l’esprit de ce personnage qui, miro quodam modo[13][19] s’est fait admirer par tout le monde, par son bel esprit et par le crédit qu’il s’est acquis en l’Europe. Je ne regarde pas à ce qu’en disent les moines, hominum genus bonis omnibus inimicum[14][20]

Ce 13e d’avril. Mme la Princesse la mère [21] a eu commandement de sortir de Chantilly [22] et de se retirer en Berry. Mme la Princesse la femme, [23] laquelle y était aussi, s’en est dérobée la nuit avec son fils [24] qu’elle a enlevé, et l’on ne sait où elle est allée ; elle passa par Paris à quatre heures du matin. [15] Bellegarde a parlementé et a promis de se rendre le mercredi 20e d’avril, s’ils n’étaient secourus ; il y a des otages donnés de part et d’autre. [3]

Mais à propos, je me souviens fort bien de vous avoir envoyé par ci-devant mon portrait en huile [25] selon que m’aviez fait l’honneur de le désirer, mais ce n’a été qu’à la charge que vous me traiteriez de même et que me feriez la faveur de m’envoyer le vôtre. Je vous somme de votre promesse et vous prie de me l’envoyer afin que je m’adresse à lui quand vous manquerez de m’écrire, comme vous avez fait depuis deux mois.

Quand Bellegarde sera entre les mains du roi, le dessein de la cour est de revenir à Paris par Troyes. [16][26] M. Bourdelot, [27] notre médecin qui est précepteur du duc d’Enghien, s’est sauvé avec lui ; on ne sait point encore où ils sont allés. J’ai vu entre les mains d’un de mes amis une lettre de M. de La Mothe Le Vayer [28] par laquelle il mande que le dessein du voyage de Lyon est rompu et que la reine veut revenir à Paris dès que les affaires de Bourgogne seront réglées. C’est qu’elle a besoin d’argent, et qu’elle n’en peut guère trouver plus commodément qu’à Paris, pour faire la campagne prochaine.

Ce 16e d’avril. Aujourd’hui veille de Pâques, M. Huguetan l’avocat m’est venu voir. Nous avons été quelques heures ensemble à nous entretenir. C’est un honnête homme et bien savant. Ho qu’il sait et qu’il raconte bien de belles et bonnes choses ! Si j’avais le moyen de l’avoir souvent avec moi, il me semble que j’y apprendrais beaucoup et que j’amenderais bien mon ignorance d’une si bonne et si docte conversation. Comme nous étions ensemble, M. Naudé [29] y est survenu. N’avais-je pas deux honnêtes hommes avec moi ? et néanmoins je n’étais point content, car c’était l’heure que l’on portait les lettres de Lyon et que j’attendais de vos lettres, que je n’ai point reçues ; quo vero Deorum istam perfidiam patiante, certe nescio[17] Je ne laisse point d’attendre et attendrai tant qu’il vous plaira ce commis de la poste de Lyon, mais je l’attends aussi impatiemment que les créanciers du roi d’Espagne [30] ont coutume d’attendre la flotte afin d’être remboursés par ce moyen de leurs avances.

Ce 20e d’avril. On dit ici que le roi doit entrer dans Bellegarde le 21e d’avril, [3] qu’il doit partir de Bourgogne pour revenir de deçà le 22e et que huit jours après il sera ici.

J’ai mis ici dans votre paquet un livre qui est enfin achevé, c’est le deuxième tome de la Géographie du P. Briet. [18][31] Il y a deux ans entiers qu’il est commencé, les graveurs et les imprimeurs [32] en taille-douce ont été causes de cette longueur, aussi bien que la guerre de Paris. Celui-ci est deux fois plus gros que le premier, que je vous ai par ci-devant envoyé, et contient le reste de l’Europe. Son troisième tome est achevé et tout prêt d’être mis sur la presse, mais de peur que les graveurs ne traitent ce troisième tome comme ils ont fait le second, il ne veut point que l’on en imprime rien que les deux tiers des planches ne soient gravées ; et puis il donnera sa copie à mettre sur la presse. Ce troisième tome qui reste à imprimer doit être gros et contiendra l’Afrique, [33] l’Asie et l’Amérique.

M. Du Prat [34] m’a fait l’honneur de me visiter aujourd’hui, qui m’a dit que bientôt on commencera à Lyon l’impression de deux opuscules de M. Gassendi, [35] savoir La Vie de Tycho Brahe [36] et celle de Galileo Galilei. [19][37] Notre M. Riolan [38] ne fait encore rien imprimer, d’autant que son procès n’est point encore fini. [20]

Je viens de recevoir une lettre de Hollande, laquelle m’apprend que l’on y vend le livre de M. de Saumaise [39] en hollandais. [21] On y a pareillement imprimé quelque chose de nos troubles des ans 1648 et 1649, mais je pense que ce ne sont que nos relations de deçà. Il y a aussi le nouveau Totius Geographiæ compendium, cum Italiæ, Galliæ et Hispanæ descriptione, en 2 vol., mais je ne sais si c’est un in‑8o, ni de quel auteur. [22] On parle ici d’une trêve avec les Espagnols et d’une Chambre de justice [40] contre les partisans. M. Seguin, [41] premier médecin de la reine, a vendu sa charge de médecin ordinaire du roi, qu’il avait depuis sept ans achetée de M. Guillemeau [42] 50 000 livres, à M. Cureau de La Chambre, [43] médecin de M. le chancelier Séguier, [44] qui en a donné 22 000 écus[23] C’est bien de l’argent, vu que cette saison les gages des officiers du roi ne sont point payés. M. Des Gorris [45] a aussi vendu la sienne 14 000 francs à M. Castel, médecin du maréchal de Gramont. [24][46][47]

Ce 24e d’avril. On dit que la reine fera diligence de revenir de Bourgogne à Paris à cause d’une certaine requête que quelques-uns veulent présenter au Parlement pour les trois princes, ce que le Mazarin veut empêcher pour son plus grand bien ; et a raison d’y penser, lupum enim tenet auribus[25] Puisqu’il les a fait mettre là-dedans, il faut qu’il emploie tout son crédit à les y faire conserver ; autrement, il aurait de la peine à éviter le malheur de son compatriote le maréchal d’Ancre, [48] qui fut tué par commandement du roi il y a aujourd’hui 33 ans ; ce qui ne serait point malaisé à trois princes, vu que le Mazarin est encore plus haï que jamais. Il est vrai qu’il s’est assuré par cet emprisonnement, et s’est paré contre la force d’un puissant et redoutable ennemi, mais il n’a point fait d’amis depuis ce temps-là et ne s’est obligé personne. C’est pourquoi il a toujours à se garder de part et d’autre, et à empêcher, s’il le peut faire, que tant d’ennemis qui lui restent ne s’allient ensemble pour le perdre ; ce qu’il est néanmoins en danger de voir arriver devant l’hiver prochain.

Je pense vous avoir par ci-devant parlé d’un certain Machon [49] qui fit amende honorable [50] ici l’an passé pour avoir fait des faux sceaux. Il était archidiacre de Toul [51] et avait quelques autres bénéfices qui ont été confisqués et perdus pour lui. Redactus ad incitas, et ad desperationem rerum suarum[26] voyant qu’il avait tout perdu, il a eu envie de se venger de M. le chancelier Séguier, duquel il était domestique et auquel il a l’obligation de n’avoir point été pendu pour son crime. Il avait fait un livre et un factum. Ce factum étant sur la presse, a été saisi et arrêté par le lieutenant civil [52] qui a des surveillants à tout ce qui s’imprime en cette ville. C’était une requête qu’il présentait au Parlement, par laquelle il se voulait et prétendait justifier des accusations de l’an passé, désirant qu’on lui rendît ses bénéfices et qu’il fût remis en son honneur comme un innocent (fourré de malice). Le livre contenait l’histoire de tout ce qui s’est passé dans Paris ès années 1648 et 1649. Il y avait entre autres un chapitre où il appelait les barricades [53] grand mystère et ouvrage de Dieu, il y en avait un autre fort rude et très satirique contre M. le chancelier S. ; mais le tout ayant été découvert, M. le lieutenant criminel [54] l’a arrêté prisonnier et l’a mis dans le Châtelet, [55] où il est pour longtemps si M. le chancelier S. n’a encore un coup de pitié pour lui. [27]

Mais tandis que je ramasse de la matière à vous emplir cette lettre et depuis que je vous l’ai commencée, il est arrivé plusieurs ordinaires de Lyon sans que j’aie reçu rien de votre part. Certe non sum de prosapia prophetarum : Davus sum, non Œdipus ; [28][56][57][58] je ne sais d’où vient cette froideur vôtre, à quel jeu ai-je perdu vos bonnes grâces ? Quid feci ego, quidve sum loquutus ? imo quid non feci ? [29] Mettez-moi, je vous prie hors de peine. Eripe me his invicte malis : da, porrige dextram[30][59] Ayez pitié d’un homme qui languit et qui accourt impatiemment à la maison pour voir si l’ordinaire ou commis de la poste n’y aura point apporté de vos lettres. J’enrage que je ne sais pourquoi vous ne m’écrivez plus comme vous m’avez fait l’honneur par ci-devant depuis tantôt huit ans que m’avez honoré de votre amitié, pour laquelle mériter, si je n’ai fait ce que je devais, au moins je puis vous assurer d’y avoir fait tout ce que j’ai pu. Pensez donc à moi et me mettez hors de peine, je vous prie.

Aujourd’hui le 27e d’avril, Mme la Princesse la mère s’est trouvée à la porte de la Grand’Chambre dès cinq heures du matin et a présenté requête aux conseillers entrants afin de la faire rapporter en la Grand’Chambre. Un maître des requêtes a refusé de s’en charger, disant qu’il n’avait point droit de rapporter. Un conseiller nommé, [31][60] homme vicieux et grand mazarin, n’a point voulu s’en charger, disant qu’il la fallait mettre entre les mains du doyen de la Cour. Un troisième est venu qui s’en est chargé, homme d’honneur et de courage, hardi et adroit, et bon frondeur, nommé M. Deslandes-Payen. [61] Cette requête de Mme la Princesse contient trois chefs, dont le premier est pour M. le Prince son fils, le second pour le prince de Conti, [62] le troisième contre le Mazarin, duquel elle se déclare l’accusatrice pour quatre chefs et pour la sûreté de sa personne à elle-même, désirant que le Parlement lui en donne l’assurance et protection. Le Parlement assemblé, c’est-à-dire la Grand’Chambre, l’Édit [63] et la Tournelle [64] ont remis au retour du roi [65] à délibérer sur les deux premiers articles. Sur le troisième, le Parlement lui a donné protection et promis assurance de sa personne ; et à tout cela en a fait avertir en même instant M. le duc d’Orléans, [66] qui a aussitôt mandé son Conseil pour délibérer sur tout cela. [32] On dit à tout cela que le roi est parti de Dijon [67] pour venir en deçà, qu’il doit passer à Troyes et delà à Paris, mais le Mazarin l’empêchera s’il peut ; au moins croit-on ici qu’il n’osera y entrer, tant il est faquin. D’autres disent qu’il ne doit pas y venir. Peut-être que la reine, qui l’aime si tendrement, trouvera quelque expédient à toutes ces difficultés afin de l’en délivrer.

Le vendredi 29e d’avril, M. le duc d’Orléans a été au Parlement et a fait délibérer sur la première demande de Mme la Princesse. L’avis que lui-même a proposé à la Cour a été suivi, savoir qu’elle obéisse au commandement, qu’elle a par ci-devant reçu de la reine, d’être hors de Paris ; qu’elle s’y retire jusqu’au retour du roi, qui sera en bref. On ne sait si elle y obéira. [33] Quelques marchands et autres gens du peuple ont crié contre elle tout haut dans le Palais, qu’elle et son fils, le prince de Condé, étaient causes du siège de Paris, qu’il leur avait fait manger du pain bien cher [68] et que pour expier cette faute, il fallait qu’il fût encore 20 ans en prison ; ce qui n’a pas fort consolé ladite princesse, laquelle espérait beaucoup en la faveur du premier président et qui pour cet effet, en a reçu reproche et réprimande du dit duc d’Orléans, lequel ne peut voir de bon œil ceux qui voudraient pouvoir favoriser ledit prince, lui-même faisant le triumvirat avec la reine et le Mazarin qui ont fait ce célèbre emprisonnement ; et y a toute apparence qu’à moins d’un grand besoin de bons capitaines ou d’une grande force, [34] qui est encore à naître, le prince de Condé sera encore longtemps là-dedans ; au moins est-il tout vraisemblable que le triumvirat qui l’y a fait mettre ne l’en tirera jamais. Si Bellegarde eût résisté, les amis du prince eussent pu en quelque façon espérer quelque chose pour lui, soit par quelque intelligence avec l’Espagnol, comme voulait faire le maréchal de Turenne, [35][69] ou par quelque révolte dans les provinces éloignées, comme la Provence, [70] Bordeaux [71] et le Poitou, où il y en avait des commencements ; mais Dieu merci, tout cela étant renversé et pacifié, l’on ne peut point espérer que le parti de ce prince se puisse révéler si tôt. Il a vécu de telle sorte qu’il a toujours fait plusieurs ennemis et nuls amis (si ce n’est peut-être les jésuites et quelque maquereau) ; de sorte qu’il faut aujourd’hui qu’il souffre pour sa tyrannie, luatque pœnas suæ imprudentiæ[36] J’ai céans un petit paquet pour vous envoyer que M. Du Prat m’a délivré par votre ordre. Je l’enfermerai bientôt dans le mien que j’ai dessein de vous envoyer, mais il ne partira point d’ici que je n’aie reçu de vos lettres, afin que par icelles j’apprenne au vrai si vous êtes encore au nombre des vivants ; dont je doute bien fort, vu qu’il y a deux mois et demi que je n’ai reçu aucune lettre de vous pour réponse à cinq de mes lettres que je vous ai envoyées par voies sûres depuis ce temps-là.

On nous avait par ci-devant assurés que l’auteur du Mercure italien était mort, savoir Vittorio Siri, [72] mais la nouvelle en est fausse car il est en cette ville depuis quelques jours. [37] Il vient pour y être payé de la pension que M. le duc d’Orléans lui avait fait donner il y a quelques années. Tels paiements sont dorénavant fort rares à cause de la rareté de l’argent et des finances du roi. La reine de Pologne [73] est grosse d’environ cinq mois. Comme c’est son premier enfant, elle a peur de mourir à l’accouchement, c’est pourquoi ne se voulant point fier à aucune sage-femme [74] de Pologne, elle a envoyé quérir à Paris un chirurgien adroit, entendu et expérimenté, peritum in arte obstetricandi[38] lequel est parti d’ici depuis trois jours, auquel elle donne 1 000 écus tous les mois jusqu’à ce qu’elle l’ait remis et renvoyé à Paris. Il s’appelle Boucher [75] et est gendre d’un autre nommé La Cuisse [76] qui est fort entendu à ce métier d’accoucher les femmes. [39]

Il court ici un libelle in‑4o intitulé Factum pour les princes, il y a 48 pages sur du papier fin ; il est fort pour leur défense, contre le Mazarin. Je pense que ce sont les officiers et domestiques de M. le prince de Condé qui l’ont fait imprimer car j’apprends que ce sont eux qui le distribuent. [40] Je l’ai tout lu et le trouve fort beau, je vous en souhaite une copie. On nous fait ici peur de la guerre, on nous menace de l’Archiduc Léopold [77] par la Picardie et du maréchal de Turenne par la Champagne. Il a envoyé une lettre à la reine par laquelle il lui déclare la guerre. Son armée est de 12 000 hommes, Espagnols, Allemands, Suisses et Français, sans ce qu’elle pourra grossir, quand il sera quelque peu avancé, du grand nombre de mécontents qui sont en France. M. d’Émery, [78] le surintendant, est fort malade. Le bruit court qu’il est mort, combien qu’il vive encore, mais il n’ira plus guère loin : il est hydropique confirmé, [79] il est tout fondu et décharné, et tousse fort. S’il n’est guéri, ce n’est point faute d’avoir bien pris de l’antimoine [80] du premier médecin, [41][81] de son opium [82] préparé et autres telles drogues. Il a été visité par son curé et admonesté à mourir, il a aussi été confessé par un jésuite nommé le P. Maréchal [83] (qui est un Bourguignon que je connais), mais personne ne m’a encore dit qu’il ait fait restitution à aucun de tant d’argent qu’il a volé à tant de monde par toute la France. M. de Guitaut, [84] qui est à Saumur, [85] envoie ce qu’il avait de troupes à M. de La Meilleraye, [86] qui est en Poitou, pour résister à M. de La Rochefoucauld. [42][87] Il y a aussi grande apparence de désordre en Guyenne, [88] et en Provence aussi. Le roi, la reine, le Mazarin et leur suite arrivèrent hier ici, 2d de mai, à six heures du soir par la rue de Saint-Antoine. [89] M. le garde des sceaux [90] régala Son Éminence d’un superbe festin à six services. On nous menace ici de trois puissants ennemis, savoir de l’Archiduc Léopold, du duc de Lorraine [91] et du maréchal de Turenne, qui doivent attaquer la France par divers endroits. Nouvelle arriva hier que les Espagnols ont assiégé La Bassée [92] en Flandres et qu’après l’avoir prise, [43] ils marcheront en deçà. Le Poitou est pareillement menacé d’un grand orage à cause de MM. de La Trémoille, [44][93] de La Rochefoucauld, de M. de Bouillon-Sedan, [94] frère du maréchal de Turenne, de MM. de La Force, [45][95][96] de M. de Saint-Simon, [97] gouverneur de Blaye, [46][98] et autres malcontents qui veulent remuer, auxquels M. de La Meilleraye a ordre de résister par commandement du roi et avec quelques troupes qu’on lui envoie. Mais enfin, je finis cette sixième lettre que je vous envoie en attendant des vôtres, que j’attends il y a tantôt trois mois sans en avoir eu aucune. Je souhaite que soyez, vous et votre famille, en bonne santé et que je sois aussi en vos bonnes grâces puisque, quoi qu’il en soit, je serai toute ma vie, velis nolis, aliter enim perfectæ amicitiæ sacra non constant[47] votre très humble et très obéissant serviteur,

Patin.

De Paris, ce mardi au soir, 3e de mai 1650.


a.

Ms BnF no 9357, fos 87 et 91 ; Reveillé-Parise, no ccxxv (tome ii, pages 4‑9) ; Jestaz no 31 (tome i, pages 654‑663).

1.

« plaise à Dieu de nous en préserver tous deux pour encore de nombreuses années. »

2.

« parce que je me languis d’amitié ».

3.

Assiégée depuis la mi-mars, Bellegarde avait capitulé avant le terme de la suspension d’armes conclue par le roi (v. note [45], lettre 224).

Journal de la Fronde (volume i, fo 202 vo, 17 avril 1650) :

« Le même jour on eut avis de Dijon que le sujet qui avait obligé ceux de Bellegarde à capituler était que le roi arrivant au camp, les soldats qui étaient en garnison avaient jeté leurs chapeaux en l’air, criant Vive le roi ! et que les officiers, voyant cette désunion, ne crurent pas se pouvoir défendre. Depuis, on a eu avis qu’aussitôt après la capitulation, quantité d’officiers et soldats commencèrent à sortir de la place pour se retirer, en sorte que le 19 il n’y avait presque plus personne, et ceux qui y restaient avaient parlé de se rendre dès le même jour, quoique par la capitulation ils ne dussent sortir que le 21 ; et l’on croit que cela aura été ainsi exécuté, quoique la nouvelle n’en soit pas encore arrivée. Cependant, le gouvernement de cette place a été donné au sieur de Roncherolles, maréchal de camp, et la lieutenance au sieur de Grignon. L’on remarque que c’est principalement M. du Passage qui fut d’avis de capituler, voyant la désunion des soldats avec les officiers. »

4.

La Semaine sainte de 1650 allait du dimanche 10 au samedi 16 avril.

5.

« car qu’ai-je donc fait ou dit ? Et pourtant je n’ai péché ni par pensée, ni par parole, ni par action » (la fin est empruntée au Confiteor).

6.

Manière inhabituelle de dénommer le prêtre, peut-être pour dire qu’il porte deux chemises, son aube (qu’on appelait aussi chemise) passée par-dessus l’ordinaire que tout le monde revêt ; ou alors par obscure allusion aux paroles de Jean-Baptiste dans l’Évangile de Luc : « Celui qui a deux chemises doit en donner une à celui qui n’en a pas » (3:11).

Quoi qu’il en soit, Guy Patin pouvait impunément se railler de la confession (pénitence et réconciliation) parce que ce sacrement catholique n’est pas considéré comme tel dans le protestantisme que professait Charles Spon (v. seconde notule {c}, note [54] du Borboniana 5 manuscrit).

7.

« s’il se porte bien, s’il se souvient de nous ».

8.

« d’une syphilis ancienne et invétérée. »

Mario Theodoli (Rome 1601-ibid. 27 juin 1650), magistrat et administrateur des États pontificaux, avait été nommé cardinal en 1643, puis évêque d’Imola en 1644. Sa mauvaise santé l’avait obligé à abandonner ses fonctions pastorales en février 1646. Theodoli avait assuré le ministère de France auprès du Saint-Siège pendant les absences du cardinal Bichi.

9.

« pourvu que je reconnaisse l’écriture et l’ami, ça me sera bien égal. »

10.

V. note [41], lettre 224.

11.

Alexandri Mori Calvinus. Oratio Genevæ habita pro more Academiæ ac Rectoris munere, in qua Vir amplissimus H. Grotius refellitur. Accessit Calvini ad Lutherum Epistola nondum inedita ; cum aliis nonnullis.

[Calvin, discours qu’Alexandre More {a} a prononcé selon la coutume de l’Académie de Genève et en la charge de recteur, où le très éminent Hugo Grotius {b} est réfuté. Avec une lettre inédite de Calvin à Luther, et quelques autres choses]. {c}


  1. V. notes [63], lettre 211 pour Alexandre More, et [35], lettre 246, pour Middelbourg (Zélande).

  2. V. note [2], lettre 53.

  3. Genève, Philippus Gamonetus, 1648, in‑4o.

12.

La Vita Ioannis Calvini [Vie de Jean Calvin] clôt le tome ii (pages 407‑455) des Elogia de Jean-Papire Masson (v. notes [11], lettre 35, et [23], lettre 229).

13.

« qui, merveilleusement en quelque sorte » ; miro quodam modo est une expression empruntée à Cicéron (Lettres à Atticus, livre i, lettre 5).

14.

« genre d’hommes qui est ennemi de tous les gens de bien. »

Tout ce paragraphe et la fin du précédent ne sont pas dans l’édition de Reveillé-Parise qui, pourtant, considérait Guy Patin comme un « protestant déguisé » : c’était manquer un des deux passages qui pût servir une telle opinion (l’autre est le paragraphe daté du 18 mai dans la lettre à Charles Spon du 24 mai 1650.

15.

Mme de Motteville (Mémoires, page 340, avril 1650) :

« Le 12 du même mois, la reine, avertie qu’on travaillait à soulever le Parlement en faveur des princes, envoya commander à Madame la Princesse {a} d’aller à Montrond, attendu qu’elle avait des intelligences avec les ennemis de l’État. En même temps, on commanda à un lieutenant des gardes du cops d’arrêter Madame la Princesse sa belle-fille, {b} et de la garder à Chantilly. »


  1. La princesse douairière, mère du prince de Condé (v. note [6], lettre 193).

  2. L’épouse de M. le Prince.

Journal de la Fronde (volume i, fos 200 vo et 201 ro, avril 1650) :

« Le 11, Mmes les princesses de Condé reçurent ordre à Chantilly de se retirer en Berry avec le petit d’Enghien en deux lieux différents, savoir Mme la douairière à Saint-Amand, {a} et l’autre à Chateauroux ; sur quoi elles consultèrent ensemble ce qu’elles devaient faire ; et suivant leur résolution, Mme la princesse de Condé se sauva à cheval la nuit du 11 au 12 avec le petit duc d’Enghien, {b} que le sieur de Roussière tenait devant lui à cheval. On ne sait où elle est allée, mais on croit que c’est à Stenay. Ce bruit se répandit aussitôt dans Paris et a demeuré incertain jusqu’ici, mais il ne se trouve que trop véritable. Mme la douairière devait hier partir suivant les ordres qu’elle en avait reçus, mais elle envoya un gentilhomme à la reine et un autre à M. le duc d’Orléans pour les prier de la vouloir laisser à Chantilly et de croire que Mme la Princesse s’était retirée à son insu ; à quoi Son Altesse Royale lui a fait réponse que tout ce qu’elle pouvait faire était d’obtenir qu’elle retardât son départ {c} jusqu’à lundi prochain, auquel temps celui qu’elle a envoyé à Dijon pourra être de retour. »


  1. Saint-Amand Montrond.

  2. Son fils.

  3. De Paris.

L’évasion de Mme la Princesse la jeune, déguisée en femme de chambre, au nez et à la barbe du sieur François de Vouldy, gentilhomme ordinaire du roi venu à Chantilly apporter leur lettre de cachet aux princesses, inaugurait la période héroïque de la triste vie de Claire-Clémence de Maillé-Brézé (v. note [63], lettre 101), nièce du cardinal de Richelieu et épouse du Grand Condé. Elle s’enfuit à Montrond en Berry avant de gagner Bordeaux pour y ranimer la rébellion de Guyenne contre le duc d’Épernon (Petitfils d, pages 130‑138).

16.

V. note [1], lettre 225, pour le retour du roi, de Dijon à Paris en passant par Troyes.

Dans quatre de ses lettres (écrites de 1650 à 1657), Guy Patin a parlé de son portrait, peint à l’huile (sans doute en 1649) : il en avait acroché l’original dans son cabinet de travail (à côté de ceux de son épouse et de ses parents) et envoyé une copie à Charles Spon, qui l’honora d’une belle place sur un mur de son étude. Je n’ai pas retrouvé la trace de ce tableau.

17.

« mais j’ignore absolument pourquoi je souffre cette perfidie des dieux. »

18.

V. note [6], lettre 148.

19.

Galilée (Galileus en latin, Galileo Galilei en italien, Pise 1564-Arcetri près de Florence 1642), mathématicien et astronome de génie, a fait de nombreuses découvertes scientifiques. La plus célèbre est sa théorie, aujourd’hui parfaitement établie, de l’héliocentrisme : la Terre tourne sur elle-même en un jour et autour du Soleil en un an. Jugée hérétique, comme contraire aux Saintes Écritures, elle fut censurée et condamnée par l’Église romaine : en 1633, Galilée dut renier son système ; il échappa à la prison, mais passa le reste de ses jours en résidence surveillée, interdit d’enseignement et contraint de ne plus publier que dans la clandestinité.

V. note [29], lettre 211, pour la vie de Tycho Brahe écrite par Gassendi et imprimée à Paris en 1654, mais il n’a pas publié la vie de Galilée, bien qu’il fût un de ses hardis admirateurs, comme montre la lettre qu’il lui a écrite le 20 juillet 1625 (pages 4‑5, Gassendi Opera omnia, tomus sextus [Œuvres complètes de Gassendi, tome sixième], Lyon, 1658, v. note [19], lettre 442) :

Imprimis ergo, mi Galilee, velim sic tibi persuasam habeas, me tanta cum animi voluptate amplexari Coperniceam illam tuam in Astromia Sententiam, ut exinde videar mei probe iuris factus, cum soluta, et libera mens vagatur per immensa spatia, effractis nempe vulgaris Mundi systematisque repagulis. Utinam vero hactenus frui tuo illo recens instituto Mundi systemate licuisset ? Quam adiutus enim, promotusque fuissem in conceptis illis a me de Mundo opinionibus ? Somniasse quippe me aliquid circa hoc argumentum pervidebis facile, si digneris forte legere, quod tribus dumtaxat verbis in præfatione libelli ad te missi polliceor me quarto libro tractaturum. Quamobrem etiam intelliges, quam ardenti desiderem studio, quid tu hac in parte sentias quamprimum accipere ; cum tu cælestium arcanorum sis sagacissimus scrutator, particepsque consultissimus. Cur porro fœtum, quem iam parturiebas, cum nuntium præmitteres, huc usque non emiseris, estsi assequor forte coniectura ; nondum tamen plene didici. Hoc saltem fortassis profiteri liceat, magnam factum iri rei litterariæ, cordatisque divinissimarum scientarum studiosis iniuriam, si tantum opus suppresseris. Certe nisi obstiterit legitimum impedimentum, oratum te, atque utinam exoratum esse noveris, ut rem adeo desideratam bonis amplius non invideas. Quod si vel certo consilio tuo, vel fatis ita ferentibus, sic te continere debeas, ut ne quidem etiam cum amicis institutum tuum per literas communices, absit a me, ut sperem postulem-ve conscius illius fieri. Sic me tamen habeo ; ac in gradu adeo eminenti benevolentiam tuam colloco, ut si vel vacet, vel liceat, quidpiam sis mihi significaturus, ubi me inardescere hoc desiderio rescieris.

[Avant tout, mon cher Galilée, je tiens absolument à vous assurer du plaisir que mon esprit éprouve à embrasser le jugement copernicien que vous avez arrêté sur l’astronomie : vous avez, me semble-t-il, parfaitement bien fait d’ouvrir les barrières du monde et du système vulgaire, en laissant vagabonder votre esprit, librement et sans contrainte, dans l’immensité de l’espace. Mais pourquoi donc ne m’a-t-il pas été permis jusqu’ici de tirer profit de ce système de l’univers que vous avez récemment institué ? Cela ne m’aurait-il pas grandement aidé à progresser dans les opinions que j’en ai moi-même conçues ? Vous verrez clairement et facilement à quel point j’ai rêvé sur cette question si vous daignez, par hasard, lire la préface de l’opuscule que je vous ai envoyé, où je promets, en seulement trois mots, d’en traiter dans un quatrième livre. {a} Ainsi comprendrez-vous aussi mon application à désirer ardemment connaître dès que possible votre avis sur cette matière, car vous êtes l’explorateur le plus subtil des secrets célestes et leur guide le plus avisé. En outre, je n’ai toujours pas bien compris pourquoi vous n’avez pas encore fait connaître, comme vous l’annoncez, l’enfant que vous avez déjà mis au monde, bien que je puisse en subodorer les raisons. Qu’il me soit peut-être au moins permis de dire que vous peineriez profondément la république des lettres et les adeptes avisés des plus divines sciences, si vous supprimiez un si grand ouvrage. À moins, bien sûr, qu’un obstacle légitime ne s’y oppose, je vous prie, en espérant être exaucé, de ne pas refuser plus longtemps aux hommes de bien ce qu’ils désirent avec tant de force. Loin de moi pourtant l’idée d’espérer ou de vous demander la raison pour laquelle vous décidez, soit de votre plein gré, soit contraint par le mauvais sort, de ne pas même communiquer votre théorie par lettres à vos amis. Voilà pourtant ce que j’en pense, et je place votre bienveillance si haut qu’elle prendra le temps ou la liberté de me faire bientôt savoir que vous avez compris à quel point ce désir m’enflamme]. {b}


  1. Le dernier ouvrage alors publié par Gassendi (âgé de 33 ans et encore loin d’être célèbre au moment où il écrivait sa lettre) était les :

    Exercitationum paradoxicarum adversus Aristoteleos libri septem, in quibus præcipua totius peripateticæ doctrinæ fundamenta excutiuntur, opiniones vero aut novæ, aut ex vetustioribus obsoletæ stabiliuntur…

    [Sept livres d’essais critiques contre les aristotéliciens, qui secouent les principaux fondements de toute la doctrine péripatéticienne, mais qui étayent des opinions tant nouvelles qu’anciennes et tirées des vieux auteurs…] {i}

    1. Grenoble, P. Verderius, 1624, in‑8o de 220 pages ; réédition à La Haye, Adrianus Vlacq, 1656, in‑4o de 106 pages.

    La Præfatio [Préface], Ad Reverendum, et Sapientem Virum Josephum Gaultierum, Artium et Sacræ Theologiæ Doctorem, Priorem ac Dominm Valettæ, et Amicum usque ad aras [Au révérend et sage Joseph Gaultier (v. notule {h}, note [4], lettre 185), docteur ès arts et théologie sacrée, prieur et seigneur de La Valette, mon ami jusqu’à la mort], datée de Grenoble, le 28 février 1624, est un violent plaidoyer contre Aristote. Gassendi y présente ainsi le ive livre de ses Execitationum paradoxicarum (page **2) :

    Liber iv. adoritur libros de Corpore simplici. Ubi primum et Stellis fixis, et Soli comparatur quies : Terræ vero, quasi uni ex Planetis, conciliatur motus. Exinde multiplicitas, vel certe immensitas Mundi probabilis arguitur : præter innumera, quæ statuuntur paradoxicωs de Caussis motus, de Luce, et Phænomenis, de Generabilitate, et corruptibilitate, quæ circa globos cœlestes. Adhæc vero substituitur impugnatio Elementorum Aristoteleorum in numero, in qualitatibus tam motivis, quam alterativis, in trasmutabilitate inter se, in compositione Mixtorum.

    [Le livre iv attaque les lives sur le Corps simple. D’abord, tandis que l’immobilité est attribuée tant aux étoiles fixes qu’au Soleil, le mouvement serait une proprité unique de la Terre parmi toutes les planètes. Puis est débattue la multiplicité, ou du moins l’immensité du monde probable, outre d’innombrables particularités des sphères céleste qui établissent des paradoxes quant aux causes du mouvement, à la lumière et aux phénomènes, et quant à leur universalité et à leur corruptibilité. Enfin, vient un assaut contre les éléments aristotéliciens : leur nombre, leurs qualités tant motrices qu’altératives, leur capacité à se tranformer l’une en l’autre, la composition de leurs mélages].

  2. Comme le reste des savants curieux des révolutions qui renversaient l’aristotélisme (et l’hippocratisme), Gassendi dut attendre le :

    Dialogo di Galileo Galilei Linceo Matematico sopraordinario dello Studio di Pisa, e Filosofo, et Matematico primario del Serenissimo Gr. Duca di Toscana, Dove ne i congressi di quattro giornate si discore sopra i due Massimi Sistemi del Mondo, Tolemaico, e Copernicano, Proponendo indeterminatamente le ragioni Filosofiche, e Naturali tanto per l’una, quanto per l’altra parte.

    [Dialogue de Galileo Galilei, mathématicien Lyncéen extraordinaire de l’Université de Pise, et premier philosophe et mathématicien du sérénissime grand-duc de Toscane : où sont les réunions de quatre jounées qui discourent sur les deux grands Systèmes du monde, celui de Ptolémée et celui de Copernic, {i} qui présente sans parti pris les raisons philosophiques et physiques en faveur de l’une comme de l’autre opinion]. {ii}

    1. Géocentrisme et héliocentrisme.

    2. Florence, Gio. Batista Landini, 1632, in‑8o de 458 pages.

      V. note [4], lettre 185, pour deux extraits de la traduction latine (Trèves, 1616, et Lyon 1641) sur la rotation de la Terre, et des compléments d’information sur le Dialogo et son titre.


20.

V. note [34], lettre 207, pour le procès qui opposait Jean ii Riolan à son second fils, Henri, avocat.

21.

Je n’ai pas trouvé dans les catalogues cette édition (sans doute clandestine) de la Defensio regia… (v. note [1], lettre 219) en néerlandais.

22.

Guy Patin avait été mal renseigné sur le format de ce guide de voyage (sans nom d’auteur), dont il écorchait et abrégeait le titre :

Geographiæ Compendium, et Hispaniæ, Galliæ ac Italiæ totius, brevis et accurata descriptio. Quibus accessere itinera et viæ per omnes trium harum regionum civitates et urbes præcipuas et spectatu dignissimas directæ : Itinerarii, et indicis libri vicem exhibentes. Item cautiones et leges peregrinentibus observandæ. Omnia ex optimis et recentioribus itinerariis et scriptoribus collecta.

[Abrégé de Géographie, et brève et exacte description complète de l’Espagne, de la France et de toute l’Italie. Avec les routes et chemins qui parcourent les villes et cités principales et les plus dignes de visite sur place, comme le montrent les itinéraires et l’index annexés à chaque livre. Avec aussi les précautions et les lois que doivent respecter les voyageurs. Le tout a été recueilli dans les voyages et les auteurs les plus récents]. {a}


  1. Utrecht, Gisbertus a Zyll et Theodorus ab Ackersdijk, 1650, in‑12 en deux livres de 558 et 474 pages.

23.

Marin Cureau de La Chambre (Saint-Jean-d’Assé près du Mans 1594-Paris 29 novembre 1669) avait été reçu bachelier, licencié et docteur de l’Université de médecine de Montpellier en la même année 1628 (Dulieu). Médecin ordinaire de Louis xiii, il s’était acquis l’estime et la confiance de Richelieu et du Chancelier Séguier, alors en disgrâce temporaire. Louis xiv, dont il devenait à son tour médecin ordinaire, appréciait surtout son talent, dont il se disait doué, de reconnaître le caractère et la capacité de chaque individu sur la seule inspection de sa physionomie (v. note [12], lettre 307).

L’un des premiers membres de l’Académie française en 1635, Marin Cureau de La Chambre le fut aussi de l’Académie des sciences en 1666. Il a publié de nombreux ouvrages sur des sujets divers de science et de médecine (O. in Panckoucke), Guy Patin en a cité quelques-uns dans la suite de ses lettres.

24.

Probablement Charles du Castel, qui n’était pas docteur régent de la Faculté de médecine de Paris, mais à qui Guy Patin a dédié un exemplaire de la Vita Galeni… publiée en 1660 par le P. Labbe (v. note [5], lettre 612).

Il y avait une différence flagrante entre les prix payés par Cureau de La Chambre (66 000 livres) et par Castel (14 000) pour une charge de médecin ordinaire du roi, mais je n’ai pas su en trouver la raison (à moins qu’une charge de protestant ne valût moins cher qu’une charge de catholique).

25.

« il tient en effet le loup par les oreilles » (v. note [72], lettre 219).

26.

« Réduit à la dernière extrémité et au désespoir de ses affaires » ; redactus ad incitas est l’expression latine employée au jeu de tric-trac pour désigner le perdant dont tous les pions étaient bloqués.

27.

Le lieutenant criminel au Châtelet était Jacques Tardieu (v. note [2], lettre 832). Le lieutenant civil du Châtelet, Simon Dreux d’Aubray, dut bien faire son travail car je n’ai pas trouvé trace imprimée du factum qu’il avait mission de supprimer.

V. notes [7], lettre 160, pour les barricades de Paris, le 27 août 1648, et [14], lettre 195, pour l’abbé Louis Machon, dont Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, page 594‑595) a relaté le forfait :

« Ayant oublié ci-devant d’écrire l’affaire des faux sceaux, il faut en parler ici. M. le Chancelier ayant été averti, dès le mois de septembre, {a} qu’il se débitait de fausses lettres, fit arrêter deux prisonniers. Après son retour aux fêtes de Tous-les-Saints, le Père Dominique, jacobin réformé, lui rapporta deux faux sceaux, qui lui avaient été remis en mains par un pénitent, dont il fit sa déclaration par écrit et devant M. de Corberon, {b} commis pour l’instruction. M. le Chancelier parlant à sa table de cette affaire, Machon, qui était à lui, perdit contenance, dont M. le Chancelier s’aperçut, ayant été averti qu’il en débitait.
Le soir, Machon lui vint faire une déclaration, laquelle il fit volontairement à M. de Corberon, par laquelle il forgeait un roman pour couvrir la distribution d’une fausse lettre. Depuis quoi, il eut trois jours pour se retirer, {c} après lesquels M. le Chancelier le fit arrêter, chacun disant hautement que toute cette affaire était une invention de M. le Chancelier pour couvrir quantité de méchantes lettres qu’il avait accordées. Machon, prisonnier, avoua tout son crime, qui était l’application d’un bon sceau sur une fausse lettre, dont le visa était faux ; {d} et après, il se fit saigner puis ouvrit sa veine pour tâcher à mourir ; ce qu’il ne put, son sang s’étant arrêté. »


  1. 1648.

  2. Nicolas de Corberon, maître des requêtes.

  3. Rétracter.

  4. « M. le Chancelier met de sa main le mot de visa au bas des édits et lettres patentes, avant qu’on les scelle » (Furetière).

L’affaire devait être jugée en décembre 1648, mais une querelle de procédure entre les maîtres des requêtes et le Parlement avait fait surseoir au procès.

28.

« Sans doute ne suis-je pas de la race des devins : “ Je suis Davos et non Œdipe ” » (Térence, Andria, vers 194).

Davos (ou Davus) était dans Térence le type de l’esclave honnête et dévoué, mais un peu simple d’esprit ; le héros légendaire grec Œdipe était au contraire celui qui était parvenu à débrouiller l’énigme du Sphinx (ou de la Sphinge) qui désolait Thèbes. {a} Davus sum, non Œdipus est un adage qu’Érasme a commenté (no 236) :

Quin ipsa perse figura proverbialis est potestque ad eumdem modum fingi ex quavis vel persona vel re vulgo nobilitata ut Qui possim hæ omnia meminisse ? Petrus sum, non Lucullus. Qui possim tantis sufficere laboribus ? Nicolaus sum, non Hercules. Qui potero rem tam duram persuadere ? Ricadus sum, non Cicero.

[Voilà, par essence, une structure proverbiale, qui peut être construite sur le même modèle à propos de toute personne ou de toute circonstance bien connue de tout le monde : “ Comment pourrais-je me souvenir de tout cela ? Je m’appelle Pierre, pas Lucullus ” ; {a} “ Comment pourrais-je suffire à tant de travaux, je m’appelle Nicolas, pas Hercule ” ; {b} “ Comment pourrais-je te convaincre d’une chose aussi difficile ? Je m’appelle Richard, pas Cicéron ”]. {c}


  1. En Béotie, v. notule {b}, note [52] du Faux Patiniana II‑7.

  2. V. notule {a}, note [48] du Borboniana 6 manuscrit pour l’immense richesse de Lucullus.

  3. V. note [3], lettre de Reiner von Neuhaus, datée du 21 octobre 1663, pour Hercule et ses Douze Travaux.

  4. V. note [1], lettre 14, pour Cicéron et son éloquence.

29.

« Qu’ai-je donc fait ou dit ? ou alors que n’ai-je pas fait ? » (v. supra note [5]).

30.

« Arrachez-moi, vous l’invaincu, à ces souffrances : donnez, tendez-moi une main secourable » ; Virgile (Énéide, chant vi, vers 365‑366) :

Eripe me his, invicte, malis, aut tu mihi terram
inice, namque potes
.

[Arrache-moi à ces souffrances, toi l’invaincu, ou jette sur moi, tu le peux, un peu de terre].

31.

Jean Sevin, conseiller à la Grand’Chambre, v. note [25], lettre 39.

32.

Journal de la Fronde (volume i, fo 207 vo‑208 vo, 29 avril 1650) :

« Cependant les députés étant de retour du palais d’Orléans, rapportèrent que Son Altesse Royale avait répondu qu’elle n’y pouvait pas s’y trouver, disant que Mme la Princesse avait désobéi au roi et que le Parlement ne devait point toucher à sa requête jusqu’au retour de Leurs Majestés. Enfin tout le Parlement étant assemblé dans la Grand’Chambre pour la mercuriale, {a} M. le premier président fit sa harangue à l’ordinaire, dans laquelle néanmoins on remarqua qu’il s’étendit sur ce que la Compagnie avait été dans beaucoup de rencontres le refuge et l’asile des opprimés, et qu’elle devait aussi bien la justice aux grands qu’aux petits ; en quoi il parut assez porté à favoriser le dessein de Mme la Princesse. Après cela, la requête fut lue, par laquelle Mme la Princesse représentait les violences et mauvais traitements qui avaient été faits tant à elle qu’à Mme la Princesse sa fille qu’à Messieurs ses enfants par le cardinal Mazarin, abusant du nom et de l’autorité du roi ; et demandait qu’il plût au Parlement de la recevoir en sa protection et de lui nommer un lieu où elle pût être en sûreté dans Paris afin de pouvoir demander justice pour Messieurs ses enfants. Sur cela il fut arrêté qu’il serait sursis à faire droit sur la requête jusqu’au retour du roi et que les mêmes députés qui avaient déjà été chez M. le duc d’Orléans y retourneraient pour lui donner part de cette résolution, et le prier de vouloir donner un lieu de sûreté à Mme la Princesse en attendant le retour de Sa Majesté. Ces deux députés étant retournés au palais d’Orléans, et M. Payen des Landes ayant fait voir la requête à Son Altesse Royale, elle lui dit qu’elle s’étonnait fort de ce qu’il s’en était chargé après le refus de tant d’autres puisqu’il savait bien que Mme la Princesse s’était rendue criminelle, n’ayant pas voulu obéir aux ordres du roi ; et quant à la sûreté qu’ils prétendaient lui faire donner, il ne pouvait pas < y > consentir, attendu que cela choquait directement l’autorité du roi, mais qu’il assemblerait le Conseil pour délibérer sur ce qui était à faire, et qu’elle leur rendrait réponse à cinq heures du soir. Étant retournés au Parlement, ils y rendirent compte de ce que Son Altesse Royale leur avait dit, sur quoi l’on opina ; et presque toutes les voix allant à donner sûreté à Mme la Princesse jusqu’à ce qu’on pourrait délibérer sur la réponse du Conseil, l’on proposa divers lieux pour la mettre en sûreté et les premiers avis étaient de la mettre dans les Carmélites ; et sur cela M. Coulon {b} dit qu’il < la > fallait mettre en un endroit d’où elle ne pût pas se sauver en cas qu’elle ne réussît pas dans cette affaire, étant à craindre qu’elle n’apportât du trouble à l’État si elle pouvait gagner le chemin de Stenay. D’autres ayant été d’avis de lui envoyer demander en quel endroit elle désirait se mettre, cette opinion fut suivie ; à quoi elle fit réponse qu’elle serait bien aise s’il plaisait à la Cour que ce fût chez le président de Nesmond ou le président Viole ; sur quoi quelques-uns dirent à M. le premier président qu’elle serait mieux chez lui, mais il fut jugé à propos de ne la point mettre chez aucun président ; ce qui lui ayant été rapporté, elle fit instance pour être mise en quelque lieu en l’enclos du Palais, ce qui lui fut accordé à son choix, et elle fut logée dans la maison du sieur de La Grange, maître des comptes.

L’après-dînée, le Conseil s’étant tenu au palais d’Orléans, les mêmes députés y étant retournés le soir pour savoir la résolution de Son Altesse Royale, elle leur dit qu’elle ne pouvait consentir du tout qu’on donnât aucune protection à Mme la Princesse, mais qu’il fallait qu’elle se mît en résolution d’obéir aux ordres du roi, et qu’elle se retirât à Chilly {c}ou en quelque autre maison sur le chemin de Berry en attendant le retour de Leurs Majestés, pour marque qu’elle s’était mise en devoir d’obéir aux ordres du roi. Cependant elle fut fort visitée le soir de ce jour-là jusqu’à une heure après minuit. Ces visites furent encore hier continuées toute la journée. »


  1. V. note [6], lettre 252.

  2. V. note [39], lettre 294.

  3. Aujourd’hui Chilly-Mazarin (v. note [4], lettre 345).

33.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, pages 252‑254, avril 1650) :

« Vendredi matin 29, M. le premier président a été voir M. le duc d’Orléans, lequel, aussi accompagné des ducs de Beaufort, d’Elbeuf, du coadjuteur de Paris et du gouverneur, < le > maréchal de L’Hospital, est venu au Palais en l’assemblée du Parlement qui s’y est tenue, où Mme la Princesse était aussi ; et nonobstant l’arrêté fait par les trois chambres que ladite dame aurait liberté et sûreté pour demeurer à Paris, dans l’enclos du Palais, jusqu’à huitaine (autres disent jusqu’au retour du roi), que l’on répondrait et ferait droit sur sa requête, il a été résolu et dit qu’elle sortira de Paris et s’en ira ou à Chilly, {a} suivant les offres de Son Altesse Royale faites d’avant-hier, ou autre lieu à deux, trois ou quatre lieues de Paris, vers le chemin d’Orléans et Berry, où elle aurait sûreté, jusqu’à trois jours après le retour du roi à Paris.

L’assemblée s’est levée avant onze heures et M. le duc d’Orléans est entré dans la quatrième Chambre des enquêtes où était ladite dame princesse, où l’on croit qu’il a parlé à elle et est demeuré d’accord du lieu où elle doit ce jourd’hui s’en aller.

En sortant avec sanglots et larmes, elle a regardé un jeune conseiller, M. de Précy, qui achetait des gants en une boutique de la galerie des marchands et s’arrêtant à lui, a dit : “ Est-il possible, Monsieur, que l’on ne me fasse point justice ? Cela vous regarde, Monsieur, et il vous en pend autant qu’à moi. ” {b} L’autre n’a répondu que par une grande soumission. Auparavant l’assemblée, elle est allée au parquet de Messieurs les Gens du roi, où était M. d’Orléans, et là s’est prosternée à Son Altesse Royale, lui embrassant les genoux. Il l’a promptement reçue et relevée, lui disant être fort touché et attendri de l’état où il la voit ; mais qu’elle et lui étant, comme ils sont, sujets du roi, il faut obéir à ses ordres et qu’il n’y a point à délibérer ni à différer là-dessus. Le duc de Beaufort a dit à Mme la Princesse qu’il la voudrait servir, mais qu’il fallait obéir au roi. Elle lui a répondu : “ Plût à Dieu, Monsieur, qu’en lui obéissant je pusse trouver mon compte et ma sûreté, tout autant que vous y avez trouvé les vôtres en ne pas obéissant. ” […]

Après dîner, Mme la Princesse est partie chez le sieur de La Grange-Neuville, de l’enclos du Palais, ayant beaucoup de noblesse à lui dire adieu et l’accompagner à son carrosse. M. de Saint-Simon l’aîné, qui l’a toujours accompagnée, y était et lui a offert son carrosse […] à six chevaux ; elle ne l’a point voulu et l’a laissé pour monter en un à deux chevaux. On dit qu’elle est allée au Bourg-la-Reine, {c} au logis du sieur Simonet, demeurant en la rue Saint-Denis. »


  1. Chilly-Mazarin (v. note [4], lettre 345).

  2. Vous êtes aussi menacé que moi.

  3. À 18 kilomètres au sud de Paris, dans le département des Hauts-de-Seine.

Le coadjuteur a aussi narré l’échec humiliant de la princesse devant les chambres assemblées (Retz, Mémoires, pages 614-615). La loyauté des magistrats à l’égard de la Couronne marquait la rupture de la vieille Fronde, celle du Parlement de Paris, avec la nouvelle Fronde, celle des princes et des provinces.

34.

Guy Patin a corrigé « d’une grande faute [un grand défaut] » en « d’un grand besoin ».

35.

Un traité fut alors bel et bien conclu entre le roi d’Espagne, représenté par don Gabriel de Toledo, la duchesse de Longueville et le maréchal de Turenne (Dubuisson-Aubenay, Journal des guerres civiles, tome i, pages 254‑255, note de bas de page) :

« Le roi donne à ce maréchal 250 000 écus pour faire des levées, et tous les mois 80 000 livres pour l’entretien d’icelles ; il lui baille de plus cinq mille hommes, trois d’infanterie et deux de cavalerie. […]

Toutes les troupes d’Espagne sont commandées par don de Gamara. {a} Le traité a été accordé et signé le premier jour de mai. »


  1. Don Estevan de Gamara.

36.

« et qu’il paie le châtiment de son imprévoyance. »

Leonard Hutten : {a}

Habemus hic consistentes reos, quid volumus amplius ?
Qui luit suæ imprudentiæ pœnas, satis luit
Ad prudentiam ; quicquid ultra est, ad vindictam pertinet
.

[Maintenant que nous avons arrêté les accusés, que vouloir de plus ? Qui expie son imprévoyance s’acquitte suffisamment envers la prudence ; tout ce qu’on y ajoute ressortit à la vindicte].


  1. Pasteur et antiquaire anglais (vers 1557-1632) : Bellum grammaticale sive Nominum Verborumque Discordia Civilis [Le Combat grammatical, ou la Discorde civile des noms et des mots], 1581, acte v, scène 5 (page 46, édition de Londres, sans nom, 1729, in‑fo).

  2. Doutant profondément que Guy Patin ait pu avoir connaissance de ces vers obscurs de Hutten, je suis enclin à croire que tous deux ont emprunté leur idée à la traduction latine du livre 7 de l’Histoire de Léon le Diacre, historien grec byzantin du xe natif de Caloé, page 13 de l’édition bilingue de 1828 (mais sans avoir trouvé de parution antérieure que Patin et Hutten auraient pu consulter) :

    Verum ii quidem, præceptis meis postpositis, imprudentiæ suæ pœnas pependerunt.

    [Ceux qui ont pourtant négligé mes ordres paieront bien sûr le châtiment de leur imprévoyance].


37.

V. note [6], lettre 204, pour Vittorio Siri, son Mercurio et l’annonce prématurée de sa mort.

38.

« expert en l’art d’accoucher ».

Du remariage, en mars 1649, de la princesse Marie (Marie-Louise de Gonzague-Mantoue, v. note [2], lettre 128) avec le roi de Pologne, Jean ii Casimir, naquirent deux enfants qui moururent en bas âge : Anne en 1650 et Jean en 1652.

39.

Jacques La Cuisse figure dans l’Index funereus chirurgicorum Parisiensium (pages 46‑47) :

In omnibus quæ ad puerperia spectant expertissimus. Difficilorum partuum peragendis operationibus in urbe tota prælaiis fulsit. Obiit 9. Feb. anni 1660.

[Il fut le plus habile de tous ceux qui s’occupent de femmes en couches. Mieux que tous les autres et par toute la ville, il est heureusement venu à bout des accouchements les plus difficiles. Il mourut le 9 février 1660].

La notice de son gendre, François Boucher (ou Bouchet), natif de Paris, est à la page 66 :

Mulierum in laboriosis puerperiis intrepidus adjutor, in urbe fama insignis, et ad Mariam Theresam Austriacam Franciæ Reginam in partubus, si res ista postularet, sublevandam a Lud. Magno semper accitus. Obiit 27. Octob. anni 1687.

[Secours intrépide des femmes en travail, il eut une remarquable réputation par la ville. Louis le Grand l’a toujours appelé, chaque fois qu’il le fallait, pour aider Marie-Thérèse d’Autriche en ses accouchements. Il mourut le 27 octobre 1687. »

40.

Factum pour Messieurs les princes (sans lieu ni date, in‑4o de 48 pages) ; v. note [24], lettre 227, pour son impression à Chantilly et son colportage dans Paris.

41.

Journal de la Fronde (volume i, fo 220 vo, Paris le 20 mai 1650) :

« M. d’Émery vit encore. Son hydropisie ayant sorti par les jambes, prolongera sa vie pour quelques jours. {a} La surintendance avait été promise au président de Maisons qui devait faire trouver 700 mille livres d’extraordinaire dans les coffres du roi, mais les frondeurs en témoignent du mécontentement à cause qu’ils portaient fort le marquis de La Vieuville. L’on croit qu’on ne donnera point d’autre assesseur à M. d’Avaux que M. d’Aligre, qui est dans l’approbation de tout le monde. »


  1. L’apparition d’un œdème des membres inférieurs était tenue pour un signe de rémission dans l’évolution d’une hydropisie.

Le premier médecin du roi était François Vautier.

42.

Guitaut avait pris Saumur le 18 avril (v. note [31], lettre 224).

Journal de la Fronde (volume i, fo 210 vo, 1er mai 1650) :

« on eut nouvelle que le maréchal de La Meilleraye était arrivé en Poitou pour s’acquitter de la commission que le roi lui a envoyée de pousser au bout le duc de La Rochefoucauld ; lequel n’ayant plus de suite de la noblesse de ce pays-là, ce maréchal y ayant trouvé tout le monde disposé à lui obéir, a mandé à la cour qu’on pouvait retirer toutes les troupes qui étaient de ce côté-là afin que le peuple en étant soulagé, obéît de meilleur courage. »

43.

La Bassée (Nord), à peu près à mi-chemin entre Lille et Arras, était une place forte qui verrouillait le passage entre la Flandre et l’Artois.

44.

Henri-Charles, duc de La Trémoille (Thouars 1620-1672), prince de Tarente, fils aîné du duc Henri de La Trémoille et de Marie de La Tour d’Auvergne (v. note [4], lettre 825), était neveu de Turenne et cousin de Condé. Il avait fait ses premières armes en Hollande sous le prince d’Orange, Frédéric Henri de Nassau (v. note [8], lettre 66), son oncle. Adhérant au parti des princes, il joua un rôle brillant dans les guerres de la Fronde : ayant levé pour Condé trente compagnies d’infanterie et huit de cavalerie, il participa aux combats près de Saintes et de Taillebourg avant de le rejoindre à Paris.

À la fin de 1652, il retourna dans les Provinces-Unies reprendre du service dans leurs armées. De retour en France en 1669, il présida la noblesse aux états de Bretagne et abjura le protestantisme l’année suivante. Ses Mémoires ont été publiés en 1767 (G.D.U. xixe s. et Jestaz).

45.

Alors vigoureux nonagénaire, Jacques Nompar de Caumont (30 décembre 1558-Bergerac 10 mai 1652), rescapé du massacre de la Saint-Barthélemy (1572, v. note [30], lettre 211), avait été fait maréchal de France en 1622, puis duc de La Force en 1637. Frondeur condéen et protestant comme lui, son fils aîné, Armand Nompar de Caumont, marquis de La Force (1594-1675), allait devenir duc et maréchal à la mort de son père en 1652 ; Armand maria en 1651 sa fille Charlotte à Turenne. Les Mémoires authentiques de Jacques-Nompar de Caumont, duc de La Force, maréchal de France, et de ses deux fils, les marquis de Montpouillan et de Castelnau ont été publiés en 1843.

46.

Claude de Rouvroy, duc de Saint-Simon (1607-1693), grand louvetier, pair de France et premier gentilhomme de la Chambre du roi, avait été l’un des favoris de Louis xiii (de 1626 à 1636). Alors gouverneur de Blaye, il fut courtisé par le parti frondeur, mais resta fidèle au parti du roi. Le duc de Saint-Simon eut pour fils aîné Louis, le célèbre mémorialiste.

Journal de la Fronde (volume i, fo 218 vo, mai 1650) :

« Le même jour, 13, arriva ici un gentilhomme envoyé par le duc de Saint-Simon et portant nouvelle que le marquis de Lusignan, qui est dans Bordeaux, avait négocié un secours de l’Espagnol pour lui aider à recommencer la guerre en Guyenne sous prétexte de faire sortir le duc d’Épernon ; et que par ce même moyen, le roi d’Espagne avait renvoyé à Bordeaux le baron de Vateville (qui est celui-là même qui y fut pendant la guerre), {a} lequel étant entré dans l’embouchure de la Garonne avec un gros vaisseau de guerre et quatre petites frégates, envoya prier le duc de Saint-Simon de lui donner audience et sûreté, ayant à lui faire des propositions avantageuses de la part du roi d’Espagne touchant la délivrance de Messieurs les princes ; ce que ce duc lui ayant accordé, il s’approcha et lui offrit 500 mille livres d’argent comptant à condition de mettre entre les mains des Espagnols la place de Blaye, laquelle il promettait de rendre à ce duc aussitôt après que les princes seraient en liberté, lui ajoutant qu’il avait encore 300 mille livres à donner aux Bordelais afin de leur aider à remettre une armée sur pied ; à quoi ce duc répondit qu’il ne pouvait donner sa place et qu’il s’étonnait fort qu’on le crût capable de recevoir cette proposition ; néanmoins, on le blâme ici de n’avoir pas arrêté ce vaisseau aussi bien que le baron de Vateville, quoiqu’il y eût donné parole de sûreté. Il mande qu’il était sur le point de s’embarquer pour aller observer dix ou douze vaisseaux qui courent les côtes de la Guyenne et menacent d’attaquer Blaye (à cause de quoi il fait instance à Leurs Majestés pour obtenir permission de la faire fortifier à ses dépens), et qu’il a envoyé avertir le comte du Dognon afin qu’il se préparât pour les aller combattre ; mais celui-ci est allé prendre les eaux en Périgord. M. d’Épernon s’étant emparé des villes de Bergerac et de Sainte-Foy, qu’il fait fort, {b} MM. de La Force ont abandonné leurs maisons, croyant de n’y être pas en sûreté. »


  1. V. note [2], lettre 702.

  2. Fortifier.

47.

« que vous le vouliez ou non, car en effet les liens sacrés de l’amitié parfaite ne subsistent pas autrement ».


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 3 mai 1650

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(Consulté le 25/04/2024)

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